Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (Sarl) Sabathé et fils a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1902254 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Pau a ramené la base de l'impôt sur les sociétés fixée à la Sarl Sabathé et fils au titre de l'année 2014 à la somme de 280 090 euros et a déchargé cette société de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des pénalités liées, correspondant à la réduction de la base d'imposition précitée et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 décembre 2022 et le 5 janvier 2024, la Sarl Sabathé et fils, représentée par Me Bouffard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 20 octobre 2022 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, et des pénalités correspondantes restant en litige soit de la somme de 124 070 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur l'étendue du litige :
- le montant des impositions restant en litige fixé par l'administration à 124 070 euros est erroné dès lors qu'il ne tient pas compte de la décision d'acceptation partielle de l'administration du 6 août 2019, qu'il est le résultat d'une erreur de calcul de l'administration dans l'exécution du jugement du tribunal administratif de Pau et ne prend pas en compte la décision de remise des intérêts de retard décidée par le service du recouvrement du Gers.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
- en soumettant directement en séance deux déclarations de cession de véhicule, devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en méconnaissance du principe contradictoire, tel que garanti par l'article 60 du livre des procédures fiscales, l'administration a violé le principe du contradictoire ;
- le président de la commission, en s'abstenant de convoquer une seconde séance pour permettre un supplément d'information ainsi qu'il l'avait envisagé afin de se prononcer sur les provisions pour dépréciation de stock en cause, et en affirmant se ranger à la position de l'administration, a méconnu le principe du contradictoire ;
- en indiquant qu'elle " est d'avis de confirmer la position de l'administration fiscale " alors qu'elle s'est refusée à examiner la question du taux de dépréciation des pièces en stock, la commission a fait preuve de " parti pris ".
Sur le bien-fondé de l'imposition :
- les provisions comptabilisées en 2013 pour dépréciation de comptes de clients, d'un montant respectif de 2460, 45 euros HT, 2906, 95 euros HT et 9079, 94 euros HT, sont justifiées dès lors qu'elles remplissent les conditions de déductibilité prévues par le code général des impôts ;
- les provisions comptabilisées en 2014 pour dépréciation de stock de pièces détachées, pour un montant total de 540 053, 69 euros, sont justifiées dès lors que le stock dormant a fait l'objet d'une double prise en compte informatique et qu'il a été comptabilisé en conformité avec les instructions référencées BOI-BIC-PROV-10, paragraphes n° 90 et 100, du 17 décembre 2013, et BOI-BIC-PDSTK-20-20-10-20, paragraphe n° 90, du 23 septembre 2013, ainsi qu'en conformité avec la jurisprudence du Conseil d'État quant à l'obsolescence technique, la dégradation physique des pièces, l'évolution des normes réglementaires, l'interruption de la fabrication des biens, ou encore l'importance des quantités et la faiblesse du rythme de vente des pièces.
Sur les intérêts de retard :
- en application de l'article 1 756 du code général des impôts, elle a droit à être déchargée des intérêts de retard à hauteur de la somme de 3 703 euros ;
Sur les pénalités :
- les pénalités pour manquement délibéré sont insuffisamment motivées ;
- elles sont infondées dès lors que la matérialité des faits n'est pas établie et que l'administration n'apporte pas la preuve du manquement délibéré qui lui est reproché.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 mai 2023 et le 24 janvier 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté numérique et industrielle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est sans objet s'agissant de l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2012, que l'étendue du litige doit être fixée, compte tenu des dégrèvements intervenus en cours de procédure, à 113 044 euros dont 78 935 euros en droit et 30 834 euros en majorations et 3275 euros en intérêts de retard, que ces intérêts ont également été dégrevés en cours d'instance et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 5 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard,
- et les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (Sarl) Sabathé et fils, domiciliée à L'Isle-Jourdain (Gers), exerce une activité d'achat, de revente, de réparation et de rénovation de tous matériels agricoles, ainsi qu'une activité de location de tracteurs et matériels de travaux publics. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, étendue jusqu'au 31 août 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Après une première proposition de rectification notifiant à la société requérante l'intention du service de procéder à des rappels de TVA et des pénalités correspondantes pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, par une seconde proposition de rectification du 23 mars 2016, portant sur les bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 décembre 2013 et 2014, le service a remis en cause la déductibilité de provisions pour dépréciation des comptes clients et des stocks de pièces ainsi que des amortissements comptabilisés pour l'un des véhicules acquis en 2012. L'entreprise a présenté des observations le 12 mai 2016. En réponse, par une décision du 22 juin 2016, l'administration a admis une partie des réclamations, abandonnant le rehaussement de la base imposable à l'impôt sur les sociétés sur les exercices clos en 2013 et 2014 en ce qui concerne la reprise des provisions pour dépréciation des stocks de pièces détachées et ramené le montant des rectifications proposées à la somme de 279 009 euros. La Sarl Sabathé et fils a formé un recours hiérarchique, à l'issue duquel les rectifications en litige ont été maintenues, par une décision du 20 septembre 2016. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, saisie à la demande de la société, a, le 22 juin 2018, rendu un avis partiellement favorable à la position de l'administration qui, sur la base de cet avis, a abandonné la reprise des provisions pour dépréciation des comptes clients au titre de l'exercice 2014 et ramené celles de l'exercice 2013 à la somme de 14 447 euros réduisant ainsi le montant des rectifications à la somme totale de 265 991 euros. L'interlocuteur départemental, saisi par la société, a, le 13 novembre 2018, maintenu les rectifications proposées. Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement, par un avis du 30 novembre 2018, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, pour un montant de 3 606 euros au titre de l'exercice clos en 2013, et de 246 359 euros au titre de l'exercice clos en 2014. La Sarl Sabathé et fils a contesté les impositions restant en litige par une réclamation préalable du 23 janvier 2019. Par une décision du 6 août 2019, le service a admis partiellement ses prétentions et maintenu à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés à hauteur de 172 298 euros de droits et de 75 101 euros de pénalités au titre des années 2013 et 2014.
2. La Sarl Sabathé et fils a alors demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des rappels de TVA et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014, et des pénalités correspondantes. Par un jugement du 20 octobre 2022, le tribunal a réduit de 280 090 euros la base de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2014 notifié à la société, a déchargé cette dernière de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition précitée et a rejeté le surplus de sa demande. La Sarl Sabathé et fils relève appel de ce jugement et sollicite la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, et des pénalités correspondantes restant en litige, soit de la somme qu'elle fixe à 124 070 euros.
Sur l'étendue du litige :
3. D'une part, par une décision du 9 décembre 2022 et par une décision du 17 février 2023, l'administration a procédé, en exécution du jugement attaqué, au dégrèvement des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société requérante au titre des exercices clos en 2013 et 2014 à hauteur de 93 363 euros en droits et de 40 992 euros en pénalités. Enfin, en application de l'article 1756 du code général des impôts, par décision du 21 février 2022, le comptable chargé du recouvrement a prononcé le dégrèvement de la totalité des intérêts de retard mis à la charge de ladite société au titre des exercices clos en 2013 et 2014 soit 3 275 euros. Les conclusions de la requête relatives à ces impositions et intérêts non contestés en appel par l'administration sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
4. D'autre part, par deux décisions du 6 août 2019, l'administration a procédé au dégrèvement total des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société Sabathé et fils au titre de l'exercice clos en 2012 et a procédé au dégrèvement des cotisations à l'impôt sur les sociétés et des pénalités afférentes aux exercices clos en 2013 et 2014 pour un montant de 1 885 euros en droits et 681 euros en pénalités. Les conclusions relatives à ces impositions sont dans cette mesure irrecevables.
5. Le montant de l'imposition relative aux exercices clos en 2013 et 2014 restant en litige s'élève à un total de 113 044 euros dont 78 935 euros de droits, 30 834 euros de majorations et 3 275 euros d'intérêts de retard.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
6. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 H du même code, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code. / Les commissions peuvent également être saisies à l'initiative de l'administration. ". L'article L. 60 du même livre, dans sa rédaction applicable, dispose que : " Le rapport par lequel l'administration des impôts soumet le différend qui l'oppose au contribuable à la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ainsi que tous les autres documents dont l'administration fait état pour appuyer sa thèse, doivent être tenus à la disposition du contribuable intéressé. / (...) " Enfin, aux termes de l'article L. 192 de ce livre : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission (...) ".
7. D'une part, la Sarl Sabathé et fils persiste à soutenir que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité dès lors que l'administration a produit, devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, deux déclarations de cession de véhicule qui ne lui avaient pas été communiquées en amont de la séance, en violation du principe du contradictoire. Toutefois, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, il résulte de l'instruction que l'administration a admis, dans sa décision du 6 août 2019, que la production de documents en cours de séance n'était pas conforme aux dispositions de l'article L. 60 du livre des procédures fiscales et qu'elle a, en conséquence, accepté la réclamation de la requérante sur ce point de procédure en renonçant à prendre en compte ces documents.
8. D'autre part, la société requérante soutient qu'en s'abstenant de convoquer une seconde séance pour permettre d'obtenir un supplément d'information quant à la comptabilisation du stock de pièces détachées, tout en se rangeant à l'avis de l'administration alors qu'il avait proposé une nouvelle convocation aux parties, le président de la commission a méconnu le principe du contradictoire. Toutefois, il résulte des dispositions précitées des articles L. 59 et L. 192 du livre des procédures fiscales que lorsqu'un contribuable demande que le désaccord qui l'oppose à l'administration et qui relève de la compétence consultative de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires soit soumis à cette commission, l'administration est seulement tenue de la saisir et satisfait à l'obligation qui lui est ainsi faite en la saisissant régulièrement. Le sens de l'avis émis par la commission ne peut avoir d'autre effet que de modifier, le cas échéant, la dévolution de la charge de la preuve dans les termes prévus par l'article L. 192 du livre des procédures fiscales. Ainsi, à supposer même que la commission se soit estimée, à tort, suffisamment éclairée pour confirmer la position de l'administration fiscale, cette erreur n'affecte pas la régularité de la procédure d'imposition, et n'est, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition contestée.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions restant en litige :
9. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise.
S'agissant des provisions comptabilisées en 2013 pour dépréciation de comptes de clients :
11. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable de justifier tant du montant des provisions qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. La déductibilité, au titre d'un exercice, d'une perte résultant d'une créance, n'est possible que si celle-ci présente un caractère certain et définitif à la clôture de cet exercice. Le caractère irrécouvrable d'une créance est subordonné à la preuve, qu'il incombe au contribuable de rapporter, d'une part, de l'accomplissement de diligences et de démarches conduites en vue de leur recouvrement et demeurées infructueuses et, d'autre part, de l'insolvabilité des débiteurs.
12. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a réintégré dans les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés de la Sarl Sabathé et fils les sommes de 2 460,45 euros, 2 906,95 euros et 9 079,94 euros qui avaient été déduites pour perte à la clôture de l'exercice clos en 2013 et qui, selon la société, correspondaient à des créances irrécouvrables.
13. D'abord, pour contester la réintégration de la créance de 2 460,45 euros, la requérante persiste à soutenir, pour justifier de son caractère irrécouvrable, qu'elle a effectué en vain, le 21 octobre 2013, une relance auprès de l'entreprise débitrice, que son gérant est décédé et qu'elle n'entretient aucune relation avec le repreneur. Toutefois, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, l'entreprise existe toujours et n'est concernée par aucune procédure collective, si bien que la requérante ne peut être regardée, quand bien même cette créance date de 2013 et malgré l'envoi d'une lettre de relance en 2013, comme ayant engagé les procédures nécessaires pour obtenir le recouvrement de cette créance.
14. Ensuite, pour contester la réintégration de la créance de 2 906,95 euros, la société Sabathé et fils indique que cette créance est due par une entreprise de terrassement dont l'établissement situé à Pelleport a fermé le 31 juillet 2013. Toutefois, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, un autre établissement de la même entreprise est toujours en activité à Nègrepelisse et la requérante ne démontre pas avoir effectué les diligences nécessaires au recouvrement de sa créance auprès de ce second établissement, alors que la circonstance qu'il se situe dans un département différent et qu'il ait une activité de menuiserie bois PVC est sans incidence.
15. Enfin, pour contester la somme d'un montant de 9 079,94 euros réintégrée à son résultat fiscal, la requérante soutient qu'elle correspond à plusieurs créances présentant une ancienneté anormale que le commissaire aux comptes souhaitait voir provisionner conformément au principe de prudence quand bien même le montant de cette créance n'engloberait pas l'ensemble de celles proposées par ce dernier. Toutefois, à l'appui de ses allégations, elle se borne à produire une liste dont les éléments y figurant ne présentent pas de lien avec la somme provisionnée. La Sarl Sabathé et fils n'apporte ainsi pas la preuve, qui lui incombe, du caractère irrécouvrable des créances en cause.
S'agissant de la déductibilité des provisions pour dépréciation de stocks de pièces détachées :
Quant à l'application de la loi fiscale :
16. Aux termes du 3 de l'article 38 du code général des impôts, applicable aux sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient (...) ". En vertu de l'article 38 decies de l'annexe III au code général des impôts : " Si le cours du jour à la date de l'inventaire des marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, produits intermédiaires, produits finis et emballages commerciaux perdus en stock au jour de l'inventaire est inférieur au coût de revient défini à l'article 38 nonies, l'entreprise doit constituer, à due concurrence, des provisions pour dépréciation. ".
17. Il résulte de la combinaison des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et du 3 de l'article 38 de ce code que, lorsqu'une entreprise constate que tout ou partie des matières ou produits qu'elle possède en stock a, à la date de clôture de l'exercice, une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, elle est en droit de constituer, à concurrence de l'écart constaté, une provision pour dépréciation. Pareille provision ne peut cependant être admise que si l'entreprise est en mesure de justifier de la réalité de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante. Si une telle provision peut être évaluée par des méthodes statistiques, c'est à la condition que son évaluation soit faite de manière précise et suffisamment détaillée selon les catégories des produits en stock.
18. Il résulte de l'instruction, notamment de la décision du 6 août 2019, que l'administration fiscale a maintenu la réintégration, dans les résultats de l'exercice clos en 2014, de provisions comptabilisées pour dépréciation de stock de pièces détachées, à hauteur de 540 054 euros, au motif que l'entreprise ne produisait pas les indications suffisantes quant à la valeur de chaque catégorie de pièces détachées, ne permettant ainsi pas la validation de la méthode revendiquée pour déterminer la dépréciation du stock. Pour contester le maintien de cette réintégration, la Sarl Sabathé et fils a produit devant le tribunal le rapport daté du 7 octobre 2018 d'un expert de justice près la Cour d'appel d'Agen, spécialisé dans le domaine du matériel agricole, qu'elle a mandaté afin d'évaluer la dépréciation de son stock dormant. Après avoir constaté un manque de rigueur dans la réalisation d'un inventaire précis du stock de pièces détachées, cet expert a établi une méthode d'évaluation, fondée à la fois sur des critères de marques, d'ancienneté et de nature des pièces classées en sous-groupes, permettant de déterminer des taux de dépréciation différenciés par catégorie en fonction des critères retenus. Il a ainsi préconisé une dépréciation à hauteur de 95 % des stocks dormants des marques Ford et Braud, disparues, une dépréciation progressive dans le temps, selon trois sous-groupes, des stocks des marques Same, Lamborghini, JLG et divers, à l'exception des pièces Deutz Farh, pour un montant total de 280 090 euros. Le tribunal, après avoir validé la méthode proposée par l'expert, a réduit de 280 090 euros la base imposable de la société requérante et rejeté le surplus de sa demande.
19. Premièrement, en ce qui concerne les pièces détachées de la marque Braud et de la marque Ford reprise par Ford New Holland, si la société persiste à revendiquer un taux de provision pour dépréciation du stock de 90 %, il résulte de l'instruction que ce taux a été admis par l'administration.
20. Deuxièmement, en ce qui concerne le stock de pièces détachées des marques Same et Lamborghini, il résulte de l'instruction que l'expert judiciaire, après avoir indiqué qu'elles sont encore bien utilisées dans le domaine agricole, les a placées dans trois sous-groupes de pièces, comprenant également des pièces de la marque JLG et de marques diverses. Des taux de dépréciation progressifs variant de 10 à 20% pour les plus récentes et jusqu'à 65 à 85 % pour les plus anciennes ont été admis par l'administration La société requérante n'apporte aucun élément nouveau permettant de justifier une dépréciation globale dudit stock à hauteur, comme elle le demande, de 90 %.
21. Troisièmement, en ce qui concerne les pièces détachées de la marque Deutz Fahr, pour remettre en cause l'estimation de l'expert, qui n'a retenu aucune dépréciation du stock, et le refus du tribunal de faire droit à sa demande, la société requérante produit un courriel partiel adressé par une société proposant la vente d'un stock de pièces des marques Same et Deutz Fahr avec une décote de 85 % qui ne permet toutefois pas de déterminer l'état du stock proposé. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à demander une dépréciation du stock de cette marque à hauteur de 90 %.
22. Quatrièmement, en se fondant sur un inventaire descriptif et estimatif des actifs mobiliers soit des véhicules du matériel et des installations, réalisé par un commissaire-priseur judiciaire le 3 février 2022, la requérante soutient que le stock est valorisé à 0 en valeur d'exploitation ainsi qu'en valeur de réalisation. Toutefois, l'inventaire réalisé le 3 février 2022 ne précise pas la méthode de calcul de la dépréciation du stock des pièces détachées ni ne les inventorie précisément et ne justifie ainsi pas d'une décote de 90% alors en outre que sa date de rédaction est très éloignée de l'année considérée par la dotation aux provisions.
23. Enfin, s'agissant des autres marques, alors que les photos produites par la requérante concernent essentiellement des pièces de marque Ford et Braud et que l'attestation de ferraillage dont elle se prévaut ne précise ni les marques concernées, ni les catégories de pièces, la Sarl Sabathé et fils ne justifie pas de sa demande d'obtenir une décote de 90 % sur l'ensemble du stock dormant de pièces autres que celles des marques Braud et Ford New Holland.
Quant à l'interprétation de la loi fiscale :
24. Ainsi que l'a indiqué le tribunal, les paragraphes n° 90 et 100 de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-PROV-10 du 17 décembre 2013, et le paragraphe n° 90 de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-PDSTK-20-20-10-20, du 23 septembre 2013, ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale s'écartant de l'application qui en est faite aux points précédents et ne peuvent par suite être valablement invoqués par la requérante sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne les pénalités :
25. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressé au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable ".
26. Il résulte des termes de la proposition de rectification du 23 avril 2016 et de la lettre du 6 août 2019, par laquelle l'administration a fait connaître à la Sarl Sabathé et fils sa décision de maintenir les pénalités pour manquement délibéré mises à sa charge, que cette lettre expose les considérations de droit et de fait sur lesquelles repose cette décision. Le moyen tiré du défaut de motivation des pénalités ne peut, en conséquence, qu'être écarté.
27. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
28. Pour justifier de l'application de la pénalité pour manquement délibéré aux rehaussements d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration au résultat fiscal de la SARL Sabathé et fils des exercices 2013 et 2014, des provisions pour dépréciation de créances douteuses et pour dépréciation du stock dormant, l'administration fiscale a retenu que, lors d'une précédente vérification de comptabilité diligentée en 2010, le service vérificateur avait déjà eu l'occasion de lui rappeler les principes de la constitution d'une provision, et que, par une lettre du 26 octobre 2010, la requérante avait accepté le bien-fondé du rappel d'impôt sur les sociétés découlant principalement de la remise en cause de provisions comptabilisées sur l'exercice 2007. Le service a, en outre, considéré que, par une lettre du 3 novembre 2010 portant accord entre les parties sur le montant du rappel, il avait bien précisé à la Sarl Sabathé et fils qu'elle était tenue de corriger ses évaluations pour les années postérieures. Par suite, et alors même que l'administration a accordé des dégrèvements et que le tribunal administratif a prononcé une décharge partielle des impositions en cause, le service doit être regardé comme apportant la preuve de ce que la Sarl Sabathé et fils a sciemment méconnu ses obligations en matière de provisions, justifiant ainsi l'application de la majoration en litige.
29. Il résulte de tout ce qui précède que la Sarl Sabathé et fils n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Pau a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Sarl Sabathé et fils demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la Sarl Sabathé et fils tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés, pénalités et intérêts de retard auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014, à concurrence des dégrèvements d'un montant de 93 363 euros en droits, 40 992 euros en pénalités et 3 275 euros en intérêts de retard.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la Sarl Sabathé et fils est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Sabathé et fils et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Une copie en sera adressée pour information à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Guéguein, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 novembre 2024.
La rapporteure,
Caroline Gaillard
La présidente,
Karine ButériLa greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX03121