Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n° 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R 5, R 7 et R 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la société à responsabilité limitée Audit Informatique dont le siège social est à Compiègne (Oise), avenue Flandres-Dunkerque, par Me Z.... Lelièvre, avocat ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy le
28 juillet 1999, par laquelle la société à responsabilité limitée Audit Informatique demande à la Cour :
1' d'annuler le jugement n° 942455-942456 en date du 12 juin 1999 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1988, 1989 et 1990 ;
2' de prononcer la décharge demandée ;
3' d'ordonner une expertise ;
4' d'ordonner que, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête, il soit sursis à l'exécution des articles du rôle correspondants ;
5' de condamner l'État à lui verser une somme de 30 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Elle soutient que les premiers juges ont omis à statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée ; que le résultat du contrôle mené par les agents du ministère de la recherche ne lui ayant pas été communiqué, la procédure de redressement est affectée d'un vice substantiel et la charge de la preuve n°a pas été raisonnablement neutralisée en ce qui la concerne ; qu'elle a suffisamment établi que les activités de conception et de développement de logiciels-outils dénommés Process, Genet, Gestion de fichiers paramétrable et Serveur de fichiers présentaient bien le caractère de recherche scientifique ou technique définie par les dispositions des articles 244 quater B du code général des impôts et 49 septies F de l'annexe III à ce code ; que les logiciels-outils en cause ne consistaient pas en l'adaptation d'une méthode ou des langages de systèmes d'exploitation préexistants ayant déjà fait l'objet d'études et ont permis d'accroître la somme des connaissances et l'utilisation de ces connaissances pour de nouvelles applications ; que l'exécution du jugement attaqué risquerait d'entraîner pour elle des conséquences difficilement réparables ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré au greffe le 9 novembre 1999, le mémoire en défense présenté par le directeur régional des impôts de Lorraine et concluant au rejet de la requête ; il soutient qu'implicitement, dans son appréciation souveraine des faits, les premiers juges ont estimé que les pièces fournies par les parties, indépendamment de toute expertise, éclairaient suffisamment le débat pour leur permettre de trancher le litige ; que la charge de la preuve de l'éligibilité des dépenses engagées aux dispositions des articles 244 quater B du code général des impôts et 49 septies F et suivants de l'annexe III à ce code incombe à la société requérante ; qu'aucun contrôle sur place n°ayant été effectué par les agents du ministère de la recherche et les redressements opérés ayant été en tout état de cause fondés sur les seuls constatations effectuées par le vérificateur, le moyen tiré de l'absence de communication du résultat du contrôle mené par les agents du ministère de la recherche ne peut qu'être écarté ; qu'il n°est pas établi que les logiciels-outils n°ont pas simplement consisté en l'adaptation d'une méthode ou des langages de systèmes d'exploitation préexistants ayant déjà fait l'objet d'études ou ont permis d'accroître la somme des connaissances et l'utilisation de celles-ci pour de nouvelles applications ; qu'il n°est pas apporté d'éléments précis permettant au juge de l'impôt d'apprécier l'existence éventuelle de conséquences difficilement réparables résultant de l'exécution du jugement attaqué ;
Vu, enregistré au greffe le 10 février 2000, le mémoire en réplique présenté pour la société à responsabilité limitée Audit Informatique et concluant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu, enregistré au greffe le 28 avril 2000, le mémoire présenté pour la société à responsabilité limitée Audit Informatique et concluant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu, enregistré au greffe le 2 mai 2000, le mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et faisant connaître que, compte tenu de la procédure collective engagée à l'encontre de la société requérante, les conclusions aux fins de sursis à exécution sont devenues sans objet ;
Vu, enregistré au greffe le 23 septembre 2002, le mémoire présenté pour la société à responsabilité limitée Audit Informatique et concluant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 8 octobre 2002 fixant la clôture de l'instruction au 8 novembre 2002 à 16 h 30 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 2003 où siégeaient MM. Gipoulon, président de chambre, Y..., premier conseiller, et Mme Eliot, conseiller :
- le rapport de M. Nowak, premier conseiller,
- les observations de Me Z.... Lelièvre, avocat, pour la société à responsabilité limitée Audit Informatique,
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 1988, 1989 et 1990 dont a fait l'objet la société à responsabilité limitée Audit Informatique qui a pour principale activité le développement de logiciels spécialisés à destination des établissements bancaires et concernant plus particulièrement le traitement des opérations internationales, l'administration a remis en cause le crédit d'impôt pour dépenses de recherche prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts dont elle avait bénéficié au motif que les dépenses prises en compte et relatives à la conception et au développement de ces logiciels ne pouvaient être regardées comme supportées dans le cadre de travaux de recherche au sens de cet article du code ; que par jugement en date du 12 juin 1999, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels la société Audit Informatique a été assujettie au titre des exercices 1988, 1989 et 1990 ;
Sur les conclusions en décharge :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, lorsqu'il est suffisamment informé en l'état du dossier pour trancher le litige, le tribunal administratif n'est jamais tenu d'ordonner une expertise ; qu'en l'espèce, il ressort des motifs de fond retenus par le tribunal que celui-ci, eu égard auxdits motifs, a entendu, par voie de conséquence, écarter l'expertise à raison de son caractère frustratoire pour l'administration faute pour la société Audit Informatique d'avoir apporté des éléments à soumettre à l'expertise ; que, dès lors, en ne répondant pas explicitement à la demande d'expertise formulée par cette société, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'une omission de nature à entraîner son annulation ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que s'il résulte des dispositions des articles L. 45 B et R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales que les résultats du contrôle que peuvent assurer les agents du ministère de la recherche et de la technologie et portant sur la réalité de l'affectation à la recherche de certaines dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts doivent être notifiés à l'entreprise, la seule circonstance dont se prévaut la société Audit Informatique que le résultat du contrôle mené par les agents du ministère de la recherche et de la technologie auxquels elle avait adressé, sur leur demande, les documents leur permettant de vérifier la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte au titre du crédit d'impôt en faveur de la recherche pour l'exercice clos en 1988 ne lui a pas été communiqué est sans incidence sur la régularité de la procédure de redressement alors surtout que la société Audit Informatique n°allègue ni n°établit que la remise en cause du bénéfice du crédit d'impôt pour dépenses de recherche procéderait du seul contrôle de ces agents et non des propres investigations effectuées par le vérificateur lors de la vérification de comptabilité ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'en vertu de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce, les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées selon un régime réel bénéficient, sur option, d'un crédit d'impôt égal à 50 % de l'excédent des dépenses de recherche exposées au cours d'une année par rapport aux dépenses de même nature, revalorisées de la hausse des prix à la consommation, exposées au cours de l'année précédente, en ce qui concerne les années 1988 et 1989, et à la moyenne des mêmes dépenses exposées au cours des deux années précédentes, en ce qui concerne l'année 1990 ; que le VI de cet article prévoit qu'un décret fixe les conditions de son application ; qu'aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code résultant de la codification des dispositions de ce décret : 'Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : ... /c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté.' ;
Considérant que la société Audit Informatique fait valoir que, pour le développement des logiciels spécialisés destinés aux établissements bancaires, plus particulièrement pour le traitement des opérations internationales, elle a été amenée à concevoir et développer des outils de génie logiciel dénommés Process, Genet, Gestion de fichiers paramétrable et Serveur de fichiers destinés à des analystes et des programmeurs dont la conception a visé à résoudre des problèmes techniques nouveaux, ne pouvait être envisagée, eu égard aux connaissances techniques courantes, par un professionnel averti par simple développement ou adaptation de ces techniques et a permis des innovations qui ne découlent pas d'une simple utilisation des techniques existantes et utilisables pendant les périodes de conception-réalisation ; qu'elle a mis en oeuvre des concepts inconnus dans les sociétés de développement de logiciels de gestion et très peu dans les laboratoires de recherche tels que les concepts de 'programmation événementielle', de la 'programmation Objet', de 'Ressources' et de 'Drivers d'imprimantes' ; que, toutefois, l'état du dossier soumis à la Cour ne contenant pas d'indications suffisantes sur ces points, il y a lieu, avant dire droit, d'ordonner un supplément d'instruction contradictoire sur ces points ;
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
Considérant que, compte tenu de la procédure de redressement judiciaire ouvert à son encontre, les conclusions de la société Audit Informatique aux fins de sursis à exécution des articles du rôle d'où procèdent les impositions en litige sont, par application de l'article L 621-40 du code de commerce, devenues sans objet ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société à responsabilité limitée Audit Informatique tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution des articles du rôle correspondants aux compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 1988, 1989 et 1990.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels la société à responsabilité limitée Audit Informatique a été assujettie au titre des exercices 1988, 1989 et 1990, procédé à une expertise en vue de savoir si la conception et le développement des outils de génie logiciel dénommés Process, Genet, Gestion de fichiers paramétrable et Serveur de fichiers ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes au cours de ces exercices, notamment des langages de programmation informatique et du système d'exploitation Prologue et ont permis d'accroître la somme des connaissances et l'utilisation de celles-ci pour de nouvelles applications.
Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R.621-2 de R.621-14 du code de justice administrative.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n°est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Audit Informatique et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Est.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 16 septembre 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 30 septembre 2003.
Le rapporteur
E. Nowak
Le président de chambre
J.F. X...
Le greffier
G. Vandenberghe
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
G. Vandenberghe
Code : C + Classement CNIJ : 19-04-02-01-08
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N° 99DA01712