Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 2002, présentée pour M. Z... X, demeurant ..., par la société civile professionnelle d'avocats Frison - Decramer - Gueroult ; M. Z... X demande à la Cour :
1') d'annuler le jugement du 28 mai 2002 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire d'Amiens soit condamné à lui verser la somme de 2 416 000 francs en réparation des préjudices subis par lui et consécutifs à un accident en cours d'artériographie ;
2') de condamner le centre hospitalier universitaire d'Amiens à lui verser la somme de 491 700,24 euros ;
3°) de condamner le centre hospitalier universitaire d'Amiens à lui verser la somme de 3 050 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Code C Classement CNIJ : 60-02-01-01-005
54-08-01-03-01-01
Il soutient qu'il résulte du rapport d'expertise qu'il existe une imputabilité médicale entre l'artériographie réalisée dans le service de chirurgie cardio-vasculaire du centre hospitalier universitaire d'Amiens et l'accident ischémique cérébelleux dont il a été victime ; que la responsabilité du centre hospitalier est engagée sur le fondement de l'aléa thérapeutique ; que notamment, le traitement pouvait présenter un risque dont l'existence était connue ; que l'acte médical était nécessité par son état de santé ; que les conséquences de l'accident sont d'une extrême gravité ; qu'en outre, il n'a pas été informé des risques opératoires ; que son préjudice s'élève à 36 665,45 euros au titre de l'incapacité temporaire partielle, 1 657,54 euros au titre de l'incapacité temporaire totale, 67 476,75 euros au titre de l'incapacité permanente partielle,
7 700 euros, 9 150 euros et 22 870 euros, respectivement au titre du préjudice esthétique, du pretium doloris et du préjudice d'agrément, 168 180,50 euros pour l'assistance d'une tierce personne à domicile, 23 000 euros au titre du préjudice sexuel et 155 000 euros au titre du préjudice moral ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 23 septembre 2002, présenté pour le centre hospitalier universitaire d'Amiens, représenté par son directeur général, par la société civile professionnelle d'avocats Montigny et Doyen, tendant d'une part, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la Cour surseoit à statuer et ordonne un complément d'expertise, à titre infiniment subsidiaire au rejet partiel des prétentions indemnitaires du requérant, d'autre part à la condamnation de M. Z... X à lui verser la somme de
2 287 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; le centre hospitalier universitaire d'Amiens soutient que les premiers juges ont justement estimé que les séquelles résultant de l'intervention réalisée n'étaient pas sans rapport avec l'état initial de M. Z...
X et que, dans ces conditions, la responsabilité sans faute du centre hospitalier ne pouvait être engagée ; qu'en effet, les conditions de la jurisprudence Bianchi ne sont pas réunies en l'espèce ; qu'aucune faute médicale et aucune faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ne peuvent être relevées à l'encontre dudit centre ; que le requérant n'est donc pas fondé à demander réparation au centre hospitalier ; qu'en tout état de cause, le centre hospitalier, compte tenu notamment de l'état antérieur du patient, ne saurait être condamné à indemniser
M. Z... X de l'intégralité des préjudices allégués, lesquels ne sont fondés ni dans leur principe ni dans leur montant ;
Vu les mémoires enregistrés les 2 octobre 2002 et 14 octobre 2002, présentés pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme, par la société civile professionnelle d'avocats Vilmin - Gundermann, tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire d'Amiens à lui verser la somme de 122 788,01 euros, correspondant au montant de ses débours, assortie des intérêts à compter de la demande enregistrée en première instance et, en outre, à la condamnation du centre hospitalier universitaire d'Amiens à lui verser la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les mémoire en défense enregistrés les 19 décembre 2002, 10 mars 2003 et 16 juin 2003, présentés pour le centre hospitalier universitaire d'Amiens, tendant aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes motifs et, en outre, par le motif que les dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique issues de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ne sont pas applicables en l'espèce ; que les conclusions que M. X fonde sur les fautes qu'aurait commises le centre hospitalier sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ; que les sommes réclamées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme ne sont pas justifiées ;
Vu le mémoire enregistré le 29 août 2003, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme, tendant aux mêmes fins que ses précédents mémoires sauf à ce que le centre hospitalier universitaire d'Amiens soit condamné à lui verser la somme de
121 713,39 euros, correspondant au montant de ses débours, assortie des intérêts à compter de la demande enregistrée en première instance ;
Vu les pièces du dossier établissant que les parties ont été informées, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2003 où siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, M. B..., premier-conseiller et Mme Eliot, conseiller :
- le rapport de Mme Eliot, conseiller,
- les observations de Me X..., avocat, pour M. Z... X,
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions fondées sur la responsabilité sans faute :
Considérant que, lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;
Considérant que M. Z... X, qui souffrait d'une sténose de la carotide interne gauche, a subi le 12 avril 2000, dans le service de chirurgie cardio-vasculaire du centre hospitalier universitaire d'Amiens, une artériographie des troncs supra-aortiques au cours de laquelle est survenu un accident vasculaire cérébral ischémique cérébelleux droit et une nécrose myocardique inférieure ; qu'à l'issue de cette intervention il demeure atteint d'un syndrome cérébelleux droit se traduisant par une hypoesthésie de l'hémicorps gauche, une hémiparésie droite, une perte de la coordination des membres supérieur et inférieur droit, rendant M. Z... X dépendant d'une tierce personne ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par le tribunal administratif, que M. Z... X, alors âgé de 62 ans, était en outre diabétique insulino-dépendant et suivait un traitement pour l'artériopathie ; qu'à la suite d'un malaise avant l'intervention, il avait été mis sous traitement cardiaque par les médecins du service ; que les dommages résultant pour M. Z... X de l'intervention susmentionnée, à laquelle il était prévu d'y associer une coronarographie, ne peuvent donc être regardés comme sans rapport avec son état initial ; que, dès lors, les conditions pour que soit engagée la responsabilité sans faute du centre hospitalier universitaire d'Amiens ne sont pas réunies en l'espèce ;
Sur les conclusions fondées sur la faute :
Considérant que M. Z... X ne s'est prévalu devant le tribunal administratif d'Amiens que du moyen tiré de l'aléa thérapeutique ; que les conclusions qu'il fonde en appel sur la faute qu'aurait commise le centre hospitalier universitaire d'Amiens en raison du défaut d'information sur les risques opératoires, reposent sur une cause juridique distincte et constituent une demande nouvelle que le requérant n'est pas recevable à présenter pour la première fois en appel ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Z... X et la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire d'Amiens, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. Z... X et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du centre hospitalier universitaire d'Amiens tendant au remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Z... X et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire d'Amiens tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Z... X, au centre hospitalier universitaire d'Amiens, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Copie sera adressée au préfet de la région Picardie, préfet de la Somme.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 4 septembre 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 16 septembre 2003.
Le rapporteur
Signé : A. Eliot
Le président de chambre
Signé : J.F Y...
Le greffier
Signé : M.T. A...
La République mande et ordonne au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
Marie-Thérèse A...
N°02DA00631 6