Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014.
Par une troisième requête, la société de fait A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.
Par un jugement n° 1702878-1702874-1702879 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers, après avoir joint les trois requêtes, a rejeté leurs demandes.
Procédures initiales devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 août 2020 et 5 octobre 2021 sous le n° 20BX02448, M. C... A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 juin 2020 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 à 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :
- la taxation d'office de la société de fait A... constitue un détournement de procédure dès lors que M. A... n'était pas en mesure de répondre à la proposition de rectification à défaut de connaître les conséquences financières des rectifications annoncées par cette proposition, lesquelles ne seront adressées que le 23 novembre 2015 ; les propositions de rectification notifiées aux époux A... le 23 novembre 2015 et à M. A... le 10 septembre 2015 l'ont été selon la procédure contradictoire ; de plus, il n'y avait pas accord sur l'existence d'une société de fait ;
- le refus de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, opposé à la société de fait et à M. et Mme A..., constitue une violation de la procédure ;
- le service a procédé à l'envoi de deux avis de vérification, respectivement au titre des exercices 2012-2013 puis de l'exercice 2014, alors même que, pour l'année 2014, il connaissait l'existence de la société de fait A... et que l'avis de vérification afférent à l'année 2014 aurait dû être adressé à la société de fait.
S'agissant du bien-fondé des impositions :
- il n'y a pas de société de fait dès lors que la plupart des fournisseurs sont distincts, que les achats de M. A... sur le site " Leboncoin " sont marginaux, et que les procurations sur les comptes bancaires, individualisés et distincts, sont exclusives de toutes mises de fonds et engagements financiers communs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 août 2020 et 5 octobre 2021 sous le n° 20BX02451, Mme B... A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 juin 2020 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :
- la taxation d'office de la société de fait A... constitue un détournement de procédure dès lors que Mme A... n'était pas en mesure de répondre à la proposition de rectification à défaut de connaître les conséquences financières des rectifications annoncées par cette proposition, lesquelles ne seront adressées que le 23 novembre 2015 ; les propositions de rectification notifiées aux époux A... le 23 novembre 2015 et à Mme A... le 10 septembre 2015 l'ont été selon la procédure contradictoire ; de plus, il n'y avait pas accord sur l'existence d'une société de fait ;
- le refus de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, opposé à la société de fait, constitue une violation de la procédure ;
- le service a procédé à l'envoi de deux avis de vérification, respectivement au titre des exercices 2012-2013 puis de l'exercice 2014, alors même que, pour l'année 2014, il connaissait l'existence de la société de fait A..., et que l'avis de vérification afférent à l'année 2014 aurait dû être adressé à la société de fait.
S'agissant du bien-fondé des impositions :
- il n'y a pas de société de fait dès lors que la plupart des fournisseurs sont distincts, que les achats de M. A... sur le site " Leboncoin " sont marginaux, et que les procurations sur les comptes bancaires, individualisés et distincts, sont exclusives de toutes mises de fonds et engagements financiers communs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
III. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er août 2020 et le 5 octobre 2021 sous le n° 20BX02454, la société de fait A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 juin 2020 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de prononcer la décharge de l'ensemble des rehaussements résultant de la proposition de rectification du 23 novembre 2015 relative aux rehaussements des bénéfices industriels et commerciaux et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société de fait A... au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :
- la taxation d'office de la société de fait A... constitue un détournement de procédure dès lors que M. A... n'était pas en mesure de répondre à la proposition de rectification à défaut de connaître les conséquences financières des rectifications annoncées par cette proposition, lesquelles ne seront adressées que le 23 novembre 2015 ; les propositions de rectification notifiées aux époux A... le 23 novembre 2015 et à M. et Mme A... le 10 septembre 2015 l'ont été selon la procédure contradictoire ; de plus, il n'y avait pas accord sur l'existence d'une société de fait ;
- le refus de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, opposé à la société de fait, constitue une violation de la procédure ;
- le service a procédé à l'envoi de deux avis de vérification, respectivement au titre des exercices 2012-2013 puis de l'exercice 2014, alors même que, pour l'année 2014, il connaissait l'existence de la société de fait A..., et que l'avis de vérification afférent à l'année 2014 aurait dû être adressé à la société de fait.
S'agissant du bien-fondé des impositions :
- il n'y a pas de société de fait dès lors que la plupart des fournisseurs sont distincts, que les achats de M. A... sur le site " Leboncoin " sont marginaux, et que les procurations sur les comptes bancaires, individualisés et distincts, sont exclusives de toutes mises de fonds et engagements financiers communs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un arrêt n° 20BX02448-20BX02451-20BX02454 du 24 février 2022 procédant à la jonction des trois requêtes, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté les demandes dont elle était saisie.
Par une décision du 21 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de M. C... A..., de Mme B... A... et de la société de fait A... dirigées contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 24 février 2022 en tant qu'il s'est prononcé sur la requête n° 20BX02454.
Par une décision n° 463475 du 1er mars 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 24 février 2022 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il s'est prononcé sur la requête n° 20BX02454, et a renvoyé dans cette mesure l'affaire à la cour où elle a été enregistrée sous le n° 24BX00539.
Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :
Par un mémoire, enregistré le 27 septembre 2024, les époux A... et la société de fait A..., représentés par Me Golab, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 juin 2020 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de prononcer la décharge de l'ensemble des rehaussements résultant de la proposition de rectification du 23 novembre 2015 relative aux rehaussements des bénéfices industriels et commerciaux et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société de fait A... au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :
- la taxation d'office de la société de fait A... constitue un détournement de procédure dès lors que M. A... n'était pas en mesure de répondre à la proposition de rectification à défaut de connaître les conséquences financières des rectifications annoncées par cette proposition, lesquelles ne seront adressées que le 23 novembre 2015 ; les propositions de rectification notifiées aux époux A... le 23 novembre 2015 et à M. et Mme A... le 10 septembre 2015 l'ont été selon la procédure contradictoire ; de plus, il n'y avait pas accord sur l'existence d'une société de fait ;
- le refus de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, opposé à la société de fait, constitue une violation de la procédure ;
- le service a procédé à l'envoi de deux avis de vérification, respectivement au titre des exercices 2012-2013 puis de l'exercice 2014, alors même que, pour l'année 2014, il connaissait l'existence de la société de fait A..., et que l'avis de vérification afférent à l'année 2014 aurait dû être adressé à la société de fait.
S'agissant du bien-fondé des impositions :
- il n'y a pas de société de fait dès lors que la plupart des fournisseurs sont distincts, que les achats de M. A... sur le site " Leboncoin " sont marginaux, et que les procurations sur les comptes bancaires, individualisés et distincts, sont exclusives de toutes mises de fonds et engagements financiers communs ;
- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont infondés dès lors qu'il est admis par la doctrine référencée BOI-TVA-SECT-90-20 n° 310 à 330 que la base d'imposition, après application du coefficient de conversion sur le prix TTC, doit être fixée à la moitié du prix de cession, la base retenue au titre de chacun des exercices reconstitués n'est pas déterminée selon ce calcul ; l'administration fiscale a rejeté les justificatifs produits comme non probants alors qu'au titre de l'exercice 2015 elle a retenu pour partie les factures ; l'application du régime de faveur exclut le bien-fondé des rehaussements notifiés à l'encontre de la société de fait ;
- la détermination du bénéfice imposable doit inclure la déduction des frais kilométriques afférents à l'exercice de l'activité ainsi qu'un loyer mensuel de 500 euros HT, soit un loyer annuel de 6 000 euros HT, des frais d'assurances professionnelles de 740,96 euros et les frais de fonctionnement (edf, téléphone, eau) de 1 400 euros annuels ;
- concernant les charges précitées, la méthode de reconstitution des recettes est radicalement viciée, le service ayant exclu un ensemble de charges, difficilement justifiable en raison de l'application initiale du régime de micro entrepreneur, excluant toute déduction des dépenses professionnelles ; un montant cumulé de charges de 23 400 euros pour l'exercice 2012, de 23 400 euros pour l'exercice 2013 et de 20 400 euros pour l'exercice 2014 doit ainsi être admis en déduction du montant du bénéfice imposable ; la doctrine administrative BOICTX-DG-20-20-20, qui impose au service vérificateur de faire preuve de réalisme économique en cas de reconstitution de recettes, a été méconnue ;
S'agissant de la pénalité pour manquement délibéré :
-elle n'est pas justifiée dès lors que le service a procédé à l'envoi de deux avis de vérification, respectivement au titre des exercices 2012-2013 puis de l'exercice 2014, alors même que, pour l'année 2014, il connaissait l'existence de la société de fait A..., et que l'avis de vérification afférent à l'année 2014 aurait dû être adressé à la société de fait.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 juin 2024 et le 24 octobre 2024 et le 20 janvier 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 24 octobre 2024 la clôture d'instruction a été fixée au 15 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard,
- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public,
- et les observations de Me Golab, représentant les requérants.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A... et son époux, M. C... A..., exerçaient chacun une activité de vente de pièces détachées d'occasion pour moto à l'adresse de leur domicile, sous le régime de l'auto-entreprenariat. En 2015, l'activité commerciale de chacun d'eux a fait l'objet de vérifications de comptabilité, la première portant sur les années 2012 et 2013, et la seconde sur l'année 2014. À l'issue de ces opérations de contrôle, le vérificateur a conclu à l'existence d'une société de fait entre M. et Mme A..., en raison des conditions d'exploitation des entreprises personnelles de chacun, et a considéré, compte-tenu du chiffre d'affaires réalisé, que la société de fait A... relevait du régime simplifié d'imposition en matière de bénéfice industriel et commercial comme de taxe sur la valeur ajoutée. Par un jugement n° 1702878 - 1702874 -1702879 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté les requêtes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui trouvaient leur origine dans ces contrôles. Par un arrêt n° 20BX02448-20BX02451-20BX02454 du 24 février 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé ce jugement. Par une décision n° 463475 du 1er mars 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 24 février 2022 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il s'est prononcé sur la requête n° 20BX02454, pour omission à statuer, et a renvoyé dans cette mesure l'affaire à la cour où elle a été enregistrée sous le n° 24BX00539. Dans le dernier état de leurs écritures, les époux A... et la société de fait A... sollicitent la décharge des rehaussements des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2012 à 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 notifiés à la société de fait A... par la proposition de rectification du 23 novembre 2015.
Sur l'existence d'une société de fait :
2. L'existence d'une société de fait pour l'exploitation d'une entreprise résulte tant des apports faits à cette entreprise par deux ou plusieurs personnes, que de la participation de celles-ci à la direction et au contrôle de l'affaire, ainsi qu'aux bénéfices et aux pertes.
3. Il résulte de l'instruction que, pour caractériser l'existence d'une société de fait, le service a relevé, notamment dans la proposition de rectification du 10 septembre 2015, que les époux A... exerçaient la même activité de vente de pièces détachées de moto, avec le même code activité selon la nomenclature NACE. Il a également constaté que M. et Mme A... utilisaient les mêmes moyens d'exploitation, leurs locaux situés dans l'habitation principale ainsi que leur numéro de téléphone et leur adresse électronique professionnels étant communs. Il a encore relevé que les motos et stocks de pièces détachées étaient entreposés dans le même local, le garage attenant à l'habitation du couple, et que les matériels et outillages étaient également communs. Il a constaté qu'ils utilisaient un seul compte " Leboncoin " sous le pseudonyme unique de " B... et Freddy Pièces motos d'occasion ". Le service a en outre relevé qu'au titre de la période vérifiée, les fournisseurs professionnels de pièces détachées et de motos d'occasion étaient presque tous communs. Enfin, le service a constaté que les intéressés, qui n'avaient pas de compte professionnel, avaient chacun ouvert un compte particulier, utilisé pour l'activité commerciale, sur lesquels ils avaient mutuellement procuration.
4. Si les requérants persistent à contester la qualification de société de fait retenue par le service, il résulte de l'arrêt de la cour du 24 février 2022 en tant qu'il s'est prononcé sur les requêtes n° 20BX02448-20BX02451, devenu définitif sur ce point à la suite de la décision par laquelle le Conseil d'Etat n'a pas admis le pourvoi dont il était saisi, que l'existence d'une société de fait était caractérisée au titre des années 2012 à 2014.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) ". Aux termes de l'article L. 53 du même livre : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même ". Si une société de fait constitue bien une société de personnes au sens de ces dispositions, en cas de découverte par l'administration de l'existence d'une société de fait au cours de la vérification de comptabilité d'exploitants en apparence indépendants, l'administration n'est pas tenue d'adresser un avis de vérification à cette société dès lors qu'un tel avis a été adressé auparavant à chacun des exploitants individuels, seuls contribuables connus avant la découverte de la société de fait.
6. Pour contester la mise en œuvre de la procédure de taxation d'office à l'encontre de la société de fait A..., les requérants soutiennent que l'avis de vérification de l'exercice 2014 aurait dû être adressé à cette société de fait, société de personnes au sens de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales, dès lors que, concernant l'année 2014, son existence était connue du service. Il résulte toutefois de l'instruction que le premier avis de vérification adressé à M. et Mme A... le 27 mai 2015, portant sur les exercices 2012 et 2013, prévoyait une première intervention sur place le 10 juin 2015, et que le second avis de vérification du 2 juillet 2015, portant sur l'exercice 2014, prévoyait une première intervention sur place le 3 août 2015. La dernière intervention sur place du vérificateur, le 2 septembre 2015, a concerné les trois exercices. Ainsi, les deux vérifications de comptabilité se sont déroulées concomitamment, et c'est à l'occasion de ces opérations que le vérificateur a pu constater l'existence d'une société de fait. Dès lors, c'est sans entacher la procédure d'irrégularité que l'administration a notifié à M. et Mme A..., seuls contribuables alors connus du service, l'avis de vérification au titre de l'année 2014.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ". L'article L. 73 du même code dispose que : " Peuvent être évalués d'office :1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...). Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1°et 2° ". Enfin, l'article L. 68 du même code prévoit que : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure ".
8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, au cours des vérifications de comptabilité dont l'activité de M. et Mme A... a fait l'objet, le service a constaté l'existence d'une société de fait. Par courriers du 14 septembre 2015, reçus le 17 septembre suivant, l'administration a mis en demeure la société de fait ainsi identifiée de déposer dans le délai de trente jours, au titre des années 2012 à 2014, ses déclarations annuelles de bénéfices industriels et commerciaux et ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et, par courriel du 21 octobre 2015 adressé au conseil de la société de fait, le service a prorogé ce délai jusqu'au 11 novembre 2015 afin de l'aligner sur le délai octroyé à M. et Mme A... pour répondre à leur proposition de rectification du 10 septembre 2015. En l'absence de déclaration dans ce délai, l'administration fiscale, dans la proposition de rectification du 23 novembre 2015, a mis en œuvre la procédure de taxation d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'évaluation d'office en matière de bénéfices industriels et commerciaux sur l'ensemble de la période vérifiée. Cette évaluation d'office des bénéfices industriels et commerciaux, revenus catégoriels, pouvait être mise en œuvre sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les rectifications en matière d'impôt sur le revenu global ont été opérées suivant la voie de la procédure contradictoire. De même, la circonstance que les époux A... n'auraient pas été en mesure de répondre à la proposition de rectification du 10 septembre 2015 faute de connaître les conséquences financières des rectifications annoncées par cette proposition est sans incidence sur la régularité des procédures de taxation et d'évaluation d'office ainsi mises en œuvre à l'encontre de la société de fait. Le moyen tiré d'un détournement de la procédure d'imposition et d'une irrégularité des procédures de taxation et d'évaluation d'office doit par conséquent être écarté.
9. En troisième lieu, d'une part, ainsi que l'a indiqué le service par lettre du 3 novembre 2016, la société de fait A..., qui a fait l'objet de rectifications établies sur des bases évaluées d'office et d'une taxation d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée, n'est pas fondée à soutenir que l'administration l'aurait irrégulièrement privée de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, dont la consultation n'est prévue que dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire. D'autre part, les rectifications ayant été établies au nom de la société de fait, M. et Mme A..., à titre personnel, ne pouvaient demander la saisine de cette commission. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition en l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
10. Les requérants critiquent la reconstitution du bénéfice imposable de la société de fait A... en soutenant que des charges supplémentaires auraient dû être prises en compte par le service pour un montant qu'ils estimaient à 23 400 euros au titre des exercices 2012 et 2013 et à 20 400 euros au titre de l'exercice 2014.
11. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment :1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire (...) ". Pour pouvoir être admis en déduction, les frais généraux doivent correspondre à une charge effective et être appuyés des justifications suffisantes permettant d'en contrôler la réalité et le montant.
12. Il résulte de l'instruction que les résultats en matière de bénéfices industriels et commerciaux de la société de fait A... ont été reconstitués à partir des livres de recettes de M. C... A... et de Mme B... A... ainsi qu'à partir des pièces justificatives de charges produites lors du contrôle, notamment les remboursements aux clients, les achats et frais généraux justifiés, les dépenses du site " Leboncoin ", les frais d'expédition, et les cotisations au régime social des indépendants.
13. Les requérants persistent d'abord à solliciter la prise en compte des frais de déplacement relatifs aux achats de marchandises effectués au moyen d'un véhicule Renault Master pour un montant annuel de l'ordre de 12 000 à 15 000 euros selon l'exercice concerné. Toutefois, ainsi que l'a relevé le tribunal, en se bornant à produire des copies de certificat de circulation du véhicule et un tableau kilométrique qui mentionne des dates et des localisations de transactions non précisément identifiées ainsi qu'un nombre de kilomètres correspondant, les contribuables ne démontrent pas la réalité des frais kilométriques professionnels allégués. En l'absence de tout document, tel que des factures d'entretien du véhicule ou de contrôle technique qui attesteraient du nombre de kilomètres parcourus entre 2012 et 2014, c'est à bon droit que le service a procédé à une évaluation forfaitaire de ces frais pour les exercices en litige.
14. Ensuite, les requérants persistent également à solliciter la prise en compte d'un loyer mensuel estimé à 500 euros en contrepartie de l'utilisation d'une partie de leur résidence principale pour leur activité professionnelle compte tenu de la surface habitable et des aménagements effectués pour l'exercice de cette activité. Toutefois, à supposer que les travaux dont ils font état auraient été réalisés pour l'aménagement de l'aire de stockage des pièces détachées, ils n'ont apporté aucun justificatif permettant de les regarder comme une charge effectivement exposée au cours des exercices en litige. La seule production de factures d'eau pour leur résidence principale ou de facture pour une ligne de téléphone portable, sans aucun justificatif permettant de déterminer une clé de répartition entre leur consommation privée et professionnelle, est insuffisante pour démontrer le caractère déductible des charges en cause. De la même manière, les appels d'échéance émis par la compagnie Thelem relativement à une assurance de responsabilité civile pour artisans et commerçants au titre de l'année 2012 ne permettent pas davantage de démontrer que la cotisation annuelle de 250 euros aurait été effectivement supportée par les requérants alors qu'elle ne correspond pas au montant annuel de 740,96 euros dont la déduction est revendiquée. Par suite, c'est à bon droit que le service a refusé d'admettre ces montants en déduction du bénéfice imposable de la société.
15. Enfin, les requérants soutiennent que la méthode de détermination du bénéfice imposable serait viciée sans produire aucun élément probant à l'appui de leurs allégations, alors que, comme il a été dit précédemment, le service a pris en compte les chiffres d'affaires cumulés de M. C... A... et de Mme B... A... ainsi que l'ensemble des charges justifiées.
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
16. Les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation référencée BOI CTX-DG-20-20-20 relative aux reconstitutions de recettes, qui ne donne pas une interprétation différente de la loi dont il a été fait application.
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
17. Aux termes des dispositions de l'article 297 A du code général des impôts : " I. 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. ".
18. Il résulte de l'instruction que, pour établir l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée concernant les pièces d'occasions vendues par la société de fait A... au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, l'administration a pu à bon droit procéder, ce que les requérants ne contestent pas, à la détermination de la marge conformément aux dispositions citées au point précédent, en calculant la différence entre le prix d'achat et le prix de vente des biens en cause.
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
19. Les requérants soutiennent que l'administration a refusé à tort de les faire bénéficier de la réduction de la base d'imposition prévue par la doctrine administrative référencée BOI-TVA-SECT-90-20 n° 310 à 330 en matière de ventes de biens d'occasion provenant de lots hétérogènes sur les ventes.
20. La doctrine administrative publiée sous la référence BOI-TVA-SECT-90-20, dont les requérants entendent se prévaloir, précise en son point 190 que : " Lorsque le prix d'achat des biens d'occasion ne peut être déterminé avec exactitude en raison d'acquisition de lots hétérogènes, il est admis que la base d'imposition soit fixée à la moitié du prix de cession des objets usagés. ". Selon le point 310 : " Les acquéreurs de lots hétérogènes (usine désaffectée ou matériel destiné à la casse par exemple) sont obligés de procéder à un tri à la suite duquel ils déterminent la nature exacte des produits qu'ils revendent, certains de ces produits peuvent être des matières de récupération destinées à entrer dans un nouveau circuit de fabrication, d'autres constituent des articles d'occasion susceptibles de remploi. Pour ces derniers, à défaut d'une connaissance exacte du prix d'achat correspondant, il est admis que la base d'imposition soit fixée à la moitié du prix de cession. (...) ". Selon le point 320 : " Ce même mode d'imposition est admis lorsque certains éléments susceptibles de remploi sont vendus après la casse d'un matériel ancien ou accidenté ".
21. Il résulte de la doctrine précitée qu'il incombe aux acquéreurs de lots hétérogènes de procéder à un tri pour déterminer la nature exacte des produits qu'ils revendent et pour distinguer ceux qui constitueront des matières de récupération de ceux qui seront revendus comme matériels d'occasion susceptibles de remploi. Ce n'est que pour ces derniers qu'il est admis que la base d'imposition soit fixée à la moitié du prix de cession, à défaut d'une connaissance exacte du prix d'achat correspondant.
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22. D'une part, il résulte de l'instruction que, dans le cadre de leur activité commerciale, M. et Mme A... ne procédaient pas exclusivement à la revente de véhicules issus de lots hétérogènes, certains véhicules étant seulement acquis d'occasion à des particuliers et revendus par le biais du site d'annonce " Leboncoin ". En produisant seulement les factures d'achat de lots de deux roues auprès notamment de la société Promo scooter et Paris Nord Moto ou de lots de pièces détachées et des photographies des pièces stockées, les contribuables n'identifient pas les transactions qui pourraient relever de la tolérance administrative dont ils revendiquent le bénéfice. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a écarté l'application de la doctrine et a considéré que la société de fait ne pouvait bénéficier de la réduction de la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée faute de justifier de l'origine hétérogène des lots de pièces revendus.
23. D'autre part, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de ce que, dans le cadre du nouveau contrôle portant sur l'année 2015 dont a fait l'objet la société de fait, l'administration aurait admis que soit retenue, pour partie, la moitié du prix de cession comme base imposable de certaines opérations.
Sur les pénalités :
24. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai (...) ".
25. En l'absence de dépôt des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et de bénéfices industriels et commerciaux dans le délai de trente jours imparti par les mises en demeures, le service était fondé à appliquer la majoration de 40% prévue à l'article 1728 du code général des impôts, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les conséquences financières n'ont pas été notifiées aux associés avant l'expiration du délai, d'ailleurs prorogé, qui avait été consenti à la société de fait.
26. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes.
Sur les frais liés au litige :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les requérants demandent au titre des frais liés au litige qu'ils ont exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... et de la société de fait A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et Mme B... A..., à la société A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 février 2025.
La rapporteure,
Caroline Gaillard,
La présidente,
Karine Butéri,
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24BX00539