Vu la requête, enregistrée le 9 février 2006 par télécopie et régularisée par l'envoi de l'original les 13 février et 21 mars 2006, présentée pour M. Hector X demeurant ..., par Me Valéry Gollain, avocat associé de la SELARL Vivaldi avocats ; M. X demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0401878, en date du 8 décembre 2005, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de deux décisions du préfet de l'Aisne, en date du 7 mai 2004, relatives au transfert à son bénéfice de quantités de référence laitières attribuées aux GAEC X, à l'annulation de la décision, en date du 9 juin 2004, lui notifiant les deux décisions précédentes, enfin à l'annulation du décret n° 96-47 du 22 janvier 1996 ;
2°) d'annuler les décisions attaquées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le jugement est irrégulier et doit être annulé dans la mesure où il n'a pas procédé à l'analyse de la note en délibéré qui lui a été communiquée ; qu'il doit être également annulé en ce qu'il s'est mépris sur la portée des conclusions dont il était saisi ; qu'il ne lui avait pas été demandé l'annulation du décret du 22 janvier 1996 mais seulement de le déclarer illégal par la voie de l'exception ; que cette demande ne pouvait, par suite, être rejetée comme tardive ; que les dispositions relatives aux transferts de quantités de référence laitières contenues dans le décret précité sont contraires aux dispositions de l'article L. 621-84 du code de commerce ; que, par suite, les décisions du 7 mai 2004 prises en application de ces dispositions illégales sont elles-mêmes illégales ; que les décisions attaquées font obstacle aux dispositions de l'arrêt de la Cour d'appel d'Amiens homologuant le plan de cession du GAEC X et méconnaissent l'autorité de la chose jugée erga omnes de cette décision de justice ; que le décret du 22 janvier 1996 ne peut recevoir application en matière de procédure collective ; qu'une cession intervenant dans le cadre d'une telle procédure n'est pas assimilable à une vente telle que visée par l'article 1er de ce décret ; que les décisions préfectorales ont été prises par des autorités incompétentes, faute de délégation régulièrement consentie ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2006 par télécopie et régularisé par la réception de l'original le 21 novembre 2006, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche qui conclut au rejet de la requête et soutient que l'absence de visa de la note en délibéré n'entache pas le jugement d'irrégularité ; que le signataire de la décision disposait d'une délégation régulière ; que c'est à bon droit que le tribunal administratif a retenu, en l'espèce, que les dispositions du code rural codifiant les dispositions du décret du 22 janvier 1996 justifiaient les décisions préfectorales attaquées et ce malgré l'application des dispositions relatives à la liquidation judiciaire du GAEC ; qu'en effet, le transfert des quantités de référence laitières est soumis à des dispositions spécifiques communautaires et nationales qui conduisent à assimiler les transferts de terres à une vente ; que l'arrêt de la Cour d'appel d'Amiens du 26 juin 2003 ne porte pas sur les quantités de référence laitières qu'exploitait le GAEC, mis en liquidation judiciaire, mais, exclusivement, sur la reprise des baux ruraux de certains de ses membres ; que l'autorité qui s'attache à la chose ainsi jugée n'a pas été méconnue ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CEE) n° 3950/92 du Conseil du 28 décembre 1992 établissant un prélèvement dans le secteur du lait et des produits laitiers, et notamment son article 7 ;
Vu le règlement (CE) n° 1788/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 établissant un prélèvement dans le secteur du lait et des produits laitiers, et notamment ses articles 14, 17, 19, 25 et 27 ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Alain Stéphan, premier conseiller :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;
- les observations de Me Chabeaud, avocat, pour M. X ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que, conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de la note en délibéré qui lui est transmise au cours de son délibéré avant de rendre sa décision, et de la viser sans l'analyser ; qu'il lui appartient cependant de l'analyser lorsqu'il en tient compte ; qu'il ressort de la minute des visas du jugement figurant au dossier de première instance que la note en délibéré produite par M. Hector X a été visée par la juridiction et qu'elle en a pris, par suite, connaissance ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en s'abstenant de l'analyser, le Tribunal ait entaché son jugement d'irrégularité ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir que le jugement du Tribunal administratif d'Amiens serait, pour ce motif, irrégulier ;
Considérant, en second lieu, que M. X s'était borné à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité du décret n° 96-47 du 22 janvier 1996 ; qu'en rejetant comme tardives les prétendues conclusions de l'intéressé regardées comme tendant à l'annulation de ce décret, le Tribunal administratif d'Amiens s'est mépris sur la portée des conclusions dont il était saisi ; que
M. X est, par suite, fondé à soutenir que le jugement du Tribunal administratif d'Amiens est, sur ce point, entaché d'irrégularité et à en demander, dans cette mesure, l'annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la lettre du 9 juin 2004 :
Considérant que, par lettre du 9 juin 2004, le préfet de l'Aisne s'est borné à notifier à
M. X ses deux décisions du 7 mai 2004 ; qu'ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif d'Amiens dont le jugement sur ce point n'est d'ailleurs pas utilement critiqué, les conclusions d'excès de pouvoir présentées à l'encontre de ce courrier n'étaient pas recevables ; que, par suite,
M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par ledit jugement, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté lesdites conclusions ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions du 7 mai 2004 :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant que, par adoption du motif retenu par le premier juge et qui n'est pas sérieusement critiqué, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du décret n° 96-47 du 22 janvier 1996 :
Considérant, en premier lieu, que l'article L. 621-83 du code de commerce énonce en ses deuxième et troisième alinéas que : « La cession a pour but d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d'apurer le passif. / Elle peut être totale ou partielle. (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 621-84 du même code, dans sa rédaction alors applicable : « La cession ne peut être ordonnée que si elle porte sur un ou plusieurs ensembles au sens de l'article L. 621-83. / Le tribunal statue sur la composition de ces ensembles. / Lorsqu'un ensemble est essentiellement constitué du droit à un bail rural, le tribunal peut, sous réserve des droits à indemnité du preneur sortant mais nonobstant les autres dispositions du statut du fermage, soit autoriser le bailleur, son conjoint ou l'un de ses descendants à reprendre le fonds pour l'exploiter, soit attribuer le bail rural à un autre preneur proposé par le bailleur ou, à défaut, à tout repreneur dont l'offre a été recueillie dans les conditions fixées aux articles L. 621-85, L. 621-86 et L. 621-87. Toutefois, lorsque plusieurs offres ont été recueillies, le tribunal tient compte des dispositions contenues aux 1°, 2°, 3° et 4° de l'article L. 331-7 du code rural. Dans tous les cas, les dispositions relatives au contrôle des structures agricoles ne sont pas applicables » ; que si les dispositions relatives au contrôle des structures agricoles sont ainsi expressément exclues, ni l'article susmentionné ni aucune autre disposition applicable aux opérations de cession d'entreprise en redressement judiciaire n'excluent tout ou partie des dispositions relatives au transfert des quantités de référence laitières, lesquelles, issues du décret n° 96-47 du 22 janvier 1996, étaient, à la date des décisions attaquées, codifiées aux articles R. 654-101 et suivants du code rural ; que ces dernières dispositions ne sont pas, par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, assimilables à celles concernant les opérations de contrôle des structures agricoles ;
Considérant qu'il est encore soutenu que la procédure de transfert des quantités de référence laitières serait illégale en ce qu'elle aurait pour effet de bouleverser l'équilibre économique de l'opération de cession de l'entreprise en difficulté et serait ainsi inconciliable avec l'objectif visé par les articles L. 621-83 et suivants du code de commerce ; que, cependant, d'une part, les articles
R. 654-101 et suivants du code rural ont précisément pour objet d'organiser le transfert des quantités de référence laitières disponibles sur une exploitation à la suite de la cession ou de l'apport de cette exploitation transférée ; qu'elles permettent ainsi la réalisation de l'objectif poursuivi par l'article
L. 621-83 du code de commerce selon lequel la cession a pour but notamment d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation ; qu'il ne ressort pas, d'autre part, des dispositions précitées du code rural qui prévoient d'accompagner ces transferts de référence laitières de prélèvements au bénéfice de la réserve nationale dans des limites qu'elles fixent réglementairement, que ces prélèvements auraient, par eux-mêmes, alors qu'ils sont prévisibles et déterminables, pour effet de bouleverser l'économie d'une cession d'entreprise en redressement judiciaire dont l'offre doit tenir compte des prélèvements ainsi envisageables ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des dispositions des articles R. 654-101 et suivants du code rural issues du décret
n° 96-47 du 22 janvier 1996 ;
En ce qui concerne le champ d'application des dispositions du code rural relatives au transfert des quantités de référence laitières :
Considérant que, selon les articles R. 654-101 et R. 654-102 du code rural, en cas de vente, location, donation, transmission par héritage ou apport de tout ou partie d'une exploitation agricole conduisant à la reprise d'une exploitation laitière, les quantités de référence de production laitière correspondantes sont transférées mais soumises à des prélèvements au bénéfice de la réserve nationale en application des articles R. 654-102 à R. 654-104 du même code ; que ces dispositions ont été prises pour la mise en oeuvre, jusqu'au 1er avril 2004, des dispositions du règlement (CEE)
n° 3950/92 du 28 décembre 1992 et, depuis le 1er avril 2004, pour celles du règlement (CE)
n° 1788/2003 du 29 septembre 2003 susvisé ; que l'article 17 de ce dernier règlement énonce à nouveau que « 1. La quantité de référence individuelle est transférée avec l'exploitation aux producteurs qui la reprennent en cas de vente, location, transmission par héritage, anticipation d'héritage ou tout autre transfert qui comporte des effets juridiques comparables pour les producteurs, selon des modalités à déterminer par les Etats membres en tenant compte des surfaces utilisées pour la production laitière ou d'autres critères objectifs et, le cas échéant, d'un accord entre les parties. La partie de la quantité de référence qui, le cas échéant, n'est pas transférée avec l'exploitation est ajoutée à la réserve nationale » ;
Considérant qu'en dépit de ses particularités, l'opération aboutissant à la cession d'une exploitation laitière dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire prévue par les articles L. 621-83 et suivants du code de commerce, a des effets juridiques comparables pour les producteurs à ceux d'une simple vente ; que, par suite, la quantité de référence laitière disponible sur l'exploitation ainsi cédée est susceptible d'être transférée avec l'exploitation, sous réserve d'un prélèvement au profit de la réserve nationale ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la cession réalisée dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire n'entrerait pas dans le champ d'application des dispositions susmentionnées du code rural doit être écarté ;
En ce qui concerne la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée :
Considérant que, par un arrêt du 26 juin 2003 devenu définitif, la Cour d'appel d'Amiens a homologué, sous la seule réserve d'une cession de certains baux ruraux, le plan de cession du GAEC X pour un prix inchangé de 152 540 euros correspondant à l'offre du seul acquéreur déclaré, M. X, dans les conditions décrites par le rapport de l'administrateur judiciaire ; que la circonstance que ni ce rapport, ni le prix de cession n'ont tenu compte des effets d'un prélèvement au profit de la réserve nationale lié à l'opération, pourtant prévisible, de transfert de quantités de référence laitières attachées aux terres exploitées par le GAEC, ne faisait pas, par elle-même, obstacle à l'application par l'autorité administrative des dispositions, alors en vigueur, des articles
R. 654-101 et suivants du code rural relatives au transfert des quantités de référence laitières ; que, dès lors, en procédant ainsi, le préfet de l'Aisne n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt précité de la Cour d'appel d'Amiens, lequel, en tout état de cause, ne s'est pas prononcé sur la question des transferts de quantités de référence laitières ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 7 mai 2004 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme dont M. X demande le paiement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0401878, en date du 8 décembre 2005, du Tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X tendant à l'annulation du décret n° 96-47 du 22 janvier 1996.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hector X et au ministre de l'agriculture et de la pêche.
Copie sera transmise pour information au préfet de l'Aisne.
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N°06DA00198