Vu la requête, enregistrée par télécopie le 3 novembre 2005 et régularisée par l'envoi de l'original le 7 novembre 2005, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au président de la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 05-2235, en date du 27 septembre 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a, à la demande de
M. X, annulé son arrêté, en date du 23 septembre 2005, par lequel il a décidé la reconduite à la frontière de l'intéressé et fixé le pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X ;
Il soutient que la mesure de reconduite ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été décidée ; que la mère de M. X séjourne irrégulièrement sur le territoire ; qu'il n'est pas établi que l'état de santé de son père rendrait nécessaire sa présence auprès de lui ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 10 novembre 2005 portant clôture de l'instruction au
14 janvier 2006 ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 janvier 2006 par télécopie et régularisé par l'envoi de l'original qui a été reçu le 12 janvier 2006, présenté pour M. Evgeni X, domicilié au ..., par Me Rouly, associé de la Selarl Eden ; M. X conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à payer à la Selarl Eden avocats- Madeline, Rouly, Falacho, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, une telle condamnation valant renonciation de la Selarl au versement de l'aide juridictionnelle ; il fait valoir que le jugement est bien fondé en tant qu'il a retenu, en l'espèce, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour prononcer l'annulation de l'arrêté préfectoral attaqué ; que si le préfet ne conteste pas que l'ensemble de sa famille se trouve en France, il ne peut sérieusement soutenir que la permanence de son séjour serait menacée ; que ses liens avec sa famille sont très étroits ; que sa volonté d'insertion en France est manifeste ; que la mesure serait, en outre, entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile telle que reprise par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, et notamment son article 37 alinéa 2 ;
Vu la délégation du président de la Cour en date du 20 décembre 2005 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 janvier 2006 :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président délégué ;
- les observations de Me Rouly, pour M. X ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( … ) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Evgeni X, de nationalité géorgienne, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 23 décembre 2004 de la décision du 17 décembre 2004 par laquelle le PREFET DE LA SEINE-MARITIME lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, né le
28 septembre 1984, est entré en France le 13 janvier 2002, à l'âge de 17 ans, et y a été rejoint, en avril et août 2002, par l'ensemble de sa famille constituée de son père, M. Rachik X, de sa mère, Mme Arev X, et de son unique soeur cadette, Margherita, née en 1988 ; que le père de l'intéressé est titulaire depuis 2003 d'une carte de séjour temporaire, renouvelée chaque année et en dernier lieu jusqu'en août 2006, compte tenu de son état de santé ; que si, à la date de la décision attaquée, aucun autre membre de la famille ne disposait d'un titre de séjour, il ressort des pièces du dossier que la situation de cette famille, qui vit depuis plusieurs années au ..., était connue de l'administration et que chacun de ses membres fait preuve d'une réelle volonté d'intégration notamment à travers l'apprentissage rapide de la langue française et différents investissement sociaux ou scolaires ; qu'en particulier, M. X est devenu, en trois ans, un judoka remarqué par ses performances sportives au sein du club de Grand-Quevilly ainsi que par ses qualités humaines ; qu'il est également, par ailleurs, sollicité, à titre bénévole, comme traducteur ; qu'il dispose enfin d'une promesse d'embauche ; qu'ainsi, malgré l'interpellation de M. X pour infraction au code de la route qui a été à l'origine de la procédure de reconduite à la frontière, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a, dans les circonstances de l'espèce, entaché son arrêté du 23 septembre 2005 d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ; que, par suite, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté, en date du 23 septembre 2005, ordonnant cette reconduite et fixant le pays de destination ;
Considérant que l'avocat de M. X, la Selarl Eden, entend se prévaloir des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en mettant à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros qui sera versée à la Selarl Eden, laquelle a, en application de l'article 37 précité, expressément renoncé à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la Selarl Eden une somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à M. Evgeni X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
N°05DA01367 2