Vu la requête, enregistrée le 29 octobre 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SOCIETE ANONYME AGRILYS dont le siège est ... à La Gorgue (59253) et la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DU PONT BLEU dont le siège est ..., par Me X... ; les requérantes demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0200075 et 0200076 du 26 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande de condamnation d'une part de la commune de Merville à verser à la SA AGRILYS la somme de 76 224,51 euros au titre de la perte des indemnités de mise à disposition de l'immeuble réquisitionné, des coûts relatifs au déplacement du stock d'orge, de la perte de chance de vendre son bail commercial et à la SCI DU PONT BLEU la somme de 48 783,69 euros au titre de la perte de chance de vendre celui-ci et d'autre part de l'Etat à verser à la SA AGRILYS la somme de 38 289,10 euros au titre de la perte des indemnités de mise à disposition ;
2°) de condamner la commune de Merville à verser la somme de 76 224,51 euros et les intérêts y afférents au titre des mêmes préjudices et l'Etat à verser la somme de 38 289,10 euros et les intérêts y afférents à la SA AGRILYS au titre de la perte des indemnités de mise à disposition et du coût du transfert du stock d'orge ;
3°) de condamner la partie perdante à leur verser la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Elles soutiennent qu'elles n'ont été informées de la décision du préfet du Nord de lever la réquisition que le 16 juillet 2001 ; que le préfet a demandé à la SA AGRILYS de vider l'entrepôt réquisitionné ; que le préfet a visité les lieux après le délai de caducité ; que la SA AGRILYS était absente lors de la visite des lieux du 4 janvier 2001 ; que le principe du contradictoire n'a pas été respecté ; que la réquisition n'a pas été levée ; que c'est l'arrêté du maire de la commune de Merville qui a empêché la réquisition ; que le préfet a admis l'illégalité de l'arrêté municipal ; que le retrait de cet arrêté ne leur a été notifié que postérieurement au 18 septembre 2001 ; que la SA AGRILYS a dû transférer le contenu de l'entrepôt ; qu'elle n'a pu utiliser celui-ci pendant plusieurs mois ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté pour la commune de Merville, par Me Z..., qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de chacune des requérantes à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; elle soutient que la requête est irrecevable en tant qu'elle concerne la SCI DU PONT BLEU, laquelle n'a pas fait de demande préalable ; que la réquisition est devenue caduque le 5 janvier 2001 ; qu'en tout état de cause, sa levée n'est pas due à l'arrêté municipal ; qu'aucune obligation d'information n'incombait au préfet ; que son maire n'était pas tenu d'informer la société que la SA AGRILYS ne prouve pas le manque à gagner constitué par son bâtiment vide ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 20 août 2004, présenté pour la SA AGRILYS et la SCI DU PONT BLEU, par Me X..., qui persistent dans leurs conclusions ; elles soutiennent que la SA AGRILYS a été privée de la capacité de stocker dans un bâtiment dont elle était tenue de payer le loyer ; que la responsabilité de l'Etat est engagée pour dysfonctionnement grave ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la réquisition est devenue caduque au bout de quinze jours ; qu'en outre, elle a été levée le 8 janvier 2000 ; qu'aucune obligation d'information n'incombait au préfet ; que l'ignorance des textes ne peut être utilement invoquée ; qu'aucune preuve d'une perte effective n'est apportée ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 novembre 2004, présenté pour la SA AGRILYS, par Me X..., qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 décembre 2004, présentée par la SA AGRILYS ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2004 à laquelle siégeaient M. Merloz, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et M. Le Garzic, conseiller :
- le rapport de M. Le Garzic, conseiller ;
- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à verser à la SA AGRILYS la somme de 38 289,10 euros :
Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret du 26 mars 1962 susvisé : L'ordre de réquisition non suivi d'un commencement d'exécution, par le fait de l'autorité requérante, dans un délai de quinze jours francs à compter de la date d'émission est réputé caduc. (...) La levée d'une réquisition d'usage intervient par la remise de ce bien, contre reçu, au prestataire ou, à défaut, au maire tenu d'aviser le prestataire. / Dans le cas d'un bien immobilier, la remise du bien peut être remplacée par celle des clés, s'il y a lieu. / Dans le même cas, quand les circonstances ne permettent pas une remise effective, l'autorité requérante notifie par écrit la levée de réquisition au prestataire directement ou, à défaut, par l'intermédiaire du maire. / Si la formalité prévue à l'alinéa précédent n'a pu être remplie, la réquisition prend fin, de plein droit, quinze jours après la cessation complète de l'occupation des lieux. (...) ;
Considérant que l'ordre de réquisition prononcé par le préfet du Nord a pris effet à compter du 22 décembre 2000 ; que même en admettant que, d'une part, la circonstance que la SA AGRILYS avait, préalablement et conformément à une demande du préfet, transféré le stock d'orge qui se trouvait dans l'immeuble réquisitionné et, d'autre part, la visite de l'entrepôt effectuée par diverses administrations le 4 janvier 2001, soit avant l'expiration du délai prévu par l'article précité, puissent être regardées comme un commencement d'exécution au sens de celui-ci, il ressort des pièces du dossier que l'administration n'a jamais pris possession des lieux ; que, dès lors qu'une remise effective du bien faisant l'objet de l'ordre de réquisition était rendue impossible par les circonstances, la réquisition a pris fin au plus tard quinze jours après la visite susmentionnée du 4 janvier 2001 ; que, dans ces circonstances, aucune obligation d'information n'incombait au préfet, qui n'a pas commis de faute ; qu'aucun autre dysfonctionnement ne peut davantage être imputé à l'administration ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de la commune de Merville à verser à la SA AGRILYS la somme de 76 224,51 euros, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la requête en tant qu'elle émane de la SCI DU PONT BLEU :
Sur le principe de la responsabilité de la commune :
Considérant que l'arrêté en date du 23 décembre 2000 par lequel le maire de la commune de Merville a interdit le dépôt de farines animales sur le territoire de sa commune a eu pour objet de faire échec aux pouvoirs que tiennent les autorités de l'Etat de l'article 2 de l'ordonnance du 6 janvier 1959 susvisée ; qu'il suit de là, et sans que la circonstance que cet arrêté a été par la suite retiré n'ait d'incidence, que le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de sa commune ;
Sur le lien entre la faute et le préjudice invoqué :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la réquisition a pris fin au plus tard quinze jours après la visite susmentionnée du 4 janvier 2001 du fait de la non occupation des lieux par l'autorité requérante ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette non occupation a été due à la reconnaissance, suite à la visite du 4 janvier 2001, du caractère impropre de l'immeuble au stockage de farines animales ; que, dès lors, la SA AGRILYS ne saurait se prévaloir d'un lien direct entre les préjudices nés de la fin de la réquisition et l'arrêté illégal pris par le maire de la commune de Merville ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA AGRILYS et la SCI DU PONT BLEU ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et la commune de Merville, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance soient en tout état de cause condamnés à verser à la SA AGRILYS et à la SCI DU PONT BLEU une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en outre il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SA AGRILYS et la SCI DU PONT BLEU à verser à ce titre une somme à la commune de Merville ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE ANONYME AGRILYS et de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DU PONT BLEU est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Merville relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE ANONYME AGRILYS, à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DU PONT BLEU, à la commune de Merville et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
Copie sera transmise au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2004, à laquelle siégeaient :
- M. Merloz, président de chambre,
- M. Dupouy, président-assesseur,
- M. Le Garzic, conseiller,
Lu en audience publique, le 27 décembre 2004.
Le rapporteur,
Signé : P. LE GARZIC
Le président de chambre,
Signé : G. MERLOZ
Le greffier,
Signé : B. Y...
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
B. Y...
N°03DA01157 2