Vu, I, la requête, enregistrée sous le n° 04DA00614 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 22 juillet 2004, présentée pour Mme Juliette X, demeurant ..., par Me Dragon ; Mme X demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 04-831 du 6 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 23 septembre 2003 par lequel le maire de Lillers lui a accordé un permis de construire pour la construction d'une maison d'habitation ;
2°) de rejeter la demande présentée par le préfet du Pas-de-Calais devant le Tribunal administratif de Lille ;
Elle soutient que, pour prendre sa décision, le Tribunal administratif ne pouvait se fonder sur le plan de prévention des risques d'inondation de la vallée de la Clarence qui n'a été rendu opposable que par arrêté préfectoral du 4 novembre 2003 alors que le permis de construire litigieux a été délivré le 23 septembre précédent ; que si le plan de prévention avait été applicable, le Tribunal aurait dû se fonder sur les dispositions de l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme, or ledit plan a été mis en application par arrêté préfectoral sans enquête publique, par anticipation pour une durée de trois ans ; qu'en l'espèce, il convenait de se fonder sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de vérifier, en conséquence, si le projet de construction envisagé était de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ; que la crainte de l'administration vis-à-vis d'une inondation de la zone litigieuse par la rivière la Nave n'est pas fondée ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2004 par télécopie et son original en date du 12 octobre 2004, présenté par le préfet du Pas-de-Calais qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le Tribunal s'est fondé sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que l'article R. 111-3 du même code a été abrogé par l'article 10 du décret n° 95-1089 du 5 octobre 1995 relatif aux plans de prévention des risques naturels prévisibles ; que les premiers juges ont estimé l'erreur manifeste d'appréciation non au regard de l'opposabilité du plan de prévention des risques d'inondation mais bien par rapport aux études qui ont conduit à prendre les prescriptions qu'il impose ; que le terrain de Mme X est situé en zone rouge foncé où le risque d'inondation est fort, pouvant atteindre des hauteurs d'eau supérieures à 50 cm et/ou des vitesses d'écoulement élevées ;
Vu le mémoire enregistré le 13 décembre 2004, présenté pour la commune de Lillers, qui conclut à l'annulation du jugement attaqué et au rejet du recours en annulation du préfet du
Pas-de-Calais ; elle soutient que le plan de prévention des risques d'inondation ne peut être appliqué, en l'espèce, dès lors qu'il a été arrêté postérieurement au permis de construire litigieux et qu'il n'a fait l'objet ni d'une consultation des services intéressés, ni d'une enquête publique ; qu'en tout état de cause, la classification par le plan de prévention des risques d'inondation de la zone litigieuse sur laquelle devait être construite la maison de Mme X en zone rouge ne repose sur aucune justification particulière mais seulement sur la projection arbitraire d'une crue centennale hypothétique de la seule rupture de digue observée en 1999 ; que la classification de la bande de
50 mètres le long de la Nave en zone bleu clair et les précautions s'y rattachant, notamment la construction des maisons à 0,50 mètre au dessus du niveau de la route répondent parfaitement aux exigences de sécurité et de salubrité des habitations et de leurs occupants ; que toutes les attestations versées au débat démontrent qu'aucune maison n'a jamais été inondée dans le secteur litigieux ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 juillet 2005, présenté pour Mme X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que le projet d'arrêt définitif du plan local d'urbanisme de la commune de Lillers prévoit de classer son terrain litigieux en zone constructible UCB ;
Vu, II, la requête, enregistrée sous le n° 04DA00639 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 27 juillet 2004 par télécopie et son original en date du 28 juillet 2004, présentée pour la COMMUNE DE LILLERS, représentée par son maire en exercice, par Me Favaro ; la commune demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 04-831 du 6 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 23 septembre 2003 par lequel le maire a accordé à Mme X un permis de construire pour la construction d'une maison d'habitation ;
2°) de rejeter la demande présentée par le préfet du Pas-de-Calais devant le Tribunal administratif de Lille ;
Elle soutient que le plan de prévention des risques d'inondation ne peut être appliqué, en l'espèce, dès lors qu'il a été arrêté postérieurement au permis de construire litigieux et qu'il n'a fait l'objet ni d'une consultation des services intéressés, ni d'une enquête publique ; qu'en tout état de cause, la classification par le plan de prévention des risques d'inondation de la zone litigieuse sur laquelle devait être construite la maison de Mme X en zone rouge ne repose sur aucune justification particulière mais seulement sur la projection arbitraire d'une crue centennale hypothétique de la seule rupture de digue observée en 1999 ; que la classification de la bande de
50 mètres le long de la Nave en zone bleu clair et les précautions s'y rattachant, notamment la construction des maisons à 0,50 mètre au dessus du niveau de la route répondent parfaitement aux exigences de sécurité et de salubrité des habitations et de leurs occupants ; que toutes les attestations versées au débat démontrent qu'aucune maison n'a jamais été inondée dans le secteur litigieux ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2004 par télécopie et son original en date du 12 octobre 2004, présenté par le préfet du Pas-de-Calais, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le Tribunal s'est fondé sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que l'article R. 111-3 du même code a été abrogé par l'article 10 du décret n° 95-1089 du
5 octobre 1995 relatif aux plans de prévention des risques naturels prévisibles ; que les premiers juges ont estimé l'erreur manifeste d'appréciation non au regard de l'opposabilité du plan de prévention des risques d'inondation mais bien par rapport aux études qui ont conduit les prescriptions qu'il impose ; que le terrain de Mme X est situé en zone rouge foncé où le risque d'inondation est fort et peut atteindre des hauteurs d'eau supérieures à 50 cm et/ou des vitesses d'écoulement élevées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2005 à laquelle siégeaient Mme Tricot, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et Mme Eliot, conseiller :
- le rapport de Mme Eliot, conseiller ;
- les observations de Me Tondellier, pour Mme X ;
- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes nos 04DA00614 et 04DA00639, présentées respectivement pour Mme X et pour la COMMUNE DE LILLERS, sont dirigées contre le même jugement et sont relatives à la légalité du même permis de construire ; qu'il y a, ainsi, lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : « Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique » ; que les risques d'atteinte à la sécurité publique visés par ce texte concernent aussi bien ceux auxquels sont exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux qui peuvent être causés par ladite construction ; que pour apprécier la légalité du permis de construire délivré à Mme X sur la COMMUNE DE LILLERS au regard de ces dispositions, les premiers juges, en se fondant sur les mesures et procédures prévues par le plan de prévention des risques d'inondation dans la vallée de Clarence, alors même que celui-ci n'était pas encore opposable à la commune, n'ont pas commis d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier, que le terrain d'assiette du permis de construire litigieux est exposé aux phénomènes de rupture ou de débordement de la digue de la rivière Nave et ainsi à un aléa d'inondation fort, susceptible d'atteindre une hauteur de plus d'un mètre au dessus du terrain naturel ; que ni l'allégation, qui n'est au demeurant établie par aucune pièce du dossier, selon laquelle en cas de précipitations supérieures à celles observées lors de la rupture de la digue en 1999, la Nave déborderait bien avant la COMMUNE DE LILLERS, ni la circonstance qu'aucune maison située dans le secteur litigieux n'a jamais été inondée, ne sauraient sérieusement remettre en cause l'importance du risque d'inondation susmentionné ; que la COMMUNE DE LILLERS n'établit pas davantage que les travaux qu'elle aurait réalisés au moment de la délivrance du permis de construire auraient rendu injustifiée la zone de rupture de digues définie par le plan de prévention ; qu'enfin, la commune et Mme X ne sauraient, en tout état de cause, utilement faire valoir que d'autres travaux de protection sont programmés et que le plan local d'urbanisme prévoit de classer le terrain litigieux en zone constructible, la légalité d'un permis de construire s'appréciant à la date de sa délivrance ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a estimé que le permis de construire attaqué, alors même qu'il prescrivait un niveau de plancher à plus de 0,50 mètre au dessus du niveau de la route, était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme précité et devait, pour ce motif, être annulé ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de Mme X et de la COMMUNE DE LILLERS sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Juliette X, à la COMMUNE DE LILLERS, au préfet du Pas-de-Calais et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
Nos04DA00614, 04DA00639 2