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25/10/2006 | FRANCE | N°05DA01278

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 25 octobre 2006, 05DA01278


Vu la requête, enregistrée le 4 octobre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme SFIR, dont le siège est 35-37 boulevard de la Muette à Garges-les-Gonesse (95140) par Me Farcy ; la société SFIR demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0000583 du 30 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle de 10 % auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice

1995 ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;

2°) de prononce...

Vu la requête, enregistrée le 4 octobre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme SFIR, dont le siège est 35-37 boulevard de la Muette à Garges-les-Gonesse (95140) par Me Farcy ; la société SFIR demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0000583 du 30 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle de 10 % auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice 1995 ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la procédure est irrégulière car une notification de redressements n'a pas été adressée à la SA SFIR en sa qualité de société mère d'un groupe placé sous le régime de l'intégration fiscale ; que la doctrine administrative 13 L 1513 n° 33 et 34 du 1er avril 1995 prévoit que des notifications distinctes sont adressées à chacune des personnes intéressées pour les rectifications apportées à ses impositions personnelles ; que la procédure d'enquête a été irrégulière faute de l'établissement d'un procès-verbal de clôture ; que l'administration sous couvert du droit d'enquête a en réalité exercé son droit de communication au sein de l'entreprise ce qui a constitué un début de vérification de comptabilité ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité portant sur la période du 1er septembre 1992 au 31 août 1995, l'administration n'a relevé aucun redressement ; que si la société a été victime d'une escroquerie, le rapport d'audit a bien été réalisé ; que la dépense litigieuse était représentative d'une charge déductible dans la mesure où la réalité de l'opération est établie et qu'elle a été effectuée dans l'intérêt de l'entreprise ; que le taux des intérêts de retard étant supérieur au taux de l'intérêt légal, les intérêts de retard constituent des pénalités à caractère de sanction ; que ce moyen n'est pas inopérant au regard de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les intérêts de retard auraient dû en conséquence être motivés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 avril 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la procédure de redressement est uniquement suivie avec la société vérifiée ; que la société mère SFIR a été informée le 3 mars 1999 des résultats de la vérification de comptabilité engagée à l'égard de la société Peintures Normandie ; que la procédure d'enquête a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de clôture le 20 mai 1996 en l'absence du dirigeant qui n'avait pas répondu à la convocation ; que l'administration n'a pas usé de son droit de communication pour engager la vérification de comptabilité ; que les investigations opérées lors de l'enquête n'ont pas, compte tenu de leur objet et de leur étendue limitée, constitué une vérification de comptabilité ; que la société SFIR ne démontre pas l'intérêt pour l'entreprise de faire réaliser cet audit ; que les intérêts de retard présentent un caractère pécuniaire et non répressif, même pour la part excédant l'intérêt légal ; qu'elles n'ont donc pas à être motivées ; qu'elles n'entrent pas dans le champ d'application de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance du 19 juin 2006 portant clôture de l'instruction au 21 juillet 2006 ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 juin 2006, présenté pour la société SFIR qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi de finances n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2006 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et M. Alain de Pontonx, premier conseiller :

- le rapport de M. Alain de Pontonx, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation... » ; qu'aux termes de l'article 223 A du code général des impôts : « Une société (…) peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe (…) Les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les article L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. La société mère supporte (…) les conséquences des infractions commises par les sociétés du groupe… » ;

Considérant qu'il est constant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, la société Peinture Normandie a été destinataire de la notification de redressements du 12 juin 1997 ; qu'ainsi elle a été régulièrement adressée au contribuable et que l'administration n'était pas tenue d'adresser une notification de redressements, en sus de celle adressée à la société filiale qui faisait l'objet du contrôle, à la société SFIR, en sa qualité de société mère de la société Peinture Normandie, bien qu'elle se soit constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dans les conditions prévues à l'article 223 A précité du code général des impôts ;

Considérant que la société SFIR se prévaut des commentaires contenus aux paragraphes 33 et 34 de la documentation administrative de base 13 L 1513 dans sa version mise à jour au

1er avril 1995 ; que toutefois ces commentaires concernent les destinataires des notifications de redressements et donc la procédure de redressement qui fait partie intégrante de la procédure d'imposition ; que ces commentaires ne contiennent donc pas une interprétation de la loi fiscale dont la société SFIR pourrait demander le bénéfice sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que la société SFIR ne peut davantage utilement invoquer les dispositions de l'article L . 256-1 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction postérieure aux faits de l'espèce, qui, en tout état de cause, ne sont pas applicables ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : « (…) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix » ; qu'aux termes de l'article L. 80 F du même livre : « Pour rechercher les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée … les agents des impôts … peuvent se faire présenter les factures, la comptabilité matières ainsi que les livres, les registres et les documents professionnels pouvant se rapporter à des opérations ayant donné ou devant donner lieu à facturation et procéder à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation… » ; et qu'aux termes de l'article L. 80 H du même livre, dans sa rédaction alors applicable : « A l'issue de l'enquête prévue à l'article L. 80 F, les agents de l'administration établissent un procès-verbal consignant les manquements constatés ou l'absence de tels manquements … Les constatations du procès-verbal ne peuvent être opposées à cet assujetti, au regard d'impositions de toute nature, que dans le cadre des procédures de contrôle mentionnées à l'article L. 47, sauf pour l'application de l'amende prévue à l'article 1725 A du code général des impôts » ;

Considérant que l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont le cas échéant elle peut remettre en cause l'exactitude ;

Considérant qu'à la suite d'un avis du 16 novembre 1995, la brigade de contrôle et de recherche de la Seine-Maritime a exercé le droit d'enquête prévu par les dispositions de l'article L. 80 F du livre des procédures fiscales auprès de la société Peinture Normandie en vue de rechercher des manquements aux règles de facturation en matière de taxe sur la valeur ajoutée, procédure qui a été close par un procès-verbal qui a été adressé à la société le 21 mai 1996 ; qu'un avis de vérification de comptabilité lui a été adressé le 10 septembre 1996 et que les opérations de contrôle ont eu lieu du 2 octobre 1996 au 14 mai 1997 ; qu'il ne ressort pas de l'instruction que l'administration aurait, dans le cadre de l'enquête, procédé à un rapprochement des factures et documents comptables ou professionnels avec les déclarations souscrites par la société Peinture Normandie ; que les circonstances que l'administration ait pu avoir connaissance de l'existence de la facture émise par la SA Audit international en exerçant son droit d'enquête le 13 décembre 1995 et que le vérificateur aurait indiqué oralement lors d'une réunion du 19 décembre 1996, à une date antérieure à la clôture des opérations de contrôle, qu'il n'envisageait pas de procéder à un redressement, sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition, dès lors que les redressements contestés procèdent de constatations opérées lors de cette vérification de comptabilité ; que si la société SFIR soutient que l'administration aurait exercé son droit de communication à l'égard de la société Peinture Normandie, cette seule circonstance n'est pas de nature à caractériser une vérification de comptabilité ; qu'ainsi la société SFIR n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait procédé à une vérification de comptabilité de la société Peinture Normandie dès le 13 décembre 1995 sans qu'elle ait été précédée de l'avis mentionné à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature … » ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Peinture Normandie s'est vu proposer des crédits à des taux plus intéressants que ceux du marché à la condition que celle-ci procède à un audit de l'entreprise ; que la société a commandé cet audit qui lui a été facturé au cours de l'exercice 1995 par la SA Audit international ayant son siège aux Etats-Unis pour un montant de 127 898 francs ; que les intermédiaires auxquels la société Peinture Normandie s'est adressée ne représentaient aucun établissement bancaire ou établissement financier susceptible de lui faire bénéficier de prêts ; qu'il ressort notamment d'un jugement du Tribunal de grande instance du Havre du 6 juillet 1998 que le dirigeant de la société Peinture Normandie a été victime d'une escroquerie ; que celui-ci reconnaît que le rapport d'audit établi se limitait aux informations qui avaient été fournies par l'entreprise ; qu'il résulte de ces circonstances que les sommes versées à ce titre, en l'absence de contrepartie, ne pouvaient être déduites de l'assiette de l'impôt sur les sociétés ;

Sur les intérêts de retard :

Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : « Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toute sanction. Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux article 1791 à 1825 F. Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé » ;

Considérant, en premier lieu, que l'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; qu'ainsi la décision mettant à la charge du contribuable cet intérêt de retard ne constitue ni une sanction fiscale au sens de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ni une sanction au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'ainsi, elle n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées ;

Considérant, en deuxième lieu, que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ;

Considérant, en troisième lieu, que si les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel peuvent être utilement invoquées pour soutenir que la loi fiscale serait à l'origine de discriminations injustifiées entre contribuables, elles sont en revanche sans portée dans les rapports institués entre la puissance publique et un contribuable à l'occasion de l'établissement et du recouvrement de l'impôt ; que, dès lors, le moyen tiré de l'existence d'une différence de taux entre l'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts et les intérêts moratoires mentionnés aux articles L. 207 et L. 208 du livre des procédures fiscales n'est pas susceptible d'être accueilli ;

Considérant, en quatrième lieu, que le principe selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination ou prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée, n'est pas applicable aux intérêts de retard dès lors que ceux-ci ne présentent pas le caractère de sanction ; que, dès lors, la société SFIR n'est pas fondée à demander pour ce motif l'application rétroactive de l'article 29 de la loi de finances pour 2006 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SFIR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle de 10 % auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le paiement à la société SFIR de la somme demandée au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article ler : La requête de la société SFIR est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme SFIR et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au directeur des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.

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N°05DA01278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05DA01278
Date de la décision : 25/10/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Stortz
Rapporteur ?: M. Alain de Pontonx
Rapporteur public ?: M. Le Garzic
Avocat(s) : SELARL GUY FARCY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-10-25;05da01278 ?
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