Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 27 novembre 2020 par laquelle le directeur général des finances publiques lui a demandé le remboursement des aides perçues au titre des mois de mars à juin 2020 ainsi que la décision du 2 mars 2021 rejetant son recours gracieux, et de lui accorder le bénéfice du dispositif d'aides d'Etat aux entreprises en difficultés du fonds de solidarité à hauteur de 6 000 euros.
Par un jugement n° 2100538 du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de La Réunion a annulé les décisions du 27 novembre 2020 et du 2 mars 2021 et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 3 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour d'annuler l'article 1er du jugement du 2 décembre 2022 du tribunal administratif de La Réunion qui prononce l'annulation des décisions des 27 novembre 2020 et 2 mars 2021.
Il soutient que :
- le fonds de solidarité n'a vocation à bénéficier qu'aux activités exercées à titre professionnel ;
- l'activité de loueur en meublé de tourisme non professionnel, qui ne revêt pas le caractère d'une activité économique exercée à titre professionnel, n'est pas éligible au premier volet de l'aide instituée par le décret du 30 mars 2020 ;
- le législateur a entendu circonscrire le périmètre d'éligibilité du fonds de solidarité aux structures susceptibles de faire faillite et/ou de se voir appliquer les directives et règlements en matière d'aides d'Etat, ce qui n'est pas le cas des loueurs en meublé non professionnels ; un loueur en meublé non professionnel n'est pas un exploitant individuel exerçant une activité économique susceptible de faire faillite et donc de relever du code de commerce ;
- cette activité, qui est de nature patrimoniale et ne saurait être assimilée à des activités hôtelière ou para-hôtelière, n'est pas mentionnée à l'annexe 1 du décret du 30 mars 2020 ;
- la volonté du législateur de ne pas inclure les loueurs en meublés non professionnels a été rappelée dans l'étude d'impact de la loi du 23 mars 2020 ainsi que dans les débats parlementaires ;
- l'intéressé ne remplit pas une autre condition relative à l'octroi de l'aide dès lors que son activité de loueur en meublé ne constitue pas son activité principale ;
- le bien loué en meublé est déclaré au titre de l'impôt sur le revenu depuis 2019 par l'intéressé comme constituant sa résidence principale ; il a bénéficié de réductions d'impôts conditionnées par l'absence de location du bien en meublé pendant cinq ans et ne peut dès lors bénéficier de l'aide réservée à la location de meublés ;
- l'administration n'a pas fait une inexacte application de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 et du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 en considérant qu'il ne pouvait bénéficier des aides sollicitées pour les quatre mois en litige.
Le recours du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a été communiqué à M. B... A... qui n'a pas produit d'observations en défense.
Par une ordonnance du 14 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée le 16 septembre 2024 à 12H00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code du tourisme ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard,
- et les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... exerce depuis le 1er janvier 2017 une activité de loueur en meublé de tourisme à Saint-Paul (La Réunion). Il a bénéficié, au titre des mois de mars à juin 2020, du premier volet de l'aide exceptionnelle prévue par le décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation correspondant à une aide mensuelle de 1 500 euros. Par un courrier du 27 novembre 2020, l'administration l'a informé que, dans la mesure où il ne pouvait être regardé comme exerçant son activité à titre professionnel, il n'était pas éligible à l'aide et que les aides obtenues au titre des mois de mars à juin 2020 devaient donner lieu à récupération. Son recours gracieux contre cette décision a été rejeté par une décision du 2 mars 2021. Il a alors demandé au tribunal administratif de La Réunion l'annulation des décisions du 27 novembre 2020 et du 2 mars 2021 par lesquelles le directeur général des finances publiques lui a demandé de restituer les aides perçues au titre de la période de mars à juin 2020 et qu'il soit enjoint à l'Etat de lui verser cette aide à hauteur de 6 000 euros. Par un jugement du 2 décembre 2022, le tribunal a, à l'article 1er de ce jugement, annulé les décisions du 27 novembre 2020 et 2 mars 2021 et, à l'article 2, rejeté le surplus de la demande de M. A.... Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel de ce jugement en tant qu'il annule les décisions des 27 novembre 2020 et 2 mars 2021.
2. L'article 11 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance tout mesure relevant du domaine de la loi afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de cette épidémie et " notamment afin de prévenir et limiter la cessation d'activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l'emploi, en prenant toute mesure : / a) D'aide directe ou indirecte à ces personnes dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place de mesures de soutien à la trésorerie de ces personnes ainsi que d'un fonds (...) ". Sur le fondement de cette habilitation, l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation a institué un fonds de solidarité à destination des " personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation ". L'article 1er du décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité, pris en application de l'article 3 de cette ordonnance, définit le champ d'application du dispositif en disposant que : " Le fonds [de solidarité] bénéficie aux personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, ci-après désignées par le mot : entreprises (...) ". Le décret, modifié à de nombreuses reprises depuis son édiction pour tenir compte de l'évolution de l'épidémie et des mesures prises pour limiter sa propagation, précise ensuite les conditions d'attribution des aides versées au titre de ce fonds. Parmi ces conditions figure, pour certaines des périodes couvertes par le dispositif d'aides, notamment celle comprise entre le 1er juin 2020 et le 30 juin 2020, l'exercice d'une activité principale relevant de l'un des secteurs énumérés à l'annexe 1 ou à l'annexe 2 du décret, au nombre desquels : " Hôtels et hébergement similaire " et " Hébergement touristique et autre hébergement de courte durée ". Pour d'autres périodes, les activités relevant desdits secteurs bénéficient de conditions d'accès privilégiées au fonds de solidarité.
3. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que si le mécanisme d'aide exceptionnelle prévu par le décret du 30 mars 2020 cible prioritairement les entreprises des secteurs de l'hôtellerie, de la restauration, du tourisme, de l'organisation d'évènements, du sport et de la culture qui ont dû interrompre leur activité ou qui les exercent dans des conditions dégradées en raison des mesures de police administrative mises en place dans le cadre de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, il n'exclut pas pour autant de son champ d'application les exploitants individuels exerçant une activité économique qui rempliraient les conditions prévues par le décret. Pour l'application des dispositions de ce décret, doit être regardé comme exerçant une activité économique quiconque accomplit une activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services ou se livre à des opérations comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, depuis le mois de janvier 2017, M. A... propose à la location un appartement meublé de tourisme dans la résidence Sables d'or à Saint-Paul, distinct de sa résidence principale située dans un autre quartier de la ville, classé " 3 étoiles " par une décision de classement dans la catégorie meublés de tourisme du 22 mai 2019 et équipé pour accueillir des séjours touristiques de courte durée, dans le cadre d'une activité de loueur de meublé de tourisme. Au titre de cette activité, M. A... a déclaré des revenus de 35 350 euros au cours de l'année 2019 et, en raison de la crise sanitaire et de la baisse de fréquentation de son logement, de 2 341 euros en 2020, ayant perdu entre le 1er et le 31 mars 2020 plus de 70% de son chiffre d'affaires. Au regard des conditions d'exercice de cette activité, qui génère des recettes ayant un caractère de permanence et qui constitue l'essentiel de ses revenus, elle doit être qualifiée d'activité économique au sens et pour l'application des dispositions précitées du décret du 30 mars 2020. A cet égard, est sans incidence la circonstance que l'activité de loueur en meublé non professionnelle ne serait pas exercée au moyen d'une structure susceptible de faire faillite au sens du droit commercial ou de se voir appliquer les directives et règlements en matière d'aides d'Etat. Dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir qu'en raison de sa nature même, l'activité exercée par M. A... ne revêtirait pas un caractère économique et serait exclue du dispositif d'aide dont il se prévaut.
5. D'autre part, il résulte des termes de l'annexe 1 au décret du 30 mars 2020 que le secteur d'activité de l'hébergement touristique et autre hébergement de courte durée, qui se distingue de celui des activités hôtelière et para-hôtelière également mentionné par cette annexe, fait partie des secteurs d'activité pouvant prétendre au bénéfice du mécanisme d'aide prévu par ce décret soit, pour certaines périodes, à titre exclusif soit, pour d'autres périodes, selon des conditions d'accès privilégiées. L'activité de loueur de meublés de tourisme qui, en ce qui concerne la classification des équipements et aménagements de tourisme, sont classés dans la catégorie des hébergements autres que les hôtels et les terrains de camping aux articles L. 324-1 et suivants du code du tourisme, à l'instar des résidences de tourisme et des villages résidentiels de tourisme, fait partie du secteur d'activité de l'hébergement touristique et autre hébergement de courte durée, au sens et pour l'application des dispositions de l'annexe 1. Ainsi, les premiers juges ont pu valablement estimer que l'activité exercée par M. A... est éligible au bénéfice de l'aide exceptionnelle, dans les conditions fixées par le décret.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire de se référer aux travaux préparatoires de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ainsi qu'aux débats parlementaires, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé les décisions contestées des 27 novembre 2020 et 2 mars 2021.
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 décembre 2024.
La rapporteure,
Caroline Gaillard
La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX00330