Vu la requête, enregistrée par télécopie le 28 décembre 2005 et confirmée par l'envoi de l'original le 29 décembre 2005, et le mémoire complémentaire, enregistré par télécopie le 17 février 2006 et confirmé par l'envoi de l'original le 20 février 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentés pour la société anonyme SACER ATLANTIQUE, dont le siège est ... le Ho, DP 520065, à Rennes Cedex (35920), représentée par ses dirigeants en exercice, par Me Y... ; la société SACER ATLANTIQUE demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0200515 du 20 octobre 2005 du Tribunal administratif de Rouen en tant qu'il l'a condamnée à indemniser la société France Télécom des dommages causés à un câble souterrain de télécommunications ;
2°) à titre principal, de rejeter la demande de la société France Télécom, à titre subsidiaire, de réduire l'indemnité mise à la charge de l'exposante ;
3°) de condamner la société France Télécom à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société SACER ATLANTIQUE soutient :
- que le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- que la qualité de tiers aux travaux publics alléguée par la société France Télécom est contestable ;
- que le tribunal administratif a estimé à tort que la responsabilité de l'exposante se trouvait engagée à l'égard de la société France Télécom, alors que cette société n'a rapporté la preuve ni de la réalité des dommages allégués, ni de l'existence d'un lien de causalité entre ces dommages, à les supposer établis, et les travaux publics exécutés par l'exposante ; qu'en effet, les prétentions de la société France Télécom reposent sur un procès-verbal établi par l'un de ses agents et qui, en l'absence de tout caractère contradictoire, n'est pas opposable à l'exposante ; que les dommages n'ont, en réalité, pas eu l'étendue alléguée, aucune interruption de l'acheminement des télécommunications n'ayant d'ailleurs été constatée ;
- que la société France Télécom a commis des fautes de nature à exonérer l'exposante de sa responsabilité ; qu'en effet, les informations fournies par cette société, en réponse à la déclaration d'intention de commencement de travaux que l'exposante avait souscrite conformément aux dispositions du décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 et des textes et conventions pris pour son application, étaient insuffisantes ; que, par ailleurs, l'ouvrage endommagé n'a pas été aménagé conformément à la réglementation en vigueur, s'agissant notamment de la pose du grillage avertisseur ;
- que la somme demandée par la société France Télécom à titre de réparation de son préjudice n'est pas justifiée, le coût des matériaux, de la main d'oeuvre et les frais de transports étant surévalués ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 22 février 2006 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 30 juin 2006 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2006, présenté pour la société France Télécom, représentée par ses dirigeants en exercice, par Me X... ; la société France Télécom conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société SACER ATLANTIQUE à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
la société France Télécom soutient :
- que le jugement attaqué ne souffre d'aucune insuffisance de motivation ;
- que les constatations ressortant du procès-verbal de contravention de grande voirie, dressé par un agent assermenté et dans les conditions prévues par l'article L. 70 du code des postes et télécommunications alors applicable, qui ne sauraient être sérieusement remises en cause, un tel acte faisant foi jusqu'à preuve du contraire, sont suffisantes pour établir la réalité des dommages et l'existence d'un lien de causalité entre ceux-ci et les travaux publics exécutés par la requérante ; qu'aucune disposition n'impose qu'un tel procès-verbal de constatation soit établi contradictoirement ; qu'en outre, il n'est pas contesté qu'aucune autre entreprise n'est intervenue sur le site, la société SACER ATLANTIQUE reconnaissant d'ailleurs elle-même avoir accroché un câble lors de l'exécution des travaux qui lui ont été confiés ; que la circonstance qu'il n'y ait pas eu interruption de service n'est pas de nature à remettre en cause la matérialité des faits, dès lors que le principe de continuité auquel l'exposante est soumise l'oblige à prévoir des alternatives d'acheminement ;
- que la société SACER ATLANTIQUE, qui ne saurait utilement se prévaloir de dispositions réglementaires, de circulaires ou de stipulations de conventions postérieures aux faits à l'origine du présent litige, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que l'exposante aurait commis des fautes de caractère exonératoire ; qu'ainsi, d'une part, le caractère insuffisant du plan transmis par l'exposante n'est pas démontré, alors que la requérante n'établit ni même n'allègue avoir vainement demandé aux services techniques de l'exposante des précisions sur les informations prétendument manquantes et alors que la société SACER ATLANTIQUE avait été invitée à vérifier les cotations par sondage ; que, d'autre part, la circonstance, à la supposer avérée, que le grillage avertisseur ait été en contact direct avec la canalisation de sorte qu'il n'aurait pu jouer son rôle, ne saurait caractériser une faute de nature exonératoire ;
- que, s'agissant de l'étendue du préjudice subi, les critiques formulées par la requérante ne pourront qu'être écartées, dès lors que les différents postes le composant sont suffisamment justifiés, l'importance des sommes correspondant au coût de fourniture et de main d'oeuvre s'expliquant par l'ampleur et la complexité des réparations rendues nécessaires du fait des dommages, le remplacement d'un câble sur un tronçon complet ayant dû être effectué ; que les frais de transport ont essentiellement pour origine la circonstance que les équipes d'intervention étaient basées à une distance de quarante-cinq kilomètres du chantier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur,
- les observations de Me Z..., substituant Me X..., pour la société France Télécom,
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, le 8 mars 1995, la société France Télécom a constaté qu'un câble lui appartenant, situé sous la chaussée, au croisement des routes départementales nos 56 et 840 à Verneuil-sur-Avre (Eure), avait été endommagé ; qu'elle a recherché la responsabilité de la société SACER ATLANTIQUE qui réalisait des travaux d'aménagement de la voie publique sur le fondement des dommages de travaux publics ; que la société France Télécom, qui n'a pas participé à ces travaux et n'en a tiré aucun avantage, doit être regardée comme ayant à leur égard la qualité de tiers ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il est constant que, le 8 mars 1995, le godet d'une pelle mécanique utilisée par la société SACER ATLANTIQUE, dans le cadre de l'exécution des travaux publics qui lui avaient été confiés, est entré en contact avec une canalisation souterraine appartenant à la société France Télécom ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment d'un procès-verbal de constat, que trois conduites ont été brisées et que le câble contenu dans l'une d'entre elles a été étiré et perforé ; que la société requérante, qui se borne à contester le caractère probant de ce document, n'apporte aucun élément de nature à établir que ces dommages ne trouveraient pas leur origine dans l'action de la pelle mécanique qu'elle utilisait ; que la circonstance que les avaries subies par le câble n'ont entraîné aucune interruption de l'acheminement des télécommunications est sans incidence ; que, dans ces conditions, la société France Télécom doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de la réalité des dommages et de l'existence d'un lien de causalité entre ces dommages et les travaux exécutés par la société SACER ATLANTIQUE ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la société SACER ATLANTIQUE, la société France Télécom, en réponse à sa déclaration d'intention de commencement de travaux, a donné des informations suffisantes en fournissant un plan positionnant le réseau dans le secteur intéressé par les travaux et en précisant que les cotes mentionnées sur le plan devraient être, le cas échéant, vérifiées par sondage, la voirie ayant pu être modifiée depuis l'implantation des ouvrages souterrains ; que la société SACER ATLANTIQUE n'établit ni même n'allègue avoir vainement demandé des précisions complémentaires à la société France Télécom ; que son affirmation selon laquelle le grillage avertisseur destiné à révéler la présence de la canalisation souterraine aurait été posé au contact direct de celle-ci n'est corroborée par aucun élément de l'instruction ; que, dès lors, la société SACER ATLANTIQUE n'est pas fondée à soutenir que la société France Télécom aurait commis des fautes de nature à l'exonérer de sa responsabilité à son égard ;
Sur le préjudice :
Considérant que la société France Télécom produit un état détaillé des coûts de fournitures et de main d'oeuvre qu'elle a exposés pour remédier aux conséquences dommageables de l'incident et dont elle justifie par la complexité technique et l'ampleur des réparations effectuées ; que la société SACER ATLANTIQUE, qui se borne à alléguer que ces coûts auraient fait l'objet d'une évaluation excessive, n'apporte aucun élément de nature à les remettre en cause ;
Considérant, en revanche, que la société France Télécom ne justifie pas de la nécessité pour ses équipes d'intervention, basées à quarante-cinq kilomètres du chantier, d'effectuer plus d'un trajet aller-retour par jour pour se rendre sur les lieux ; que, dans ces conditions, la société SACER ATLANTIQUE est fondée à soutenir que les premiers juges n'ont pas fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice qu'il convient de ramener à la somme de 349,18 euros ; qu'il suit de là que le préjudice global de la société France Télécom doit être fixé à la somme de 6 496,82 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société SACER ATLANTIQUE est seulement fondée à demander la réduction de l'indemnité qu'elle a été condamnée à verser à la société France Télécom, par le jugement attaqué du Tribunal administratif de Rouen, qui est suffisamment motivé ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société SACER ATLANTIQUE la somme que la société France Télécom demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, ni de mettre à la charge de la société France Télécom la somme que la société SACER ATLANTIQUE demande au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 6 846,01 euros que la société SACER ATLANTIQUE a été condamnée à verser à la société France Télécom par le jugement n° 0200515 du Tribunal administratif de Rouen en date du 20 octobre 2005 est ramenée à la somme de 6 496,82 euros.
Article 2 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société SACER ATLANTIQUE et les conclusions de la société France Télécom tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SACER ATLANTIQUE, à la société France Télécom, ainsi qu'au département de l'Eure.
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N°05DA01553