Vu la requête, enregistrée le 28 février 2002 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée par M. Mourad Y..., détenu au centre de détention de Maubeuge ; M. Y... demande à la Cour d'annuler le jugement n° 00790 du 22 janvier 2002 du tribunal administratif de Lille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté d'expulsion en date du 15 février 1999 pris à son encontre par le ministre de l'intérieur ;
Code C Classement CNIJ : 335-02
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 janvier 2003
- le rapport de Mme Sichler, président de chambre,
- les observations de Me X..., avocat, pour M. Y...,
- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe :
Considérant qu'aux termes de l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : « L'expulsion prévue à l'article 23 ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes : 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission siégeant sur convocation du préfet et composée : du président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département, ou d'un juge délégué par lui, président ; d'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal de grande instance du chef-lieu du département ; d'un conseiller du tribunal administratif. Le chef du service des étrangers à la préfecture assure les fonctions de rapporteur ; le directeur départemental de l'action sanitaire et sociale ou son représentant est entendu par la commission ; ils n'assistent pas à la délibération de la commission. » ;
Considérant qu'il ressort des dispositions susmentionnées que le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ne figure pas au nombre des personnes qui composent la commission départementale d'expulsion ; qu'ainsi la circonstance qu'il ait été absent lors de l'examen du dossier de M. Y... par cette instance n'a pas entaché l'avis de la commission d'expulsion d'un vice de procédure substantiel ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de la commission d'expulsion doit être écarté ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu'en vertu de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifié : « l'expulsion peut être prononcée : (…) b) lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25 (…) » ;
Considérant, en premier lieu, que les infractions pénales commises par un étranger, ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent en aucun cas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace pour l'ordre et la sécurité publics ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient M. Y..., l'arrêté ministériel d'expulsion en date du 15 février 1999 est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il n'a pas été pris au seul vu des faits pénalement réprimés qu'a commis l'intéressé mais en tenant compte de l'ensemble de son comportement ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y... s'est principalement rendu coupable de 1987 à 1996 de vols et d'infractions à la législation des stupéfiants pour lesquels il a été condamné au total à onze années d'emprisonnement dont deux avec sursis ; qu'eu égard à la répétition, à la nature et à la gravité de ces faits, le ministre n'a pas commis d'erreur manifeste en estimant que l'expulsion de M. Y... constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique nonobstant le fait que : « son comportement depuis 1996 s'est orienté vers une socialisation , et que ses antécédents pénaux s'étaient manifestés dans un cadre familial et psychologique troublé » ; que le requérant ne saurait se prévaloir, pour la période où il purgeait sa peine d'emprisonnement ferme, de la circonstance qu'il n'a pas commis d'infraction ;
Considérant en troisième et dernier lieu, que si M. Y... fait valoir qu'il est entré en France à l'âge de deux ans, que toute sa famille y réside, qu'il entretient une relation stable avec une ressortissante française, n'a aucune attache au Maroc où il n'a jamais vécu et que ses frères et soeurs sont français, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à la répétition, à la nature et à la gravité des faits qui lui sont reprochés, le ministre, en prenant la mesure d'expulsion en date du 15 février 1999, n'a pas porté aux droits de M. Y... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne peut utilement se prévaloir qu'il est père de deux enfants dès lors que ceux-ci sont nés postérieurement à la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté d'expulsion pris le 15 février 1999 à son encontre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Mourad Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mourad Y... ainsi qu'au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Copie sera transmise au préfet du Nord.
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N°02DA00177