Vu la requête, enregistrée le 23 février 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Maître Yves Y, administrateur judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de cession de la société Jean-Philippe X, par Me Brajeux, avocat ; Maître Yves Y demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 94-1001 du 28 décembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à payer à la commune d'Harfleur la somme de 202 454,80 francs, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 1994, lesdits intérêts étant capitalisés à la date du 26 février 1999 pour produire eux-mêmes intérêts, la somme de 4 000 francs en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et les frais d'expertise d'un montant de 69 658,50 francs mis pour moitié à sa charge et de constater l'extinction de la créance de la commune d'Harfleur ;
2°) de condamner la commune d'Harfleur à lui verser une somme de 8 000 francs en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Code C Classement CNIJ : 54-01-05
Elle soutient que la procédure diligentée par la commune d'Harfleur est irrégulière faute d'avoir mis en cause Maître Y en sa qualité d'administrateur judiciaire et Maître Z en qualité de représentant des créanciers ; que la créance de la commune d'Harfleur qui n'a procédé à aucune déclaration de créance au passif de la société Jean-Philippe X, ni à un relevé de forclusion est éteinte en application de l'article 53 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2002, présenté pour la commune d'Harfleur par Me Patrimonio, avocat ; elle conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Jean-Philippe X à lui verser une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'elle a déclaré une créance d'un montant de 91 469,41 euros au passif de la société X en redressement judiciaire ouvert par le tribunal de commerce de Rouen le 12 septembre 1995 puis bénéficiaire d'un plan de cession ; qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la validité d'une déclaration de créance en matière de procédure collective ; que sa créance n'est pas éteinte ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises ;
Vu le code du commerce ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2003 où siégeaient M. Merloz, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur et M. Quinette, premier conseiller :
- le rapport de M. Quinette, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, par un requête enregistrée le 28 juillet 1994 au greffe du tribunal administratif de Rouen, la commune d'Harfleur a demandé que la société Jean-Philippe X soit déclarée responsable des désordres affectant le centre de la petite enfance d'Harfleur et soit condamnée à lui verser une indemnité en réparation de ces désordres ; que, postérieurement à l'introduction de cette requête, le tribunal de commerce de Rouen, par un jugement en date du 12 septembre 1995, a désigné Maître Y administrateur judiciaire et Maître Z représentant des créanciers de la société Jean-Philippe X puis a, par un second jugement en date du 7 mai 1997, arrêté un plan de cession de cette entreprise et désigné Maître Y commissaire à l'exécution de ce plan ; que s'il est vrai que ni la demande initiale de la commune
d'Harfleur, ni aucun des mémoires qui ont ensuite été produits devant les premiers juges n'ont été communiqués à l'administrateur et au représentant des créanciers, il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal ait été informé de leur désignation ou ait reçu une demande de ces derniers en vue d'être associés à la procédure ; que, dans ces conditions, Maître Y n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu sur une procédure irrégulière ;
Au fond :
Considérant que Maître Y se borne à soutenir, sans contester la responsabilité de la société Jean-Philippe X dans l'origine et l'évaluation des désordres affectant le centre de la petite enfance d'Harfleur invoqués par la commune d'Harfleur, que la condamnation de cette société ne peut être prononcée depuis l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire dont cette dernière a fait l'objet dès lors que la commune d'Harfleur n'aurait pas déclaré sa créance, ni demandé à être relevée de forclusion dans les délais requis ;
Considérant que, si les dispositions des articles 50 à 53 de la loi du 25 janvier 1985 susvisée, devenus les articles L. 621-43 à L. 621-46 du code du commerce, font obligation aux personnes publiques comme à tous les autres créanciers de déclarer leurs créances sur les entreprises en état de redressement judiciaire puis de liquidation judiciaire, il appartient au juge administratif, s'agissant de créances qui par leur nature relèvent de sa compétence, d'examiner si la personne publique demanderesse a droit à réparation, de fixer le montant des sommes qui lui sont dues à ce titre et de prononcer ainsi une condamnation, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de ses créances ; que le moyen invoqué en appel par Maître Y et tiré de ce que la commune d'Harfleur n'aurait pas déclaré sa créance ne peut, par suite et en tout état de cause, qu'être rejeté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société X, représentée par Maître Y, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à payer la somme de 202 454,80 francs assortie des intérêts et de la capitalisation desdits intérêts et a mis pour moitié à sa charge les frais d'expertise ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune d'Harfleur qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamnée à payer à la société X, représentée par Me Y, la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner la société X, représentée par Me Y, à payer à la commune d'Harfleur une somme de 1 500 euros au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société X, représentée par Me Y, est rejetée.
Article 2 : La société Jean-Philippe X, représentée par Me Y, est condamnée à verser à la commune d'Harfleur une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Jean-Philippe X, représentée par Me Y, à Me Y, à Me Z, à la commune d'Harfleur ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 25 septembre 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 9 octobre 2003.
Le rapporteur
Signé : J. Quinette
Le président de chambre
Signé : G. Merloz
Le greffier
Signé : B. Robert
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
Bénédicte Robert
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N°01DA00202