Vu la requête, enregistrée le 28 septembre 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Aïcha X, demeurant ..., par Me Kersual, avocat au barreau de Rouen ; Mme X demande à la Cour :
1') d'annuler le jugement n° 97-198 du 30 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 100 000 francs, au titre de ses préjudices moral et financier ;
2°) de condamner le défendeur à lui verser lesdites sommes ;
3°) de condamner le défendeur à lui verser la somme de 4 500 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Mme X soutient que les documents d'information édités par l'Etat français relatifs notamment à l'aide spécifique forfaitaire à l'acquisition d'une résidence principale pouvant être accordée aux anciens membres de formations supplétives et assimilés sont de nature à induire en erreur les intéressés en soulignant que l'aide ne peut être accordée que si l'endettement du bénéficiaire n'est pas supérieur à 30 % de ses ressources alors que les textes réglementaires en vigueur précisent que l'endettement ne doit pas dépasser 30 % du revenu imposable ; que, dès lors, elle a subi un préjudice en se lançant dans une opération immobilière en croyant bénéficier d'une aide qui lui a été finalement refusée ; que le document produit par le préfet en première instance intitulé notice, qui n'est pas daté et qui ne lui avait jusqu'alors jamais été communiqué ne peut fonder la décision de la Cour ;
Code D Classement CNIJ : 60-01-04-01
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2000, présenté par le ministre de la défense, qui conclut à sa mise hors de cause dans le présent litige ; le ministre soutient que le document en cause a été rédigé par le ministre délégué aux relations avec le Sénat, chargé des rapatriés dans le cadre de l'application des dispositions de la loi du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie ; que les attributions dudit ministre dans ce domaine ont été transférées au ministre de l'emploi et de la solidarité conformément à l'article 2 du décret n° 97-706 du 11 juin 1997 ;
Vu le mémoire enregistré le 11 octobre 2001 pour Mme X qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; Mme X soutient en outre que la circulaire sur laquelle s'est basé le préfet pour rejeter sa demande d'aide est incompatible avec le décret du 22 juillet 1994 relatif à la même aide car elle ajoute une condition restrictive aux dispositions réglementaires ; qu'elle est illégale et ne peut donc lui être opposable ; que la décision du préfet rejetant sa demande d'aide est entachée d'illégalité et qu'elle est donc fondée à demander réparation du préjudice subi du fait de cette décision ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Douai, en date du 18 septembre 2000, admettant Mme Aïcha X au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 ;
Vu le décret n° 94-648 du 22 juillet 1994 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 octobre 2003 où siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, M. Nowak, premier conseiller et Mme Eliot, conseiller :
- le rapport de Mme Eliot, conseiller,
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie : Les personnes remplissant les conditions énoncées à l'article 6 peuvent bénéficier d'une aide spécifique de l'Etat à l'acquisition de la résidence principale... Le montant et les modalités d'attribution de cette aide sont définis par décret ; qu'aux termes de l'article 4 du décret n° 94-648 du 22 juillet 1994 dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : Le montant de l'aide spécifique forfaitaire à l'acquisition de la résidence principale, visée à l'article 7 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 susvisée, est fixé à 80 000 francs... Lorsque l'opération est compatible avec les ressources du bénéficiaire, l'aide est accordée en vue de : - la construction ou l'acquisition d'un logement neuf, financée par un prêt aidé à l'accession à la propriété (P.A.P.) ou un prêt à l'accession sociale (P.A.S.) ; - l'acquisition d'un logement ancien et, le cas échéant, la réalisation de travaux d'amélioration liés à l'acquisition, financés par un P.A.P. ou un P.A.S. ; - l'acquisition par son occupant d'un logement d'habitation à loyer modéré dans les conditions prévues au code de la construction et de l'habitation ; - la location-accession prévue par la loi n° 84-595 du 12 juillet 1984 ;
Considérant que Mme X fait appel du jugement en date du 30 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à condamner l'Etat à lui réparer les préjudices qu'elle a subi suite au refus du préfet de la Seine-Maritime de lui octroyer l'aide spécifique prévue par l'article 7 de la loi du 11 juin 1994 précitée ; qu'à l'appui de son recours, elle soutient que le préfet en prenant une décision entachée d'illégalité a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Sur la responsabilité :
Considérant que pour refuser d'accorder à Mme X l'aide spécifique de l'Etat à l'acquisition de la résidence principale qu'elle avait sollicitée au titre des dispositions de la loi du 11 juin 1994 et du décret du 22 juillet 1994 précités, le préfet de Seine-Maritime s'est fondé sur les dispositions de la circulaire ministérielle en date du 25 octobre 1994 adressée aux préfets et trésoriers payeurs généraux ; que ladite circulaire a pour objet de préciser les conditions d'application de la loi du 11 juin 1994 et du décret du 22 juillet1994 susvisés en ce qui concerne l'attribution des aides spécifiques au logement et des aides spécifiques aux conjoints survivants ; qu'en décidant au chapitre II-A-I-3 que elle (l'aide spécifique ) devra être refusée lorsque les conditions de réalisation financières du projet d'accession conduiraient, après aide de l'Etat, à des remboursements dépassant 30 % du revenu imposable tel qu'il peut être estimé pendant la durée du remboursement du prêt , les ministres, auteurs de cette circulaire, ont fixé une règle nouvelle entachée d'incompétence ; que par suite, la décision préfectorale intervenue en application des dispositions illégales de la circulaire du 25 octobre 1994, est elle même illégale ; que cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Sur le préjudice :
Considérant que l'octroi de l'aide spécifique forfaitaire à l'acquisition de la résidence principale est soumise à l'appréciation par le représentant de l'Etat du caractère compatible du projet immobilier avec les ressources du bénéficiaire ; que, dès lors, Mme X, qui n'avait pas la certitude de se voir attribuer ladite aide, n'est pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 12 195,92 euros (80 000 francs) correspondant uniquement au montant de l'aide qui lui a été refusée ; que, par suite et en tout état de cause, elle ne peut prétendre à la réparation d'un préjudice moral ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991, repris de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, de payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que l'article 43 de la même loi autorise le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle de demander au juge de condamner, dans les conditions prévues par l'article 75 précité, la partie perdante au paiement d'une somme au titre des frais qu'il a exposés ; qu'en l'espèce, Mme X établit, sur factures d'honoraires de son avocat, pour un montant total de 483 euros, avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle partielle qui lui a été accordée par décision du tribunal de grande instance de Douai du 18 septembre 2000 ; qu'il y a lieu dans ces conditions de condamner l'Etat à lui verser ladite somme ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 30 juin 2000 est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à Mme Aïcha X la somme de 483 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Aïcha X, et au ministre de la défense.
Copie en sera adressée au préfet de la région Haute-Normandie, préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 28 octobre 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 12 novembre 2003.
Le rapporteur
Signé : A. Eliot
Le président de chambre
Signé : J.F. Gipoulon
Le greffier
Signé : G. Vandenberghe
La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le Greffier
Guillaume Vandenberghe
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N°00DA01138