Vu, I, sous le n° 05DA00370, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, par télécopie les 5 avril et 15 mai 2005, régularisés par la production de l'original respectivement les 6 avril et 18 mai 2005, présentés pour la société d'études, développement et réalisation « LOISINORD II », dont le siège est Domaine de la Forestière - route de Chartrette - à Sivry (77115), représentée par ses représentants légaux, par
Me Guillini ; la société « LOISINORD II » demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 0303204, 0303206, 0400419 et 0400816 en date du
15 février 2005 en tant que le Tribunal administratif de Lille a annulé, à la demande de l'association « Sauvons nos centres villes », de l'union régionale des PME-PMI du Nord/Pas-de-Calais commerce, industrie et prestataires de services et de la société de distribution noeuxoise, la décision de la commission départementale d'équipement commercial du 20 mai 2003 autorisant la société appelante à créer un centre commercial d'une surface de vente de 29 774 m2 sur le site Loisinord implanté sur le territoire de Noeux-les-Mines et Mazingarbe ;
2°) de rejeter les demandes présentées par l'association « Sauvons nos centres villes », l'union régionale des PME-PMI du Nord/Pas-de-Calais commerce, industrie et prestataires de services et la société de distribution noeuxoise devant le tribunal administratif ;
3°) de les condamner chacune, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le tribunal administratif aurait dû considérer que la décision expresse du
20 mai 2003 autorisant sa société à créer un centre commercial, en ce qu'elle n'affectait pas la situation juridique existante, ne faisait pas grief et ne pouvait dès lors faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que le Tribunal a commis une double erreur de droit et de fait en considérant que la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière ; que le Tribunal s'est fondé sur des articles de presse ne reflétant pas la réalité, pour considérer que le maire de Béthune a voté en faveur du projet contesté en prenant en compte des considérations étrangères aux critères cités par l'article L. 720-3 du code du commerce et qu'il ne disposait plus de l'indépendance et de l'impartialité requise ; que la société a produit des pièces de nature à démontrer le caractère erroné des informations ainsi données ; que les mesures d'accompagnement préconisées par la société visant à assurer l'équilibre entre les différents commerces et à pérenniser les petits commerces sont conformes à l'article précité ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 18 novembre 2005, régularisé par la production de l'original le 22 novembre 2005, présenté pour la société de distribution noeuxoise, qui conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de la décision implicite d'autorisation de création d'un centre commercial, et à la condamnation de la société Loisinord à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'il n'est pas contesté par le maire de Béthune que la commission s'est prononcée en fonction d'impératifs économiques menés dans le seul intérêt de cette commune ; que c'est à tort que le tribunal administratif a dissocié la décision implicite de celle explicite et a statué sur l'existence d'une prétendue décision implicite d'acceptation ; qu'il a toujours été admis qu'un acte administratif produit ses effets, au moins au profit de l'intéressé, dès sa signature ; que si la commission a autorisé le projet le 9 mai 2003, une décision implicite ne pouvait être acquise le 16 mai 2003 ; que le décret du 9 mars 1993 retenu par le Tribunal n'a pas entendu régir les faits de la présente espèce ; que la solution retenue est aussi contraire à la jurisprudence administrative en ce que lorsqu'une décision explicite de rejet d'un recours gracieux intervient postérieurement à la décision de rejet implicite mais à l'intérieur du délai de recours contentieux contre celle-ci, le délai de recours contentieux est prorogé et part de la date de la décision explicite ; qu'en tout état de cause, la décision implicite est entachée d'illégalité ; qu'il est inexact d'affirmer qu'il n'y aurait pas de bouleversement de l'équilibre commercial de la zone de chalandise ; que le projet de création du centre commercial litigieux présente plus d'inconvénients que d'avantages ;
Vu l'ordonnance en date du 1er février 2006 du président de la 1ère chambre portant clôture d'instruction au 1er mars 2006 ;
Vu, II, sous le n° 05DA00421, la requête enregistrée le 19 avril 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour l'association « SAUVONS NOS CENTRES VILLES », dont le siège est 5 rue Jules Berthelin à Noeux-les-Mines (62290), représentée par son président en exercice, par Me Malle ; l'association « SAUVONS NOS CENTRES VILLES » demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 0303204, 0303206, 0400419 et 0400816 en date du
15 février 2005 en tant que le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision tacite, née le 16 mai 2003, de la commission départementale d'équipement commercial autorisant la société Loisinord à créer un centre commercial d'une surface de vente de 29 774 m2 sur le site Loisinord implanté sur le territoire de Noeux-les-Mines et Mazingarbe ;
2°) de faire droit à sa demande présentée devant le Tribunal administratif de Lille ;
3°) de condamner la société Loisinord et l'Etat à verser aux associations requérantes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que si la commission a autorisé le projet le 9 mai 2003, une décision implicite ne pouvait être acquise le 16 mai 2003 ; qu'adopter le raisonnement du tribunal administratif reviendrait à anéantir le dispositif de la loi Royer ; qu'à titre subsidiaire, la décision tacite est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que le Tribunal a commis une double erreur de droit en jugeant que l'étude d'impact serait suffisante aux motifs que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes aurait rectifié l'étude produite par le pétitionnaire ; que le Tribunal a estimé qu'aucune station de carburant ne serait autorisée dans le cadre de la décision attaquée alors que la société Loisinord n'a cessé d'affirmer que le projet s'inscrira autour de l'automobile ; qu'elle demande que lui soit communiqué le dossier du pétitionnaire ; que le Tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que les dispositions de la loi Royer n'étaient pas violées aux motifs que le projet ne plaçait pas la société Promodes en situation de position dominante et que les inconvénients du projet seraient largement compensés ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 septembre 2005, présenté pour la société « Loisinord II », qui conclut au rejet de la requête et par la voie de l'appel incident à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a annulé la décision expresse de la commission départementale d'équipement commercial en date du 20 mai 2003 et à la condamnation de l'association au paiement d'une somme de
4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que s'agissant de la décision explicite, le Tribunal s'est fondé sur des articles de presse ne reflétant pas la réalité, pour considérer que le maire de Béthune a voté en faveur du projet contesté en prenant en compte des considérations étrangères aux critères cités par l'article L. 720-3 du code du commerce et qu'il ne disposait plus de l'indépendance et de l'impartialité requise ; que la société a produit des pièces de nature à démontrer le caractère erroné des informations ainsi données ; que les mesures d'accompagnement préconisées par la société, visant à assurer l'équilibre entre les différents commerces et à pérenniser les petits commerces, sont conformes à l'article précité ; que s'agissant de la décision implicite, le tribunal administratif a fait une application stricte des dispositions législatives et règlementaires en vigueur en jugeant qu'une autorisation tacite était née le
16 mai 2003 ; que l'instruction ayant précédé l'édiction d'une décision individuelle créatrice de droits n'est pas affectée par les effets de l'annulation de ladite décision ; qu'ainsi le rapport de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et les observations émises par les organismes consulaires sur le projet soumis à la commission d'équipement commercial ne peuvent être réputés inexistants ; que les commissions d'équipement commercial sont compétentes pour rectifier la zone de chalandise définie par le pétitionnaire ; qu'il en est de même pour le service instructeur ; que l'association appelante ne précise pas les rectifications qui seraient erronées ; qu'en tout état de cause, les observations de la chambre de commerce et d'industrie ne portent pas sur les données relatives à la zone de chalandise ; que l'autorisation contestée n'a pas autorisé la réalisation de station de carburant ; que par suite, le moyen tiré de ce qu'elle aurait dû déposer une demande distincte pour être autorisée à exploiter une station de distribution de carburants doit être rejeté ; que l'association ne démontre pas que le projet dont il s'agit n'aurait pas les effets positifs énoncés par la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ; qu'elle se fonde sur les seules données de la chambre de commerce et d'industrie de Béthune qui n'a pas rectifié la zone de chalandise ; que l'objectivité en la matière de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est plus certaine que celle d'un organisme consulaire ; que l'association se contente d'affirmer le caractère artificiel de l'extension de la zone de chalandise ; qu'en tout état de cause, aucun risque de déséquilibre entre les différentes formes de commerce n'a pu être établi et qu'à le supposer établi, il serait compensé par les effets positifs du projet ;
Vu l'ordonnance en date du 1er février 2006 du président de la 1ère chambre portant clôture d'instruction au 1er mars 2006 ;
Vu, III, sous le n° 05DA00551, la requête enregistrée par télécopie le 29 avril 2005, régularisée par la production de l'original le 2 mai 2005, présentée pour la SOCIETE DE DISTRIBUTION NŒUXOISE, dont le siège est rue de Mazingarbe à Noeux-les-Mines (62490), par la SCP Savoye et Daval ; la SOCIETE DE DISTRIBUTION NŒUXOISE demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement nos 0303204, 0303206, 0400419 et 0400816 en date du 15 février 2005 en tant que le Tribunal administratif de Lille considère qu'il existe une décision implicite de la commission départementale d'équipement commercial autorisant la société « Loisinord II » à créer un centre commercial d'une surface de vente de 29 774 m2 sur le site Loisinord implanté sur le territoire de Noeux-les-Mines et Mazingarbe, à titre subsidiaire d'annuler le même jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite précitée ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite précitée ;
3°) de condamner l'Etat et la société « Loisinord II » à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'il a toujours été admis qu'un acte administratif individuel créateur de droits produit ses effets juridiques dès sa signature, au moins, au profit de l'intéressé ; que la commission ayant siégé le 9 mai 2001 et autorisé le projet litigieux, une décision implicite ne pouvait être acquise au profit de la société demanderesse ; que le décret du 9 mars 1993 vise l'hypothèse dans laquelle aucune autorisation explicite n'intervient ni avant, ni après l'intervention de la décision implicite d'acceptation ; que le jugement attaqué est contraire à la jurisprudence selon laquelle lorsqu'une décision explicite de rejet de recours intervient postérieurement à la décision implicite de rejet mais à l'intérieur du délai de recours contentieux contre celle-ci, le délai de recours est prorogé et part de la date de la décision explicite de rejet ; que par suite, il est constant qu'il n'y a eu qu'une seule et unique décision, la décision explicite d'autorisation du projet ; que s'agissant de cette dernière, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que le maire de la ville de Béthune avait statué non en raison d'un intérêt commercial au sens de la loi Royer mais en fonction des avantages financiers qu'il avait négociés tant auprès du pétitionnaire que d'une enseigne concurrente pour obtenir les compensations nécessaires à la revitalisation de sa ville ; que s'agissant de la décision implicite d'autorisation, et à titre subsidiaire, il est inexact d'affirmer que le projet n'entraînerait pas de bouleversement de l'équilibre commercial de la zone de chalandise ; qu'il est inexact de prétendre que l'un des avantages du projet serait de renforcer l'équilibre de la concurrence dans cette zone déjà pourvue de sept hypermarchés ; qu'il n'est pas sérieux d'affirmer par la direction départementale de la concurrence et de la répression des fraudes que la zone de chalandise serait saturée vis-à-vis du centre Leclerc, alors qu'elle ne l'est pas pour le centre Carrefour, les deux surfaces ayant demandé l'autorisation de créer sensiblement une surface commerciale de dimension identique ; que le caractère structurant pour l'aménagement et le développement économique de l'arrondissement de Béthune, élément retenu au titre des avantages du projet n'est pas démontré ; que les inconvénients du projet sont certains et les avantages ne sont qu'hypothétiques ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 septembre 2005, présenté pour la société d'études, de développement et réalisation « Loisinord II », qui conclut au rejet de la requête et par la voie de l'appel incident à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a annulé la décision expresse de la commission départementale d'équipement commercial en date du 20 mai 2003 et à la condamnation de l'association au paiement d'une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que s'agissant de la prétendue inexistence de la décision implicite d'acceptation, il est constant que la décision expresse n'a été signée par le préfet que le
20 mai 2003, soit postérieurement à l'expiration du délai de quatre mois imparti à la commission pour notifier sa décision au pétitionnaire et que l'article R. 421-2 du code de justice administrative qui concerne exclusivement les décisions défavorables n'est pas applicable en l'espèce ; que s'agissant de l'illégalité de la décision explicite de la commission d'équipement commercial, le Tribunal s'est fondé sur des articles de presse ne reflétant pas la réalité, pour considérer que le maire de Béthune a voté en faveur du projet contesté en prenant en compte des considérations étrangères aux critères cités par l'article L. 720-3 du code du commerce et qu'il ne disposait plus de l'indépendance et de l'impartialité requise ; que la société a produit des pièces de nature à démontrer le caractère erroné des informations ainsi données ; que s'agissant de l'illégalité de la décision implicite, le Tribunal a pu logiquement considérer que le projet ne bouleversait pas globalement l'équilibre entre les différentes formes de commerce sur la zone ; qu'en tout état de cause, un bilan coût avantages du projet a été réalisé ; qu'en ce qui concerne la concurrence, la société appelante ne justifie pas son allégation selon laquelle la réalisation du projet aurait pour effet d'attribuer à Carrefour 47,57 % de sa clientèle dans la zone de chalandise ; qu'en ce qui concerne l'aménagement du territoire, l'absence de caractère structurant du projet n'est pas démontré ; que le projet contribuera au développement et à l'attractivité des activités de loisirs existantes et permettra la création du seul centre commercial multifonctionnel de la région ; que le fait que les dispositions d'urbanisme ne permettraient pas l'implantation du projet est indifférent à la légalité de l'autorisation attaquée ;
Vu l'ordonnance en date du 1er février 2006 du président de la 1ère chambre portant clôture d'instruction au 1er mars 2006 ;
Vu l'arrêté du 2 novembre 1993 modifié ;
Vu le code du commerce ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
Mme Agnès Eliot, conseiller :
- le rapport de Mme Agnès Eliot, conseiller ;
- les observations de Me Titran, substituant Me Malle, pour l'assocation « SAUVONS NOS CENTRES VILLES », de Me Daval, pour la SOCIETE DE DISTRIBUTION NŒUXOISE, et de Me Petitjean, pour la société « LOISINORD II » ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par jugement en date du 15 février 2005, le Tribunal administratif de Lille a d'une part, annulé, à la demande de l'association « SAUVONS NOS CENTRES VILLES », de l'union régionale des PME-PMI du Nord/Pas-de-Calais commerce, industrie et prestataires de services et de la SOCIETE DE DISTRIBUTION NŒUXOISE, la décision expresse prise par la commission départementale d'équipement commercial au terme de sa séance du 9 mai 2003, notifiée le 20 mai de la même année à la société d'études, développement et réalisation « LOISINORD II » autorisant cette dernière à créer un centre commercial d'une surface de vente de 29 774 m2 implanté sur le territoire des communes de Noeux-les-Mines et Mazingarbe et d'autre part, rejeté les conclusions des mêmes demandeurs tendant à l'annulation de l'autorisation tacite, portant le même objet, née le 16 mai 2003 et publiée le 16 décembre 2003 par le préfet du Pas-de-Calais ; que par trois requêtes distinctes, qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par un seul arrêt, l'association « SAUVONS NOS CENTRES VILLES », la SOCIETE DE DISTRIBUTION NŒUXOISE et la société d'études, développement et réalisation « LOISINORD II » font appel de ce jugement ;
Sur les fins de non-recevoir :
Considérant qu'aux termes de l'article 20 du décret du 9 mars 1993 modifié définissant le contenu de la demande d'autorisation de création ou d'extension d'équipement commercial : « Dès réception de la demande, si le dossier est complet, le préfet fait connaître au demandeur son numéro d'enregistrement et la date avant laquelle, compte tenu des délais impartis à la commission pour statuer, la décision doit lui être notifiée. Le délai d'instruction court à compter du jour de la décharge ou de l'avis de réception prévu à l'article précédent. La lettre du préfet avise en outre le demandeur que, si aucune décision ne lui a été adressée avant la date visée à l'alinéa précédent, l'autorisation est réputée accordée (…) » ;
Considérant, en premier lieu, que, par lettre du 28 janvier 2003, le préfet du Pas-de-Calais, en application des dispositions de l'article 20 du décret susvisé du 9 mars 1993, a fixé au 16 mai 2003 la date avant laquelle devait être notifiée à la société d'études, développement et réalisation « LOISINORD II » la décision relative à la demande d'autorisation de créer un centre commercial d'une surface de vente de 29 774 m2 implanté sur le territoire des communes de Noeux-les-Mines et Mazingarbe, en précisant qu'en l'absence de notification dans ces délais, l'autorisation sollicitée serait réputée accordée ; que si la commission départementale d'équipement commercial a, par délibération en date du 9 mai 2003, fait droit à l'autorisation demandée, il est constant qu'aucune décision en ce sens n'a été adressée et notifiée à la société bénéficiaire avant le 16 mai 2003 ; qu'il résulte des dispositions précitées que le préfet du Pas-de-Calais a pu régulièrement constater que la société d'études, développement et réalisation « LOISINORD II » se trouvait ainsi titulaire à cette dernière date d'une autorisation tacite de création d'un centre commercial, alors même que la commission avait, avant l'expiration du délai précité, statué en faveur du projet de la société ; que si le 20 mai 2003, la commission départementale d'équipement commercial, qui n'était pas dessaisie de ses pouvoirs par la décision implicite, a notifié à la société d'études, développement et réalisation « LOISINORD II » le sens de la délibération adoptée le 9 mai 2003, cette décision confirmative de l'autorisation tacite, ne s'est pas substituée à cette dernière ; que dès lors, c'est à bon droit, que le tribunal administratif a jugé recevables les requêtes de l'association « SAUVONS NOS CENTRES VILLES » et de la SOCIETE DE DISTRIBUTION NŒUXOISE tendant à l'annulation, d'une part de l'autorisation tacite née le 16 mai 2003, d'autre part, de la décision expresse de la commission départementale d'équipement commercial ;
Considérant, en second lieu, qu'il est constant que les recours dirigés contre la décision du
9 mai 2003 notifiée le 20 mai 2003 ont été introduits d'une part, par l'association « SAUVONS NOS CENTRES VILLES », de l'union régionale des PME-PMI du Nord/Pas-de-Calais commerce, industrie et prestataires de services, d'autre part, par la SOCIETE DE DISTRIBUTION NŒUXOISE respectivement les 7 et 8 juillet 2003 ; que cette décision, faisant ainsi l'objet de recours contentieux et n'étant, dès lors, pas devenue définitive au moment de l'introduction des requêtes des mêmes demandeurs contre la décision implicite d'autorisation dont ces derniers ont au demeurant eu connaissance de son existence le 16 décembre 2003 à la suite de sa publication dans la Voix du Nord, la circonstance que la décision du 20 mai 2003 ait confirmé l'autorisation tacite née le 16 mai 2003 n'a pas retiré à la première de ces décisions sa qualité d'acte administratif susceptible de faire grief et n'a pas eu d'influence dans ces conditions sur les délais de recours qui pouvaient être opposés à la décision expresse ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que c'est à bon droit, que le Tribunal administratif de Lille a admis la recevabilité des différentes requêtes introduites devant lui et tendant à l'annulation, d'une part, de la décision tacite du 16 mai 2003 et, d'autre part, de la décision expresse de la commission départementale d'équipement commercial du 9 mai 2003 notifiée à la société bénéficiaire le 20 mai 2003 ;
Sur la légalité de la décision expresse d'autorisation de la commission départementale d'équipement commercial :
Considérant qu'à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du jugement attaqué par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision expresse prise par la commission départementale d'équipement commercial, notifiée le 20 mai 2003 à la société d'études, développement et réalisation « LOISINORD II », autorisant cette dernière à créer un centre commercial d'une surface de vente de 29 774 m2 implanté sur le territoire des communes de
Noeux-les-Mines et Mazingarbe, la société d'études, développement et réalisation « LOISINORD II » se borne à réitérer ses moyens de première instance, à l'appui desquels elle ne produit aucun élément nouveau susceptible de permettre de remettre en cause l'exacte appréciation que le Tribunal a portée sur son argumentation ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'écarter les moyens présentés par la société, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, et de confirmer l'annulation de la décision de la commission départementale d'équipement commercial du 9 mai 2003 entachée d'un vice de procédure ;
Sur la légalité de la décision tacite d'autorisation :
Sur le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 12 du décret du 9 mars 1993 modifié susvisé : « l'instruction des demandes est effectuée par la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dont le directeur, qui peut se faire représenter, rapporte les dossiers (…) » ; qu'aux termes de l'article 18-1 du même décret : « (...) Elle (la demande) est accompagnée : a) D'un plan indicatif faisant apparaître la surface de vente des commerces ; b) Des renseignements suivants : 1° Délimitation de la zone de chalandise du projet et mention de la population de chaque commune comprise dans cette zone ainsi que de son évolution entre les deux derniers recensements généraux ; 2° Marché théorique de la zone de chalandise ;
3° Equipement commercial et artisanal de la zone de chalandise, y compris les marchés accueillant des commerçants non sédentaires ; 4° Equipements commerciaux exerçant une attraction sur la zone de chalandise ; 5° Chiffre d'affaires annuel attendu de la réalisation du projet ; c) d'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier l'impact prévisible du projet au regard des critères prévus par l'article L. 720-3 du code de commerce et justifiant du respect des principes posés par les articles 1er de la même loi / (…) » ; qu'enfin aux termes du troisième alinéa de l'article 20 de ce décret : « L'étude d'impact jointe à la demande est adressée par le secrétariat de la commission, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou contre décharge, à la chambre de commerce et d'industrie et à la chambre de métiers dont les circonscriptions englobent la commune d'implantation du projet ; ces organismes disposent d'un délai de six semaines à compter de leur saisine pour communiquer leurs observations à la commission » ; qu'il résulte de l'instruction, que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, a estimé que la zone de chalandise définie par la société d'études, développement et réalisation « LOISINORD II » devait être étendue compte tenu de l'importance du projet et de son intégration dans une zone de loisirs à très forte fréquentation ; que l'erreur d'appréciation commise par la société pétitionnaire, qui n'était pas, à elle seule, susceptible de dénaturer le projet présenté, a ainsi été rectifiée par le service instructeur, qui l'a prise en compte dans les conclusions de son rapport ; que contrairement à ce que soutient l'association « SAUVONS NOS CENTRES VILLES », la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dont le rapport est transmis à la commission d'équipement commercial avant que celle-ci ne délibère, ne méconnaît pas, en rectifiant les inexactitudes commises par le pétitionnaire, l'étendue de ses compétences et la portée des dispositions précitées ; que par ailleurs le caractère tacite de l'autorisation accordée ne fait pas obstacle à la prise en compte du rapport du service instructeur établi avant la naissance de la décision attaquée et constituant ainsi une pièce du dossier permettant au juge, dans le cadre du contrôle de la légalité de la décision d'autorisation attaquée, d'apprécier l'impact du projet au regard des critères susmentionnés, au sein de la zone de chalandise rectifiée ;
Sur le moyen tiré de l'absence de demande distincte au titre d'installations de distribution de carburants :
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 18 du décret du 9 mars 1993 : « Lorsqu'est envisagée sur un même site la réalisation conjointe de magasins de commerce de détail, d'installations de distribution de carburants, d'établissements hôteliers ou de garages, chacun de ces projets doit faire l'objet d'une demande distincte » ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le projet de centre commercial dont il s'agit ait prévu l'installation de stations de distribution de carburants ; que s'il est envisagé, à terme, de créer sur le même site, un parc à thème consacré exclusivement à l'automobile, ce projet non encore formalisé est distinct de celui faisant l'objet du présent litige et ne permet pas, en tout état de cause, d'établir que le projet contesté de la société d'études, développement et réalisation « LOISINORD II » comportait une station de distribution de carburants ; que par suite, le moyen soulevé par l'association « SAUVONS NOS CENTRES VILLES », tiré de ce que la société pétitionnaire avait à justifier, conformément aux dispositions du second alinéa de l'article 18-4 du décret du 9 mars 1993 susvisé, d'une demande distincte au titre d'installations de distribution de carburants, est inopérant ;
Sur les moyens tirés d'une méconnaissance du droit de la concurrence :
Considérant qu'il incombe aux commissions d'équipement commercial de veiller, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, au respect des règles tendant à préserver le libre jeu de la concurrence, notamment celles qui résultent des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986, insérées désormais dans le code de commerce ; qu'au nombre de ces règles figurent celles qui visent à prévenir les risques d'abus de position dominante ; que la situation de position dominante susceptible de découler d'une autorisation commerciale s'apprécie au niveau de l'ensemble de la zone de chalandise ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, que le marché pertinent de la zone de chalandise comprend environ 500 000 habitants et dispose d'un équipement commercial en hypermarchés et grandes surfaces spécialisées, dense et varié ; que cependant, au sein de cette zone le groupe Carrefour ne disposera, après la réalisation de l'opération autorisée, que de 32,8 % de la totalité des surfaces commerciales affectées aux hypermarchés et constituera un taux d'emprise moyen de 8 % en termes de chiffre d'affaires par rapport aux grandes surfaces de plus de 300 m2 ; que dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le groupe Carrefour serait susceptible, s'il était autorisé à créer un hypermarché de 9 000 m2, d'abuser d'une position dominante dans cette zone doit être écarté ; que la circonstance selon laquelle l'enseigne Leclerc, présente sur le même site, pourrait être mise en difficulté par l'installation de l'hypermarché Carrefour n'est pas de nature à démontrer à elle seule, que ce groupe serait en position dominante sur l'ensemble de la zone de chalandise ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er modifié de la loi du 27 décembre 1973 et des articles L. 720-1 à L. 720-3 du code de commerce :
Considérant que, pour l'application des dispositions combinées de l'article 1er de la loi du
27 décembre 1973 et des articles L. 720-1 à L. 720-3 du code de commerce, il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs que le projet peut présenter, au regard notamment de l'emploi, de l'aménagement du territoire, de la concurrence, de la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, de la satisfaction des besoins des consommateurs ;
Considérant, d'une part, que s'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du service instructeur que le taux d'équipement en hypermarchés dans la zone de chalandise, après réalisation du projet contesté, serait supérieur de 5,2 % à la moyenne départementale, le taux d'équipement en commerces, toutes surfaces et spécialités confondues, resterait, exception faite des généralistes et spécialistes alimentaires dont le taux dépasserait seulement de 0,8 % la moyenne départementale, inférieur à celle-ci ; que l'association « SAUVONS NOS CENTRES VILLES » ne peut valablement contester ces chiffres en se référant uniquement aux données issues du rapport de la commission d'aménagement du territoire et de la commission commerce de la chambre de commerce et d'industrie et des services de l'arrondissement de Béthune dès lors que ledit rapport, dont les chiffres bruts, au demeurant, ne permettent pas de connaître avec précision les enseignes retenues dans la zone, n'a pris en compte dans son analyse de l'impact du projet sur les autres commerces, ni l'extension de la zone de chalandise, ni les autorisations d'autres équipements accordées mais non encore réalisées, contrairement à la démarche retenue par le service instructeur et dont le bien-fondé n'est pas sérieusement contesté par l'association ;
Considérant, d'autre part, que le projet autorisé comporte, ainsi que l'a relevé le jugement attaqué, des effets positifs tenant à la satisfaction des besoins des consommateurs, à l'animation de la concurrence entre les grandes enseignes de distribution ainsi qu'au développement de l'emploi ; qu'ainsi la création à Noeux-les-Mines d'un centre commercial de dimension régionale, bénéficiant de toutes les innovations et évolutions récentes en matière d'urbanisme commercial, dans le cadre nouveau d'activités ludiques, sportives et commerciales, est de nature à contribuer à la modernisation de l'équipement de la zone ; que par ailleurs, ce projet s'inscrit non seulement dans le cadre de la restructuration de la commune de Noeux-les-Mines, voulue par les autorités responsables de celle-ci, mais aussi au niveau de la zone de chalandise au coeur du bassin minier à égale distance de deux autres centres commerciaux, Béthune-Bruay et Lens-Liévin ; que plus largement encore, le projet permettra un rééquilibrage entre les différents sites de portée générale tels que Auchan à Noyelles Godault, l'agglomération lilloise et le littoral ; qu'enfin, il est constant que le projet sera à l'origine d'une création nette d'emplois évaluée à un minimum de 181 emplois salariés ; qu'ainsi le projet comporte des effets positifs sur l'offre commerciale locale et le développement de la concurrence, de nature à compenser les risques de déséquilibre qui pourrait se créer entre les différentes formes de commerce ; que dans ces conditions l'association « SAUVONS NOS CENTRES VILLES » et la SOCIETE DE DISTRIBUTION NŒUXOISE, qui se bornent à soutenir que les effets positifs ne seraient pas démontrés, ne sont pas fondées à soutenir que la décision d'autorisation attaquée résulterait d'une inexacte appréciation des objectifs fixés par les dispositions législatives précitées ;
Considérant enfin, que le moyen tiré de ce que la décision d'autorisation attaquée serait incompatible avec le schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme du secteur manque, en tout état de cause, de précisions pour en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que la SOCIETE DE DISTRIBUTION NŒUXOISE et l'association « SAUVONS NOS CENTRES VILLES » ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision tacite d'autorisation de création d'un centre commercial d'une surface de vente de 29 774 m2 sur le site « LOISINORD II » ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées d'une part, par la société d'études, développement et réalisation « LOISINORD II » à l'encontre de la SOCIETE DE DISTRIBUTION NŒUXOISE et de l'association « SAUVONS NOS CENTRES VILLES », et d'autre part, par ces dernières à l'encontre de la société d'études, développement et réalisation « LOISINORD II » et de l'Etat au titre des sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes respectives de la société d'études, développement et réalisation « LOISINORD II », de l'association « SAUVONS NOS CENTRES VILLES » et de la SOCIETE DE DISTRIBUTION NŒUXOISE sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'études, développement et réalisation « LOISINORD II », à l'association « SAUVONS NOS CENTRES VILLES », à la SOCIETE DE DISTRIBUTION NŒUXOISE ainsi qu'au ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais et à l'union régionale des PME-PMI du Nord/Pas-de-Calais commerce, industrie et prestataires de services.
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Nos05DA00370,05DA00421,05DA00551