Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE (EPSM) LILLE-METROPOLE, dont le siège est ..., par Me Y... ; l'EPSM LILLE-METROPOLE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 02-3941 en date du 25 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille l'a condamné à payer à Mme Seny B... la somme de 50 236 euros en réparation des préjudices subis par elle-même et par ses deux enfants mineures à la suite du décès de leur époux et père survenu lors de son hospitalisation à l'EPSM de LILLE-METROPOLE, la somme de 12 000 euros aux parents de la victime et la somme de 3 141,94 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille ;
2°) de rejeter les demandes présentées en première instance par Mme B..., agissant à titre personnel et en sa qualité de représentante légale de ses deux enfants mineures, par
Mme X... Z et M. Gérard B..., les parents de la victime, et par la caisse primaire d'assurance maladie de Lille ;
3°) de condamner solidairement Mme B..., Mme Z et M. B... à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le rapport d'expertise du Docteur A conclut à l'absence de faute de son établissement, qui compte tenu de l'état de santé et du comportement de
M. Christophe B... lors de son hospitalisation, n'avait pas à placer l'intéressé dans une chambre d'isolement ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 décembre 2004, présenté pour Mme Seny B... et
M. et Mme Gérard B..., qui concluent au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la condamnation de l'EPSM de LILLE-METROPOLE à verser à Mme B..., à titre personnel, la somme de 61 000 euros en réparation des préjudices subis, en sa qualité de représentante légale de ses deux filles la somme de 122 000 euros et à Mme Z et
M. B..., la somme de 305 000 euros chacun ; ils soutiennent qu'il résulte des différents éléments du dossier que l'établissement public a commis une faute d'une particulière gravité en laissant sans surveillance M. B... alors que celui-ci avait manifesté des signes persistants d'auto-agressivité et d'idées suicidaires ; que tant le préjudice économique de Mme B... que le préjudice moral de la famille de la victime ont été sous évalués par le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2005 à laquelle siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président assesseur et Mme Eliot, conseiller :
- le rapport de Mme Eliot, conseiller ;
- les observations de Me Sinaï Z..., pour l'EPSM LILLE-METROPOLE et
Me A..., pour les consorts B... ;
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. B... a été admis, à la demande d'un tiers, à l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE de LILLE-METROPOLE, à la suite d'importants troubles dépressifs avec auto-agression ; qu'il résulte de l'instruction que l'intéressé est décrit par l'interne de garde, qui l'a examiné à son arrivée, comme un patient agité formulant des envies d'en finir et d'achever de se suicider et par le médecin chef avec qui il s'est entretenu le lendemain comme une personne présentant des idées suicidaires avec une auto-agressivité persistante ; que dans ces conditions, le fait que M. B..., après moins d'un jour d'observation, ait été placé dans une chambre simple, porte fermée, sans surveillance particulière, constitue une faute dans l'organisation du service, en relation directe avec son décès consécutif à sa pendaison aux rideaux de la fenêtre de sa chambre ; que si le rapport de l'expert psychiatre, qui au demeurant ne disposait pas du dossier médical de la victime, affirme que celle-ci ne présentait pas de troubles graves de la personnalité et que la thérapeutique psychotrope administrée était adaptée à son état de santé, ces observations, dans les circonstances de l'espèce, ne sont pas de nature à remettre en cause la responsabilité de l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE de LILLE-METROPOLE ; que dès lors, l'établissement n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, par le jugement attaqué, que le Tribunal administratif de Lille a fait droit à l'action en responsabilité engagée par les consorts B... ;
Sur les droits à réparation :
Considérant que, par la voie de l'appel incident, Mme B..., en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de ses deux enfants et M. B... et Mme Z, parents de la victime, demandent que l'indemnité que l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE de LILLE-METROPOLE a été condamnée à leur verser soit augmentée ;
Considérant que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, Mme B... établit que les revenus perçus par M. B... pendant l'année qui a précédé son décès se sont élevés à un montant de 14 934,72 euros ; que toutefois, il est constant que l'allocation veuvage perçue par Mme B... d'un montant de 3 444 euros couvre la fraction des revenus, qui doit être fixée à 35 %, que son époux lui consacrait ; que dès lors, Mme B... ne peut se prévaloir d'un préjudice personnel ; qu'en revanche, la fraction des revenus que M. B... consacrait à chacune de ses enfants mineures au moment de l'accident doit être fixée à 10 % ; que le préjudice matériel subi par les deux filles de la victime doit, par suite, être évalué à 1 493,40 euros par an pour chacune des enfants ; que le capital correspondant au versement de ces sommes jusqu'à l'âge de 20 ans de chacune des enfants s'élève, pour Marine B..., à la somme de 17 920 euros et pour Margaux B... à la somme de 26 881 euros ; que dès lors, il y a lieu de réformer le jugement attaqué en ce sens ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le Tribunal administratif de Lille n'a pas fait une appréciation insuffisante de la douleur morale subie par Mme Seny B... et par
Mme B... et Mme Z, consécutivement au décès de M. B..., en l'évaluant respectivement 10 000 euros pour sa veuve et 6 000 euros pour chacun des parents ; que leurs conclusions indemnitaires à ce titre ne peuvent donc qu'être rejetées ; qu'en revanche il y a lieu de fixer à 7 000 euros le montant de la réparation du préjudice moral subi par chacune des enfants de la victime, Marine et Margaux ; que le jugement attaqué sera réformé en ce sens ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les consorts B..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, soient condamnés à verser à l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE de LILLE-METROPOLE une somme sur ce fondement ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de condamner l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE de LILLE-METROPOLE à verser aux consorts B... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EPSM de LILLE-METROPOLE est rejetée.
Article 2 : La somme de 19 300 euros que l'EPSM de LILLE-METROPOLE a été condamné à verser, par l'article 3 du jugement du 25 juin 2004 du Tribunal administratif de Lille, à Mme Seny B..., en qualité de représentante légale de sa fille Marine B..., est portée à
24 920 euros.
Article 3 : La somme de 21 236 euros que l'EPSM de LILLE-METROPOLE a été condamné à verser, par l'article 4 du jugement du 25 juin 2004 du Tribunal administratif de Lille, à Mme Seny B..., en qualité de représentante légale de sa fille Margaux B..., est portée à
33 881 euros.
Article 4 : Le jugement du 25 juin 2004 du Tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'EPSM de LILLE-METROPOLE est condamné à verser à
Mme Seny B..., à Mme X... Z et à M. Gérard B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des demandes incidentes de Mme Seny B..., à
Mme X... Z et à M. Gérard B... est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE de LILLE-METROPOLE, à Mme Seny B..., à Mme X... Z, à
M. Gérard B..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2005 à laquelle siégeaient :
- M. Gipoulon, président de chambre,
- Mme Signerin-Icre, président-assesseur,
- Mme Eliot, conseiller,
Lu en audience publique le 17 mai 2005.
Le rapporteur,
Signé : A. ELIOT
Le président de chambre,
Signé : J.F. GIPOULON
Le greffier,
Signé : G. VANDENBERGHE
La République mande et ordonne au ministre des solidarités, de la santé et de la famille en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
G. VANDENBERGHE
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N°04DA00820