Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 juin 2000, présentée pour la société dont le siège est nos ..., par Me Pascal Z..., avocat ; la société demande à la Cour :
1'' d'annuler le jugement n° 98-2201 en date du 6 avril 2000 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société des Autoroutes de Paris-Normandie à lui verser la somme de 8 567 436 francs hors taxes correspondant à des travaux supplémentaires réalisés sur le segment d'autoroute A 29 entre Le Havre et Amiens, augmentée des intérêts, et la capitalisation desdits intérêts ;
2') d'annuler la décision en date du 10 avril 1998 par laquelle la société des Autoroutes de Paris-Normandie a rejeté sa réclamation préalable ;
3'' de condamner la société des Autoroutes de Paris-Normandie à lui verser une somme de 8 567 436 francs hors taxes augmentée des intérêts à compter du 16 février 1998 et la capitalisation desdits intérêts ;
Code C Classement CNIJ : 39-05-01-02-01
4'' condamner la société des Autoroutes de Paris-Normandie à lui verser une somme de 20 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
5'' à titre subsidiaire, désigner un expert avec pour mission d'évaluer le préjudice qu'elle a subi ;
Elle soutient que le jugement est irrégulier en la forme faute de comporter le visa de l'ensemble des pièces et mémoires ; que les stipulations de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales ne lui sont pas opposables ; que le litige qui ne porte pas sur le décompte général concernant la part du marché sous-traité entre dans les prévisions de l'article 13-6 du cahier des clauses administratives générales et non dans celles du 13-44 ; qu'elle n'a jamais été destinataire du moindre décompte, ni même du décompte général ; que, faute pour la décision en date du 10 avril 1988 rejetant sa réclamation d'avoir mentionné les voies et délais de recours de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales, ces délais ne lui étaient pas opposables ; que la circonstance que la société des Autoroutes de Paris-Normandie ait réglé les sommes prévues dans les actes de sous-traitance est inopérante ; que le décompte général qui n'a été notifié qu'au mandataire du groupement GTM ne lui est pas opposable ; qu'elle était en droit de demander le paiement direct des travaux supplémentaires ; que la réalité et l'utilité des travaux réalisés ne sont pas contestées ; que l'article 3-6 du cahier des clauses administratives particulières ne peut être utilement invoqué ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré au greffe le 28 octobre 2002, le mémoire en intervention présenté pour la société GTM Constructions, par Me Jean-Philippe E..., avocat, et concluant au rejet de la requête et à la condamnation de l'entreprise à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la demande de la société est irrecevable ; que la société ayant été réglée de l'intégralité du montant pour lequel elle a été agréée selon l'acte spécial du 1er février 1994, elle ne bénéficie, pour les sommes qu'elle réclame, d'aucun droit au paiement direct à l'encontre du maître de l'ouvrage ; que les travaux auxquels correspondent les sommes supplémentaires réclamées par la société sont sans incidence sur l'étendue de ses droits au paiement direct ; que l'entreprise n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation des prétendus préjudices qu'elle aurait subis en raison des variations des quantités, ni la rémunération des autres postes de sa réclamation auxquels elle a expressément renoncé ;
Vu, enregistré au greffe le 3 décembre 2002, le mémoire en défense présenté pour la société des Autoroutes de Paris-Normandie, par Me Jean C..., avocat, et concluant au rejet de la requête et à la condamnation de l'entreprise à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la demande de l'entreprise est irrecevable ; que la société ayant été réglée de l'intégralité du montant pour lequel elle a été agréée, elle ne bénéficie, pour les sommes qu'elle réclame, d'aucun droit au paiement direct à l'encontre du maître de l'ouvrage ; que l'entreprise a reçu du maître de l'ouvrage paiement de l'ensemble des prestations effectivement exécutées et a expressément renoncé à réclamer une quelconque indemnisation du préjudice qu'elle prétend avoir subi ;
Vu, enregistré le 7 mai 2003, le mémoire en réplique présenté pour la société qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre qu'elle n'a aucunement renoncé à solliciter le versement de l'ensemble des travaux supplémentaires qu'elle a réalisés et qui résultent d'une modification substantielle de la nature des travaux imposés par le maître de l'ouvrage ; que la société GTM Constructions ne peut se prévaloir des stipulations de l'article 3-6 du cahier des clauses administratives particulières ;
Vu, enregistré le 9 mai 2003, le mémoire en intervention présenté pour la société par Me Y..., avocat qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'avenant n° 2 a été établi à une époque où la société était en mesure d'apprécier et de connaître tous les travaux supplémentaires qu'elle estimait avoir exécutés et toutes les contraintes auxquelles elle pensait avoir été confrontée et a mis fin à toute réclamation de cette dernière ; que la société a été payée des quantités réelles exécutées selon les prix unitaires qui ne méritaient pas d'être modifiés pour tenir compte de prétendues difficultés ; que les postes surcoût pour augmentation de la masse des travaux et frais financiers ont été expressément abandonnés par l'appelante ; que le coût des travaux qualifiés d'indispensables n'est pas justifié ;
Vu, enregistré le 14 mai 2003, le mémoire complémentaire présenté pour la société GTM Constructions qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que la demande de rémunération complémentaire qui excède les limites de l'agrément, ne correspond pas à l'exécution de travaux supplémentaires indispensables ;
Vu, enregistrés les 23 et 26 mai 2003 et le 6 juin 2003, les mémoires complémentaires présentés pour la société qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que sa réclamation avait non seulement pour objet de constater la modification des quantités mais également de faire constater que les circonstances exceptionnelles dans lesquelles le marché a été exécuté imposaient une révision des prix, réclamation à laquelle elle n'a pas renoncé ;
Vu, enregistré le 4 juillet 2003, le mémoire complémentaire présenté pour la société GTM Constructions qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu, enregistré le 4 juillet 2003, le mémoire complémentaire présenté pour la société qui conclut aux mêmes fins par les mêmes motifs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée relative à la sous-traitance ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juillet 2003 où siégeaient
Mme Sichler, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur, et M. Quinette, premier conseiller :
- le rapport de M. Quinette, premier conseiller,
- les observations de Me Pascal Z..., avocat, pour la société et de Me X..., avocat, membre de la SCP Rambaud Martel, pour la société GTM Constructions,
- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutient la requérante, ses visas comportent l'analyse de l'ensemble des pièces et mémoires ; qu'ainsi le moyen manque en fait ;
Sur les conclusions à fin de condamnation de la société des Autoroutes de Paris-Normandie :
Considérant que la société des Autoroutes de Paris-Normandie ayant confié au groupement d'entreprises GTM- l'exécution d'un marché Terrassements - Ouvrages d'Art - Assainissement - Rétablissement des Communications (TOARC) en vue de la réalisation d'un tronçon de l'autoroute A 29 reliant Le Havre et Amiens, le groupement d'entreprises GTM- a décidé, par un contrat de sous-traitance en date du 8 février 1994, de confier une partie des opérations de terrassement à la société dont l'acceptation et l'agrément ont été prononcés par la société des Autoroutes de Paris-Normandie ; que la société demande à la cour de condamner la société des Autoroutes de Paris-Normandie à lui verser une indemnité de 8 567 436 francs hors taxes correspondant à des travaux supplémentaires qu'elle soutient avoir effectués en qualité de sous-traitante acceptée et agréée du groupement d'entreprises
GTM- ;
Considérant que, si le contrat de sous-traitance qui a été conclu entre le groupement d'entreprises GTM- et l'entreprise renvoie au cahier des clauses administratives générales du marché signé par le groupement d'entreprises GTM-, titulaire du marché, il résulte de l'instruction que l'acte spécial en date du 1° février 1994 par lequel la société des Autoroutes de Paris-Normandie a accepté l'entreprise comme sous-traitant pour une partie des opérations de terrassement prévues par le marché et a agréé ses conditions de paiement ne comporte aucun renvoi aux stipulations du cahier des clauses administratives générales et notamment à celles contenues à l'article 50 ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ces stipulations pour déclarer irrecevable la demande de la société tendant à la condamnation de la société des Autoroutes de Paris-Normandie ;
Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société dans la demande qu'elle a présentée au tribunal administratif et dans sa requête d'appel ;
En ce qui concerne le surcoût d'augmentation de la masse des travaux, les frais financiers et les frais généraux dont la société sollicite l'indemnisation :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 susvisée : L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées. Les notifications prévues à l'alinéa 1° sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception ; que l'article
186 ter du code des marchés publics pris pour l'application de ces dispositions prévoit que, dans le cas où le titulaire d'un marché n'a ni opposé un refus motivé à la demande de paiement du sous-traitant dans le délai de quinze jours suivant sa réception, ni transmis celle-ci à l'administration , le sous-traitant envoie directement sa demande de paiement à l'administration par lettre recommandée avec avis de réception postal ou la lui remet contre récépissé ;
Considérant que ces dispositions ont pour objet de permettre au sous-traitant de s'adresser directement à la personne publique, maître de l'ouvrage, pour obtenir le paiement direct des sommes qui lui sont dues au titre du contrat de sous-traitance lorsque le titulaire du marché ne s'est pas acquitté de ses obligations dans un délai de quinze jours ; qu'il ressort des pièces du dossier que la société qui, par une première réclamation adressée le 19 avril 1995 adressée à la société GTM-, titulaire du marché, avait sollicité l'indemnisation du surcoût d'augmentation de la masse des travaux, de ses frais financiers et de ses frais généraux estimés respectivement aux sommes de 1 366 904,71 francs (poste D), 285 836,21 francs (poste E) et
400 000 francs a, dans sa seconde réclamation en date du 10 novembre 1995, également adressée à la société GTM-, renoncé à l'indemnisation de ces divers postes ; que la mise en demeure dont la société des Autoroutes de Paris a été saisie le 16 février 1998 faisait expressément référence à sa réclamation en date du 10 novembre 1995 ; que, dans ces conditions, la société GTM-Constructions est fondée à soutenir que les conclusions de la société , en tant qu'elles concernent des postes qui ne figuraient pas au nombre de ceux mentionnés dans la réclamation adressée au maître d'ouvrage, ne pouvaient être directement présentées devant le juge administratif et sont donc, dans cette mesure, irrecevables ;
En ce qui concerne les autres chefs de la demande :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les fortes intempéries enregistrées au cours de l'hiver 1994-1995 ont rendu plus difficiles les opérations de terrassement en vue de la réalisation d'un tronçon de l'autoroute A 29 reliant Le Havre et Amiens ; que l'utilisation de limons issus des fouilles sur le lieu d'exécution du chantier a notamment dû être abandonnée et les remblaiements effectués avec des matériaux d'origine externe ; que la répartition des quantités de matériaux mis en oeuvre telle qu'elle avait été initialement prévue a ainsi dû être modifiée ; que, toutefois, à la suite du premier mémoire de réclamation adressé le 19 avril 1995 par la société , un avenant a été conclu qui tenait compte à la fois des quantités de matériaux effectivement mis en oeuvre sur la base des prix unitaires initialement fixés par le marché et des purges qui avaient été réalisées ; qu'il n'est pas contesté que la somme de 12 450 525,14 francs hors taxes correspondant au montant du marché a donné lieu au paiement direct par la société des Autoroutes de Paris-Normandie ; qu'en l'absence de bouleversement de l'économie du contrat, non invoqué en l'espèce, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les fortes intempéries survenues pendant la durée du chantier, dont le caractère exceptionnel n'est au surplus, pas démontré, auraient constitué une circonstance de nature à modifier les prix unitaires fixés par le marché ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande de condamnation de la société des Autoroutes de Paris-Normandie ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société des Autoroutes de Paris-Normandie qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamnée à payer à la société la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner la société à payer à la société des Autoroutes de Paris-Normandie une somme de 1 000 euros et à la société GTM Constructions une somme de 2 000 euros au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société est rejetée.
Article 2 : La société versera à la société des Autoroutes de Paris-Normandie une somme de 1 000 euros et à la société GTM Constructions une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société , à la société des Autoroutes de Paris-Normandie, à la société GTM Constructions ainsi qu'au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 8 juillet 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 22 juillet 2003.
Le rapporteur
Signé : J. B...
Le président de chambre
Signé : F. D...
Le greffier
Signé : M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
Muriel A...
N°00DA00673 7