Vu la requête, enregistrée le 9 juin 2006 par télécopie et régularisée par l'envoi de l'original le 13 juin 2006, présentée pour M. Mohamad Irjan X, demeurant ..., par Me Berthe ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0602509 du 28 avril 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 avril 2006 du préfet du Nord décidant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant l'Ile Maurice comme pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative ;
2°) d'annuler l'arrêté de reconduite à la frontière du 25 avril 2006 pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le jugement du 25 janvier 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière du 21 janvier 2005 ne lui a pas été notifié et n'a pas, dès lors, acquis l'autorité de la chose jugée ; qu'étant assigné à résidence, il ne pouvait être considéré comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire français et qu'il appartenait à l'administration d'assurer l'exécution de la mesure d'éloignement le concernant ; que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur sa situation personnelle ; qu'en effet, il réside en France depuis près de dix ans avec sa mère, démontre une réelle volonté d'intégration à la société française et entretient une relation depuis deux ans avec une ressortissante française ; qu'il méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance en date du 22 juin 2006 fixant la clôture de l'instruction au 22 juillet 2006 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2006, présenté par le préfet du Nord, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que M. X, ayant fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière en date du 21 janvier 2005, ne pouvait ignorer qu'il lui appartenait de quitter le territoire français ; qu'assigné à résidence jusqu'au 3 février 2005, il se trouvait, dès lors, en situation irrégulière et entrait dans le champ d'application de l'article L. 511-1 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne justifie pas d'une résidence habituelle en France de plus de dix ans ; qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine où résident son père et sa grand-mère ; que sa relation avec une ressortissante française est trop récente pour être prise en considération au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance en date du 27 juillet 2006 rouvrant l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, M. Patrick Minne et M. Manuel Delamarre, premiers conseillers :
- le rapport de Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre ;
- les observations de Me Berthe, pour M. X ;
- et les conclusions de M. Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (…) » ; qu'il ressort des pièces du dossier que
M. Mohamad Irjan X, de nationalité mauricienne, s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ; qu'il entrait ainsi dans le cas visé au 2° de l'article L. 511-1 précité où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que l'arrêté du préfet du Nord ordonnant sa reconduite à la frontière, qui relève que l'intéressé a fait l'objet d'un précédent arrêté en date du 21 janvier 2005 et qu'il ne s'est pas présenté à l'embarquement du vol prévu à destination de l'Ile Maurice, n'est entaché d'aucune erreur de fait ; que, si M. X allègue que le jugement du 25 janvier 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière du 21 janvier 2005 est dépourvu de l'autorité de la chose jugée, ce moyen est inopérant à l'encontre du jugement attaqué relatif au nouvel arrêté en date du
25 avril 2006 ; que, par ailleurs, la circonstance que ce premier arrêté n'ait pas été exécuté alors même que M. X était assigné à résidence est sans incidence sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 25 avril 2006 dans la mesure où ainsi qu'il a été dit, l'intéressé était en situation irrégulière sur le territoire au sens de l'article L. 511-1 2° précité ;
Considérant que M. X, qui est entré en France en décembre 1996, ne saurait prétendre résider en France de manière habituelle depuis plus de dix ans, et n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le préfet du Nord devait lui délivrer un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 313-11 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;
Considérant que M. X fait valoir qu'il est entré en France à l'âge de dix-huit ans, afin d'y rejoindre sa mère, en situation régulière, avec qui il vit depuis lors, qu'il n'entretient plus aucun lien avec les membres de sa famille demeurant dans son pays d'origine, qu'il a suivi des stages et des formations démontrant ainsi sa volonté d'intégration à la société française, qu'enfin, il entretient depuis deux ans une relation avec une ressortissante française avec laquelle il s'est fiancé ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que si M. X, célibataire et sans enfant, vit avec sa mère qui réside régulièrement en France sous couvert d'un titre de séjour temporaire, il n'établit pas être dépourvu de tout lien dans son pays d'origine où il est demeuré jusqu'à l'âge de dix-huit ans ; que, par ailleurs, sa relation avec sa fiancée revêt un caractère récent ; qu'ainsi compte tenu des circonstances de l'espèce et eu égard aux conditions de séjour de l'intéressé, la mesure de reconduite à la frontière n'a pas porté au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 25 avril 2006, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Nord de lui délivrer, sous astreinte, une autorisation provisoire de séjour, ne peuvent donc qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Mohamad Irjan X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohamad Irjan X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
N°06DA00746 2