Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
1er septembre 2006 par télécopie et régularisée par l'envoi de l'original le 8 septembre 2006, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au président de la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0602014, en date du 31 juillet 2006, par lequel le président par intérim du Tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M. Ahmed X, annulé son arrêté en date du 26 juillet 2006 par lequel il a décidé la reconduite à la frontière de l'intéressé et a fixé le pays de destination ;
2°) de rejeter la demande de M. X ;
Il soutient que la mesure d'éloignement a été prise uniquement au regard du séjour irrégulier de l'intéressé sur le territoire national et non pas dans le but de contrecarrer son projet de mariage avec une ressortissante française ; que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal administratif de Rouen, l'arrêté de reconduite à la frontière n'est donc pas entaché de détournement de pouvoir ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 14 septembre 2006 fixant la clôture de l'instruction au
7 octobre 2006 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2006 (télécopie) et le 9 octobre 2006 (original), présenté pour M. Ahmed X, demeurant chez Mme Y, ..., par Me Rouly ; M. X demande au président de la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 900 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que l'arrêté attaqué est entaché de détournement de pouvoir, dès lors que l'administration a agi avec précipitation et que la mesure d'éloignement n'avait pour but que de faire obstacle au mariage qu'il projetait de conclure avec une ressortissante française ;
Vu l'ordonnance en date du 9 octobre 2006 prononçant la réouverture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la délégation du président de la Cour en date du 26septembre 2006 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2006 :
- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat délégué ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…)3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;
Considérant que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du préfet de la Meurthe-et-Moselle en date du
5 mai 2003, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; qu'ainsi, il se trouvait, à la date de l'arrêté attaqué, dans la situation prévue par les dispositions précitées qui autorisait, en l'espèce, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME à décider sa reconduite à la frontière ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X et Mme Y ayant déposé, en vue de la célébration de leur mariage civil le 19 août 2006, un dossier à la mairie de
Rouen, le procureur de la République, saisi par l'officier d'Etat civil de la commune, a, par une mesure du 17 juillet 2006, ordonné une enquête relative à la régularité de ce mariage ; que, dans le cadre de l'enquête ainsi diligentée, M. X a été entendu le 26 juillet 2006 par les services de la police de l'air et des frontières de Rouen, puis placé le jour même en garde à vue pour infraction à la législation sur le séjour des étrangers en France ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, informé de l'ensemble de ces circonstances, a, dès le 26 juillet 2006, ordonné la reconduite à la frontière de M. X et pris une décision de rétention administrative ; que, si le PREFET soutient que la mesure d'éloignement tend uniquement à sanctionner le séjour irrégulier de l'intéressé, il ressort des autres pièces du dossier, eu égard aux circonstances de l'espèce, et notamment à la précipitation avec laquelle l'administration, sans attendre la conclusion de l'enquête diligentée par le procureur de la République, a agi dès qu'elle a eu connaissance du projet de mariage, que l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière doit être regardé comme ayant eu, en réalité, pour motif déterminant de prévenir le mariage de M. X, ressortissant algérien, avec Mme Y, ressortissante française, qui a, par ailleurs, été célébré le 28 août 2006 ; qu'il est, dès lors, entaché de détournement de procédure ; que, par suite, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président par intérim du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté, en date du 26 juillet 2006, ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 900 euros que M. X réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. X la somme de 900 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à
M. Ahmed X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
N°06DA01214 2