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23/11/2004 | FRANCE | N°00DA01128

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3 (ter), 23 novembre 2004, 00DA01128


Vu la requête, enregistrée le 25 septembre 2000 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme X... , demeurant ..., par Me Y... ; M. et Mme demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9801367 du 29 juin 2000 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1992, 1993 et 1994 ainsi que les pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et

des pénalités y afférentes ;

M. et Mme soutiennent que l'administration, en in...

Vu la requête, enregistrée le 25 septembre 2000 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme X... , demeurant ..., par Me Y... ; M. et Mme demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9801367 du 29 juin 2000 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1992, 1993 et 1994 ainsi que les pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

M. et Mme soutiennent que l'administration, en invoquant implicitement un abus de droit, les a privés de la faculté de demander l'avis du comité consultatif des abus de droit et a ainsi méconnu les garanties offertes aux contribuables, telles que celles-ci sont prévues à l'article

L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu'elle n'est ni fondée à prétendre qu'en 1989 les requérants n'avaient pas l'intention de revendre le bien immobilier alors que la réalisation de cet achat n'a pu être effective qu'en 1992, ni à soutenir que, faute d'avoir réalisé d'autres opérations de revente de biens immobiliers, ils ne pouvaient se prévaloir de la qualité de marchands de biens ; ils soutiennent, en outre, que la revente par lots, ainsi qu'ils l'ont fait, d'un immeuble acquis dans son ensemble, suffit à caractériser l'habitude au sens de l'article 35 du code général des impôts ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2001, présenté par la direction de contrôle fiscal Nord ; la direction de contrôle fiscal Nord conclut au rejet de la requête ; elle soutient qu'à l'occasion du redressement en litige, elle n'a nullement entendu invoquer l'existence d'un abus de droit ; qu'elle est fondée à prétendre, au regard des conditions d'acquisition de l'immeuble dont l'achat est intervenu effectivement, ainsi que l'a relevé le juge judiciaire, le 24 avril 1989, du caractère unique de l'opération immobilière réalisée et, nonobstant la prétendue division ultérieure en lots de l'immeuble, de l'absence d'intention spéculative ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 avril 2004, présenté pour M. et Mme , par Me de Z... ; M. et Mme concluent aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens et, en outre, par les moyens que le jugement entrepris procède d'une dénaturation des faits en ce qu'il indique que les requérants n'ont réalisé aucune opération susceptible de se rattacher à une activité de marchands de biens ; que la procédure de redressement suivie à leur encontre est irrégulière, dès lors qu'elle se fonde sur des constatations matérielles relevées à la suite d'une visite sur place, sans que les requérants en aient eu connaissance préalable et sans qu'ils eussent pu donner leur accord et alors que les opérations de contrôle étaient déjà achevées ; que le redressement litigieux n'indiquait pas précisément le début de la période vérifiée et ne mentionnait pas le point de départ et d'arrivée des intérêts de retard qu'il appliquait aux requérants et que, saisie du litige afférent au paiement des droits d'enregistrement correspondant à l'achat dudit bien immobilier, la juridiction judiciaire a admis qu'ils s'étaient placés sous le régime de marchands de biens ; M. et Mme demandent, en outre, la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 2 467 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2004, présenté par la direction de contrôle fiscal Nord ; la direction de contrôle fiscal Nord conclut au rejet de la requête pour les mêmes motifs que ceux précédemment indiqués et, en outre, pour les motifs que la visite extérieure des locaux appartenant aux requérants, consécutive à la réception de leur réponse à la notification de redressements, n'entame nullement la régularité du constat d'absence de division en lots de l'immeuble litigieux opéré par le service auprès de la commune de Leers ; que la période vérifiée était clairement indiquée sur l'avis de vérification et incluait, en tout état de cause, les exercices durant lesquels l'activité de marchand de biens a été revendiquée par les consorts ; que l'imposition d'intérêts de retard est suffisamment motivée et que leur détermination au regard de chaque année d'imposition est clairement donnée dans la notification de redressements du

8 novembre 1995 ; que les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir devant le juge administratif de la décision rendue par le juge judiciaire statuant sur un litige relatif à un autre impôt ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 novembre 2004, présenté pour M. et Mme ; M. et Mme concluent aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 novembre 2004 à laquelle siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et

M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller ;

- les observations de Me de Z..., pour M. et Mme ;

- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. et Mme font appel du jugement du 29 juin 2000 du Tribunal administratif de Lille qui a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1992, 1993 et 1994 ainsi que les pénalités y afférentes ;

Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : Ne peut être opposés à l'administration, les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : a) Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevée ; b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit... Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ; qu'il résulte également de ces dispositions que lorsque l'administration invoque des faits constitutifs d'un abus de droit pour justifier un chef de redressement, le contribuable qui n'a pas demandé la saisine du comité consultatif pour la répression des abus de droit doit être regardé comme ayant été privé de la garantie tenant à la faculté de provoquer cette saisine si, avant la mise en recouvrement de l'imposition, l'administration omet de l'aviser expressément que le redressement a pour fondement les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

Considérant que, si la direction de contrôle fiscal Nord soutient que le service n'a nullement entendu invoquer l'existence d'un abus de droit pour procéder au redressement de l'imposition assignée à Mme en sa qualité de marchand de biens, consécutivement à la procédure de vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 1992 au

31 décembre 1994, il résulte de l'instruction et notamment de la lecture de la notification de redressement du 8 novembre 1995, en sa page 7, que l'administration a bien fondé ce dernier sur la reconnaissance du fait que ...l'activité de marchand de biens créée pour valider cette opération d'achat, apparaît donc comme une activité fictive ; que le service dans sa réponse aux observations du contribuable, en date du 10 janvier 1996, a confirmé le fondement du redressement litigieux en précisant derechef qu'il y avait eu de la part des époux une ...volonté d'adapter une situation défavorable ... sous le couvert d'une activité fictive destinée à atténuer les conséquences financières du jugement d'appel ; qu'ainsi, même si elle n'emploie pas précisément dans les deux correspondances précitées les termes d'abus de droit, ni ne fait référence explicitement à l'article L. 64 susmentionné du livre des procédures fiscales, l'administration, en raison du motif qu'elle a entendu retenir pour justifier ce redressement, devait, dès lors, suivre la procédure prévue audit article L. 64 et ne pouvait, comme elle l'a fait, priver le contribuable du droit qui lui était ouvert de saisir, s'il le désirait, le comité consultatif de l'abus de droit ; que la procédure d'imposition suivie par le service doit, par suite, être jugée comme irrégulière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme sont fondés à demander l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande et à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1992, 1993 et 1994 ainsi que les pénalités y afférentes ;

Sur les conclusions de M. et Mme tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner l'Etat à payer à

M. et Mme une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux en appel et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lille du 29 juin 2000 est annulé.

Article 2 : M. et Mme sont déchargés des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1992, 1993 et 1994 ainsi que des pénalités y afférentes ;

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. et Mme X... et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2004, à laquelle siégeaient :

- M. Gipoulon, président de chambre,

- Mme Signerin-Icre, président-assesseur,

- M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 23 novembre 2004.

Le rapporteur,

Signé : O. MESMIN D'ESTIENNE

Le président de chambre,

Signé : J.F. GIPOULON

Le greffier,

Signé : G. VANDENBERGHE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

G. VANDENBERGHE

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N°00DA01128


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 00DA01128
Date de la décision : 23/11/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Gipoulon
Rapporteur ?: M. Olivier Mesmin d'Estienne
Rapporteur public ?: M. Paganel
Avocat(s) : SCP DURAND DESCAMPS ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-11-23;00da01128 ?
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