Vu la requête, reçue par fax et enregistrée le 12 juin 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, et son original daté du 13 juin 2003, présentée pour la société anonyme à responsabilité limitée SOLITEL, dont le siège est ... à
Marq-en-Baroeul (59700), par Me Z... ; la société SOLITEL demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 99-3726 du 24 avril 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté en date
21 juillet 1999 par lequel le préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord, a refusé de lui accorder une autorisation d'ouverture dérogatoire le dimanche ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ; qu'il n'aurait pas été précédé des consultations requises ; qu'il méconnaît les dispositions de la circulaire du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en date du 24 mai 1994 et l'avis favorable rendu par la commune de Marq-en-Baroeul ; qu'eu égard à la nature des services fournis pour les entreprises de vente par correspondance et pour une association d'aide à domicile, l'arrêt de cette activité le dimanche pourrait être préjudiciable au public ; qu'eu égard à l'importance de son activité dominicale, au consentement de ses salariés, à son but de remise sur le marché du travail de chômeurs de longue durée, à la spécificité de son activité, le refus porte atteinte à son fonctionnement normal ; que le préfet ne pouvait, sans erreur de droit, vérifier que sa décision ne porterait pas atteinte, par une distorsion de concurrence, au fonctionnement normal des autres entreprises travaillant dans le même secteur que la société SOLITEL ; que plusieurs entreprises concurrentes travaillent le dimanche ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2003, présenté pour l'Etat par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'arrêté est suffisamment motivé ; qu'il a été précédé de la consultation des syndicats d'employeurs ; qu'eu égard à la nature des services fournis pour les entreprises de vente par correspondance et pour une association d'aide à domicile, l'arrêt de cette activité le dimanche n'est pas préjudiciable au public ; que ni par l'importance de l'activité dominicale de la société SOLITEL, ni par le consentement de ses salariés, ni par le but de remise sur le marché du travail de chômeur de longue durée, ni par la spécificité de son activité, le refus opposé à la société SOLITEL porte atteinte à son fonctionnement normal ; que le préfet devait vérifier que sa décision ne porterait pas atteinte, par une distorsion de concurrence, au fonctionnement normal des autres entreprises travaillant dans le même secteur que la société SOLITEL ; que le préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord n'a accordé aucune dérogation à cette règle à une autre société exerçant la même activité que la société SOLITEL susceptible de créer une distorsion de concurrence au détriment de celle-ci ;
Vu le mémoire en réplique enregistré le 3 décembre 2003 présenté pour la société SOLITEL ; elle reprend les conclusions de sa requête initiale par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, qu'elle s'est portée candidate à des marchés publics de prestations téléphoniques ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le codes tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 2005 à laquelle siégeaient M. Daël, président de la Cour, M. Merloz, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur, Mme Brenne et M. Stéphan, premiers conseillers :
- le rapport de M. Stéphan, premier conseiller ;
- les observations de Me X..., pour la société anonyme à responsabilité limitée SOLITEL ;
- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-5 du code du travail : Le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche. et qu'aux termes de l'article L. 221-6 du même code : Lorsqu'il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tout le personnel d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, le repos peut être donné, soit toute l'année, soit à certaines époques de l'année seulement suivant l'une des modalités ci-après : / a) Un autre jour que le dimanche à tout le personnel de l'établissement ; / b) Du dimanche midi au lundi midi ; / c) Le dimanche après-midi avec un repos compensateur d'une journée par roulement et par quinzaine ; / d) Par roulement à tout ou partie du personnel. / Les autorisations nécessaires ne peuvent être accordées que pour une durée limitée. Elles sont données après avis du conseil municipal, de la chambre de commerce et d'industrie et des syndicats d'employeurs et de travailleurs intéressés de la commune. ;
Considérant que la société SOLITEL a sollicité une autorisation d'ouverture dérogatoire le dimanche en vue de développer une plate-forme commerciale de permanence téléphonique pour le compte d'entreprises et d'associations ; que par un arrêté en date du 21 juillet 1999, le préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord, a refusé d'accorder cette dérogation, et que, par le jugement attaqué du 24 avril 2003, le Tribunal administratif de Lille a refusé de faire droit à la demande d'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité externe :
Considérant que, pour rejeter la demande de la société SOLITEL, le préfet s'est fondé sur les circonstances qu'il n'est pas démontré l'existence d'un préjudice au public , que l'atteinte au bon fonctionnement de l'entreprise n'est pas fondée , et qu'une telle dérogation aurait pour effet de créer une distorsion de concurrence avec les autres sociétés effectuant la même prestation et qui respectent le principe de repos dominical ; qu'ainsi, le préfet ne s'est pas borné à rappeler les termes de l'article L. 221-6 du code du travail, et a énuméré les considérations de fait et de droit qui l'avaient conduit à prendre son arrêté ; que, par suite, il a suffisamment motivé ledit arrêté ;
Considérant que si la société SOLITEL soutient que l'arrêté n'aurait pas été précédé des consultations requises, ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier la portée et le bien-fondé ;
Sur la légalité interne :
Considérant que la société ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de la circulaire du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en date du 24 mai 1994, qui est dépourvue de valeur réglementaire ; qu'elle ne saurait non plus se prévaloir de l'avis favorable émis par la commune de Marq-en-Baroeul dont le sens ne s'imposait pas au préfet ;
En ce qui concerne le préjudice au public :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à la nature des services fournis par la société SOLITEL aux entreprises de vente par correspondance, le repos simultané de tout le personnel ne peut être regardé comme préjudiciable au public ; que si la société SOLITEL soutient qu'elle gère la permanence téléphonique le samedi et le dimanche d'une association d'aide à domicile, et que l'arrêt de cette activité pourrait être préjudiciable au public, l'association à laquelle la société SOLITEL rend ce service peut demander elle-même une dérogation à la règle du repos dominical ; que la circonstance que la société SOLITEL se serait portée candidate à des marchés publics de prestations téléphoniques ne permet pas davantage d'établir un préjudice pour le public ; que, par suite, la société SOLITEL ne se trouvait pas dans le premier cas prévu par l'article L. 221-6 du code du travail permettant l'octroi d'une dérogation à la règle du repos dominical ;
En ce qui concerne l'atteinte au fonctionnement normal de l'établissement :
Considérant que la société SOLITEL ne peut se prévaloir, pour établir une atteinte à son fonctionnement normal, ni de l'importance de son activité dominicale, réalisée grâce à son maintien dans une situation irrégulière, ni du consentement de ses salariés ;
Considérant que si l'objet de la société SOLITEL est, aux termes de l'article 3 de ses statuts : de mettre en place, animer et gérer en commun, en vue de favoriser l'activité de ses membres, un ensemble de moyens produits et services destinés à l'insertion sociale et professionnelle des personnes en difficulté par rapport à l'emploi , le but de remise sur le marché du travail de chômeurs de longue durée peut être poursuivi d'autres jours que le dimanche ; que si la société SOLITEL a sollicité une autorisation d'ouverture dérogatoire le dimanche, en vue de développer une plate-forme commerciale de permanence téléphonique fonctionnant exclusivement le samedi et le dimanche, pour le compte d'entreprises et d'associations, cette activité consiste à tirer profit du respect par les autres entreprises de l'interdiction générale de travail le dimanche prévue par l'article L. 221-5 du code du travail ; qu'ainsi, le refus qui lui a été opposé ne saurait constituer une atteinte à son fonctionnement normal ;
Considérant que le préfet pouvait, sans erreur de droit, vérifier que sa décision ne porterait pas atteinte, par une distorsion de concurrence, au fonctionnement normal des autres entreprises travaillant dans le même secteur que la société SOLITEL ; que l'autorisation d'accorder la dérogation demandée aurait pour conséquence une distorsion de concurrence au détriment des sociétés qui respectent la règle du repos dominical ; que le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité soutient sans être contredit que le préfet de la région
Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord, n'a accordé aucune dérogation à cette règle à une autre société exerçant la même activité que la société SOLITEL susceptible de créer une distorsion de concurrence au détriment de celle-ci ;
Considérant que, par suite, la société SOLITEL ne se trouvait pas dans le second cas prévu par l'article L. 221-6 du code du travail permettant l'octroi d'une dérogation à la règle du repos dominical ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société SOLITEL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté par lequel le préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord, a refusé de lui accorder une dérogation à la règle du repos dominical ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société SOLITEL la somme de 3 000 euros qu'elle demande au titre des frais exposés elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société SOLITEL est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme à responsabilité limitée SOLITEL et au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.
Copie sera transmise au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2005, à laquelle siégeaient :
- M. Daël, président de la Cour,
- M. Merloz, président de chambre,
- M. Dupouy, président-assesseur,
- Mme Brenne, premier conseiller,
- M. Stéphan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 mars 2005.
Le rapporteur,
Signé : A. A...
Le président de la Cour,
Signé : S. DAËL
Le greffier,
Signé : B. Y...
La République mande et ordonne au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
Bénédicte Y...
N°03DA00647 2