Vu la requête, enregistrée le 8 janvier 2001, présentée pour Mme Yvonne X, demeurant ..., par la société civile professionnelle d'avocats Jean-Benoit Julia et Patrick Chabert ; Mme Yvonne X demande à la Cour :
1') d'annuler le jugement du 31 octobre 2000 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Rouen soit condamné à lui verser une somme de 555 000 francs en réparation du préjudice subi suite aux interventions chirurgicales réalisées sur elle dans cet établissement ;
2') de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à lui verser la somme de 555 000 francs, augmentée des intérêts à compter du 31 décembre 1998 et des intérêts des intérêts ou, subsidiairement, d'ordonner une expertise ;
3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à lui verser la somme de 50 000 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Code C Classement CNIJ : 60-02-01-01-02-02
60-02-01-01-01-01-04
Elle soutient que le mauvais positionnement du cotyle artificiel mis en place le 25 février 1993 est à l'origine des luxations dont elle a été victime les 20 mars et 15 mai 1996 et des préjudices en résultant ; qu'en outre, l'absence de diagnostic sur les causes de cette luxation est à l'origine des interventions réalisées les 25 mars 1996 et 24 mai 1996, destinées respectivement à retirer un fragment de ciment entre le cotyle et la pièce fémorale et à changer la pièce cotyloïdienne au profit d'une cupule de Bousquet ; que l'apparition de la boiterie est directement liée à l'intervention effectuée le 25 mars 1996 au cours de laquelle a eu lieu une atteinte sans doute neurogène ayant entraîné une atrophie du muscle moyen fessier ; que l'absence de moyens mis en oeuvre avant février 1997 pour procéder à un diagnostic sur les causes de la boiterie a aggravé l'état de Mme X ; que l'hypothèse d'une atteinte radiculaire L4-L5 émise par l'expert pour expliquer l'origine de la boiterie, est critiquable ; qu'aucune information n'a été donnée à Mme X sur le contenu des interventions et les risques éventuels de complication ; qu'elle est donc fondée à demander une indemnité de 55 000 francs au titre de l'incapacité temporaire totale, 200 000 francs au titre de l'incapacité permanente partielle, 100 000 francs au titre du pretium doloris et 200 000 francs au titre du préjudice d'agrément ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 26 juillet 2001, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Rouen, par Me Campergue, avocat, tendant au rejet de la requête ; le centre hospitalier universitaire de Rouen soutient que la survenue d'une luxation de hanche gauche le 20 mars 1996 ne démontre aucunement l'existence d'une faute médicale commise lors de l'intervention du 25 février 1993 ; que la présence d'un corps étranger entre les deux pièces de l'arthroplastie, constatée après l'intervention de réduction de la luxation le 20 mars 1996, ne révèle aucun dysfonctionnement ; que l'intervention réalisée le 25 mars 1996 pour extraire le fragment, qui a été effectuée dans les règles de l'art, était parfaitement justifiée et n'imposait pas le remplacement de la prothèse ; que la boiterie résulte, d'une part, d'une insuffisance du moyen fessier induit par les abords chirurgicaux rendus nécessaires par les luxations itératives de la hanche, d'autre part, d'une arthrose diffuse déjà présente avant la première intervention ; qu'en tout état de cause, les demandes indemnitaires de la requérante au titre des différents chefs de préjudice allégués, ne sont pas fondées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2003 où siégeaient Mme Fraysse, président de chambre, M. Laugier et M. Paganel, conseillers :
- le rapport de M. Paganel, conseiller,
- les observations de Me Jegu, avocat, membre de la SCP Julia-Chabert, pour Mme X, et de Me Campergue, avocat, membre de la SCP Emo Hébert et associés, pour le centre hospitalier universitaire de Rouen,
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme Yvonne X a subi le 3 février 1992 au centre hospitalier universitaire de Rouen une arthroplastie totale de la hanche droite et, le 25 février 1993, une opération visant à pallier une coxarthrose gauche au cours de laquelle a été installée une prothèse de hanche gauche ; que le 20 mars 1996, Mme Yvonne X a été victime d'une luxation de cette prothèse, laquelle a été réduite le jour même sous anesthésie générale ; que les radiographies de contrôle effectuées après cette dernière intervention ayant révélé l'existence d'un fragment de ciment entre le cotyle et la pièce fémorale, il fut procédé le 25 mars 1996 à l'exérèse de ce corps étranger ; qu'au terme de l'intervention, Mme Yvonne X reprit la marche avec difficulté du fait d'une boiterie à gauche ; que la prothèse de la hanche gauche ayant de nouveau été luxée le 15 mai 1996 et réduite en urgence, laissant supposer une instabilité de la hanche, la pièce cotyloïdienne fut remplacée par une cupule de Bousquet, au cours d'une opération réalisée le 24 mai 1996 ; que Mme Yvonne X demeure toutefois handicapée par une importante boiterie ;
Considérant, en premier lieu, que si la requérante soutient que les luxations de sa hanche prothétique sont dues à une antéversion de la pièce cotyloïdienne, un tel positionnement ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, résulter d'une faute médicale commise pendant l'opération du 25 février 1993 au cours de laquelle la prothèse a été mise en place dès lors qu'il résulte du rapport d'expertise qu'une différence de quelques degrés n'était pas décelable, en tout état de cause, et que l'exécution a été conforme aux règles de l'art ; que la survenue d'une première luxation de hanche trois ans après la mise en place de la prothèse ne signifiait pas en elle-même qu'il existait une instabilité définitive imposant d'ores et déjà le remplacement des pièces prothétiques ; qu'il ne saurait donc être reproché à l'équipe médicale de n'avoir changé la pièce cotyloïdienne qu'après la deuxième luxation survenue le 15 mai 1996 ; que si l'atrophie du muscle moyen fessier, provoquée par les multiples passages effectués dans cette zone par les chirurgiens, serait en partie à l'origine de la boiterie dont est atteinte Mme Yvonne X, cette dégénérescence musculaire ne saurait résulter d'une faute médicale dès lors qu'il résulte du rapport d'expertise que les interventions susmentionnées ont été effectuées dans les règles de l'art ; que si la requérante fait valoir qu'aucun examen électro-physiologique n'a été effectué après le 25 mars 1996, date à laquelle est apparue la boiterie, il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel examen, qui sera d'ailleurs effectué le 26 février 1997, aurait permis de réduire son handicap ;
Considérant, en second lieu, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;
Considérant que la requérante soutient qu'elle n'a pas été informée des risques des interventions ; que le centre hospitalier universitaire de Rouen ne conteste pas utilement cette affirmation ; qu'ainsi, le centre hospitalier universitaire de Rouen a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte du rapport d'expertise et n'est pas contesté, d'une part, que l'état de santé de Mme Yvonne X nécessitait une intervention visant à palier sa coxarthrose, que les interventions réalisées les 20 mars, 25 mars, 15 mai et 24 mai 1996 étaient rendues nécessaires par le traitement de deux luxations de hanche post-traumatiques, la présence d'un corps étranger introduit dans l'articulation coxofémorale et le remplacement de la pièce cotyloïdienne précocement usée ; que, d'autre part, il n'existait pas d'alternative thérapeutique à ces opérations ; que, par suite, la faute commise par le centre hospitalier universitaire de Rouen n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance pour Mme Yvonne X de se soustraire aux conséquences desdites opérations ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que Mme Yvonne X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire de Rouen qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme Yvonne X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme Yvonne X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Yvonne X, au centre hospitalier universitaire de Rouen, à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 3 juin 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 17 juin 2003.
Le rapporteur
Signé : M. Paganel
Le président de chambre
Signé : G. Fraysse
Le greffier
Signé : M.T. Lévèque
La République mande et ordonne au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
M.T. Lévèque
N°01DA00015 6