Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2004, présentée pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'EURE, dont le siège est ..., par Me X..., avocat ; la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'EURE demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 9900323 en date du 29 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1996 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
Elle soutient que la subvention qui lui a été accordée par l'association « Lyons Andelle développement » n'est pas imposable à la taxe sur la valeur ajoutée car elle n'a pas réalisé cette étude à la suite d'un engagement exprès qu'elle aurait pris à l'égard de l'association mais conformément à son rôle de promotion des entreprises ; que la notion d'engagement exprès est précisée dans une fiche du service de la législation fiscale du 27 mars 1996 ; que l'association n'est pas devenue propriétaire de l'étude et qu'elle n'a pas bénéficié d'une prestation individualisée ; que la condition d'équivalence entre la prestation et sa contrepartie n'est pas remplie, que l'association ne pouvait utiliser directement les résultats de l'enquête ; que la subvention versée par le conseil régional de Haute-Normandie n'est pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée en l'absence de lien direct entre la prestation et sa contrepartie ; que l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée est susceptible d'entraîner un détournement des fonds des collectivités locales au profit du budget de l'Etat ; que les subventions versées par le conseil général de l'Eure ne sont pas davantage et pour les mêmes raisons imposables à la taxe sur la valeur ajoutée ; que la mise à la disposition de l'un de ses salariés à la chambre régionale de commerce et d'industrie de Haute-Normandie doit être exonérée de taxe sur la valeur ajoutée ; que cette opération remplit les conditions mises à l'exonération prévues dans l'instruction administrative du 15 février 1982 3A-4-82 ; que tant en ce qui concerne la perception des subventions que la mise à disposition de personnel, l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée s'applique dès lors que ces opérations sont effectuées dans le cadre d'une activité non lucrative ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 février 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au non-lieu partiel et au rejet du surplus de la requête ; il annonce qu'il procède au dégrèvement des sommes correspondant au redressement sur la subvention versée par le conseil général de l'Eure ; il soutient que la subvention versée par l'association « Lyons Andelle développement » l'a été en contrepartie d'une prestation individualisée ; qu'il en est de même de la subvention versée par le conseil régional de Haute-Normandie pour la réalisation d'une étude ; que la doctrine issue d'une fiche du 27 mars 1996 du service de la législation fiscale n'est pas opposable car elle ne constitue pas une interprétation de la loi fiscale, qu'elle est postérieure à la date limite de dépôt des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et qu'elle concerne les subventions agricoles ; que la jurisprudence invoquée pour soutenir que les établissements publics seraient exonérés de taxe sur la valeur ajoutée n'est pas transposable ; que la mise à disposition d'un salarié n'entre pas dans les prévisions de l'article 261 B du code général des impôts et que les conditions de l'extension de cette exonération prévue par l'instruction ne sont pas remplies ; qu'en effet la mission n'est pas d'intérêt public car les bénéficiaires sont les entreprises participant à cette action et que l'activité n'est pas une activité non soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 mars 2005, présenté pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'EURE ; elle déclare accepter le redressement relatif à la subvention versée par l'association « Lyons Andelle développement » et sur les points restant en litige, elle conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 mai 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui confirme ses précédentes écritures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2006 à laquelle siégeaient M. Couzinet, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et M. de Pontonx, premier conseiller :
- le rapport de M. de Pontonx, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant en premier lieu que, par décision en date du 28 février 2005, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Nord a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de
19 045 euros du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1996 ; que les conclusions de la requête de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'EURE relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Considérant en second lieu que, dans le dernier état de ses conclusions, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'EURE ne conteste plus le rappel de taxe sur la valeur ajoutée concernant la subvention reçue en 1996 de l'association « Lyons Andelle développement » ;
Sur le bien-fondé de l'imposition relative à la subvention de la région :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : « Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel » ; qu'aux termes de l'article 256 A du même code : « Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au troisième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature juridique de leur intervention (…) » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'EURE a reçu en 1996 de la région de Haute-Normandie une subvention d'un montant de 53 700 francs pour la réalisation d'une étude-diagnostic relative aux hôtels de l'ouest de l'Eure et de Lyons Andelle préalable à la mise en place d'une aide complémentaire à l'aide traditionnelle de la région en faveur de l'hôtellerie rurale ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la subvention versée par la région de Haute- Normandie a été spécifiquement consentie pour la réalisation de l'étude-diagnostic en cause ; que le paiement de la subvention a été expressément subordonné à la présentation de l'étude réalisée et de la facture correspondante ; que l'objet de l'étude entrait dans les attributions du conseil régional de Haute-Normandie ; que, dans ces conditions, cette étude constitue une prestation individualisable au profit de la région de Haute-Normandie ; que la circonstance que la subvention d'un montant de 53 700 francs ne recouvre pas la totalité du prix de l'étude ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être considérée comme une absence d'équivalence entre l'avantage retiré de la prestation et sa contrevaleur dès lors qu'il ressort de l'instruction qu'en procédant ainsi, le conseil régional de Haute-Normandie a entendu partager le coût de l'étude avec la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'EURE qui était également intéressée, en raison de ses attributions, par les résultats de cette étude ; qu'en raison du lien direct ainsi constaté entre l'étude en cause et la subvention versée, celle-ci doit être regardée comme constituant une prestation de services à titre onéreux entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée au sens de l'article 256 précité ;
Considérant que contrairement à ce que soutient la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'EURE, la circonstance, à la supposer établie, qu'elle n'exercerait qu'une activité non lucrative en matière d'impôts directs n'a pas pour effet d'interdire d‘examiner si les opérations qu'elle réalise relève du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ;
En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine :
Considérant que la fiche du 27 mars 1996 établie par le service de la législation fiscale et intitulée « subventions versées dans le secteur agricole, règles générales », au demeurant non signée et non publiée, ne constitue pas, en tout état de cause, une interprétation formelle de la loi fiscale opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé de l'imposition relative à la mise à disposition de personnel :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 261 B du code général des impôts : « Les services rendus à leurs adhérents par les groupements constitués par les personnes physiques ou morales exerçant une activité exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée ou pour laquelle elles n'ont pas la qualité d'assujetti, sont exonérés de cette taxe à la condition qu'ils concourent directement et exclusivement à la réalisation de ces opérations exonérées ou exclues du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et que les sommes réclamées aux adhérents correspondent exactement à la part leur incombant dans les dépenses communes » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'EURE a mis un de ses salariés à la disposition de la chambre régionale de commerce et d'industrie de la Haute-Normandie durant la période du 1er janvier 1995 au
31 décembre 1996 en vue d'une mission de rapprochement entre les petites et les grandes entreprises ; que pour les motifs retenus par le Tribunal administratif de Rouen, qui ne sont pas contestés par la chambre requérante, cette mise à la disposition ne peut bénéficier de l'exonération prévue par l'article 261 B précité du code général des impôts ;
En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine :
Considérant toutefois que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'EURE se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative du 15 février 1982 publiée sous la référence 3A-4-82 et reprise dans la documentation de base 3A 315 dans sa version mise à jour au 1er mai 1992 qui a étendu l'exonération prévue à l'article 261 B précité à certaines mises à disposition de personnel facturées au prix coûtant au profit notamment de personnes morales de droit public lorsque la mise à disposition est effectuée pour des motifs d'intérêt public ou social ; que ladite instruction précise que cette dernière condition « est satisfaite si la mise à disposition est consentie : soit pour les besoins de l'activité non soumise à la taxe sur la valeur ajoutée d'une personne morale de droit public (...) ; soit en vertu d'une obligation légale ou réglementaire » ; qu'en l'espèce, d'une part, il est constant que la mise à la disposition d'un salarié au profit de la chambre régionale de commerce et de l'industrie de Haute-Normandie a été faite à prix coûtant ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction que la mission d'intérêt général assignée à ce salarié qui consistait en un rapprochement des petites et des grandes entreprises et qui ne faisait pas l'objet de facturations, correspondait à l'exercice d'une activité non soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ainsi, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'EURE remplissait les conditions auxquelles l'exonération prévue par l'instruction précitée était subordonnée ; que, dès lors, elle entre dans les prévisions de la doctrine qu'elle invoque et peut en demander le bénéfice ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'EURE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande de décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée relatif à la mise à la disposition de personnel ; qu'il y a lieu, dès lors, de prononcer la décharge du supplément de taxe sur la valeur ajoutée correspondante pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1996 et de réformer, dans cette seule mesure, ledit jugement ;
DÉCIDE :
Article ler : A concurrence de la somme de 19 045 euros, en ce qui concerne le complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du
1er janvier 1995 au 31 décembre 1996, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'EURE.
Article 2 : La CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'EURE est déchargée du supplément de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du
1er janvier 1995 au 31 décembre 1996 correspondant à la mise à la disposition de personnel.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen en date du 29 juin 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'EURE est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'EURE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
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N°04DA00819