Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 24 octobre 2023 en ce qu'il porte refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2306525 du 17 avril 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 mai 2024, Mme B..., représentée par Me Aymard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2023 du préfet de la Gironde en tant qu'il porte refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des articles 6-5 ou 6-7 de l'accord franco-algérien dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et de la munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 6-7 de l'accord franco-algérien compte tenu de son état de santé, le traitement nécessaire à sa pathologie n'étant pas effectivement accessible en Algérie ;
- elle est également entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 6-5 de cet accord en raison de sa vie privée et familiale en France ;
- la décision d'éloignement est dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 septembre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et leurs familles du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kolia Gallier Kerjean,
- et les observations de Me Aymard, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 6 novembre 1973, est entrée régulièrement en France le 15 août 2019 munie d'un visa de court séjour. Elle a sollicité, le
31 mars 2023, son admission au séjour sur le fondement des articles 6-5 et 6-7 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 24 octobre 2023, le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté en tant qu'il porte refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. Elle relève appel du jugement du 17 avril 2024 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".
3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un algérien qui en fait la demande au titre des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale en Algérie. Lorsque le défaut de prise en charge médicale risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le certificat de résidence algérien sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause en Algérie. Si de telles possibilités existent mais que l'algérien fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie.
4. Pour rejeter la demande de titre de séjour de Mme B..., le préfet de la Gironde a retenu, en s'appuyant sur l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 28 août 2023, que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques de son système de santé.
Mme B... justifie, par les pièces qu'elle produit, souffrir de la maladie de Behçet, pathologie inflammatoire chronique des vaisseaux sanguins provoquant des lésions des muqueuses. Pour démontrer qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier des soins nécessaires à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine, Mme B... se prévaut, d'une part, de certificats médicaux démontrant que son traitement se compose de médicaments appelés imurel et otelza appartenant à la catégorie des immunosuppresseurs et, d'autre part, de l'attestation d'un médecin cardiologue algérien du 28 octobre 2023, au demeurant postérieure à l'arrêté en litige, indiquant que sa pathologie " nécessite des immunosuppresseurs non stéroïdes qui ne sont pas disponibles en Algérie depuis le covid ". Ce seul document, alors que le préfet produit un extrait de la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques qui mentionne l'existence de plusieurs médicaments comportant la même substance active, ne saurait suffire à établir que, contrairement à l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui s'est prononcé au regard de l'offre de soins et des caractéristiques du système de santé du pays d'origine de l'intéressée, elle ne pouvait, à la date de l'arrêté attaqué, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus de séjour méconnaîtrait les stipulations précitées doit être écarté.
5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France le 15 août 2019 pour rejoindre ses quatre filles vivant en France depuis 2016 pour les deux ainées et depuis 2017 pour les deux cadettes, qu'elle y a ponctuellement exercé une activité professionnelle et qu'elle justifie d'une bonne intégration grâce à ses activités associatives. Toutefois, Mme B... est entrée en France à l'âge de 46 ans et sa durée de présence sur le territoire national était limitée à la date de l'édiction du refus de séjour litigieux. En outre, si trois de ses filles sont en situation régulière sur le territoire national, ses quatre enfants sont majeures et il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence de leur mère à leurs côtés serait indispensable. En outre, Mme B... a vécu séparée de ses deux filles ainées de 2016 à 2019 et de ses deux filles cadettes de 2017 à 2019, celles-ci étant âgées de seulement 13 ans lorsqu'elles ont été envoyées par leurs parents pour vivre en France et être prises en charge par leurs sœurs ainées. Dans ces conditions, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que les parents de la requérante et sa fratrie vivent en Algérie où elle ne serait pas isolée en cas de retour, le refus de séjour litigieux n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation au regard des stipulations précitées.
7. Aucun des moyens dirigés contre la décision de refus de séjour n'ayant été accueilli, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 ci-dessus, le préfet de la Gironde n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel la mesure d'éloignement a été édictée et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
Kolia Gallier KerjeanLa présidente,
Béatrice Molina-Andréo
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24BX01278 2