Vu la requête, enregistrée le 12 février 2004, présentée pour M. Jean-Yves X, demeurant à ..., par Me Charpail, avocat associé au CMS Bureau Francis Lefebvre ; M. X demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 01-251 en date du 18 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1994 et en restitution des sommes versées au Trésor, assorties des intérêts moratoires ;
2°) de prononcer la réduction de l'imposition contestée et la restitution demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient qu'eu égard au caractère prématuré de la décision mettant fin à ses fonctions de président-directeur général du Crédit national, de l'impossibilité de retrouver un autre emploi à
61 ans, des conditions brutales dans lesquelles la décision est intervenue, lesquelles ont porté atteinte à sa réputation professionnelle, et de l'absence de lien de l'indemnité versée avec le temps passé dans l'entreprise, cette indemnité doit être regardée comme réparant principalement un préjudice moral ; qu'ainsi, c'est à tort que l'administration fiscale a réintégré dans les bases de son impôt sur le revenu 70 % de cette indemnité ; que dans d'autres cas similaires, elle a fait une application « rétroactive et gracieuse » de l'article 80 duodecies du code général des impôts ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense et le nouveau mémoire, enregistrés les 4 et 18 août 2004, présentés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête ; il soutient que l'indemnité versée a essentiellement pour objet de réparer un préjudice pécuniaire résultant d'une perte de salaires attendus ; que l'intéressé se trouvait à la fin de son parcours professionnel ; que l'article 80 duodecies du code général des impôts est seulement applicable aux indemnités de rupture du contrat de travail ou de mandat social perçues à compter du 1er janvier 1999 ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 septembre 2004, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre qu'il prend acte du dégrèvement complémentaire annoncé par l'administration dans son mémoire produit le
4 août 2004 ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 23 novembre 2004, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 13 décembre 2004, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que le revirement de l'administration, qui après avoir annoncé un dégrèvement revient sans nouveau motif sur sa position, est parfaitement arbitraire ;
Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 22 mars 2005 et 4 janvier 2006, présentés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut aux mêmes fins que ses deux précédents mémoires, par les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 18 avril 2005, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2006 à laquelle siégeaient M. Couzinet, président de chambre, M. de Pontonx et M. Soyez, premiers conseillers :
- le rapport de M. Couzinet, président de chambre ;
- les observations de Me Leboff, avocat, pour M. X ;
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite de la cessation de ses fonctions de président-directeur général du Crédit national, décidée par décret du 1er avril 1994, M. X, qui avait été nommé dans ces fonctions en novembre 1993 pour une durée de trois ans, a perçu le 30 juin 1994 une somme de 4 000 000 francs, correspondant d'une part à l'indemnité conventionnelle de licenciement, d'autre part à un complément d'indemnité lié à la précarité de sa situation et égal à douze mois de sa rémunération ; que l'administration fiscale a réintégré une somme de 2 800 000 francs, représentant 70 % de cette indemnité, dans la base de l'impôt sur le revenu de M. X, au titre de l'année 1994, et l'a assujetti au complément d'impôt correspondant ;
Considérant, en premier lieu, que les sommes versées à un salarié à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail sont imposables à l'impôt sur le revenu dans la mesure où elles ne réparent pas un préjudice autre que celui résultant pour ce salarié de la perte de son revenu ; que si, eu égard aux conditions dans lesquelles M. X a été évincé de ses fonctions, moins de cinq mois après sa nomination, son licenciement lui a causé un préjudice moral que l'indemnité en litige, quelle que soit la qualification qui lui a été donnée par le Crédit national, avait partiellement pour objet de réparer, l'administration fiscale n'a pas fait, eu égard au caractère discrétionnaire de la nomination dans l'emploi dont s'agit, de l'âge de l'intéressé, supérieur à soixante ans, et de sa faible ancienneté dans les fonctions de dirigeant du Crédit national, une appréciation insuffisante de la part de l'indemnité perçue qui réparait un préjudice autre que la perte d'un revenu en limitant cette part à
30 % de ladite indemnité ; que le requérant ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 80 duodecies inséré dans le code général des impôts par l'article 3 de la loi n° 99-1172 du
30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000, qui, en vertu du II de l'article 1er de la même loi, ne sont applicables qu'à l'impôt sur le revenu dû au titre de 1999 et des années suivantes ;
Considérant, en second lieu, que M. X ne saurait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la position prise par l'administration à l'égard d'autres contribuables, laquelle ne constitue pas une interprétation formelle de la loi fiscale, au sens dudit article ; que si, au cours de la présente instance, l'administration fiscale a annoncé, sans la motiver, son intention de procéder à un dégrèvement complémentaire, avant de se raviser dans un mémoire ultérieur, cette circonstance est sans influence sur la solution du litige ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1994 et en restitution des sommes versées au Trésor public, assorties d'intérêts moratoires ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Yves X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
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N°04DA00137