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06/02/2025 | FRANCE | N°23BX00484

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 6ème chambre, 06 février 2025, 23BX00484


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

L'Office public de l'habitat (OPH) de Charente-Maritime (Habitat 17) a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la société par actions simplifiée (SAS) Qualiconsult Immobilier à lui verser la somme de 520 706,81 euros TTC, assortie des intérêts capitalisés, en réparation des préjudices qu'il a subis en raison des fautes commises dans l'exécution des marchés de repérage, avant travaux, de matériaux contenant de l'amiante dans les bâtiments " Antilles " et " Bal

ares ".

Par un jugement n° 2003051 du 19 décembre 2022, le tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office public de l'habitat (OPH) de Charente-Maritime (Habitat 17) a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la société par actions simplifiée (SAS) Qualiconsult Immobilier à lui verser la somme de 520 706,81 euros TTC, assortie des intérêts capitalisés, en réparation des préjudices qu'il a subis en raison des fautes commises dans l'exécution des marchés de repérage, avant travaux, de matériaux contenant de l'amiante dans les bâtiments " Antilles " et " Baléares ".

Par un jugement n° 2003051 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la société Qualiconsult Immobilier à verser à l'OPH de Charente - Maritime la somme totale de 127 962,76 euros HT assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2020, capitalisés le 15 décembre 2021 et à chaque échéance annuelle ultérieure, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 février 2023 et 8 mars 2024 sous le n° 23BX00484, la SAS Qualiconsult Immobilier, représentée par Me Perez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 décembre 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande de condamnation de la société Dufour Frères, devenue Aquitaine Réseaux, à la garantir de l'intégralité de la dette mise à sa charge ;

2°) de condamner la société Dufour Frères, devenue Aquitaine Réseaux, à la garantir de l'intégralité de la dette mise à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de la société Dufour Frères, devenue Aquitaine Réseaux, la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun plan ni aucun dossier technique amiante, pourtant obligatoires pour ce type d'ouvrage, n'a été transmis par l'OPH de Charente-Maritime (Habitat 17), ce qui constitue une faute du maître d'ouvrage ; Habitat 17 n'a pas rempli ses obligations en tant que donneur d'ordre, ce qui peut expliquer qu'elle n'a pas, dans un premier temps, été en mesure de détecter la totalité des matériaux amiantés ;

- l'entreprise Dufour Frères, qui a transmis son plan de retrait avec trois mois de retard, n'a pas respecté le point 1.1.3 du CCTP ; elle a ainsi visité le site le 12 décembre 2017 et n'a remis le plan de retrait au maître d'œuvre que le 25 juillet 2018, soit avec un retard de trois mois par rapport à l'émission de l'ordre de service ; elle n'a par ailleurs pas respecté la garantie prévue au point 1.1.4. du CCTP à laquelle elle s'était elle-même engagée contractuellement ; enfin, au mépris non seulement du CCTP mais également de l'article

R. 1334-29-3 du code de la santé publique, elle a retiré son confinement et a abandonné le chantier de désamiantage malgré la présence de non-conformités ; la désorganisation du chantier résulte par conséquent de la violation par le désamianteur de ses obligations contractuelles et règlementaires ;

- en outre, elle a été défaillante en ce qu'elle n'a pas respecté le point 5.7.9 de la norme NF X 46-010, pour avoir laissé des " big bags " contenant de l'amiante, ouverts à l'air libre, ce qui est dangereux, et qui est contraire à l'article 1.1.5 du CCTP ;

- de plus, la société Dufour Frères a, lorsqu'elle a constaté la présence d'amiante qui n'apparaissait pas dans le diagnostic, cessé sa prestation et abandonné le chantier, cet abandon a conduit Habitat 17 à recourir aux services d'un autre désamianteur, alors que la société Dufour Frères était contractuellement tenue de mener la mission à son terme, après avoir fait l'inventaire des matériaux et produits amiantés ;

- elle est donc fondée à solliciter la garantie de la société Aquitaine Réseaux venant aux droits de la société Dufour Frères sur le fondement des fautes contractuelles commises à l'égard d'Habitat 17 ; la société Aquitaine Réseaux qui lui a succédé fait preuve d'une mauvaise foi lorsqu'elle affirme qu'elle n'a ni les certifications ni les moyens d'une société effectuant un diagnostic amiante alors qu'elle est intervenue précisément pour désamianter l'immeuble ;

- il apparaît que la société Dufour Frères s'est uniquement basée sur les rapports de repérage de la société Qualiconsult Immobilier alors que ce diagnostic ne constitue pas l'état descriptif exhaustif des travaux de désamiantage ; elle a ainsi été défaillante pour ne pas avoir mis en place initialement une stratégie complète permettant de respecter ses engagements et mener à bien les opérations de désamiantage.

Par un mémoire enregistré le 5 juillet 2023, l'OPH de Charente-Maritime, représenté par la SELARL Genesis Avocats, demande à la cour :

1°) de joindre la présente instance à l'affaire 23BX00486 ;

2°) de se reporter aux écritures qu'il a déposées dans le dossier 23BX00486 ;

3°) de mettre à la charge de la société Qualiconsult Immobilier la somme de

1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'il a fait appel du jugement en litige par une requête n° 23BX00486, de telle sorte que les requêtes n° 23BX00486 et n° 23BX00484 dirigées contre le même jugement doivent être jointes ; il renvoie à ses écritures déposées dans l'instance

n° 23BX00486 et ajoute que la société Qualiconsult Immobilier ne conteste pas le bien-fondé de sa mise en cause.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Aquitaine Réseaux venant aux droits de la société Dufour Frères, représentée par Me Landry, conclut au rejet de la requête de la société Qualiconsult Immobilier, à ce qu'elle soit mise hors de cause, au rejet de toutes les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Qualiconsult Immobilier et à ce qu'une somme de

5 000 euros soit mise à la charge de la société Qualiconsult Immobilier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

-la société Qualiconsult n'établit ni même ne soutient que les conditions d'exécution du marché de désamiantage auraient contribué ou auraient eu une incidence sur les fautes qui ont été les siennes ; elle ne produit aucun élément qui accréditerait ses critiques contre la société Dufour Frères laquelle n'a pas abandonné son chantier puisque c'est l'inspection du travail qui a arrêté le chantier par mesure de sécurité ;

- en sa qualité de tiers au contrat conclu entre Habitat 17 et la société Dufour Frères, elle ne saurait invoquer les stipulations de son marché ; elle ne peut tenter de manière inopérante de faire passer la société Dufour Frères pour un diagnostiqueur ;

- elle ne peut utilement se prévaloir de ce que le plan de repérage a été transmis avec retard au regard de la clause 1.1.3 du CCTP, la demande d'Habitat 17 n'ayant pas pour objet de se prononcer sur les mérites de la société Dufour Frères dans l'exécution de ses travaux, mais de tirer les conséquences de la mise au jour des carences de la société Qualiconsult Immobilier ;

- tout aussi vainement, la société Qualiconsult Immobilier semble faire état de la présence sur le chantier de quelques " big bags " à l'air libre, ce qui n'a jamais été constaté contradictoirement et ce qui en tout état de cause est totalement étranger au litige.

Par une ordonnance du 28 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au

31 juillet 2024 à 12 heures.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 23BX00486, le 20 février 2023, l'Office public de l'habitat (OPH) de Charente-Maritime (Habitat 17), représenté par la SELARL Genesis Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 décembre 2022 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de condamner la société Qualiconsult Immobilier à lui verser la somme de 304 492,90 euros HT, assortie des intérêts capitalisés, en réparation des préjudices qu'il a subis en raison des fautes commises dans l'exécution des marchés de repérage, avant travaux, de matériaux contenant de l'amiante dans les bâtiments " Antilles " et " Baléares " ;

3°) de mettre à la charge de la société Qualiconsult Immobilier la somme de

5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

-le jugement est entaché d'insuffisance de motivation dès lors qu'il réclamait du chef de préjudice correspondant à la rémunération complémentaire de l'entreprise de démolition une somme de 159 255 euros HT (46 670 + 33 890 + 78 695) et que les premiers juges ont condamné la société Qualiconsult à lui verser 77 150 euros HT seulement, " sur la base des factures produites " mais sans jamais expliciter ledit montant ; le tribunal aurait pris en compte le premier avenant n° 1, dans sa totalité (46 670), augmenté d'une partie du second avenant (30 680 sur 33 890) sans un mot sur les raisons qui l'ont conduit à écarter une partie de l'avenant n° 2, correspondant au devis n°D-1905-0027-1 d'un montant de 3 210 euros alors qu'il correspond au déplacement d'une équipe de la société BDS et à la reprise des clôtures pour un montant de 1 460 euros HT, le jugement relevant pourtant qu'il est fondé à réclamer à la société Qualiconsult les surcoûts afférents au maintien des clôtures ;

- le jugement est, en outre, entaché d'insuffisance de motivation et/ ou d'une erreur de fait, dès lors qu'il réclamait une somme complémentaire de 78 695 euros HT correspondant au devis n°D-1910-0047 du 16 octobre 2019 pour une prolongation du marché de sept mois et que les premiers juges n'ont pas expliqué pourquoi ils n'ont pas condamné la société Qualiconsult à lui verser cette somme.

S'agissant du bien-fondé du jugement :

- il n'a jamais demandé à être indemnisé des travaux de désamiantage stricto sensu qu'il a dû réaliser à la suite des diagnostics complémentaires de la société Qualiconsult Immobilier et à la suite de la découverte de nouvelles zones amiantées ; c'est d'ailleurs pourquoi sa demande indemnitaire ne portait pas sur le montant total du second marché de désamiantage confié à la société Valgo (609 090 euros HT) ;

- c'est à tort que le jugement a écarté sa demande indemnitaire portant sur un montant de 196 398 euros HT au motif que les travaux de désamiantage auraient dû être réalisés même en l'absence de manquement commis par la société Qualiconsult Immobilier dans l'exécution de sa mission de repérage ; les nouveaux frais de préparation et d'installation du chantier, le programme analytique et les frais de protection réalisés par la société Valgo doivent être indemnisés par la société Qualiconsult dès lors qu'ils ont été payés deux fois à la suite de la nouvelle consultation ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de fait en tant qu'il a jugé qu'il ne résulterait pas des pièces du dossier que les avenants n° 1 et n° 4 conclus avec la société Ambiente, maitre d'œuvre, seraient en lien direct avec les manquements de la société Qualiconsult alors que l'avenant n° 1 a été conclu en juin 2017, sur la base d'un devis établi en mai 2017 et dicté par une contradiction relevée dans les rapports initiaux de la société Qualiconsult et concernant les enduits plâtreux faisant état tantôt de présence d'amiante tantôt d'absence d'amiante alors que tous les enduits plâtreux étaient amiantés, et que l'avenant n° 4 a pour objet " de prendre en compte la prolongation du délai d'exécution des travaux de désamiantage et de démolition à la suite de la prolongation du délai de chantier et de l'attribution du nouveau marché de désamiantage ", " Montant HT : 19.979,90 €, Bâtiment ANTILLES : 4.517,45 €, Bâtiment BALEARES :15.462,45 € ".

Par un mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2023, la SAS Aquitaine Réseaux, venant aux droits de la société Dufour Frères, représentée par Me Landry, conclut au rejet de la requête, à sa mise hors de cause, et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de tout succombant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'elle n'est pas attaquée en appel dans la présente instance et a été mise hors de cause par le tribunal et que les prétentions de l'Office public de l'habitat doivent être rejetées.

Par une ordonnance du 28 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au

31 juillet 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public,

- et les observations de Me Diallo - Lecamus, représentant l'OPH de Charente-Maritime et de Me Potencier - Molinier représentant la société Qualiconsult Immobilier.

Une note en délibéré enregistrée le 17 janvier 2025, a été présentée par l'OPH de Charente-Maritime.

Considérant ce qui suit

1. L'Office public de l'habitat (OPH) de Charente-Maritime, Habitat 17, est propriétaire de deux bâtiments situés à Aytré (Charente-Maritime) : un bâtiment " Antilles " comprenant soixante-quatre logements et un bâtiment " Baléares " comprenant cent cinquante-six logements. Dans le cadre de la démolition de ces bâtiments devenus vétustes, Habitat 17 a notamment conclu un marché de repérage, avant travaux, de matériaux contenant de l'amiante, confié à la SAS Qualiconsult Immobilier avec laquelle elle était liée par un accord-cadre signé le 12 décembre 2013. Pour mener à bien cette mission, le pouvoir adjudicateur a émis des bons de commandes les 29 avril 2015, 11 mai 2015 et 11 juillet 2017. La société Qualiconsult Immobilier a remis ses rapports d'analyse les 1er avril 2015,

17 août 2015, 21 août 2017, 20 septembre 2017 et 26 septembre 2017. Toutefois, il est apparu, en cours de chantier, que les diagnostics de la société Qualiconsult Immobilier étaient incomplets et erronés, des matériaux contenant de l'amiante n'ayant pas été repérés. L'OPH de Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la société Qualiconsult Immobilier à lui verser la somme totale de 520 706,81 euros TTC, en réparation des préjudices subis du fait du retard de chantier et des surcoûts financiers liés au caractère incomplet des diagnostics. La société Qualiconsult Immobilier a demandé à être garantie de toute condamnation prononcée à son encontre par la société Dufour Frères en charge des travaux de désamiantage. Par un jugement du 19 décembre 2022, ce tribunal a condamné la société Qualiconsult Immobilier à verser à l'OPH de Charente-Maritime la somme totale de 127 962,76 euros HT assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2020, capitalisés le 15 décembre 2021 et à chaque échéance annuelle ultérieure, et a rejeté le surplus de sa demande. Il a également rejeté l'appel en garantie formé par la société Qualiconsult Immobilier.

2. Par une requête n° 23BX00484, la société Qualiconsult Immobilier demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 décembre 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande de condamnation de la société Aquitaine Réseaux venant aux droits de la société Dufour Frères, à la garantir de l'intégralité de la dette mise à sa charge et réitère son appel en garantie dans les mêmes termes. Par une requête n° 23BX00486, l'OPH de Charente-Maritime demande à la cour d'annuler ce même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande, et en conséquence, de condamner la société Qualiconsult Immobilier à lui verser la somme supplémentaire de 304 492,90 euros HT, assortie des intérêts capitalisés, en réparation des préjudices qu'il a subis en raison des fautes commises dans l'exécution des marchés de repérage, avant travaux, de matériaux contenant de l'amiante dans les bâtiments

" Antilles " et " Baléares ". Dans ces deux affaires, la société Aquitaine Réseaux conclut au rejet de toutes les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Qualiconsult Immobilier.

Sur la jonction :

3. Les requêtes n° 22BX00484 et n° 23BX00486 concernant la contestation d'un même jugement, il y a lieu de les joindre afin qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur la régularité du jugement :

4. En premier lieu, il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal a exposé de manière suffisamment précise les raisons qui l'ont conduit à évaluer comme il l'a fait les différents préjudices dont l'OPH de Charente-Maritime demandait réparation du fait des fautes commises par la société Qualiconsult Immobilier dans le cadre de sa mission de diagnostiqueur amiante, et celles pour lesquelles il n'a, le cas échéant, pas alloué les sommes demandées. Contrairement à ce qui est soutenu par l'OPH, il indique notamment, au point 5, avant d'allouer la somme de 15 255 euros au titre du préjudice correspondant aux honoraires supplémentaires de maîtrise d'œuvre, qu'" il ne résulte pas des pièces du dossier que l'avenant n° 1 conclu le 19 juin 2017 et l'avenant n° 4 seraient en lien direct avec les manquements de la société Qualiconsult ". Le tribunal a également indiqué, au point 7 du jugement, qu' " Habitat 17 a dû conclure deux avenants avec la société BDS (...) rendus nécessaire par la prolongation du chantier généré par les manquements de la société Qualiconsult Immobilier avant d'évaluer, sur la base des factures produites, le préjudice correspondant à la rémunération complémentaire de l'entreprise de démolition à la somme de 77 150 euros HT ". Dès lors, le tribunal a suffisamment motivé le jugement attaqué qui n'est pas entaché d'irrégularité sur ce point.

5. En second lieu, en soutenant que le tribunal a commis des erreurs de fait, l'OPH de Charente-Maritime doit être regardé comme contestant le bien-fondé du jugement et non sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité de la société Qualiconsult Immobilier :

6. L'article 6-3 de l'accord-cadre conclu le 12 décembre 2013 entre l'OPH de Charente-Maritime et la société Qualiconsult Immobilier stipule que " la responsabilité du titulaire est celle d'un prestataire de service assujetti à une obligation de résultat ". L'article 5 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) de repérage des matériaux contenant de l'amiante indique notamment que la phase de recherche et prélèvement consiste en " une visite attentive de tous les locaux concernés, un listage et un repérage précis de tous les matériaux contenant de l'amiante repérés et une catégorisation de ceux-ci ". En outre, l'article 4.4 de la norme AFNOR NF X46-020 applicable aux missions de repérage d'amiante dans les immeubles bâtis prévoit que " le repérage des matériaux et produits doit être effectué de la façon la plus complète et rigoureuse. (...) La visite de tous les locaux et installations inscrits dans le périmètre de repérage est obligatoire. (...) Le repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante comprend au minimum une inspection visuelle de tous les composants de la construction prévus dans le programme de repérage afin de rechercher et d'identifier les différents matériaux et produits susceptibles de contenir de l'amiante. Cette inspection peut être suivie : d'investigations approfondies / de sondages / de prélèvements (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que les rapports initiaux de repérage remis par la société Qualiconsult Immobilier étaient incomplets et que chacun des rapports complémentaires a mis successivement en évidence la découverte de nouveaux matériaux amiantés non initialement repérés, en particulier dans les murs et plafonds des coursives, les enduits plâtreux, les panneaux de séparation des cuisines, les hottes, les placards, les conduits situés dans les chambres des logements du 2ème étage ainsi que dans treize logements qui avaient omis d'être visités par le diagnostiqueur et que ces manquements sont de nature à engager la responsabilité contractuelle de la société Qualiconsult Immobilier.

8. D'une part, la société Qualiconsult n'établit pas plus en appel qu'en première instance que l'OPH de Charente-Maritime ne lui aurait pas remis l'ensemble des plans et documents techniques nécessaires à l'accomplissement de sa mission ni que des documents techniques contractuellement obligatoires en application des stipulations du CCTP auraient été manquants. D'autre part, la société Qualiconsult ne peut utilement se prévaloir des fautes commises par la société Dufour Frères pour s'exonérer de sa propre responsabilité vis-à-vis du maître de l'ouvrage.

En ce qui concerne les préjudices :

9. L'OPH de Charente-Maritime, qui a obtenu la somme totale de 127 962,76 euros HT devant les premiers juges, demande que le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société Qualiconsult Immobilier soit augmenté de la somme de

304 492, 90 euros HT.

10. En premier lieu, le tribunal a alloué une somme de 15 255 euros HT au titre des honoraires supplémentaires de maîtrise d'œuvre supportés par l'office qui, du fait des découvertes successives de matériaux amiantés en cours de chantier, a dû conclure un troisième avenant avec le maître d'œuvre, la société Ambiente, le 9 mai 2019. L'OPH de Charente-Maritime sollicite le paiement de la somme de 2 090 euros HT correspondant à l'avenant n° 1 signé le 19 juin 2017 et le paiement de la somme de 19 979,90 euros HT correspondant à l'avenant n° 4 signé le 19 novembre 2019.

11. A cet égard, il résulte, d'une part, de l'instruction que l'avenant n° 1 qui a pour objet une " mission complémentaire confiée au titulaire pour des études techniques supplémentaires liées à la présence d'amiante dans les enduits de plâtre " est consécutif à la découverte de nouveaux matériaux amiantés non initialement repérés par le diagnostiqueur. Or, il résulte de l'article 1.3.2 du CCTP du marché de désamiantage que les enduits plâtreux faisaient partie des matériaux théoriquement identifiés dans le rapport amiante " avant démolition " remis par le diagnostiqueur. Dans ces conditions, comme le fait valoir l'OPH de Charente-Maritime, cette mission complémentaire doit être regardée comme directement liée aux fautes commises par la société Qualiconsult Immobilier dans sa mission de repérage et d'étude. Par suite, il y a lieu d'allouer à l'OPH de Charente-Maritime la somme de

2 090 euros HT correspondant à l'avenant n° 1 signé le 19 juin 2017. Il résulte, d'autre part, de l'instruction que l'avenant n° 4 a pour objet " de prendre en compte la prolongation du délai d'exécution des travaux de désamiantage et de démolition suite à la prolongation du délai de chantier et l'attribution du nouveau marché de désamiantage ". Cette prolongation est en lien direct avec la faute commise par la société Qualiconsult Immobilier dans sa mission de repérage et d'étude. Par suite, il y a lieu d'allouer à l'OPH de Charente-Maritime la somme de 19 979, 90 euros HT correspondant à l'avenant n° 4 signé le 19 novembre 2019. Il suit de là que l'OPH de Charente-Maritime est fondé à demander une somme supplémentaire de

22 069,90 euros HT au titre des honoraires de maîtrise d'œuvre.

12. En deuxième lieu, l'OPH de Charente-Maritime sollicite également l'indemnisation du préjudice, à hauteur de 196 398 euros HT, correspondant au surcoût qu'a représenté le marché supplémentaire de désamiantage qu'il a dû conclure avec la société Valgo en raison des lacunes du diagnostiqueur. L'office fait à cet égard valoir, d'une part, que les travaux supplémentaires nécessaires étaient trop élevés pour pouvoir être confiés par avenant à la société Dufour Frères et qu'une nouvelle procédure de passation a donc dû être lancée, et d'autre part, qu'il a dû s'acquitter deux fois de certaines prestations, notamment celles relatives à la préparation et à l'installation du chantier, à hauteur de 14 278 euros HT, au programme analytique (stratégie d'échantillonnage, analyses état initial, analyses sur opérateurs, analyses zone chantier, analyses zone environnementale, analyses libératoires, à hauteur de 34 220 euros HT, et au dispositif de protection (dépressurisation, tests d'infiltrations, confinement), à hauteur de 147 900 euros HT. Il résulte de l'instruction que si le marché initial de désamiantage avait été normalement exécuté, en l'absence de faute du diagnostiqueur, l'OPH de Charente-Maritime n'aurait pas eu à supporter une nouvelle fois les coûts correspondant à ces prestations, qui sont par ailleurs justifiés dans leur montant par l'extrait de la décomposition des prix globale et forfaitaire (DPGF) du nouveau marché de désamiantage passé avec la société Valgo. Dans ces conditions, il y a lieu d'allouer à l'OPH de Charente-Maritime la somme demandée de 196 398 euros HT au titre de ce chef de préjudice.

13. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que l'OPH de Charente-Maritime a dû conclure deux avenants avec la société BDS, entreprise de démolition, le 28 mai 2019, correspondant à la démolition et à la réinstallation des bases de vie, au maintien des clôtures et des installations électriques et aux frais de voirie supplémentaires, rendus nécessaires par la prolongation du chantier généré par les manquements de la société Qualiconsult Immobilier. Sur la base des factures produites par l'office, la société Qualiconsult Immobilier a été condamnée par le tribunal à lui verser une indemnité d'un montant de 77 150 euros HT. L'OPH de Charente-Maritime persiste à solliciter une indemnisation complémentaire d'un montant de 3 210 euros qui correspond, selon lui, au déplacement d'une équipe de la société BDS pour la reprise des clôtures endommagées. Toutefois, pour justifier de ce montant avant la clôture de l'instruction, l'OPH de Charente-Maritime s'est borné à produire un devis

D-1905-0027-1 du 6 mai 2019 et un courrier de la société BDS du 27 mai 2019 qui ne sont pas suffisants pour établir la réalité du préjudice allégué. Par suite, il n'y a pas lieu de lui allouer la somme réclamée de 3 210 euros.

14. En quatrième lieu, il résulte également de l'instruction, et notamment de la production, préalablement à la clôture de l'instruction, du devis D-1910-0047 du

16 octobre 2019 et du projet de DGD du 25 février 2021 établi par la société BDS, que l'office a également dû exposer la somme de 78 695 euros en raison de la prolongation du marché de cette société pendant sept mois au titre du " maintien frais de voirie, installation électrique et clôture ". Dès lors que ce préjudice présente un lien direct avec la faute commise par la société Qualiconsult Immobilier, il y a lieu d'allouer à l'OPH de Charente-Maritime la somme de 78 695 euros HT à ce titre.

15. Il résulte de ce qui précède que l'OPH de Charente-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a limité le montant de son indemnité à la somme de 127 962,76 euros HT assortie des intérêts et de leur capitalisation, et à demander que cette somme soit portée à la somme de 425 125,66 euros HT comprenant une indemnisation supplémentaire d'un montant de 297 162,90 euros HT, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

En ce qui concerne l'appel en garantie de la société Dufour Frères aux droits de laquelle vient la société Aquitaine Réseaux :

16. La société Qualiconsult Immobilier conteste le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à être garantie des condamnations prononcées à son encontre par la société Aquitaine Réseaux venant aux droits de la société Dufour Frères.

17. En premier lieu, chacun des coauteurs d'un dommage en matière de travaux publics est tenu, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, à la réparation de la totalité du préjudice subi par ce dernier. La société Qualiconsult Immobilier ne peut donc se prévaloir, pour s'exonérer de sa propre responsabilité vis-à-vis du maître de l'ouvrage, de la circonstance que la société Dufour Frères n'aurait pas relevé les insuffisances de son propre repérage.

18. En deuxième lieu, la société Qualiconsult Immobilier ne peut se prévaloir de la circonstance que la société Dufour Frères aurait, en méconnaissance de l'article 1.1.3 du CCTP la liant au maître de l'ouvrage, remis avec trois mois de retard les plans de repérage dès lors qu'elle n'établit pas que ce retard aurait eu un impact sur sa propre mission et se serait trouvé à l'origine de ses propres défaillances.

19. En troisième lieu, la société Qualiconsult Immobilier ne peut davantage invoquer les fautes contractuelles supposément commises par la société Dufour Frères au regard de l'article 1.1.4 du CCTP et de l'article R. 1334-29-3 du code de la santé publique, ainsi que le non-respect du point 5.7.9 de la norme NF X 46-010 et de l'article 1.1.5 du CCTP, tenant à la présence sur le chantier de quelques " big bags " à l'air libre, ni d'un supposé " abandon du chantier " après la découverte d'amiante, qui sont sans rapport direct avec ses propres fautes à l'origine desquelles elles ne se trouvent pas, la demande de l'OPH de Charente-Maritime n'ayant au demeurant pas pour objet de se prononcer sur les mérites de la société Dufour Frères dans l'exécution de ses travaux mais de tirer les conséquences de la mise au jour des carences de la société Qualiconsult Immobilier.

20. Enfin, en dernier lieu, il résulte de l'instruction que la société Dufour Frères, qui a répondu à un appel d'offres comportant diverses pièces dont le diagnostic repérage d'amiante, n'a commis aucune faute qui aurait contribué à l'inexécution des obligations contractuelles de la société Qualiconsult Immobilier à l'égard du maître d'ouvrage.

21. Par suite, l'appel en garantie formé par la société Qualiconsult Immobilier à l'égard de la société Aquitaine Réseau venant aux droits de la société Dufour Frère doit être rejeté.

22. Il résulte de ce qui précède, que la société Qualiconsult Immobilier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à être garantie par la société Aquitaine réseaux venant aux droits de la société Dufour Frères, des condamnations prononcées à son encontre.

Sur les frais liés aux deux instances :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OPH de Charente-Maritime, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Qualiconsult Immobilier au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Qualiconsult Immobilier une somme de 1 500 euros à verser à l'OPH de Charente-Maritime et une somme de 1500 euros à verser à la société Aquitaine Réseaux venant aux droits de la société Dufour Frères au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1 : La somme que la société Qualiconsult Immobilier est condamnée à verser à

l'OPH de Charente-Maritime est portée à 425 125,66 euros HT, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 décembre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La société Qualiconsult Immobilier versera la somme de 1500 euros à l'OPH de Charente-Maritime et la somme de 1500 euros à la société Aquitaine Réseaux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La requête n° 23BX00484 et le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office public de l'habitat (OPH) de Charente-Maritime et aux sociétés par actions simplifiées Qualiconsult Immobilier et

Aquitaine réseaux, cette dernière venant aux droits de la société Dufour Frères.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2025.

La rapporteure,

Caroline Gaillard

La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX00484 - 23BX00486


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00484
Date de la décision : 06/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : SELARL GENESIS AVOCATS;SELARL GENESIS AVOCATS;SELARL GENESIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-06;23bx00484 ?
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