Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. René Y demeurant ..., par Me Ordonneau, avocat ; M. René Y demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement en date du 29 mars 2001 par lequel le tribunal administratif de Rouen a condamné la société des autoroutes Paris-Normandie à lui verser seulement la somme de 871 037,11 francs en réparation des préjudices subis par sa propriété et liés au remembrement et au passage de l'autoroute A 29 ;
2°) de condamner la société des autoroutes Paris-Normandie à lui verser la somme totale de 9 561 240,05 francs en réparation de son préjudice, la somme de 100 000 francs assortie de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de dire que les condamnations seront actualisées au jour de la requête initiale suivant l'indice BT 01 et porteront intérêts de droit, et capitalisation des intérêts ;
Code D Classement CNIJ : 67-03-03-01
Il soutient que la responsabilité de la société des autoroutes Paris-Normandie est engagée sans faute pour dommage anormal et spécial ; que du fait de l'autoroute, le domaine a perdu de sa valeur ; que la perte du droit de chasse doit être évaluée à 200 000 francs ; que l'indemnisation des allongements de parcours se monte à la somme de 328 765,42 francs et non de 302 507 francs accordée par le tribunal administratif ; qu'il y a lieu d'indemniser les difficultés d'exploitation des parcelles morcelées, les pertes de temps, la diminution de rendement en bordure de parcelles, le portail et la canalisation électrique en souterrain, les clôtures et plantations d'arbres ; qu'il y a lieu de porter à la somme de 2 803 687,12 francs la somme accordée par le tribunal administratif au titre des chemins à réaliser ; que les nuisances sonores doivent être indemnisées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2001, présenté pour la société des autoroutes Paris-Normandie (SAPN) par Me Trillat, avocat ; elle conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué ainsi qu' à la condamnation de M. Y à lui verser la somme de 20 000 francs au titre des frais irrépétibles ; à titre subsidiaire à ce que la Cour ordonne la consignation des sommes versées ; elle soutient qu'en évaluant à la somme de 302 507 francs le préjudice né des difficultés d'exploitation, le tribunal administratif a fait une juste appréciation ; que les nuisances alléguées par le requérant n'ont pas de caractère anormal et spécial ; que les nuisances sonores depuis la mise en service de l'A 29 ne sont pas établies ; que la plupart des demandes du requérant consistent en des améliorations ; que l'indemnisation du chemin de désenclavement a été justement fixée à la somme de 568 530,11 francs ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 31 décembre 2001, présenté pour M. René Y ; il conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et au rejet de la demande de consignation et condamnations demandée par la société des autoroutes Paris-Normandie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2003 où siégeaient Mme Fraysse, président de chambre, Mme Lemoyne de Forges, président-assesseur et M. Nowak, premier conseiller :
- le rapport de Mme Lemoyne de Forges, président-assesseur,
- les observations de Me Ordonneau, avocat, membre de la SCP Karpik-Ordonneau, pour M. René Y et Me Trillat, avocat, membre de la SCP Hascoët-Trillat, pour la société des autoroutes de Paris-Normandie,
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. René Y fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen n'a fait que partiellement droit à sa demande de condamnation de la société des autoroutes Paris-Normandie (SAPN) à réparer les différents préjudices subis du fait de la construction de l'autoroute A 29 à proximité de sa propriété en ne lui allouant qu'une somme de 871 037,11 francs et dont il demande à ce qu'elle soit portée à la somme de 956 124,05 francs (145 760,16 euros) ;
En ce qui concerne l'allongement de parcours :
Considérant, en premier lieu, que si M. Y soutient que les premiers juges n'auraient pas pris en compte les difficultés d'exploitation liées à la scission de son domaine agricole en condamnant la société des autoroutes Paris-Normandie à lui verser seulement une somme de 302 507 francs au titre de l'allongement de parcours, il résulte des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif a entendu indemniser par cette somme toutes les conséquences de l'allongement du parcours et de la scission de la propriété ; qu'il y a lieu de confirmer la juste appréciation de ce chef de préjudice par les premiers juges ;
En ce qui concerne le désenclavement de la propriété :
Considérant, en deuxième lieu, qu'en condamnant la société des autoroutes Paris-Normandie à verser à M. Y la somme de 568 530,11 francs correspondant au montant du devis présenté par l'union des associations foncières pour réaliser un chemin de désenclavement entre la route départementale D15 et la nouvelle entrée de sa propriété, seul chemin rendu nécessaire par l'opération de remembrement, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice ;
En ce qui concerne les troubles de jouissance et la perte de valeur vénale :
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la construction de l'autoroute A 29 à proximité du château de M. Y a coupé sa propriété en deux et que le portail principal donne désormais sur une route désaffectée perpendiculaire à l'autoroute ; que si M. Y allègue l'existence de nuisances visuelles notamment de nuit et de nuisances phoniques entraînant une modification sensible de ses conditions d'habitation et une dépréciation de la valeur vénale de sa propriété, la Cour ne trouve pas au dossier les éléments permettant d'apprécier le préjudice résultant de la présence de l'ouvrage à proximité de la propriété du requérant ; qu'il y a donc lieu d'ordonner une expertise à effet d'évaluer la perte de valeur vénale qui a affecté la propriété de M. Y et d'apprécier les nuisances phoniques et visuelles ;
En ce qui concerne les autres chefs de préjudice :
Considérant, enfin, que, si M. Y demande réparation des nuisances phoniques qu'il a subies lors de la construction de l'autoroute, de la perte de son droit de chasse et à être indemnisé des chefs de construction d'un portail d'entrée, d'une clôture, du déplacement d'un transformateur et de l'enterrement d'une ligne électrique, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, de rejeter l'ensemble de ces demandes en l'absence de tout élément nouveau ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, d'une part M. Y est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a écarté ses conclusions dirigées contre la société des autoroutes Paris-Normandie et tendant à l'indemnisation des troubles de jouissance et de perte de valeur vénale et que, d'autre part il y a lieu de rejeter le surplus des conclusions du requérant ;
DECIDE
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions en indemnité de M. René Y, procédé à une expertise en vue d'apprécier les nuisances phoniques et visuelles affectant ses conditions d'habitation, du fait de la présence de l'autoroute, et de déterminer la perte de valeur vénale supportée par la propriété de M. Y.
Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. René Y, à la société des autoroutes Paris-Normandie et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Copie sera transmise au préfet de Seine-Maritime.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 1er juillet 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 22 juillet 2003.
Le rapporteur
P. Lemoyne de Forges
Le président de chambre
G. Fraysse
Le greffier
M.T. Lévèque
La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
Marie-Thérèse Lévèque
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N°01DA00640