Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2001, au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée par M. Joël X, demeurant Y, qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98-2264 en date du 8 février 2001 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juin 1998 par lequel l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale du Pas-de-Calais l'a radié du corps des instituteurs ;
2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;
Il soutient que la condamnation pour menaces et violences prononcée à son encontre sur le fondement de l'article L. 309 du code pénal ne sanctionnait pas un crime ou un délit contraire à la probité ou aux moeurs ; que la condamnation prononcée en janvier 1998 étant assortie d'un sursis qui n'a pas été complètement révoqué, elle ne pouvait fonder une mesure de radiation ; que le jugement du tribunal administratif, comme l'arrêté attaqué, est insuffisamment motivé ; que la loi du 30 octobre 1886 est contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, en ce qu'elle porte atteinte aux droits de la défense et au droit à un procès équitable, en instituant une sanction applicable au seuls fonctionnaires et non prévue par le code pénal ; qu'elle méconnaît le principe constitutionnel d'égalité devant la loi résultant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen ; que la mesure de radiation devait être précédée de la consultation du conseil de discipline ; que l'arrêté pris le 16 juin 1998 ne pouvait avoir d'effet rétroactif ;
Code C+ Classement CNIJ : 01-08-02-01
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 25 juin 2001, accordant à
M. X le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au ministre de l'éducation nationale qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu l'ordonnance, en date du 12 février 2004, par laquelle le président de la troisième chambre de la Cour a décidé la clôture de l'instruction à partir du 5 mars 2004 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 février 2004, présenté par le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'administration pouvait légalement se fonder sur le jugement du 20 janvier 1998 ; que les faits incriminés sont contraires à la probité et aux moeurs ; qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la conformité d'une loi à la constitution ; que la loi du 30 octobre 1886 implique la radiation de l'agent dès que les conditions sont remplies, sans qu'il y ait lieu d'entamer une procédure disciplinaire. que le moyen tiré de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, qui est applicable seulement aux procédures juridictionnelles, est inopérant, d'autant qu'en la matière l'administration a compétence liée ; que M. X pouvait légalement être radié des cadres dès le 20 mars 1998, date à laquelle le jugement du 20 janvier 1998 est devenu définitif ;
Vu l'ordonnance, en date du 1er mars 2004, par laquelle le président de la troisième chambre de la Cour a décidé la réouverture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi du 30 octobre 1886 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2004 où siégeaient
Mme de Segonzac, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur et Mme Brenne, premier conseiller :
- le rapport de M. Berthoud, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 30 octobre 1886 : Sont incapables de tenir une école publique ou privée ou d'y être employés ceux qui ont subi une condamnation judiciaire pour crime ou pour délit contraire à la probité ou aux moeurs ; qu' il résulte de cette disposition, dont il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la constitutionnalité, qu'une condamnation pour délit contraire à la probité ou aux moeurs entraîne de plein droit l'incapacité qu'elle édicte ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, instituteur, a été condamné, par jugement du tribunal correctionnel d'Arras en date du
20 janvier 1998, à une peine d'emprisonnement de quatre mois avec sursis pour menaces de mort, violences volontaires avec préméditation et trouble à la tranquillité d'autrui par appels téléphoniques malveillants réitérés, envers une jeune mineure ; qu'un tel délit est contraire aux moeurs ; qu'ainsi, du seul fait de cette condamnation, devenue définitive en l'absence d'appel, alors même que le sursis avait été alors accordé à l'intéressé, celui-ci s'est trouvé frappé de l'incapacité d'enseigner édictée à l'article 5 précité de la loi du 30 octobre 1886 ; que l'autorité académique pouvait légalement tirer les conséquences de cette incapacité en radiant l'intéressé du corps des instituteurs à compter de la date à laquelle le jugement du 20 janvier 1998 a acquis un caractère définitif ; que dans ces conditions, si l'arrêté attaqué, en date du 16 juin 1998, a pris effet le 19 mai 1998, le requérant ne peut utilement soutenir qu'il était entaché d'une rétroactivité illégale pour la période du 19 mai 1998 au 16 juin 1998 ;
Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige manque en fait ; que la mesure de radiation contestée, qui ne constitue pas une sanction disciplinaire, n'avait pas à être précédée de la consultation préalable du conseil de discipline ;
Considérant enfin que, si elle tire les conséquences d'une condamnation pénale, ladite décision n'émane, par elle-même, ni d'une juridiction, ni d'un tribunal au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; que par suite, le moyen tiré de ce que, en faisant application de l'article 5 de la loi du
30 octobre 1886, elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 6 de ladite convention, est inopérant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de radiation pris à son encontre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Joël X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Joël X et au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
Copie sera transmise au recteur de l'académie de Lille.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 30 mars 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 15 avril 2004.
Le rapporteur
Signé : J. Berthoud
Le président de chambre
Signé : M. de Segonzac
Le greffier
Signé : P. Lequien
La République mande et ordonne au ministre de la jeunesse, l'éducation nationale et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
Philippe Lequien
N°01DA00375 2