Vu la requête, enregistrée le 31 août 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée X... Lav, dont le siège social est situé ..., représentée par son gérant, par Maître Christian Y..., avocat ; l'E.U.R.L. X... Lav demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9800952 du 3 juillet 2001 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a seulement condamné la communauté urbaine de Lille à lui verser la somme de 39 062,92 francs en réparation des préjudices subis du fait de l'exécution des travaux de construction de la ligne de métro n°2 à Wasquehal ;
2°) de confirmer ledit jugement en ce qu'il a déclaré la communauté urbaine de Lille responsable des dommages subis et mis à sa charge les frais d'expertise ;
3°) de réformer ledit jugement pour le surplus ;
4°) de condamner la communauté urbaine de Lille à lui verser une somme de
10 000 francs sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Code C Classement CNIJ : 67-03-04
Elle soutient qu'elle a exploité, du 14 mars 1990 au 1er décembre 1997, un fonds de commerce de laverie automatique situé au ... ; qu'à partir de février 1993, la communauté urbaine de Lille a procédé à la construction de la station Wasquehal centre située sur la ligne 2 du métro ; que le chantier s'est situé à proximité immédiate de son fonds de commerce ; que le stationnement puis la circulation ont d'abord été rendus difficiles puis progressivement été interdits dans la rue Michelet ; que des clôtures ont été érigées autour du chantier, rendant le lavoir difficilement visible et accessible pour les clients ; qu'à partir de janvier 1995, l'accès au commerce n'est demeuré possible qu'à pied et dans de mauvaises conditions ; que les nuisances, notamment dues à la poussière et à la boue ont été sensibles ; que, pour toutes ces raisons, la clientèle a peu à peu déserté la laverie et la société X... Lav vu son chiffre d'affaires diminuer considérablement dès le début de l'année 1995 et ensuite de façon continue jusqu'à la fin de l'exploitation en août 1997 ; que c'est dans ces conditions que le fonds de commerce a été cédé le 1er décembre 1997 pour le prix dérisoire de 120 000 francs ; qu'elle ne peut accepter l'évaluation insuffisante de son préjudice à laquelle s'est livré le tribunal ; qu'elle sollicite la réformation du jugement sur ce point ; que la baisse du chiffre d'affaires de la société pendant la période considérée a été à juste titre évaluée à la somme de 144 850 francs ; que, pour évaluer la perte sur la marge brute de la société X... Lav, le tribunal a considéré qu'elle n'établissait pas que le pourcentage de 68,39 % du chiffre d'affaires retenu par l'expert comme marge brute était inexact ; que la marge brute de la société X... Lav correspond réellement à 98,1 % de son chiffre d'affaires, ledit pourcentage lui ayant été communiqué par la chambre de commerce et d'industrie du Nord - Pas-de-Calais et ayant toujours été celui retenu par le centre de gestion agréé qui avait en charge la tenue de sa comptabilité ; que la perte totale de marge brute à retenir pour la période du 1er décembre 1995 au mois d'août 1997 s'élève ainsi à la somme de 142 100 francs ; que, par ailleurs et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle apporte la preuve que le fonds de commerce qu'elle exploitait avait une valeur bien supérieure, lorsqu'il a été vendu le 1er décembre 1997, à celle de 140 000 francs retenue par l'expert ; qu'il ne peut être contesté que si la société X... Lav avait vendu son fonds de commerce fin 1997 sans que celui-ci ne soit affecté par les travaux, le prix en aurait été certainement plus élevé et aurait au moins correspondu à une somme de 340 000 francs, cette somme correspondant à la différence entre l'investissement de départ et le prix de cession du fonds ; qu'ensuite, le tribunal a considéré à tort qu'elle ne pouvait prétendre à l'indemnisation de son manque à gagner lié à l'arrêt de son activité ; qu'il est clair que si la société X... Lav n'avait pas eu à subir les effets des travaux entrepris par la communauté urbaine de Lille, elle serait toujours en activité et celle-ci serait florissante ; qu'enfin, c'est bien, contrairement à ce qui a été jugé en première instance, pour pallier la perte de chiffre d'affaires et préserver la clientèle qu'elle a été contrainte de créer une activité de repassage et de retouche nécessitant ainsi l'embauche d'une personne ; qu'il ne s'agit nullement d'une option stratégique de croissance, puisqu'à l'époque de l'embauche, l'entreprise était déjà en train de péricliter ; que ce poste de préjudice supplémentaire s'élève à la somme de 56 784 francs ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2002, présenté pour la communauté urbaine de Lille, par Maître B..., avocat, membre du cabinet d'avocats Vandenbussche, Minet et Gallant ; elle s'en rapporte à justice à hauteur de la somme totale de 132 500 francs, dont à déduire la provision allouée en référé, au titre de l'indemnisation principale ; elle soutient, après avoir rappelé les faits et la procédure, qu'en sa qualité d'établissement public soumis aux règles de la comptabilité publique, elle n'est pas en mesure d'apprécier ni de commenter une comptabilité strictement commerciale telle que celle de l'E.U.R.L. X... Lav ; que tel était l'objet de l'expertise comptable ordonnée en référé ; qu'à cet égard, les contestations chiffrées de l'appelante sont tardives et auraient dû être soumises en temps utile à l'expert comptable judiciaire qui est intervenu, à qui il appartenait de les apprécier ; que, toutefois, l'appelante ne semble pas fondée à soutenir que l'évolution de l'activité de son fonds de commerce aurait été complètement différente de celle enregistrée par la norme professionnelle ; que le taux de marge revendiqué apparaît irréaliste et démesuré ; qu'enfin, si l'appelante estime que les éléments corporels de son fonds de commerce avaient véritablement une valeur de 320 000 francs, il est incompréhensible qu'elle n'ait pas songé à les négocier distinctement du fonds de commerce ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 11 avril 2002, présenté pour l'E.U.R.L. X... Lav ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête et, en outre, à la condamnation de la communauté urbaine de Lille à l'indemniser à concurrence des sommes de : 21 663,01 euros
(142 100 francs ) au titre de la perte sur marge brute, 51 832,67 euros (340 000 francs ) au titre de la perte sur le prix de vente du fonds de commerce, 25 154,09 euros (165 000 francs ) au titre du manque à gagner et 8 656,66 euros (56 784 francs ) au titre du coût d'embauche ; elle présente les mêmes moyens que précédemment et soutient, en outre, que son gérant n'a pu prendre connaissance du contenu du rapport d'expertise comptable qu'après qu'il ait été définitivement rédigé et déposé ; que la communauté urbaine de Lille ne saurait sérieusement prétendre que le taux de marge brute invoqué serait irréaliste et démesuré ; qu'elle ne saurait davantage lui reprocher de n'avoir pas négocié les machines distinctement du fonds de commerce puisqu'en réalité, elle n'a pas eu le choix ; qu'ayant parfaitement conscience du risque d'être placée en liquidation judiciaire et de perdre tout son actif, elle a préféré vendre son fonds ; qu'étant donné que les travaux étaient encore en cours à cette époque, les repreneurs n'étaient non seulement pas nombreux mais surtout exigeants sur les conditions de la cession du fonds ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2003 où siégeaient
Mme Fraysse, président de chambre, Mme Lemoyne de Forges, président-assesseur et
M. C..., premier-conseiller :
- le rapport de Mme Lemoyne de Forges, président-assesseur,
- les observations de Maître B..., avocat, membre du cabinet d'avocats Vandenbussche, Minet et Gallant, pour Lille Métropole - communauté urbaine,
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement,
Considérant que l'E.U.R.L. X... Lav interjette appel du jugement en date du 3 juillet 2001 du tribunal administratif de Lille en tant qu'après avoir déclaré la communauté urbaine de Lille responsable des dommages subis par elle en raison des travaux d'implantation d'une station de métro à proximité du fonds de commerce de laverie automatique qu'elle exploitait à Wasquehal, il a condamné ledit établissement public à lui verser en réparation une somme globale de 119 062,92 francs (18 151,03 euros ) en ce compris la provision de 80 000 francs
(12 195,92 euros ) accordée par le juge des référés, tous chefs de préjudice confondus, qu'elle estime insuffisante ; qu'elle demande que cette somme soit portée à la somme globale de
107 306,42 euros (703 884 francs ) ;
Sur la perte de marge brute :
Considérant que si l'E.U.R.L. X... Lav soutient en appel que le pourcentage du chiffre d'affaires à retenir comme marge brute serait de 98,1 %, elle n'assortit cette prétention d'aucun élément de nature à démontrer que ce pourcentage correspondrait plus fidèlement à son activité réelle durant la période considérée que le pourcentage de 68,39 % retenu par l'expert ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a évalué la perte de marge brute de la société X... Lav à raison des travaux litigieux à la somme de 15 102,04 euros (99 062,92 francs ) ;
Sur la dépréciation du fonds de commerce :
Considérant que si l'E.U.R.L. X... Lav conteste la valeur de ses immobilisations corporelles retenue par l'expert à hauteur d'une somme de 57 657 francs telle qu'elle ressortait de sa comptabilité, elle n'apporte aucun élément de nature à établir que la valeur vénale desdites immobilisations corporelles aurait pu être supérieure à ce montant ; qu'en outre, elle ne conteste pas utilement la méthode retenue par l'expert pour prendre en compte la dépréciation des éléments incorporels de son fonds de commerce ; que, dans ces conditions, l'E.U.R.L. X... Lav, qui ne démontre pas davantage en appel qu'en première instance que la valeur de son fonds de commerce aurait pu excéder la somme de 140 000 francs retenue par l'expert en l'absence de tous travaux, n'apporte aucun élément de nature à réévaluer sa part de préjudice liée à la dépréciation de son fonds de commerce consécutive aux travaux en cause ; que, par suite, les premiers juges ne se sont pas livrés à une appréciation erronée des circonstances de l'espèce en évaluant ce poste de préjudice à la somme de 20 000 francs (3 048,98 euros ) ;
Sur le manque à gagner lié à l'arrêt de l'activité :
Considérant que l'argumentation développée par l'E.U.R.L. X... Lav n'est pas de nature à établir ou même à permettre d'envisager sérieusement que son niveau d'activités aurait pu continuer à s'accroître si les travaux en cause n'avaient pas été entrepris ; qu'en conséquence, le préjudice invoqué à ce titre revêt un caractère purement hypothétique ; qu'en outre et ainsi d'ailleurs que l'ont estimé les premiers juges, le lien de causalité entre ce manque à gagner et les travaux de construction de la station de métro dont s'agit n'est pas établi ;
Sur le coût supplémentaire engendré par l'embauche d'un salarié :
Considérant que l'E.U.R.L. X... Lav ne démontre pas, par ses écritures et par les pièces produites, que le coût résultant de l'embauche d'un salarié dont elle demande la prise en compte dans l'évaluation de son préjudice aurait un lien direct avec les travaux en cause et ne procéderait pas d'un pur choix de stratégie commerciale indépendant de cette situation ; qu'elle ne saurait donc prétendre à être indemnisée de ce chef de préjudice allégué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'E.U.R.L. X... Lav n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille n'a fait que partiellement droit à sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant que les dispositions précitées s'opposent à ce que la communauté urbaine de Lille, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à l'E.U.R.L. X... Lav la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'E.U.R.L. X... Lav est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'E.U.R.L. X... Lav, à Lille-Métropole - communauté urbaine, ainsi qu'au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Copie sera transmise au préfet de la région Nord - Pas-de-Calais, préfet du Nord.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 3 juin 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 17 juin 2003.
Le rapporteur
Signé :
P. Lemoyne de Forges
Le président de chambre
Signé : G. Z...
Le greffier
Signé : M.T. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
Marie-Thérèse A...
N°01DA00891 7