Vu la requête, enregistrée le 7 février 2001au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la Société anonyme d'HLM LA MAISON FLAMANDE, dont le siége est ..., par Me X... ; la société demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98-1270 en date du 7 décembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie, au titre au titre des années 1986 à 1997 ;
2°) de prononcer la réduction demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000fFrancs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Elle soutient que ledit jugement est entaché d'une omission de statuer sur les années 1996 et 1997 et d'un défaut de réponse aux moyens ; que, pour les années antérieures, elle tenait de la procédure de répétition de l'indu prévue à l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales le droit demander le dégrèvement refusé ; que, sur le fond, les premiers juges ont fait une inexacte application des articles 1384, 1518 et 1518 bis du code général des impôts en estimant que la mise à jour de la valeur locative s'appliquait aussi aux HLM exonérés dans les années qui suivent leur mise en location ; que le service a sur ce point méconnu la doctrine administrative découlant des instructions 6C211, 6E682, 6 E432, la note n°156 du 21 août 1981 ; que la majoration appliquée a rompu l'égalité en défaveur de la requérante ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2001, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête ; à cette fin, il oppose une fin de non recevoir à la requête en ce qu'elle vise les années 1989 à 1995, au motif que la contribuable a formé tardivement sa réclamation ; que, pour les autres années, le jugement n'est pas irrégulier dès lors qu'un de ses motifs implique nécessairement le rejet desdites conclusions ; que l'exonération dont bénéficient les HLM dans les années qui suivent leur mise en location ne fait pas obstacle à l'application de règles de droit commun de mise à jour de la valeur locative ; que l'article 1496-III du code général des impôts n'a prévu de modalités spécifiques d'évaluation que pour les locaux loués sous le régime de la loi du 1er septembre 1948 ; que l'instruction 6 E 432 ne prévoit aucun régime d'actualisation ou de revalorisation des valeurs locatives particulières au secteur HLM ; que les instructions 6 C 211 et 6 E 682 ne concernent que la taxe professionnelle ; que la note n°156 du 21 août 1981 ne peut être regardée comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale ; que la contribuable ne saurait s'affranchir des règles entourant la réclamation préalable en formant une demande en répétition d'indu ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré dans les mêmes conditions le 20 août 2001, présenté pour la Société anonyme d'HLM LA MAISON FLAMANDE ; la Société anonyme d'HLM LA MAISON FLAMANDE reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens. Elle soutient en outre que sauf à constituer une pénalité, la majoration annuelle résultat de l'application de l'article 1518 bis du même code devait tenir compte de l'évolution du loyer dans le logement social ; que l'interprétation par l'administration de cet article contrevient aux dispositions combinées des articles 6-1,7 et 14 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention en ce qu'elle affecte, de manière disproportionnée, discriminatoire pour le secteur du logement social et sans justification tirée de l'intérêt général, les obligations à caractère civil, les droits patrimoniaux du bailleur et ceux que le locataire tient du contrat de bail ; que cette interprétation qui tend à ériger en pénalité la part desdites majorations qui excède la hausse des loyers correspondants, est incompatible avec l'article 6-1 de ladite convention, qui exige la motivation des pénalités, le respect des garanties du justiciable et l'exercice par le juge d'un contrôle de proportionnalité ; qu'elle est également incompatible avec l'article 7 de ladite convention qui stipule le principe de légalité des peines ; que l'opposabilité des instructions 6C211, 6E682, 6 E432, la note n°156 du 21 août 1981 a été sur le terrain du décret du 28 novembre 1983 et non de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales ; que la répétition de l'indu est un principe commun au droit civil, au droit fiscal et au droit communautaire, sans que puissent y faire obstacle les délais propres à la procédure fiscale ; que le caractère réglementaire de l'article en cause fait obligation à l'administration d'observer pour la répétition de l'indu le code civil, et notamment le délai de trente ans ; qu'il résulte de la jurisprudence communautaire que cette action en répétition n'est prescrite dans le délai de quatre ans que si les demandeurs se sont abstenus avant cette date d'introduire un recours ou de présenter une réclamation équivalente ; qu'il résulte de la jurisprudence européenne que cette action doit respecter le principe d'égalité des armes ;
Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 14 février 2002, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête ; à cette fin, il fait valoir que la requérante ne saurait se prévaloir utilement, pour contester des procédures fiscales, des stipulations de l'article 6-1 de la convention susmentionnée ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré dans les mêmes conditions le 3 décembre 2004, présenté pour la Société anonyme d'HLM LA MAISON FLAMANDE ; la Société anonyme d'HLM LA MAISON FLAMANDE reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, qu'en soumettant au même régime de majoration forfaitaire la valeur locative des logements HLM et celle du secteur libre, le fisc méconnaît les objectifs du législateur et le gel de cette valeur pendant la période d'exonération du logement social ; qu'il en résulte une valeur locative de ce secteur deux fois plus élevée que celle du secteur libre à l'issue de la période d'exonération, qui porte atteinte au principe d'égalité ; que le défaut d'entretien des immeubles et le gel des loyers appellent un gel de leur valeur locative ; que le fisc fait une inexacte application de la loi en estimant qu'une majoration s'applique à une valeur locative exonérée ; que la notion de majoration qui est par construction annuelle, se distingue de l'actualisation qui a pour caractéristique d'être ponctuelle ; que l'instruction fiscale 6G22 ajoute une disposition nouvelle au code général des impôts ; que la jurisprudence du Conseil d' Etat sur laquelle se fonde le fisc est entachée d'une contradiction de motifs sur le point en litige ; que les dispositions fiscales ainsi interprétées par ladite instruction fiscale privent de tout effet le droit à un niveau élevé de protection sociale stipulé à l'article 2 du traité de Rome ; qu'au regard de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la jurisprudence mentionnée ci-dessus consacre l'ingérence du pouvoir exécutif dans les compétences juridictionnelles du juge de l'impôt ; que le fisc attente au droit, contenu à l'article 8 de ladite convention, à un logement décent ; qu'un bail constituant un actif patrimonial, le fisc inflige une atteinte discriminatoire à la propriété au sens de dispositions combinées de l'article 1er du premier protocole et de l'article 14 de ladite convention, qui interdisent le principe des fiscalités confiscatoires ; qu'aucune compensation ne peut être admise entre les subventions publiques versées au logement social et l'imposition litigieuse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 décembre 2004 à laquelle siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller :
- le rapport de M. Gipoulon, président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que, dans sa demande présentée le 15 avril 1998 au Tribunal administratif de Lille, la Société anonyme d'HLM LA MAISON FLAMANDE s'est bornée à contester la décision rejetant sa réclamation en réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties sans préciser les années en litige ; que la copie de cette décision jointe à cette demande ne mentionnait expressément que les années 1986 à 1995 ; que s'il est vrai que l'annexe du mémoire en défense de l'administration faisait état de contestations s'étendant sur un laps de temps variable mais dans l'ensemble plus étendu que la période ci-dessus indiquée, c'est à bon droit que les premiers juges, qui ne pouvaient se référer qu'aux écritures de la requérante et à leurs pièces jointes pour mesurer l'étendue du litige, ont estimé ne pas être saisis des impositions concernant les années 1996 et 1997 ; qu'il s'ensuit que les moyens tirés de l'omission à statuer et du défaut de réponse aux moyens dont serait entaché le jugement attaqué, doit être écarté ;
Sur le complément d'impositions des années 1996 et 1997 :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à la réduction des impositions concernant les années 1996 et 1997 qui sont nouvelles, ne sont pas recevables pour ce même motif ;
Sur le complément d'impositions des années antérieures :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour contester les cotisations de taxe professionnelle établies au titre des années 1986 à 1995, mises en recouvrement au cours des mêmes années, la Société anonyme d'HLM LA MAISON FLAMANDE se prévaut, sur la base des dispositions des articles L. 190 et R. 211-1 du livre des procédures fiscales, d'une action en répétition de l'indu ;
Considérant qu'aux termes de l'article 190 du livre des procédures fiscales, Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire.(...). Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue ; qu'en vertu de l'article R. 196-2 du même livre des procédures fiscales, les réclamations relatives à la taxe professionnelle doivent, pour être recevables, être présentées à l'administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle de la mise en recouvrement du rôle, ou de celle de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation, ou de celle de la réception par le contribuable d'un nouvel avis d'imposition réparant les erreurs d'expédition que contenait celui adressé précédemment, ou enfin de celle au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance certaine de cotisations d'impôts directs établies à tort ou faisant double emploi ; et qu'en vertu de l'article R. 211-1 du même livre, l'administration peut prononcer d'office le dégrèvement ou la restitution d'impositions qui n'étaient pas dues, jusqu'au 31 décembre de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le délai de réclamation a pris fin, ou, en cas d'instance devant les tribunaux, celle au cours de laquelle la décision intervenue a été notifiée ;
Considérant d'une part que ces dernières dispositions qui offrent à l'administration la possibilité de prononcer d'office des dégrèvements jusqu'au 31 décembre de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le délai de réclamation a pris fin, n'ont ni pour objet ni pour effet de dispenser les contribuables des règles de procédure fiscale tracées à l'article R. 196-2 du même livre ; qu'à cet égard, les réclamations que la Société anonyme d'HLM LA MAISON FLAMANDE a présentées le 19 décembre 1997, étaient tardives et donc irrecevables ; qu'en tout état de cause, la codification opérée dans le cadre du livre des procédures fiscales, où les dispositions de l'ancien article 1951-I du code général des impôts ont été reprises à l'article R.211-1, n'a eu ni pour objet ni pour effet de modifier la teneur des pouvoirs accordés à l'administration, les rédactions successives des deux articles donnant seulement à celle-ci la possibilité d'accorder d'office, dans un délai donné, un dégrèvement ou la restitution d'une imposition qui n'était pas due ; qu'il résulte ainsi des dispositions de l'article R. 211-1 précité que le contribuable n'a aucun droit à un dégrèvement d'office, alors même que les conditions d'exercice en seraient réunies et qu'il n'appartient à la juridiction administrative ni d'apprécier l'usage fait par l'administration de ce pouvoir de dégrèvement d'office ni de se substituer à l'administration et de prononcer le dégrèvement en question ;
Considérant d'autre part que si la Société anonyme d'HLM LA MAISON FLAMANDE, entend invoquer, sur le terrain de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, une erreur de l'administration ou une incompatibilité avec une norme supérieure des règles de droit qui lui sont opposées, elle ne saurait davantage s'affranchir des règles de procédure fiscale qui gouvernent seules la procédure fiscale ;
Considérant en troisième lieu que la documentation administrative référencée 13 0-212 et 13 Q-224, ne contient pas en toute hypothèse une interprétation différente de ces textes ; qu'en tout état de cause, s'agissant d'une question de procédure, elle n'est pas opposable à l'administration ;
Considérant, en quatrième lieu, si aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par la France en vertu de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au Journal officiel par décret du 3 mai 1974 : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle , le juge de l'impôt ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas de contestations sur des droits et obligations de caractère civil ; que, dès lors, la Société anonyme d'HLM LA MAISON FLAMANDE ne saurait utilement se prévaloir de ces stipulations pour faire obstacle aux règles de procédure fiscale rappelées ci-dessus ;
Considérant en cinquième lieu qu'il résulte de la jurisprudence de la cour de justice des communautés européennes invoquée par la requérante qu'un Etat est fondé à édicter des règles particulières pour la répétition de l'indu fiscal, dès lors que ces règles ménagent l'exercice effectif d'un recours dans ce domaine ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la Société anonyme d'HLM LA MAISON FLAMANDE dirigées contre le complément d'imposition en litige au titre des années 1986 à 1995 ne sont pas recevables et que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la Société anonyme d'HLM LA MAISON FLAMANDE la somme que demande celle-ci au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Société anonyme d'HLM LA MAISON FLAMANDE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Société anonyme d'HLM LA MAISON FLAMANDE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2004, à laquelle siégeaient :
- M. Gipoulon, président de chambre,
- Mme Signerin-Icre, président-assesseur,
- M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 décembre 2004.
L'assesseur le plus ancien,
C. SIGNERIN-ICRE
Le président-rapporteur,
J.F. GIPOULON
Le greffier,
G. VANDENBERGHE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
G. VANDENBERGHE
2
N°01DA00125