Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU CANTON DE BOLBEC, représentée par son président en exercice, par la SCP Baron X... Gruau ; la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU CANTON DE BOLBEC demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0001850 en date du 12 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen, à la demande de la société Sita Normandie Picardie venant aux droits de la société Ecosita, l'a condamnée à verser à ladite société, d'une part, la somme de 77 773,88 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 août 2000 et capitalisation des intérêts, lesdits intérêts portant eux-mêmes intérêts, correspondant au coût des prestations supplémentaires réalisées à l'occasion de l'exécution d'un marché relatif à l'exploitation d'une déchetterie et d'un parc de conteneurs et, d'autre part, la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner la société Sita Normandie Picardie à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la théorie de l'enrichissement sans cause est inapplicable à la situation invoquée par la société Sita Normandie Picardie ; que le tribunal administratif n'a pas relevé la nullité du contrat ; que la société Ecosita qui s'est manifestée auprès de la communauté de communes dès le mois de septembre 1999 avait la possibilité de mettre un terme au marché ; que la circonstance que la société Ecosita n'ait commis aucune faute en continuant de traiter et transporter les matériaux déposés à la déchetterie au cours des derniers mois de l'année 1999, est sans incidence sur le droit de perception d'une rémunération supplémentaire, dès lors que cette rémunération a été formellement exclue ; que si les parties avaient fixé à cinq années la limite maximum d'exécution du marché, la durée de celui-ci a été conventionnellement fixée à une année, de sorte que la limite maximum de 5 %, fixée à l'article 4.2.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), ne pouvait s'entendre qu'à partir du montant annuel des prix définis dans l'acte d'engagement ; que la responsabilité de la communauté de communes dans la sous estimation des matériaux ne peut être engagée ; que la communauté de communes a mis à la disposition des soumissionnaires l'ensemble des informations dont elle disposait à la date de l'appel d'offre ; que la notion de rupture de l'équilibre financier du contrat ne peut être invoquée par la société Sita Normandie Picardie dès lors que les conditions de mise en oeuvre ne sont pas remplies ; que le tribunal administratif a considéré à tort qu'il résultait de la combinaison des articles 4.2.2 et 4.3 du CCAP que le marché litigieux était un marché à prix unitaire et non un marché forfaitaire, tout en considérant dans le même temps que la rémunération de ce marché se trouvait plafonnée à un montant annuel de 1 152 644 francs, éventuellement augmenté de 5 % dans les conditions fixées à l'article 4.2.2 du CCAP, alors qu'un montant global se trouve conventionnellement défini ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 19 janvier 2006 et son original le
20 janvier 2006, présenté pour la société Sita Normandie Picardie, par Me Y..., avocat, qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête de la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU CANTON DE BOLBEC, à titre subsidiaire, à la condamnation de la communauté de communes à lui verser la somme de 77 773,88 euros, assortie des intérêts, y compris ceux capitalisés, et en tout état de cause, à la condamnation de la communauté de communes à lui verser la somme de
3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que le marché en cause n'était pas un marché à prix forfaitaire mais un à prix unitaire ; que les prestations réalisées par la société Ecosita au cours du 4ème trimestre 1999 excédaient le montant annuel réajusté par l'avenant conclu le 25 octobre 1999, de telle sorte qu'elles n'ont pu donner lieu à aucun règlement sur le fondement du contrat ; que le marché a cessé de produire ses effets à compter du jour du dépassement de son montant maximal et lors de l'exécution des prestations en cause, le marché était déjà expiré ; que l'enrichissement sans cause doit donner lieu à indemnisation dans le cas d'un marché nul où lorsque les prestations ont été exécutées en dehors de tout contrat ; que les deux conditions, pour une indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause, sont remplies dès lors qu'il y a bien eu enrichissement de la collectivité et son assentiment quant à l'exécution des prestations qui l'ont enrichie ; que si les prestations en cause ont été réalisées par la société Sita Normandie Picardie hors de tout contrat, c'est sur la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU CANTON DE BOLBEC que pèse la responsabilité des conditions illégales d'exécution des prestations ; qu'à titre subsidiaire, si l'on considère que le marché en cause était conclu pour une durée d'un an renouvelable annuellement dans la limite d'une durée totale de cinq années, cette clause du CCAP pourrait être interprétée comme impliquant une révision de 5 % du montant total du marché calculé sur les cinq années d'exécution et dans cette hypothèse, la société Sita Normandie Picardie serait fondée à obtenir des indemnités sur le fondement même de la responsabilité contractuelle de la communauté de communes ; que la communauté de communes a commis une faute en raison de la mauvaise définition de ses besoins ; que si cette dernière faute n'était pas retenue, la communauté de communes serait dans l'obligation de rétablir l'équilibre financier du contrat en raison de l'augmentation substantielle des quantités de déchets à transporter et à traiter qui peut s'analyser en une modification unilatérale des conditions d'exécution du marché qui a entraîné des charges telles que l'économie générale du contrat a été bouleversée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 octobre 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
M. Albert Lequien, premier conseiller :
- le rapport de M. Albert Lequien, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête de la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU CANTON DE BOLBEC est dirigée contre un jugement en date du 12 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen, à la demande de la société Sita Normandie Picardie venant aux droits de la société Ecosita, l'a condamnée à verser à ladite société la somme de 77 773,88 euros assortie des intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, correspondant au coût des prestations supplémentaires réalisées à l'occasion de l'exécution d'un marché relatif à l'exploitation d'une déchetterie et d'un parc de conteneurs ;
Considérant qu'aux termes de l'article 4.2.2. du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), les prestations relatives au transport et au traitement des matériaux récupérés devaient être rémunérées « par application des prix unitaires dont le libellé est donné dans le bordereau des prix et sur justificatifs des tonnages réellement récupérés » ; que ce même article prévoyait, en outre, que « pour ces deux dernières parties de la rémunération de l'exploitant, si à la fin de l'année, le montant global se révèle inférieur à celui pour lequel il avait soumissionné, l'entrepreneur ne pourra en aucun cas réclamer la somme restante. En effet, les quantités récupérables de chaque matériau portées au DQE ci-joint ne sont que des estimations permettant de juger les offres des différentes entreprises sur une même base de comparaison. Si au contraire, sur présentation de justificatifs et pour des raisons indépendantes de sa volonté et ne relevant pas d'une mauvaise gestion, la somme globale se révèle supérieure à ce qui avait été prévu, il sera fait un avenant pour paiement de la différence dans la limite maximum de 5 % du montant total du marché avec réajustement annuel » ; qu'il ressort des termes mêmes de cet article 4.2.2. que les quantités réelles de matériaux traités et transportés devaient s'apprécier par année d'exécution du marché et que, dans l'hypothèse où les quantités réelles se révèleraient, pour une année, supérieures aux quantités estimatives, l'avenant pouvant être conclu pour permettre le paiement des prestations exécutées au-delà du montant annuel pour lequel le titulaire du marché avait soumissionné devait être limité à 5 % de ce montant annuel, montant réajusté conformément aux dispositions de l'article 4.3 du CCAP si cette augmentation des quantités devait se réaliser après la première année d'exécution du marché ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que, comme l'a relevé le Tribunal administratif de Rouen, le marché litigieux, s'agissant notamment des prestations relatives au transport et au traitement des matériaux, était un marché à prix unitaire, et non un marché à prix forfaitaire comme le soutient la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU CANTON DE BOLBEC, marché dont le montant annuel était plafonné à une somme de 1 153 644 francs hors taxes, correspondant au montant initial pour lequel la société Ecosita avait soumissionné, augmenté de 5 % dans les conditions fixées à l'article 4.2.2. du CCAP ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU CANTON DE BOLBEC a conclu, le 2 juin 1998, le marché précité avec la société Ecosita pour une durée d'une année, renouvelable par période annuelle, sans que la durée totale du marché puisse excéder cinq années ; que le montant annuel initial pour lequel la société Ecosita avait soumissionné s'élevait à une somme de 1 097 756 francs hors taxes (1 323 893,74 francs toutes taxes comprises) ; que les quantités réelles de matériaux transportés et traités par la société Ecosita s'étant révélées, dès le mois de septembre 1999, supérieures aux quantités portées au détail quantitatif estimatif, la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU CANTON DE BOLBEC et la société Ecosita ont conclu, le 25 octobre 1999, un avenant portant le montant annuel du marché pour l'année 1999 à une somme de 1 390 089 francs, toutes taxes comprises, soit une augmentation de 5 % du montant estimatif initial ; que la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU CANTON DE BOLBEC avait, en outre, informé la société Ecosita, le 23 novembre 1999, que « les factures concernant le 4ème trimestre 1999 ne seront plus honorées, le marché étant soldé » ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la communauté de communes requérantes, l'application de la théorie de l'enrichissement sans cause, qui ouvre droit à l'appauvri au paiement des dépenses qui ont été utiles pour la collectivité, n'est pas nécessairement liée à la constatation de la nullité d'un marché ; qu'il est constant que la société Ecosita a poursuivi l'exécution du marché jusqu'au 31 décembre 1999 alors qu'aucun avenant, autre que celui prévu par le marché, n'avait été conclu en application des dispositions de l'article 255 bis du code des marchés publics, alors applicable, aux termes duquel : « Lorsque le montant des prestations exécutées atteint le montant fixé par le marché, la poursuite de l'exécution des prestations est subordonnée : soit à la conclusion d'un avenant, soit, si le marché le prévoit, à une décision de poursuivre prise par la collectivité ou l'établissement contractant. Sauf en cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, avenants et décisions de poursuivre ne peuvent bouleverser l'économie du marché ni en changer l'objet » ; qu'il est également constant que les prestations réalisées par la société Ecosita ont été utiles à la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU CANTON DE BOLBEC qui, très satisfaite du succès de la déchetterie et des conditions dans lesquelles les prestations étaient exécutées par la société Ecosita, ne s'est pas opposée à la poursuite du marché jusqu'au 31 décembre 1999, marché qui a en outre été reconduit pour l'année 2000 ; que toutefois, le comportement de la société Ecosita, qui a poursuivi ses activités alors que le seuil de plafonnement maximum du marché était atteint et qu'elle avait été informée par la collectivité que ses factures du 4ème trimestre ne seraient plus honorées, est de nature à atténuer pour un quart la responsabilité de la communauté de communes qui, de son côté ne s'est pas opposée à la poursuite de l'activité de la société Ecosita au cours de la période litigieuse ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la société Sita Normandie Picardie en condamnant la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU CANTON DE BOLBEC à lui payer, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, une somme de
58 330,41 euros, correspondant à 75 %, de celles des dépenses qui ont été utiles à la collectivité, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 août 2000 avec capitalisation des intérêts au
4 octobre 2001 puis à chaque échéance annuelle, lesdits intérêts portant eux-mêmes intérêts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du Tribunal administratif de Rouen sera réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées à la fois par la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU CANTON DE BOLBEC et par la société Sita Normandie Picardie au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La COMMUNAUTE DE COMMUNES DU CANTON DE BOLBEC est condamnée à payer à la société Sita Normandie Picardie une somme de 58 330,41 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 août 2000 avec capitalisation des intérêts au 4 octobre 2001 puis à chaque échéance annuelle, lesdits intérêts portant eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement n° 0001850 du Tribunal administratif de Rouen en date du
12 mai 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions présentées par la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU CANTON DE BOLBEC et la société Sita Normandie Picardie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU CANTON DE BOLBEC et à la société Sita Normandie Picardie.
Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
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N°05DA00943