Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée le 28 juin 2024, M. B... A..., représenté par Me Gali, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 16 954 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 28 juin 2021 du préfet de la Gironde portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 2303926 du 30 avril 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête enregistrée le 28 juin 2024, M. B... A..., représenté par Me Gali, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2303926 du 30 avril 2024 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice lié aux troubles dans ses conditions d'existence et la somme de 6 954 euros en réparation de son préjudice matériel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet de la Gironde a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat en répondant seulement le 28 juin 2021 à la demande de titre de séjour qu'il avait déposée le 11 février 2020 ;
- la responsabilité de l'Etat est engagée à raison de l'illégalité fautive du refus de titre de séjour que le préfet de la Gironde lui a opposé le 28 juin 2021 ;
- cette illégalité fautive a eu pour conséquence de l'empêcher de bénéficier d'un titre de séjour sur la période du 11 février 2020 au 14 février 2022 alors qu'il pouvait y prétendre en sa qualité de parent d'enfant français ;
- il a subi des troubles dans ses conditions d'existence caractérisés par la peur de voir exécuter la mesure d'éloignement illégalement adoptée à son encontre et la perspective d'être séparé de sa fille, ce qui justifie qu'il soit indemnisé à hauteur de 10 000 euros ;
- il n'a pu obtenir le bénéfice de l'allocation adulte handicapé pour la période allant du 28 juin 2021 au mois de mars 2022, soit 695,40 euros par mois ; ce qui justifie l'allocation de la somme de 6 954 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2024, le préfet de la Gironde, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et s'en remet aux écritures produites en première instance.
Par une décision du 13 août 2024 n° 2024/002034 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une ordonnance du 19 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée le 23 septembre 2024 à 12h00
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Karine Butéri, présidente-rapporteure,
- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant tunisien né le 29 mai 1992, est entré le 28 juin 2012 en France où il a été admis pour la première fois au séjour le 19 mai 2016 et a bénéficié par la suite de plusieurs renouvellements de son titre de séjour. Le 11 février 2020, il a sollicité un titre de séjour pluriannuel, sur le fondement de l'article 10 C de l'accord franco-tunisien, en qualité de père d'un enfant de nationalité française. Par un arrêté du 28 juin 2021, il a fait l'objet d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par un jugement du 2 février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Gironde de délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à M. A... qui a ainsi été mis en possession, le 14 février 2022, d'une carte de séjour temporaire valable du 19 juin 2023 au 18 juin 2024. Le 26 janvier 2023 puis le 19 juillet suivant, il a sollicité, auprès des services de la préfecture de la Gironde, l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 28 juin 2021. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le préfet sur sa demande. M. A... relève appel du jugement du 30 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat au versement d'une indemnité de 16 954 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 28 juin 2021.
2. L'illégalité d'une décision prise par l'administration constitue une faute de nature à engager sa responsabilité, pour autant qu'elle entraîne un préjudice direct et certain.
3. En premier lieu, M. A... persiste à soutenir que l'Etat a commis une faute tenant au délai anormalement long d'examen de sa demande de titre de séjour dès lors que l'arrêté portant refus de cette demande est intervenu le 28 juin 2021 soit plus d'un an après qu'elle a été déposée le 11 février 2020. Toutefois, d'une part, il n'est pas allégué par l'intéressé que, à la suite du dépôt de sa demande, il ne se serait pas vu remettre un récépissé de sa demande de titre de séjour valant autorisation provisoire de séjour. D'autre part, ainsi que l'a à juste titre estimé le tribunal, dès lors qu'en application de l'article R. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'aile, une décision implicite portant rejet de la demande de titre de séjour présentée par M. A... est née quatre mois après le dépôt de sa demande de titre de séjour, il n'est pas fondé à soutenir que le délai de traitement de cette demande présenterait un caractère déraisonnable.
4. En deuxième lieu, le requérant fait valoir qu'entre la date de l'arrêté du 28 juin 2021 annulé par le tribunal administratif de Bordeaux le 2 février 2022 et la date de ce jugement enjoignant également la délivrance d'un titre de séjour, il a subi des troubles dans ses conditions d'existence caractérisés par la peur de devoir se séparer de son enfant. Toutefois, alors qu'ainsi que l'a relevé le tribunal administratif de Bordeaux dans son jugement du 2 février 2022 et dans le jugement attaqué, M. A... n'avait, à la date de l'arrêté du 28 juin 2021, jamais exercé le droit de visite médiatisé qui lui avait été accordé pour accompagner une reprise des liens avec sa fille, il n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance d'éléments de nature à démontrer les troubles dans ses conditions d'existence qu'il aurait subis, sur la période au titre de laquelle il sollicite une indemnisation, en conséquence du refus de titre de séjour illégalement opposé.
5. En troisième lieu, M. A... soutient que l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé l'a privé du bénéfice de l'allocation adulte handicapé, sur une période allant du mois de juin 2021 au mois de mars 2022. Si M. A... produit une attestation de la caisse d'allocations familiales de la Gironde du 26 mai 2023 révélant qu'il n'a perçu aucune prestation sur cette période, il ne s'en déduit pas et il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction qu'il aurait effectué une demande pour obtenir le bénéfice de l'allocation adulte handicapé ni a fortiori qu'une telle demande aurait été rejetée du fait de l'irrégularité de sa situation au regard de son droit au séjour en France durant cette période. En outre, il ne justifie pas avoir bénéficié de l'aide en question sur la période antérieure à celle allant du mois de juin 2021 au mois de mars 2022, alors qu'il était en situation régulière jusqu'au 6 février 2020, et s'être vu privé de cette aide du fait de l'illégalité de l'arrêté du 28 juin 2021. Dans ces conditions, comme l'a pertinemment jugé le tribunal administratif de Bordeaux, le préjudice tenant à l'absence de perception de l'allocation adulte handicapé sur la période allant du mois de juin 2021 au mois de mars 2022 ne peut être regardé comme présentant un lien direct et certain avec l'illégalité de l'arrêté du 28 juin 2021.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2024.
Le président-assesseur
Stéphane GuegueinLa présidente-rapporteure
Karine Butéri
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 24BX01576