Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
13 janvier 2006, présentée pour M. Milan X, demeurant ..., par Me Gros ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0302904 en date du 22 novembre 2005 par lequel Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Lens à lui verser la somme de 89 591,79 euros assortie des intérêts à compter de sa réclamation préalable ;
2°) de condamner la commune de Lens à lui verser la somme de 89 591,79 euros augmentée des intérêts à compter de sa réclamation préalable ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Lens la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que c'est à tort que le Tribunal a déclaré que la prescription quadriennale avait éteint l'exigibilité de la créance qu'il détient à l'égard de la commune de Lens, pour laquelle il a réalisé des prestations de maîtrise d'oeuvre dans le cadre de la réhabilitation de son stade dès lors que la demande de paiement du 26 septembre 1997 ainsi que le déféré préfectoral du
27 novembre 1997 dirigé contre la délibération du conseil municipal autorisant la signature d'un avenant au contrat de maîtrise d'oeuvre ont interrompu le cours de la prescription ; que la somme en litige, qui correspond à des prestations réalisées, est due sur le fondement de la collaboration occasionnelle au service public ainsi que sur le fondement de la responsabilité du fait des promesses non tenues ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2006, présenté pour la commune de Lens, représentée par son maire en exercice, par la SCP Savoye et associés ; la commune de Lens conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. X la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que si la demande de paiement du 26 septembre 1997 a interrompu la prescription, le cours de celle-ci a redémarré le 1er janvier 1998 pour s'achever le
31 décembre 2001 et que la demande à nouveau présentée le 22 novembre 2002 est donc intervenue à un moment où la créance était atteinte par la prescription ; que le déféré préfectoral n'est pas relatif à l'existence, au montant ou au paiement de la créance litigieuse non plus qu'à son fait générateur dès lors que les fondements de la demande du requérant, à savoir la collaboration occasionnelle au service public et la responsabilité du fait des promesses non tenues, sont étrangers au litige tranché par le tribunal administratif saisi par le préfet ; qu'à titre subsidiaire, la collaboration occasionnelle supposant une intervention spontanée ou requise en situation d'urgence, ce fondement ne peut fonder la responsabilité de l'administration ; qu'en l'absence de tout comportement ayant laissé croire à des promesses et eu égard à la complexité des règles applicables aux marchés publics et à la passation de leurs avenants, la faute résultant d'une promesse non tenue n'est pas caractérisée ; que le comportement du requérant, professionnel de la construction et au fait des marchés publics, est de nature à l'exonérer de toute responsabilité ; qu'en cessant toute prestation à la date de l'annulation du marché, M. X lui a causé un préjudice important ; qu'à titre plus subsidiaire encore, les sommes réclamées ne sont pas justifiées dès lors qu'il n'est pas établi que les missions prévues par le contrat de maîtrise d'oeuvre n'ont pas été exécutées ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 avril 2006, présenté pour M. X ; il conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre, que le Tribunal aurait dû décaler le point de départ de la prescription au 1er janvier 1999 dès lors que, par l'inaction de la commune, qui ne l'a pas informé de l'existence du déféré préfectoral et du risque d'annulation pesant sur le contrat, a suspendu le cours du délai de la prescription quadriennale ; que le déféré préfectoral concerne bien le fait générateur de la créance détenue sur la personne publique ; que la commune s'est enrichie des prestations réalisées ; qu'il ne peut lui être reproché d'avoir méconnu le risque d'annulation contentieuse ; que le montant réclamé sur le fondement de l'enrichissement sans cause ne peut être évalué que sur la base des prestations convenues initialement par contrat ;
Vu la lettre du 5 décembre 2006 par laquelle le président de la 2ème chambre a informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 décembre 2006, présenté pour M. X ; il conclut aux mêmes que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre, que l'enrichissement sans cause est souvent assimilé à la collaboration occasionnelle au service public et que cette dernière théorie ayant été évoquée dès l'origine, l'ensemble des conclusions sont recevables ;
Vu le mémoire, parvenu par télécopie le 14 février 2007, régularisé par la production de l'original le 16 février 2007, présenté pour M. X ; M. X conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre, qu'au mois d'avril 1998, antérieurement au jugement du tribunal administratif du 7 avril 1998, le chantier était terminé, de sorte que la commune ne peut lui imputer aucun retard dans l'exécution des travaux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 février 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,
président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :
- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;
- les observations de Me Deharbe, pour M. X, et de Me Delgorgue, pour la commune de Lens ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Sur la prescription quadriennale :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : « Sont prescrites, au profit (…) des communes (…) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (…) » ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : « La prescription est interrompue par : (…) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours (…) si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. » ;
Considérant que, par un marché de maîtrise d'oeuvre signé le 7 avril 1995 modifié par un avenant dont la signature a été autorisée par délibération du conseil municipal du 28 mars 1997, la commune de Lens a confié à M. X, architecte, la maîtrise d'oeuvre des travaux de réhabilitation du stade Bollaert ; que la somme de 89 591,79 euros réclamée à la commune de Lens par M. X correspond, ainsi qu'il l'indique lui-même, à la rémunération de prestations de maîtrise d'oeuvre réalisées par lui et restant dues par la commune ; qu'ainsi le fait générateur de la créance d'honoraires en litige réside, au sens des dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, dans l'exécution de prestations ayant permis de rendre la créance déterminable et non pas dans l'avenant au marché de maîtrise d'oeuvre signé en 1997 ;
Considérant que M. X a émis le 26 septembre 1997 une facture d'honoraires correspondant au montant des prestations demeurées impayées par la commune de Lens ; que le délai de la prescription quadriennale courant à compter du 1er janvier 1998 n'a pas été interrompu par l'introduction devant le tribunal administratif, le 27 novembre 1997, d'un déféré préfectoral dirigé contre la délibération du conseil municipal du 28 mars 1997 autorisant la signature de l'avenant au contrat de maîtrise d'oeuvre et contre cet avenant lui-même dès lors que ce recours juridictionnel, ainsi qu'il est dit ci-dessus, n'est pas relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; qu'ainsi, la créance en litige dont le paiement a été à nouveau demandé à la commune par lettre du 6 décembre 2002 était à cette date atteinte par la prescription quadriennale ; que, par suite, c'est à bon droit que le maire de la commune de Lens a opposé cette prescription par décision du 4 juillet 2003 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lens, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier la somme de 1 000 euros que la commune intimée demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête M. Milan X est rejetée.
Article 2 : M. Milan X versera la somme de 1 000 euros à la commune de Lens au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Milan X et à la commune de Lens.
N° 06DA00042 2