Vu le recours, reçu par télécopie du 26 mars 2004 confirmée par courrier enregistré le
31 mars 2004, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 00-0403 en date du 26 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a condamné l'Etat à verser à M. X une somme de 11 433,68 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, correspondant à l'indemnité exceptionnelle de mutation prévue par le décret du 16 novembre 1990 et au complément spécifique de restructuration prévu par le décret du 30 mai 1997 ;
2°) de rejeter la demande de M. X ;
Il soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit en qualifiant la mutation de M. X à Vernon de mutation d'office, alors que celui-ci avait présenté une demande de mutation vers cette commune à laquelle il a été fait droit ; que, pour ouvrir droit au versement de l'indemnité exceptionnelle de mutation et du complément spécifique de restructuration, la mutation doit revêtir un caractère géographique et non fonctionnel, le décret du
16 novembre 1990 renvoyant à la notion de changement de résidence prévue par le décret du
28 mai 1990 ; que les fonctionnaires ont uniquement le droit de solliciter une affectation conforme à leur statut, leurs aptitudes et leur grade et non à un emploi précis ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 août 2004, présenté pour M. Jean X, par Me Lenglet, avocat, qui conclut au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que le recours est tardif ; que le service où il était affecté faisait partie de la liste des services ou établissements du ministère de la défense ouvrant droit à certaines indemnités de mobilité, ainsi que le prévoit l'arrêté du 23 décembre 1998 ; que les instructions des 17 décembre 1992 et 23 décembre 1996 et la directive du 5 mars 1997 ont étendu le bénéfice de l'indemnité exceptionnelle de mutation et de l'indemnité de conversion à tous les personnels civils appartenant à des organismes restructurés, y compris pour les mutations volontaires ; qu'ainsi, la mutation d'office ne constituait plus une condition à l'obtention de l'indemnité exceptionnelle de mutation ; que sa mutation n'est pas intervenue sur sa demande, dès lors qu'il n'a pas obtenu le poste qu'il avait sollicité à Vernon, dans le cadre du tour inter-directions, mais a été affecté à un autre poste situé dans cette commune, poste qui ne correspondait pas à sa spécialité ; que le poste qu'il occupait avait vocation à disparaître dans le cadre des restructurations ; qu'il ne pouvait refuser le poste proposé ; que les instructions et circulaires relatives aux mutations mentionnent des postes à pourvoir et non des affectations géographiques ; qu'alors que le critère géographique devant être revêtu par la mutation pour ouvrir droit aux indemnités est rempli, il a, en outre, fait l'objet d'une mobilité fonctionnelle non sollicitée devant être assimilée à une mutation d'office ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 89-749 du 18 octobre 1989 relatif au statut du corps de techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense ;
Vu le décret n° 90-1022 du 16 novembre 1990 instituant une indemnité exceptionnelle de mutation ;
Vu le décret n° 97-600 du 30 mai 1997 instituant un complément spécifique de restructuration en faveur de certains agents du ministère de la défense ;
Vu l'arrêté interministériel du 23 décembre 1998 portant agrément de la liste des services ou des établissements relevant du ministère de la défense ouvrant droit à certaines indemnités de mobilité ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2006 à laquelle siégeaient M. Philippe Couzinet, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et M. Fabien Platillero, conseiller :
- le rapport de M. Fabien Platillero, conseiller ;
- et les conclusions de M. Jérôme Michel, commissaire du gouvernement ;
Sur le principe de l'attribution de l'indemnité exceptionnelle de mutation et du complément spécifique de restructuration, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de
non-recevoir opposée par M. X :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 16 novembre 1990 susvisé : « Les agents publics mutés ou déplacés d'office à l'occasion d'une opération de restructuration d'une administration de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics administratifs peuvent, dans les conditions prévues par le présent décret, bénéficier d'une indemnité exceptionnelle de mutation. Sont considérées comme opérations de restructuration les réorganisations se traduisant par des suppressions d'emplois nettes … Les déplacements d'office prévus par l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ainsi que les mutations prononcées par l'administration pour répondre aux demandes formulées par les fonctionnaires n'ouvrent pas droit à l'indemnité exceptionnelle de mutation » ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : « L'attribution de l'indemnité exceptionnelle de mutation aux agents d'un service touché par une des opérations visées à l'article 1er est subordonnée à l'agrément de ladite opération par un arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la fonction publique et du ministre intéressé ... » ; qu'aux termes de l'article 3 dudit décret : « L'indemnité est attribuée : a) Aux agents dont la mutation a entraîné un changement de résidence familiale et a ouvert droit aux indemnités forfaitaires prévues à l'article 25 ou à l'article 26 du décret du 28 mai 1990 précité … » ; qu'aux termes de l'article
1er du décret du 30 mai 1997, dans sa rédaction alors en vigueur : « Pour la période courant du
1er janvier 1997 au 31 décembre 2002, une indemnité, dénommée complément spécifique de restructuration, peut être attribuée, dans les conditions fixées à l'article 2 du présent décret, aux agents publics titulaires et non titulaires du ministère de la défense, mutés dans l'intérêt du service ou déplacés d'office avec changement de résidence à l'occasion d'une opération de restructuration de leur service ou établissement d'affectation » ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret, dans sa rédaction alors applicable : « Le complément spécifique de restructuration institué à l'article 1er du présent décret peut être attribué à condition que l'agent bénéficie, compte tenu des caractéristiques de l'opération de restructuration considérée, de l'indemnité exceptionnelle de mutation, dans les conditions fixées par le décret du 16 novembre 1990
susvisé … » ; qu'aux termes de l'article 6 dudit décret : « L'attribution du complément spécifique de restructuration est subordonnée à l'agrément de l'opération visée à l'article 1er par un arrêté conjoint des ministres chargés respectivement de la défense, de la fonction publique et du budget » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 8 janvier 1999, M. X, alors qu'il était affecté à la direction régionale de Paris, au service de la qualité, de la direction des programmes, des méthodes d'acquisition et de la qualité de la direction générale de l'armement, mentionnée dans l'arrêté du 23 décembre 1998 susvisé déterminant la liste des services ou établissements du ministère de la défense dont les personnels titulaires et non titulaires mutés ou déplacés d'office pouvaient bénéficier de l'indemnité exceptionnelle de mutation et du complément spécifique de restructuration, a notamment postulé, dans le cadre du mouvement de mutation inter-directions concernant les techniciens supérieurs d'études et de fabrications, pour le poste d'assistant technique au chargé de mission environnement dans la conduite des travaux de normalisation nationaux et OTAN, au laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques (LRBA) de Vernon, relevant de la direction des centres d'expertise et d'essais ; que si, par décision du 22 juillet 1999, l'intéressé a été muté au LRBA de Vernon à compter du
1er septembre 1999, il est constant qu'il n'a pas été affecté sur le poste qu'il avait sollicité, mais sur un poste où il était chargé de fonctions d'études et d'exploitation de simulations numériques, dont il n'est pas contesté qu'il relevait de la spécialité informatique, alors que M. X était spécialisé en aéronautique ; que, même si cette affectation était conforme au statut des techniciens supérieurs d'études et de fabrications et au grade de l'agent, et que celui-ci avait, dans ses demandes de mutations, postulé pour un poste à Vernon, dès lors que le MINISTRE DE LA DEFENSE n'a pas nommé M. X dans l'emploi qu'il avait sollicité, il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait répondu à une demande formulée par l'intéressé en prononçant sa mutation pour un poste au LRBA de Vernon, autre que celui qui était demandé ; que, par suite, le Tribunal administratif de Rouen n'a commis aucune erreur de droit en qualifiant la mutation à laquelle il a été procédé en l'espèce de mutation d'office au sens de l'article 1er du décret du
16 novembre 1990 et en reconnaissant à M. X le droit à l'attribution de l'indemnité exceptionnelle de mutation prévue par le décret du 16 novembre 1990 et du complément spécifique de restructuration prévu par le décret du 30 mai 1997 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a condamné l'Etat à verser à M. X une somme de 11 433,68 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, correspondant à l'indemnité exceptionnelle de mutation et au complément spécifique de restructuration ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE LA DEFENSE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. X une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE LA DEFENSE et à
M. Jean X.
N° 04DA00267 2