La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/04/2003 | FRANCE | N°00DA01080

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ere chambre, 03 avril 2003, 00DA01080


Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la commune de Villers-sous-Saint-Leu, représentée par son maire en exercice dûment habilité, par Me Boitelle-Coussau, avocat ; la commune de Villers-sous-Saint-Leu demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement n° 96-599 du 30 juin 2000 du tribunal administratif d'Amiens qui a annulé l'arrêté en date du 24 janvier 1996 par lequel le préfet de l'Oise a déclaré d'utilité publique le projet d'acquisition par la commune de Villers-sous-Saint-Leu du château et

de son parc situé sur le territoire de cette commune ainsi que les trav...

Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la commune de Villers-sous-Saint-Leu, représentée par son maire en exercice dûment habilité, par Me Boitelle-Coussau, avocat ; la commune de Villers-sous-Saint-Leu demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement n° 96-599 du 30 juin 2000 du tribunal administratif d'Amiens qui a annulé l'arrêté en date du 24 janvier 1996 par lequel le préfet de l'Oise a déclaré d'utilité publique le projet d'acquisition par la commune de Villers-sous-Saint-Leu du château et de son parc situé sur le territoire de cette commune ainsi que les travaux d'aménagement du château et de son environnement et l'aménagement d'une nouvelle mairie au sein du château ;

2') de condamner M. et Mme X à lui verser la somme de 10 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Code C Classement CNIJ : 34-02-01-01-03

Elle soutient que les modifications qui ont été apportées après enquête publique au projet qui a été déclaré d'utilité publique n'affectent pas l'économie générale du projet ; que le sens de l'avis émis par le commissaire-enquêteur qui n'était pas tenu de répondre à chacune des observations qui lui ont été soumises n'avait pas nécessairement à être conforme à la majorité de ces observations ; que l'avis émis par le commissaire-enquêteur est motivé ; que l'avis du service des domaines n'avait pas à être annexé au dossier ; que l'estimation des dépenses jointe au dossier répond aux obligations de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation ; que l'opération répond à un but d'intérêt général ; qu'il n'est pas établi qu'elle disposerait d'autres terrains permettant de réaliser un projet présentant les mêmes avantages ; que le projet est d'utilité publique ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés le 16 novembre 2000 et le 21 novembre 2000, présentés par l'association de défense des intérêts des villersois qui conclut au rejet de la requête ; elle soutient que le projet a été déclaré d'utilité publique sans qu'il ait été tenu compte de l'avis du commissaire-enquêteur ; que le projet déclaré d'utilité publique est différent de celui qui a été soumis à enquête publique ; que le commissaire-enquêteur n'a pas tenu compte des observations négatives concernant le projet et a ignoré une opposition majoritaire à ce dernier ; que la commune dispose de terrains aptes à un agrandissement de la mairie ; que la destination des terrains contigus à la mairie n'a pas été évoquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2000, présenté par M. X qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la commune de Villers-sous-Saint-Leu à lui verser la somme de 50 000 francs au titre des frais irrépétibles et la somme de 30 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; il soutient que le projet déclaré d'utilité publique a été substantiellement modifié par rapport à celui soumis à enquête publique ; que l'avis qui a été émis par le commissaire-enquêteur est illégal ; que l'estimation sommaire des dépenses a été manifestement sous-évaluée ; que la décision est entachée d'un vice de détournement de procédure et de détournement de pouvoir ; que l'opération ne répond pas à un but d'utilité publique ; que la commune de Villers-sous-Saint-Leu possède des terrains lui permettant de réaliser ses projets sans expropriation ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 29 janvier 2001, présenté par l'association de défense des intérêts des villersois qui conclut au rejet de la requête par les mêmes motifs ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 15 février 2001, présenté par M. X qui conclut au rejet de la requête par les mêmes motifs ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 13 juillet 2001, présenté pour la commune de Villers-sous-Saint-Leu qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 13 août 2001, présenté par l'association de défense des intérêts des villersois qui conclut au rejet de la requête par les mêmes motifs ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 16 août 2001, présenté par M. X qui conclut au rejet de la requête par les mêmes motifs ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 2003 où siégeaient, M. Daël, président de la Cour, Mme Sichler, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur et MM. Quinette et Paganel, premiers conseillers :

- le rapport de M. Quinette, premier conseiller,

- les observations de M. X,

- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier et notamment de celles soumises à l'enquête préalable d'utilité publique de l'acquisition du château de Villers-sous-Saint-Leu et de son parc que les travaux projetés, dont la réalisation était prévue en trois phases, devaient comprendre la sauvegarde et le réaménagement de ce château inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques et de ses abords, la réhabilitation de ce monument au sein duquel seraient regroupés l'ensemble des services de la mairie et divers autres services ou activités ; que, si postérieurement à la clôture de l'enquête publique et pour satisfaire à une réserve du commissaire-enquêteur, seuls les travaux prévus par la première phase de l'opération consistant en la mise hors d'eau du château et en son aménagement en vue d'accueillir les services de la mairie ont été déclarés d'utilité publique par l'arrêté préfectoral attaqué, cette circonstance n'a pas eu pour résultat de dénaturer le projet et n'est dès lors pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur l'irrégularité de la procédure pour annuler l'arrêté préfectoral du 24 janvier 1996 ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X et par l'association de défense des intérêts des villersois tant devant le tribunal administratif que devant la Cour ;

Considérant, en premier lieu, que si l'article R. 11-3, 5°, du code de l'expropriation fait obligation à l'expropriant de faire figurer une appréciation sommaire des dépenses dans le dossier soumis à enquête, cette disposition n'implique pas que l'estimation précise le coût de chaque ouvrage , ni le montant de la participation des diverses collectivités appelées à en assurer le financement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appréciation des dépenses ait été sous-évaluée ;

Considérant, en deuxième lieu, que si l'association de défense des intérêts des villersois a soutenu que le commissaire-enquêteur n'aurait pas été suffisamment présent au cours du déroulement de l'enquête publique, que le registre d'enquête aurait été absent pendant plusieurs jours, que la validité de certaines pièces du dossier n'aurait pas été vérifiée, ces allégations ne sont pas établies ; que le prétendu défaut d'indépendance du commissaire-enquêteur n'est pas davantage établi ;

Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que le commissaire-enquêteur n'aurait pas tenu compte de la désapprobation des habitants de la commune et celui selon lequel, pour rendre son avis, il se serait fondé sur des motifs qui auraient été erronés, sont inopérants ; que cet avis est suffisamment motivé ;

Considérant, en quatrième lieu, que la procédure d'expropriation pouvait être légalement utilisée en vue à la fois d'assurer la protection d'un monument existant sur le territoire de la commune de Villers-sous-Saint-Leu et de la création d'une nouvelle mairie ; que le détournement de procédure n'est pas établi ;

Considérant, en cinquième lieu, que la nécessité de procéder à un regroupement des services de la mairie n'est pas contestée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les biens dont la commune de Villers-sous-Saint-Leu est propriétaire présenteraient un avantage équivalent à une installation de l'ensemble de ses services au sein du château ;

Considérant, en dernier lieu, que les inconvénients résultant de l'atteinte portée à une propriété privée par l'opération déclarée d'utilité publique et le coût de sa réalisation ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt que présentent la sauvegarde du château de Villers-sous-Saint-Leu et à l'utilité pour les habitants d'une nouvelle mairie ; que ces inconvénients ne sont donc pas de nature à retirer à cette opération son caractère d'utilité publique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Villers-sous-Saint-Leu est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté préfectoral du 24 janvier 1996 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ; que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Villers-sous-Saint-Leu qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamnée à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Villers-sous-Saint-Leu tendant à la condamnation de M. et Mme X à lui verser 10 000 francs au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 30 juin 2000 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif d'Amiens et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Villers-sous-Saint-Leu tendant à la condamnation de M. et Mme X au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Villers-sous-Saint-Leu, à M. X, à l'association de défense des intérêts des villersois et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Copie sera transmise au préfet de l'Oise.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 19 mars 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 3 avril 2003.

Le rapporteur

Signé : J. Quinette

Le président de la Cour

Signé : S. Daël

Le greffier

Signé : M. Milard

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier

Muriel Milard

7

N°00DA01080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 00DA01080
Date de la décision : 03/04/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Quinette
Rapporteur public ?: M. Yeznikian
Avocat(s) : SCP BOITELLE - COUSSAU ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2003-04-03;00da01080 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award