Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société FLEXIBETON, dont le siège est ZAC du Port Fluvial, BP 2, à Wambrechies (59118), par le cabinet Savin Martinet Associés ; la société FLEXIBETON demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0201896 du 17 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord, en date du
24 octobre 2001, autorisant ladite société à exploiter une centrale à béton sur le territoire de la commune de Wambrechies ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'association de défense pour la qualité de la vie à Wambrechies devant le Tribunal administratif de Lille ;
3°) de condamner l'association de défense pour la qualité de la vie à Wambrechies à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de ce que le conseil départemental d'hygiène aurait délibéré sans connaître l'intégralité des avis émis à propos de la demande formulée par la société FLEXIBETON, le conseil étant informé de la réserve dont le commissaire-enquêteur avait assorti son avis favorable ; que, contrairement à ce que retient le jugement attaqué du 17 juin 2004, le préfet a délivré l'autorisation d'exploitation sans commettre d'erreur dans l'appréciation des nuisances générées par le projet, prenant en compte le surplus de trafic routier qu'il entraîne, le trajet envisagé pour le transport du produit fabriqué et les possibilités de transport des matières premières par la voie fluviale ; que l'arrêté d'autorisation ne pouvait imposer l'utilisation de tel ou tel mode de transport ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance n° 04DA00859 du président de la Cour administrative d'appel de Douai en date du 30 décembre 2004, rejetant la requête aux fins de sursis présentée par la société FLEXIBETON ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2004, présenté pour l'association de défense pour la qualité de la vie à Wambrechies par la SCP Frison, Decramer, Guéroult et associés ; l'association de défense pour la qualité de la vie à Wambrechies conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la Cour de condamner la société FLEXIBETON à lui verser une somme de
3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que le conseil départemental d'hygiène a délibéré sans connaître l'intégralité des avis émis à propos de la demande formulée par la société FLEXIBETON ; que c'est à juste titre que le tribunal administratif a retenu, compte tenu du nombre très important de passages de camions chaque jour dans la seule rue d'Ypres, que les nuisances générées par le projet avaient un caractère substantiel ; que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en délivrant l'autorisation alors que la société FLEXIBETON l'avait informé qu'elle ne pourrait pas en début d'exploitation assurer le transport des matières premières par voie fluviale ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 10 décembre 2004, présenté pour la société FLEXIBETON qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que l'augmentation du trafic dans la rue d'Ypres, si ce trajet était utilisé, serait comprise entre 1,4 % et 2 % ; que, toutefois, un autre itinéraire sera emprunté par les camions de la société FLEXIBETON, permettant d'éviter la rue d'Ypres ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 décembre 2004, présenté pour l'association de défense pour la qualité de la vie à Wambrechies qui persiste dans ses précédentes conclusions ; elle soutient que, compte tenu du transport des matières premières par la route, l'augmentation du trafic routier dans la rue d'Ypres sera de l'ordre de 13 %, bien supérieure à ce qu'indique la société FLEXIBETON ; que les travaux de contournement de la rue d'Ypres, mis en avant par la société, ne seront achevés au mieux qu'en fin 2007 ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 février 2005, présenté pour la société FLEXIBETON qui maintient ses précédentes conclusions et conteste l'évaluation de l'augmentation du trafic routier dans la rue d'Ypres faite par l'association de défense pour la qualité de la vie à Wambrechies ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 mars 2005, présenté par le ministre de l'écologie et du développement durable ; le ministre demande à la Cour de faire droit à la requête de la société FLEXIBETON et d'annuler le jugement du 17 juin 2004 ; il soutient que le préfet a fait une juste appréciation de l'impact du projet sur le trafic routier ; que, compte tenu du caractère limité de l'impact de l'exploitation sur le trafic, le préfet n'était pas tenu de prescrire des mesures relatives au transport des matériaux ; que les camions peuvent prendre un autre itinéraire que celui empruntant la rue d'Ypres, consistant à passer par la route nationale 354 et la route départementale 57, route de Messines ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à la société FLEXIBETON de faire figurer dans le dossier de demande d'autorisation un chiffrage des coûts comparés des modes de transport routier et fluvial et de l'incidence des surcoûts invoqués sur l'équilibre de son exploitation ; que la société a confirmé son engagement de transporter le sable, qui représente 50 % des matières premières, par voie fluviale ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 avril 2005, présenté pour l'association de défense pour la qualité de la vie à Wambrechies qui persiste dans ses précédentes écritures ; elle soutient que les chiffres d'augmentation du trafic routier avancés par la société FLEXIBETON et le ministre à partir d'une étude réalisée par le cabinet X sont purement fantaisistes ; que la société FLEXIBETON ne respecte pas son engagement d'emprunter un itinéraire de délestage et n'a pas recours à ce jour au transport par la voie fluviale ;
Vu les mémoires, enregistrés le 20 juin 2005 ainsi que le 9 décembre 2005 par télécopie et son original en date du 12 décembre 2005, présentés pour la société FLEXIBETON ; la société, qui persiste dans ses précédentes conclusions, soutient que les camions passant par la commune de Wambrechies ne sont pas ceux de la société FLEXIBETON, mais ceux d'autres sociétés ; que les transporteurs dont les camions continuent à emprunter la rue d'Ypres ne sont pas liés à la société FLEXIBETON, à l'exception de la société Y, dont les camions ont emprunté cette voie en dépit de l'interdiction donnée par la société FLEXIBETON ; que les livraisons de sable sont effectuées par bateau depuis le mois de juillet 2005 ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 décembre 2005, présentée pour l'association de défense pour la qualité de la vie à Wambrechies ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 2005 à laquelle siégeaient Mme Tricot, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et Mme Eliot, conseiller :
- le rapport de M. Dupouy, président-assesseur,
- les observations de Me Baccara, pour la société FLEXIBETON,
- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par le jugement attaqué du 17 juin 2004, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord, en date du 24 octobre 2001, autorisant la société FLEXIBETON à exploiter une centrale à béton à Wambrechies, dans la partie de la zone portuaire de cette commune réservée aux implantations susceptibles d'utiliser la voie d'eau ; que, pour annuler cet arrêté, le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen invoqué par l'association de défense pour la qualité de la vie à Wambrechies, tiré de ce que le préfet ne pouvait légalement délivrer l'autorisation litigieuse sans l'assortir de prescriptions propres à remédier aux nuisances et inconvénients occasionnés par le passage dans la rue d'Ypres des véhicules poids lourds transportant les matières premières et le béton produit ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : « Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement … » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la demande d'autorisation déposée par la société FLEXIBETON prévoit le transport par la route des produits finis et l'utilisation de la voie fluviale pour le transport des matières premières destinées à l'approvisionnement de la centrale ; que, toutefois, la société s'est seulement engagée à recourir au mode fluvial pour le transport du sable, représentant environ 50 % du total des matières premières ; que, compte tenu de ces éléments et des prévisions de production de la centrale au cours de ses premières années d'activité, non sérieusement contredites par l'association de défense pour la qualité de la vie à Wambrechies, le rapport de l'inspection des installations classées, en date du 20 juin 2001, a estimé le trafic induit par l'exploitation de la centrale à 80 camions par jour en période normale et à 120 camions en situation exceptionnelle, représentant une augmentation du trafic comprise entre 1,4 % et 2 % dans la rue d'Ypres ; qu'il ressort, en outre, de la demande d'autorisation de la société FLEXIBETON que l'accès au site peut se faire non seulement par la rue d'Ypres, mais aussi par un autre itinéraire permettant d'éviter l'agglomération de Wambrechies et que la société indique vouloir privilégier ; que le projet autorisé par le préfet du Nord a reçu l'avis favorable du commissaire enquêteur et de l'ensemble des organismes et services consultés, en particulier celui du conseil départemental d'hygiène ; qu'ainsi, et alors même que la construction du Pont du Vert Galant, permettant le contournement de l'agglomération de Wambrechies, ne devrait pas être achevée avant 2008, le préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord, compte tenu du caractère limité des nuisances provenant du trafic des camions de l'entreprise dans la rue d'Ypres, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en accordant l'autorisation litigieuse sans l'assortir de prescriptions concernant le transport des matériaux ; que, par suite, la société FLEXIBETON est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté préfectoral du 24 octobre 2001, le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen susmentionné ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par l'association de défense pour la qualité de la vie à Wambrechies devant le Tribunal administratif de Lille ;
Considérant que le commissaire-enquêteur a émis un avis favorable au projet sous la réserve que la société FLEXIBETON transporte ses matières premières par voie d'eau ; que cette réserve a été expressément mentionnée dans le rapport de l'inspection des installations classées destiné au conseil départemental d'hygiène ; qu'ainsi, le moyen de l'association de défense pour la qualité de la vie à Wambrechies, tiré de ce que le conseil départemental d'hygiène n'aurait pas été informé de cette réserve et aurait ainsi délibéré sans connaître l'intégralité des avis émis sur la demande de la société FLEXIBETON, manque en fait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société FLEXIBETON est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ; qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association de défense pour la qualité de la vie à Wambrechies le paiement à la société FLEXIBETON d'une somme de 1 000 euros au titre des frais que cette dernière a exposés et non compris dans les dépens ; que doivent être rejetées, en revanche, les conclusions de l'association de défense pour la qualité de la vie à Wambrechies tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0201896 du Tribunal administratif de Lille en date du 17 juin 2004 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'association de défense pour la qualité de la vie à Wambrechies devant le Tribunal administratif de Lille et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : L'association de défense pour la qualité de la vie à Wambrechies versera à la société FLEXIBETON une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société FLEXIBETON, à l'association de défense pour la qualité de la vie à Wambrechies et au ministre de l'écologie et du développement durable.
Copie sera transmise au préfet du Nord.
2
N°04DA00858