Vu la requête, enregistrée le 26 octobre 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Jean-Pierre X, demeurant 30, rue de l'Eglise à
Wallincourt-Selvigny (59127), par Me Delerue, avocat ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98-1420, en date du 21 juin 2001, du tribunal administratif de Lille, en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation complète de l'état exécutoire émis le 13 novembre 1997 par le président de l'université Paris VI Pierre et Marie Curie, en vue du recouvrement d'une redevance d'occupation d'un logement de fonction et de condamnation de ladite université à lui verser la somme de 9 203 francs au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2°) d'annuler ledit état et de condamner l'université Paris VI Pierre et Marie Curie à lui verser la somme de 15 000 francs au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Il soutient que la redevance d'occupation sans titre du logement ne pouvait être mise à sa charge, dès lors qu'il a quitté son logement de fonction le 30 juin 1994 pour rejoindre sa nouvelle affectation, et qu'étant en instance de divorce, il a été autorisé dès le 24 octobre 1994 à résider séparément de son épouse ; qu'il a fait diligence pour que cette dernière quitte le logement ; que le maintien dans les lieux de son épouse et de sa famille a été autorisé par l'université, la procédure d'expulsion qui a été ensuite mise en oeuvre visant uniquement son épouse ;
Code C+ Classement CNIJ : 24-01-03-02
18-03-02-01-01
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 février 2002, présenté pour l'université
Paris VI, par Me Mazetier, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de
M. X à lui verser une somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la circonstance que M. X avait été autorisé à résider séparément de son épouse est sans effet sur le lien familial et les obligations qui en découlaient, en application de l'article 220 du code civil, alors que le divorce n'a été prononcé que le 24 novembre 1998 et n'a été opposable aux tiers que le 11 juillet 2000, en application de l'article 262 du code civil ; qu'il en va de même du fait qu'il avait un nouveau domicile ; que la seule circonstance que M. X aurait sollicité le concours d'un avocat ne suffit pas à établir les diligences alléguées ; que si des délais supplémentaires ont été accordés à Mme X pour libérer le logement, c'est à titre purement gracieux, l'intéressée n'ayant jamais été autorisée par l'université à occuper les lieux ; que la circonstance que la procédure d'expulsion a été engagée à l'encontre de Mme X est inopérante ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 29 mars 2002, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que la solidarité entre époux ne lui est pas opposable, dès lors que, en vertu des dispositions de l'article 220 du code civil, elle ne joue que pour les contrats que chaque époux a passés seuls et qui ont pour objet l'entretien du ménage et l'éducation des enfants ; que l'université, qui connaissait parfaitement la situation personnelle et familiale de M. X, est de mauvaise foi ; que l'opposabilité aux tiers du jugement de divorce, prévue par les dispositions de l'article 262 du code civil, ne concerne que les biens des époux ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 29 avril 2002, présenté pour l'université Paris VI, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que la circonstance que M. X avait quitté personnellement les lieux ne le dégageait pas de son obligation ; que l'indemnité d'occupation due par un conjoint qui s'est maintenu sans titre dans un logement constitue une dette contractée pour l'entretien du ménage, au sens de l'article 220 du code civil ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2004 où siégeaient
Mme de Segonzac, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur et Mme Brenne, premier conseiller :
- le rapport de M. Berthoud, président-assesseur
- les observations de Me Fillieux, avocat, pour M. X,
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre l'état exécutoire :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 99 du code du domaine de l'Etat : Les concessions de logement par nécessité ou par utilité de service sont précaires et révocables à tout moment dans les formes prévues à l'article R.. 95 ; leur durée est strictement limitée à celle pendant laquelle les intéressés occupent effectivement les emplois qui les justifient. Dans tous les cas où la concession vient à expiration pour quelque motif que ce soit, les intéressés doivent vider les lieux sans délai, sous peine de se voir appliquer les sanctions prévues à l'article R. 102. ; qu'aux termes de l'article R. 102 du même code : Les occupants qui ne peuvent justifier ni d'un arrêté de concession pris en leur faveur ni d'un acte de location sont susceptibles de faire l'objet de mesures d'expulsion, à la requête du service des domaines. En outre, pour toute la période pendant laquelle ils continueront à occuper les locaux après l'expiration de la concession ou de la location, ils seront astreints au paiement de la redevance fixée par le service des domaines dans les conditions prévues à l'article R.. 101. Cette redevance sera majorée de 50 % pour les trois premiers mois, de 100 % du quatrième au sixième mois, de 200 % du septième au douzième mois, de 500 % au-delà. ; qu'enfin, aux termes de l'article
D. 13 dudit code : Les dispositions des articles R.. 92 à R.. 102 sont étendues aux personnels civils ou militaires de l'Etat et aux personnels civils des établissements publics nationaux qui occupent un logement dans les immeubles appartenant auxdits établissements ou détenus par eux à un titre quelconque. ;
Considérant, en premier lieu, que M. X a cessé d'occuper ses fonctions d'agent comptable de l'université Paris VI Pierre et Marie Curie à partir du 15 septembre 1994 ; que la concession de logement par utilité de service dont il bénéficiait ayant cessé de produire ses effets à cette date, il lui appartenait, en application des dispositions précitées de l'article R. 99 du code du domaine de l'Etat, de vider les lieux sans délai avec les membres de son foyer, sous peine de se voir appliquer les dispositions de l'article R. 102 du même code, relatives à l'obligation de payer une redevance majorée dans les conditions prévues par ce texte ; qu'il est constant que son épouse s'est maintenue dans ledit logement avec ses enfants, jusqu'au 31 octobre 1996, date à laquelle elle en a été expulsée ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, en tout état de cause, que
M. X qui se borne à alléguer qu'il a eu recours à un avocat pour tenter d'obtenir son départ, ait fait toute diligence pour que le logement soit libéré ; qu'ainsi, alors même que la procédure d'expulsion n'a concerné que Mme X, le président de l'université pouvait légalement mettre à la charge de M. X, par état exécutoire émis le 13 novembre 1997, la somme de
87 924 francs correspondant à la redevance majorée due à raison de l'occupation sans titre du logement de fonction dont s'agit ; que si les époux X se trouvaient en instance de divorce et avaient été autorisés, le 24 octobre 1994, par le juge des affaires familiales, à résider séparément, M. X ne peut utilement opposer à l'université sa situation matrimoniale, dès lors que son divorce n'a été prononcé que le 24 novembre 1998, après l'émission de cet état exécutoire ;
Considérant en second lieu, que si le président de l'université a autorisé, à titre précaire et provisoire, le maintien de Mme X dans le logement de fonction dont s'agit, il ne résulte pas de l'instruction, notamment des correspondances adressées à M. et Mme X
les 4 et 6 septembre 1995, que cette autorisation, qui a été abrogée au plus tard à compter du
1er septembre 1995, date à laquelle le président de l'université avait entamé une procédure d'expulsion à l'encontre de l'intéressée, ait été accordée à titre gratuit ; qu'ainsi, l'octroi de ladite autorisation est sans influence sur le bien-fondé de la redevance d'occupation réclamée à
M. X, laquelle n'a été assortie des majorations prévues par l'article R. 102 du code des domaines de l'Etat qu'à compter du 1er septembre 1995 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation complète de l'état exécutoire émis à son encontre ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'université Paris VI Pierre et Marie Curie, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui, en première instance et en appel, et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de condamner M. X, partie perdante, à verser à l'université Paris VI Pierre et Marie Curie une somme de 500 euros au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Jean-Pierre X est rejetée.
Article 2 : M. Jean-Pierre X versera à l'université Paris VI Pierre et Marie Curie une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Pierre X et à l'université Paris VI Pierre et Marie Curie.
Copie sera transmise au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 30 mars 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 15 avril 2004.
Le rapporteur
Signé : J. Berthoud
Le président de chambre
Signé : M. de Segonzac
Le greffier
Signé : P. Lequien
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
Philippe Lequien
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N°01DA00996