Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau d'annuler la délibération du 23 mars 2024 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays basque a fixé les taux des impositions directes locales pour l'exercice 2024, en tant qu'elle a fixé le taux de cotisation foncière des entreprises à 29,91 %, ou de suspendre l'exécution de cette délibération.
Par une ordonnance n° 2401863 du 22 août 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a transmis au Conseil d'Etat la question de la conformité à la Constitution des dispositions du II et du IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts, a suspendu l'exécution de la délibération du 23 mars 2024, et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête enregistrée le 28 août 2024 sous le n° 24BX02144 et un mémoire enregistré le 30 septembre 2024, la communauté d'agglomération du Pays basque, représentée par son président en exercice et ayant pour avocat Me Caubet-Hilloutou, demande au juge d'appel des référés :
1°) d'annuler l'article 2 de l'ordonnance du 22 août 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Pau ;
2°) de rejeter la demande présentée par le préfet des Pyrénées-Atlantiques au juge des référés du tribunal, tendant à la suspension de l'exécution de la délibération du 23 mars 2024 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance contestée suspend l'exécution de la délibération fixant le taux d'imposition à la cotisation foncière des entreprises pour l'année 2024, ce qui, compte-tenu de la nécessité, imposée par l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales, de couvrir les annuités d'emprunt à échoir au cours de l'exercice, met en cause l'équilibre réel du budget adopté par la communauté d'agglomération d'environ 2 millions d'euros, soit 1 % de la totalité des recettes de fonctionnement ; en pareil cas, les taux d'imposition à la cotisation foncière des entreprises de l'année 2023 sont donc applicables ; or, les avis d'imposition sont émis au plus tard au cours du mois de septembre de chaque année avec le taux applicable, si bien qu'en l'état les services fiscaux vont émettre très rapidement les avis d'imposition à la cotisation foncière des entreprises avec les taux de l'année 2023 sans qu'il soit possible de procéder à un rattrapage sinon par une procédure de reprise devant affecter 22 333 entreprises ;
- au nom de l'Etat, le préfet et le directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques s'étaient engagés, par un contrat dénué d'ambiguïté, à ce qu'un cadre de haut niveau dédié au conseil financier de la CAPB et de Bayonne aide à la préparation des délibérations en ce qu'elles portent notamment sur le vote des taux et joue un rôle d'alerte auprès de ces deux collectivités ; cet engagement n'a pas été respecté ; en effet, ce n'est que le 3 avril 2024, soit 10 jours après l'adoption de la délibération litigieuse que le service du conseil aux décideurs locaux va indiquer que de son point de vue, la réserve de taux utilisable en 2024 était de 0,06 % et que, dès lors, il convenait de limiter le taux de la cotisation foncière des entreprises à 28,84 % (et non à 29,91 %) ;
- les établissements publics n'ayant pas augmenté le taux d'imposition à la cotisation foncière des entreprises pendant plusieurs années bénéficient d'une réserve d'augmentation de ce taux ouverte par le § IV de l'article 1636 B decies du code ; la réserve d'augmentation peut être utilisée " au titre de l'une des trois années suivantes ", si bien qu'au cours d'une même année, l'établissement peut utiliser la réserve d'augmentation des trois années qui précèdent : rien n'empêche en effet de cumuler sur un an les réserves non utilisées pendant les deux années précédentes ; il en résulte qu'au titre de l'année 2024, la CAPB avait la possibilité de porter le taux de cotisation foncière des entreprises de 28,49 % à 31,88 %
- le juge des référés a soulevé d'office et sans le soumettre au contradictoire un moyen tiré de ce que la CAPB n'avait pas entendu mobiliser le mécanisme de réserve que le préfet n'avait pas énoncé et qui n'était pas d'ordre public ; l'ordonnance est donc entachée d'une irrégularité ;
- le moyen tiré de la méconnaissance du mécanisme d'information des services fiscaux prévue par l'article 1639 A du code général des impôts n'était pas davantage exprimé par le préfet ;
- l'ordonnance est insuffisamment motivée en ce qu'elle n'a pas répondu à la fin de non-recevoir opposée par la CABP et tirée de ce que le préfet avait délégitimé l'exercice de son pouvoir de déféré ;
- l'Etat est tenu de respecter ses obligations dans ses relations avec les collectivités locales sur le fondement également de l'article 72 de la Constitution qui reconnaît la liberté contractuelle de ces collectivités comme outil de leur libre administration ; l'intérêt à agir n'est reconnu que s'il a été exercé dans un contexte légitime excluant que le requérant ait lui-même concouru à l'illégalité qu'il dénonce ; en l'occurrence, en ne respectant pas ses engagements, l'Etat a contribué activement à la situation qu'il conteste aujourd'hui et ne peut dès lors se prévaloir d'un intérêt à agir légitime ; le déféré du préfet devait donc être regardé comme irrecevable ;
- la délibération fixant les taux doit être regardée comme une décision indivisible tant parce qu'elle procède d'un pouvoir d'appréciation unique que parce que les éléments qui la composent sont à la fois matériellement, juridiquement et psychologiquement interdépendants ; la délibération forme également un tout indivisible de la constitution du budget ; le préfet demande l'annulation partielle d'une délibération qui forme un tout indivisible ce qui rend sa requête au fond irrecevable et sa demande de suspension également irrecevable ;
- seule la loi peut limiter la libre administration des collectivités territoriales et donc fixer des conditions de procédure, de forme ou de fond permettant de l'encadrer ; les § II et IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts dans leur partie utile et l'article 1636 B sexies auquel le § II de l'article 1636 B decies renvoie énoncent des conditions de fond de la fixation des taux et pour ce qui intéresse le litige, permettent, comme l'a d'ailleurs reconnu le juge des référés, de cumuler la réserve d'augmentation du taux de cotisation foncière des entreprises sur trois ans et de la mobiliser sur une seule année ; elles n'imposent pas que le conseil communautaire mette en évidence le choix quant à la mobilisation ou non de la réserve ; la délibération fixant les taux des impositions directes doit être communiquée aux services fiscaux avant le 15 avril qui suit son adoption et doit alors préciser, lors de sa transmission, le montant du report de la réserve d'augmentation du taux de cotisation foncière des entreprises qui en résulte ; il revient à l'établissement d'informer les services fiscaux du point de savoir qu'il n'a pas consommé, ou pas consommé entièrement, la réserve d'augmentation de ce taux pour l'année ; cette information n'a à figurer dans la délibération que lorsqu'elle est transmise à ces services ;
- dès lors que le conseil communautaire du Pays basque n'a pas augmenté les taux de la
cotisation foncière des entreprises pendant les années successives, il a nécessairement reporté chaque année la réserve d'augmentation de ce taux qu'il n'a pas mobilisée ; et à supposer qu'il décide d'en utiliser tout ou partie, cette décision résulte nécessairement aussi de la délibération adoptant le taux correspondant ; le dernier alinéa du § IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts met à la charge des établissements à fiscalité propre une obligation de faire apparaître simplement, à destination des seuls services fiscaux, le taux de réserve d'augmentation résultant de ces délibérations ; le législateur n'a donc pas créé une condition spécifique à laquelle l'utilisation de la réserve d'augmentation du taux de cotisation foncière des entreprises serait subordonnée ; contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, ces dispositions n'imposaient pas à la CAPB de " prouver " qu'elle avait " effectivement " décidé d'utiliser la réserve d'augmentation du taux de cotisation foncière des entreprises ;
- à supposer qu'il soit possible de tirer des conséquences procédurales du dernier alinéa du § IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts, elles devraient être passées au crible du principe énoncé par la jurisprudence Danthony ; le fait de ne pas procéder à cette mention ne prive personne d'une garantie, les seuls destinataires de cette information étant les services fiscaux ; cette omission est en outre insusceptible d'avoir la moindre d'incidence sur le sens de la décision puisqu'elle affecte la transmission de cette dernière qui est en tout état de cause déjà prise ; il ne revenait pas à la CAPB de prouver qu'elle avait décidé de faire usage de la réserve au-delà des délibérations successives fixant les taux des quatre impositions qui lui sont dévolues ; en mettant la preuve à la charge de la CAPB, le juge des référés du tribunal a donc commis une erreur de droit sur les règles d'attribution de ce fardeau ;
- de la combinaison du dernier alinéa du § IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts et de l'article 1639 A du même code, on peut déduire qu'il revient à l'établissement d'informer les services fiscaux du point de savoir si et dans quelle mesure il a consommé la réserve d'augmentation de ce taux pour l'année ; cette obligation formelle concerne donc les délibérations annuelles fixant les taux ; elle ne peut être regardée comme conditionnant l'utilisation de la réserve d'augmentation du taux de cotisation foncière des entreprises puisqu'elle est postérieure à la délibération fixant les taux ; le premier juge, en faisant visiblement une condition sine qua non de l'utilisation de cette réserve, a donc méconnu l'ordre temporel des choses ; en outre, il s'est mépris sur les conditions d'appréciation de la légalité des décisions administratives : si l'information des services fiscaux porte sur le montant " de la majoration appliquée ", elle n'a pas lieu d'être lorsque cette majoration n'est pas appliquée ; étant postérieure par définition à la fixation des taux elle-même par laquelle la réserve d'augmentation des taux est mobilisée, elle est donc sans incidence sur sa légalité ;
- les conditions de transmission aux services fiscaux de la délibération fixant les taux d'imposition sont sans incidence sur le contenu du débat devant le conseil communautaire ; ni le code général des collectivités territoriales ni le règlement intérieur de la communauté d'agglomération n'imposent un vote spécifique du conseil communautaire sur la mobilisation de la réserve d'augmentation de la cotisation foncière des entreprises ; de plus, le vote du conseil intègre nécessairement l'ensemble des conditions et limites dans lesquelles les taux des quatre impositions relevant de la compétence de l'établissement peuvent être adoptés et sur chacune desquelles le conseil communautaire n'a pas à se prononcer ; enfin, il résulte de la délibération attaquée que le conseil communautaire a bien voté sur " l'évolution " des taux des quatre impositions directes qui lui sont dévolues et sur le montant qui en résulte ; le vote a dès lors porté aussi bien sur la mobilisation de la réserve d'augmentation du taux de la cotisation foncière des entreprises que sur les autres règles affectant les taux de cet impôt ou des trois autres impôts ; le moyen tiré de ce que le conseil communautaire n'aurait pas voté sur la mobilisation de la réserve d'augmentation du taux de la cotisation foncière des entreprises doit, par suit, être écarté comme manquant en fait.
Par un mémoire enregistré le 27 septembre 2024, le préfet des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la CAPB opère une confusion entre motif et moyen ; en se fondant sur la circonstance que la CAPB ne démontrait pas avoir effectivement fait application du mécanisme de capitalisation des droits à augmentation prévu au IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts pour accueillir le moyen soulevé par le préfet et tiré de ce que le taux de cotisation foncière ne pouvait être augmenté que proportionnellement, le premier juge n'a pas soulevé d'office un moyen et n'a donc pas entaché son ordonnance d'irrégularité à ce titre ;
- en tout état de cause, en mentionnant que la CAPB n'avait pas informé les services fiscaux d'une éventuelle mobilisation des réserves et que cette mobilisation n'avait pas été soumise au vote des conseillers ni mentionnée dans la délibération, le préfet avait implicitement mais nécessairement invoqué l'argument selon lequel la CAPB ne démontrait pas avoir fait application de ce mécanisme, également formulé à l'audience ; le premier juge n'a ainsi pas méconnu son office en le prenant en considération ;
- cet argument sera dans tous les cas soulevé en appel, la CAPB ayant clairement entendu faire varier les taux de taxe et de cotisation dans une même proportion de 5 % pour 2024 et non appliquer le mécanisme de capitalisation ; en conséquence l'argument tiré de ce que la CAPB aurait eu l'intention de faire application du mécanisme de capitalisation des droits à augmentation relève d'une simple stratégie contentieuse a posteriori ; alors qu'il ne résulte pas de l'examen de la délibération du 23 mars 2024 que la CAPB aurait entendu utiliser ce mécanisme et en ne faisant pas figurer les modalités de la majoration, alors qu'une augmentation proportionnelle de 5 % était envisagée, cette délibération est illégale au regard des dispositions combinées du I de l'article 1639 A et du IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts ;
- le moyen tiré d'une omission à statuer du premier juge sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir manque en fait ;
- l'intérêt à agir du préfet repose sur la mission constitutionnelle de contrôle de légalité des actes des collectivités locales, qui doit s'exercer alors même que l'Etat aurait manqué à un engagement contractuel en matière de conseil ;
- en tout état de cause cet engagement n'a pas été méconnu ;
- l'Etat a également respecté ses obligations réglementaires en matière de transmission des données fiscales nécessaires à la CAPB ; en choisissant de réunir le conseil communautaire en février 2024 avec des données hypothétiques, la CAPB est seule responsable de l'absence de fiabilité des chiffres présentés ; elle a disposé de ces chiffres le 18 mars 2024 et il lui était loisible de corriger ses estimations et d'informer les conseillers lors de la séance du 23 mars 2024, ce qu'elle n'a pas fait ;
- c'est la CAPB qui a méconnu les dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ; l'insuffisance d'information des conseillers les a privé d'une garantie ; le contrôle de légalité a également été privé d'une garantie ; la décision de mobiliser la réserve ne pouvant être présumée, la mention dans la délibération d'un taux excédant le taux maximal figurant dans l'état 1259 EPC transmis le 18 mars 2024 devait nécessairement conduire à regarder ce taux comme adopté sans que la CAPB ait entendu effectivement déroger à la règle de liaison des taux énoncée par les dispositions combinées des articles I 1° b) de l'article 1636 B sexies du code général des impôts et II de l'article 1636 B decies du code ; le taux devait donc être regardé comme adopté par application d'une variation proportionnelle proscrite pour la CAPB ; ainsi, et sans que la jurisprudence Danthony soit utilement invocable, en adoptant le taux de 29,91 % sans indiquer le montant à reporter ni les modalités selon lesquelles le taux de l'année serait majoré, en méconnaissance du IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts, la CAPB a privé ses conseillers communautaires d'une garantie et a entaché sa délibération d'une illégalité ;
- expurgée du taux illégal de cotisation foncière des entreprises, la délibération conserve sa raison d'être, sa finalité et sa portée pratique, les impositions pouvant être recouvrées selon les modalités de l'année précédente en vertu de l'article 1639 A du code général des impôts ; pour la même raison la délibération conserve son architecture et son équilibre ; elle reste ainsi viable et légale ; les considérations budgétaires sont sans incidence sur l'appréciation de la divisibilité, qui repose sur des critères objectifs ; la divisibilité de l'acte doit donc être confirmée ;
- la CAPB était tenue de faire explicitement mention dans sa délibération, qui constitue une décision relative au taux au sens de l'article 1636 B decies du code général des impôts, de sa décision éventuelle de majorer le taux de cotisation en mobilisant le mécanisme de capitalisation au titre des années antérieures, et d'en préciser les modalités ;
- il résulte des termes du IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts que la charge de matérialiser et de prouver l'existence d'une décision démocratiquement débattue de report ou de majoration du taux de cotisation incombe à l'établissement et non aux services fiscaux ; en outre, dans le cadre de la libre administration, la décision publique ne saurait se présumer ;
- la CAPB était tenue par le texte du IV de l'article 1636 B decies de faire explicitement mention dans la délibération de sa décision éventuelle de majorer le taux de l'année en mobilisation le mécanisme de capitalisation ; il résulte du I de l'article 1639 A du code général des impôts que la nécessaire transmission aux services fiscaux d'une décision de taux conditionne l'effectivité de l'acte matériel de recouvrement de l'imposition et confère son plein effet utile à la délibération, même si sa légalité s'apprécie en principe à la date de son édiction ;
- la CAPB était tenue de soumettre la décision relative au report ou à la majoration du taux de cotisation foncière au vote des conseillers communautaires ; or, il ne ressort nullement des termes de da délibération que les conseillers auraient été mis en mesure de se prononcer sur une éventuelle application du mécanisme de capitalisation de réserves ; la seule mention selon laquelle " il est proposé de faire évoluer les taux " est à cet égard insuffisante.
II - Par une requête enregistrée le 28 août 2024 sous le n° 24BX02145, complétée d'un mémoire le 7 septembre 2024, la communauté d'agglomération du Pays basque, représentée par son président en exercice et ayant pour avocat Me Caubet-Hilloutou, demande au juge des référés :
1°) de suspendre l'exécution de l'article 2 de l'ordonnance du 22 août 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Pau ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est recevable sur le fondement de l'article R. 811-16 du code de justice administrative et, à tout le moins, sur celui de l'article R. 811-17 de ce code ;
- l'ordonnance contestée suspend l'exécution de la délibération fixant le taux d'imposition à la cotisation foncière des entreprises pour l'année 2024, ce qui, compte-tenu de la nécessité, imposée par l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales, de couvrir les annuités d'emprunt à échoir au cours de l'exercice, met en cause l'équilibre réel du budget adopté par la Communauté d'agglomération à hauteur d'environ 2 millions d'euros, soit 1 % de la totalité des recettes de fonctionnement ; en pareil cas, les taux d'imposition à la cotisation foncière des entreprises de l'année 2023 sont donc applicables ; or, les avis d'imposition sont émis au plus tard au cours du mois de septembre de chaque année avec le taux applicable, si bien qu'en l'état les services fiscaux vont émettre très rapidement les avis d'imposition à la cotisation foncière des entreprises avec les taux de l'année 2023 sans qu'il soit possible de procéder à un rattrapage sinon par une procédure de reprise devant affecter 22 333 entreprises ;
- au nom de l'Etat, le préfet et le directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques s'étaient engagés, par un contrat dénué d'ambiguïté, à ce qu'un cadre de haut niveau dédié au conseil financier de la CAPB et de Bayonne aide à la préparation des délibérations en ce qu'elles portent notamment sur le vote des taux et joue un rôle d'alerte auprès de ces deux collectivités ; cet engagement n'a pas été respecté ; en effet, ce n'est que le 3 avril 2024, soit 10 jours après l'adoption de la délibération litigieuse que le service du conseil aux décideurs locaux va indiquer que de son point de vue, la réserve de taux utilisable en 2024 était de 0,06 % et que, dès lors, il convenait de limiter le taux de la cotisation foncière des entreprises à 28,84 % (et non à 29,91 %) ;
- les établissements publics n'ayant pas augmenté le taux d'imposition à la cotisation foncière des entreprises pendant plusieurs années bénéficient d'une réserve d'augmentation de ce taux ouverte par le § IV de l'article 1636 B decies du code ; la réserve d'augmentation peut être utilisée " au titre de l'une des trois années suivantes ", si bien qu'au cours d'une même année, l'établissement peut utiliser la réserve d'augmentation des trois années qui précèdent : rien n'empêche en effet de cumuler sur un an les réserves non utilisées pendant les deux années précédentes ; il en résulte qu'au titre de l'année 2024, la CAPB avait la possibilité de porter le taux de cotisation foncière des entreprises de 28,49 % à 31,88 %
- le juge des référés a soulevé d'office et sans le soumettre au contradictoire un moyen tiré de ce que la CAPB n'avait pas entendu mobiliser le mécanisme de réserve que le préfet n'avait pas soulevé et qui n'était pas d'ordre public ; l'ordonnance est donc entachée d'une irrégularité ;
- le moyen tiré de la méconnaissance du mécanisme d'information des services fiscaux prévue par l'article 1639 A du code général des impôts n'était pas davantage invoqué par le préfet ;
- l'ordonnance est insuffisamment motivée en ce qu'elle n'a pas répondu à la fin de non-recevoir opposée par la CABP et tirée de ce que le préfet avait délégitimé l'exercice de son pouvoir de déféré ;
- l'Etat est tenu de respecter ses obligations dans ses relations avec les collectivités locales sur le fondement également de l'article 72 de la Constitution qui reconnaît la liberté contractuelle de ces collectivités comme outil de leur libre administration ; l'intérêt à agir n'est reconnu que s'il a été exercé dans un contexte légitime excluant que le requérant ait lui-même concouru à l'illégalité qu'il dénonce ; en l'occurrence, en ne respectant pas ses engagements, l'Etat a contribué activement à la situation qu'il conteste aujourd'hui et ne peut dès lors se prévaloir d'un intérêt à agir légitime ; le déféré du préfet devait donc être regardé comme irrecevable ;
- la délibération fixant les taux doit être regardée comme une décision indivisible tant parce qu'elle procède d'un pouvoir d'appréciation unique que parce que les éléments qui la composent sont à la fois matériellement, juridiquement et psychologiquement interdépendants ; la délibération forme également un tout indivisible de la constitution du budget ; le préfet demande l'annulation partielle d'une délibération qui forme un tout indivisible ce qui rend sa requête au fond irrecevable et sa demande de suspension également irrecevable ;
- seule la loi peut limiter la libre administration des collectivités territoriales et donc fixer des conditions de procédure, de forme ou de fond permettant de l'encadrer ; les § II et IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts dans leur partie utile et l'article 1636 B sexies auquel le § II de l'article 1636 B decies renvoie, énoncent des conditions de fond de la fixation des taux et, pour ce qui intéresse le litige, permettent, comme l'a d'ailleurs reconnu le juge des référés, de cumuler la réserve d'augmentation du taux de cotisation foncière des entreprises sur trois ans et de la mobiliser sur une seule année ; elles n'imposent pas que le conseil communautaire mette en évidence le choix quant à la mobilisation ou non de la réserve ; la délibération fixant les taux des impositions directes doit être communiquée aux services fiscaux avant le 15 avril qui suit son adoption et elle doit alors préciser, lors de sa transmission, le montant du report de la réserve d'augmentation du taux de cotisation foncière des entreprises qui en résulte ; il revient à l'établissement d'informer les services fiscaux du point de savoir qu'il n'a pas consommé, ou pas consommé entièrement, la réserve d'augmentation de ce taux pour l'année ; cette information n'a à figurer dans la délibération que lorsqu'elle est transmise à ces services ;
- dès lors que le conseil communautaire du Pays basque n'a pas augmenté les taux de la cotisation foncière des entreprises pendant les années successives, il a nécessairement reporté chaque année la réserve d'augmentation de ce taux qu'il n'a pas mobilisée ; et à supposer qu'il décide d'en utiliser tout ou partie, cette décision résulte nécessairement aussi de la délibération adoptant le taux correspondant ; le dernier alinéa du § IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts met à la charge des établissements à fiscalité propre une obligation de faire apparaître simplement, à destination des seuls services fiscaux, le taux de réserve d'augmentation résultant de ces délibérations ; le législateur n'a donc pas créé une condition spécifique à laquelle l'utilisation de la réserve d'augmentation du taux de cotisation foncière des entreprises serait subordonnée ; contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, ces dispositions n'imposaient pas à la CAPB de " prouver " qu'elle avait " effectivement " décidé d'utiliser la réserve d'augmentation du taux de cotisation foncière des entreprises ;
- à supposer qu'il soit possible de tirer des conséquences procédurales du dernier alinéa du § IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts, elles devraient être passées au crible du principe énoncé par la jurisprudence Danthony ; le fait de ne pas procéder à cette mention ne prive personne d'une garantie, les seuls destinataires de cette information étant les services fiscaux ; cette omission est en outre insusceptible d'avoir la moindre d'incidence sur le sens de la décision puisqu'elle affecte la transmission de cette dernière qui est en tout état de cause déjà prise ; il ne revenait pas à la CAPB de prouver qu'elle avait décidé de faire usage de la réserve au-delà des délibérations successives fixant les taux des quatre impositions qui lui sont dévolues ; en mettant la preuve à la charge de la CAPB, le juge des référés du tribunal a donc commis une erreur de droit sur les règles d'attribution de ce fardeau ;
- de la combinaison du dernier alinéa du § IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts et de l'article 1639 A du même code, on peut déduire qu'il revient à l'établissement d'informer les services fiscaux du point de savoir si et dans quelle mesure il a consommé la réserve d'augmentation de ce taux pour l'année ; cette obligation formelle concerne donc les délibérations annuelles fixant les taux ; elle ne peut être regardée comme conditionnant l'utilisation de la réserve d'augmentation du taux de cotisation foncière des entreprises puisqu'elle est postérieure à la délibération fixant les taux ; le premier juge, en faisant visiblement une condition sine qua non de l'utilisation de cette réserve, a donc méconnu l'ordre temporel des choses ; en outre, il s'est mépris sur les conditions d'appréciation de la légalité des décisions administratives : si l'information des services fiscaux porte sur le montant " de la majoration appliquée ", elle n'a pas lieu d'être lorsque cette majoration n'est pas appliquée ; étant postérieure par définition à la fixation des taux elle-même par laquelle la réserve d'augmentation des taux est mobilisée, elle est donc sans incidence sur sa légalité ;
- les conditions de transmission aux services fiscaux de la délibération fixant les taux d'imposition sont sans incidence sur le contenu du débat devant le conseil communautaire ; ni le code général des collectivités territoriales ni le règlement intérieur de la communauté d'agglomération n'imposent un vote spécifique du conseil communautaire sur la mobilisation de la réserve d'augmentation de la cotisation foncière des entreprises ; de plus, le vote du conseil intègre nécessairement l'ensemble des conditions et limites dans lesquelles les taux des quatre impositions relevant de la compétence de l'établissement peuvent être adoptés et sur chacune desquelles le conseil communautaire n'a pas à se prononcer ; enfin, il résulte de la délibération attaquée que le conseil communautaire a bien voté sur " l'évolution " des taux des quatre impositions directes qui lui sont dévolues et sur le montant qui en résulte ; le vote a dès lors porté aussi bien sur la mobilisation de la réserve d'augmentation du taux de la cotisation foncière des entreprises que sur les autres règles affectant les taux de cet impôt ou des trois autres impôts ; le moyen tiré de ce que le conseil communautaire n'aurait pas voté sur la mobilisation de la réserve d'augmentation du taux de la cotisation foncière des entreprises doit, par suit, être écarté comme manquant en fait.
Par un mémoire enregistré le 27 septembre 2024, le préfet des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les dispositions de l'article R. 811-16 du code de justice administrative ne peuvent fonder la demande de sursis à exécution ;
- sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, la demande de sursis à exécution est superfétatoire ; dès lors que le juge des référés est appelé à se prononcer dans de brefs délais la demande de sursis est dépourvue d'objet ; en tout état de cause, la perte de ressources pour la CAPB n'est nullement définitive et il existe un intérêt public objectif au maintien de la suspension du caractère exécutoire de la délibération litigieuse ;
- aucun des moyens invoqués n'est sérieux ;
- la CAPB opère une confusion entre motif et moyen ; en se fondant sur la circonstance que la CAPB ne démontrait pas avoir effectivement fait application du mécanisme de capitalisation des droits à augmentation prévu au IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts pour accueillir le moyen soulevé par le préfet et tiré de ce que le taux de cotisation foncière ne pouvait être augmenté que proportionnellement, le premier juge n'a pas soulevé d'office un moyen et n'a donc pas entaché son ordonnance d'irrégularité à ce titre ;
- en tout état de cause, en mentionnant que la CAPB n'avait pas informé les services fiscaux d'une éventuelle mobilisation des réserves et que cette mobilisation n'avait pas été soumise au vote des conseillers ni mentionnée dans la délibération, le préfet avait implicitement mais nécessairement invoqué l'argument selon lequel la CAPB ne démontrait pas avoir fait application ce mécanisme, également formulé à l'audience ; le premier juge n'a ainsi pas méconnu son office en le prenant en considération ;
- cet argument sera dans tous les cas soulevé en appel, la CAPB ayant clairement entendu faire varier les taux de taxe et de cotisation dans une même proportion de 5 % pour 2024 et non appliquer le mécanisme de capitalisation ; en conséquence l'argument tiré de ce que la CAPB aurait eu l'intention de faire application du mécanisme de capitalisation des droits à augmentation relève d'une simple stratégie contentieuse a posteriori ; alors qu'il ne résulte pas de l'examen de la délibération du 23 mars 2024 que la CAPB aurait entendu utiliser ce mécanisme et en ne faisant pas figurer les modalités de la majoration, alors qu'une augmentation proportionnelle de 5 % était envisagée, cette délibération est illégale au regard des dispositions combinées du I de l'article 1639 A et du IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts ;
- le moyen tiré d'une omission à statuer du premier juge sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir manque en fait ;
- l'intérêt à agir du préfet repose sur la mission constitutionnelle de contrôle de légalité des actes des collectivités locales, qui doit s'exercer alors même que l'Etat aurait manqué à un engagement contractuel en matière de conseil ;
- en tout état de cause cet engagement n'a pas été méconnu ;
- l'Etat a également respecté ses obligations réglementaires en matière de transmission des données fiscales nécessaires à la CAPB ; en choisissant de réunir le conseil communautaire en février 2024 avec des données hypothétiques, la CAPB est seule responsable de l'absence de fiabilité des chiffres présentés ; elle a disposé de ces chiffres le 18 mars 2024 et il lui était loisible de corriger ses estimations et d'informer les conseillers lors de la séance du 23 mars 2024, ce qu'elle n'a pas fait ;
- c'est la CAPB qui a méconnu les dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ; l'insuffisance d'information des conseillers les a privé d'une garantie ; le contrôle de légalité a également été privé d'une garantie ; la décision de mobiliser la réserve ne pouvant être présumée, la mention dans la délibération d'un taux excédant le taux maximal figurant dans l'état 1259 EPC transmis le 18 mars 2024 devait nécessairement conduire à regarder ce taux comme adopté sans que la CAPB ait entendu effectivement déroger à la règle de liaison des taux énoncée par les dispositions combinées des articles I 1° b) de l'article 1636 B sexies du code général des impôts et II de l'article 1636 B decies du code ; le taux devait donc être regardé comme adopté par application d'une variation proportionnelle proscrite pour la CAPB ; ainsi, et sans que la jurisprudence Danthony soit utilement invocable, en adoptant le taux de 29,91 % sans indiquer le montant à reporter ni les modalités selon lesquelles le taux de l'année serait majoré, en méconnaissance du IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts, la CAPB a privé ses conseillers communautaires d'une garantie et a entaché sa délibération d'une illégalité ;
- expurgée du taux illégal de cotisation foncière des entreprises, la délibération conserve sa raison d'être, sa finalité et sa portée pratique, les impositions pouvant être recouvrées selon les modalités de l'année précédente en vertu de l'article 1639 A du code général des impôts ; pour la même raison la délibération conserve son architecture et son équilibre ; elle reste ainsi viable et légale ; les considérations budgétaires sont sans incidence sur l'appréciation de la divisibilité, qui repose sur des critères objectifs ; la divisibilité de l'acte doit donc être confirmée ;
- la CAPB était tenue de faire explicitement mention dans sa délibération, qui constitue une décision relative au taux au sens de l'article 1636 B decies du code général des impôts, de sa décision éventuelle de majorer le taux de cotisation en mobilisant le mécanisme de capitalisation au titre des années antérieures, et d'en préciser les modalités ;
- il résulte des termes du IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts que la charge de matérialiser et de prouver l'existence d'une décision démocratiquement débattue de report ou de majoration du taux de cotisation incombe à l'établissement et non aux services fiscaux ; en outre, dans le cadre de la libre administration, la décision publique ne saurait se présumer ;
- la CAPB était tenue par le texte du IV de l'article 1636 B decies de faire explicitement mention dans la délibération de sa décision éventuelle de majorer le taux de l'année en mobilisation le mécanisme de capitalisation ; il résulte du I de l'article 1639 A du code général des impôts que la nécessaire transmission aux services fiscaux d'une décision de taux conditionne l'effectivité de l'acte matériel de recouvrement de l'imposition et confère son plein effet utile à la délibération, même si sa légalité s'apprécie en principe à la date de son édiction ;
- la CAPB était tenue de soumettre la décision relative au report ou à la majoration du taux de cotisation foncière au vote des conseillers communautaires ; or, il ne ressort nullement des termes de da délibération que les conseillers auraient été mis en mesure de se prononcer sur une éventuelle application du mécanisme de capitalisation de réserves ; la seule mention selon laquelle " il est proposé de faire évoluer les taux " est à cet égard insuffisante.
Le président de la cour a désigné M. B... A... comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique tenue le 30 septembre 2024 à 14h30 en présence de M. Pelletier, greffier d'audience :
- le rapport de M. A...,
- les observations de Me Caubet-Hilloutou, représentant la CAPB, qui reprend les termes de ses écritures, en faisant notamment valoir que le code général des impôts n'exclue pas la mobilisation sur un exercice de trois années de réserves constituées en application du IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts ; cela permettait en l'espèce d'envisager un taux de contribution foncière des entreprises de 31,88 % mais la CAPB a fait le choix, que rien n'interdisait, de limiter le taux à 29,91 % pour le caler sur une même augmentation de 5 % que les autres taxes locales ; qu'une substitution de motif est le cas échéant possible à supposer qu'il faille regarder la délibération comme manifestant la mise en œuvre d'un taux proportionnelle sur le fondement du a) de l'article 1636 B sexies du code ; que la CAPB n'avait pas augmenté la fiscalité locale depuis 2017 ; que l'ordonnance est irrégulière ; que le respect par l'Etat de ses obligations contractuelles, qui s'exerce dans le cadre d'une liberté fondamentale, a délégitimé l'intérêt pour agir du préfet ; que la délibération fixant les taux présente un caractère indivisible ; que le législateur n'a pas entendu subordonner la légalité de l'augmentation de taux à des procédures bureaucratiques de transmission ; que cette transmission ne conditionne ni la création par l'établissement de la réserve d'augmentation, ni son utilisation ; que la réserve dépend d'ailleurs uniquement de l'historique d'utilisation de sa réserve et que, en fonction des taux adoptés les années précédentes par la collectivité, l'administration disposait de tous les éléments d'information utile ;, que l'information est exigée non dans la délibération elle-même mais dans l'état 1259 transmis aux services fiscaux ; que le débat démocratique a de toute façon eu lieu en amont de la transmission de la délibération ; et que le droit à l'information ne suppose pas que les conseillers communautaires soient informés de chaque élément technique.
- et les observations de MM. Odru et Vilarrubias, représentant le préfet des Pyrénées-Atlantiques, qui reprennent ses écritures, en faisant notamment valoir qu'aucun texte ne prévoit que l'utilisation de la réserve puisse se présumer ou se faire implicitement, les collectivités devant au contraire expliquer les modalités de majorations, qu'aucun des procès-verbaux ne fait mention de l'intention d'utiliser la réserve, que l'utilisation de la réserve relative à 2021 était envisageable car sa constitution avait été explicitée, que l'utilisation effective de la réserve est un acte normatif important qui nécessite qu'elle figure dans une délibération, qu'à aucun moment les conseillers communautaires n'ont été en mesure de se prononcer sur l'utilisation de l'intégralité de la réserve, que le rapport d'orientation budgétaire se borne à mentionner une variation proportionnelle pour les 4 taxes ; c'est la délibération qui doit être transmise avec des mentions explicites, le formulaire 1259 ne comportait pas davantage de mention ni même de signatures.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Une note en délibéré a été enregistrée le 30 septembre 2024 par la CAPB dans l'instance n° 24BX02144.
Considérant ce qui suit :
1. Le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays basque (CAPB) a fixé les taux des impositions directes locales au titre de l'année 2024 par une délibération votée le 23 mars 2024. Aux termes de celle-ci, le taux de la cotisation foncière des entreprises a été fixé à 29,91 %, celui de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires à 9,39 %, celui de la taxe foncière sur les propriétés bâties à 2,93 % et celui de la taxe foncière sur les propriétés non bâties à 4,06 %. Dans le cadre du contrôle de légalité, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a, par un courrier du 4 avril 2024, indiqué à la communauté d'agglomération du Pays basque qu'il estimait cette délibération illégale en tant que le taux de cotisation foncière des entreprises ne pouvait excéder 28,84 %. En l'absence de réponse de la part de l'établissement public, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Pau, sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, d'une demande de suspension de l'exécution de la délibération du 23 mars 2024 en tant qu'elle a fixé le taux de cotisation foncière des entreprises à 29,91 %. La CAPB, par une requête enregistrée sous le n° 24BX02144, relève appel de l'ordonnance n° 2401863 du 22 août 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Pau en ce que, à son article 2, elle a fait droit à la demande de suspension du préfet des Pyrénées-Atlantiques. Par une requête enregistrée sous le n° 24BX02145, la CAPB demande également au juge des référés de prononcer le sursis à exécution de l'article 2 de l'ordonnance.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n°s 24BX02144 et 24BX02145 de la CAPB présentent à juger la même question et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. En premier lieu, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a retenu comme étant de nature à faire naître, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de la délibération du 23 mars 2024, le moyen tiré de ce que le taux de cotisation foncière des entreprises voté par la CAPB ne pouvait être augmenté proportionnellement, lequel était invoqué par le préfet et constituait le motif même de son déféré. Si le premier juge a notamment relevé, à l'appui de cette solution, que la CAPB n'établissait pas avoir fait effectivement application du mécanisme de capitalisation des droits à augmentation prévu au IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts et en avoir informé les services fiscaux en application de l'article 1639 A, il n'a pas ce faisant soulevé d'office des moyens qui n'étaient pas d'ordre public sans les verser au débat contradictoire, ainsi que le soutient la CAPB, mais s'est borné à se livrer à une appréciation des données du dossier et des arguments des parties lui paraissant pertinents, au regard des dispositions légales applicables au litige, pour apporter une réponse au moyen susmentionné.
4. En second lieu, en indiquant que l'autorité préfectorale n'est pas tenue à l'obligation de justifier d'un intérêt pour agir lorsqu'elle défère au juge administratif un acte d'une autorité soumise au contrôle de légalité, le juge des référés du tribunal administratif a répondu, contrairement à ce que soutient la CAPB, à la fin de non-recevoir opposée au déféré du préfet des Pyrénées-Atlantiques tirée de ce qu'il ne justifiait pas d'un intérêt légitime à agir dans la mesure où l'Etat n'aurait pas respecté certains engagements à l'égard de l'établissement public de coopération intercommunale.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
5. En premier lieu, en vertu du 3ème alinéa de l'article 72 de la Constitution et des articles 2 et 3 de la loi du 2 mars 1982, il relève de la mission du représentant de l'Etat dans le département d'exercer un recours pour excès de pouvoir contre tous les actes pris selon lui illégalement par les collectivités locales et leurs établissements, ou en leur nom et pour leur compte, sans avoir à justifier d'un intérêt particulier à agir, ainsi que l'a relevé le premier juge. La CAPB ne saurait utilement invoquer une " délégitimation " de l'exercice de cette mission constitutionnelle tenant à ce que l'Etat n'aurait pas selon elle respecté certains engagements à son endroit. Par suite, la fin de non-recevoir opposée pour ce motif à la demande de première instance doit être écartée.
6. En second lieu, et d'une part, il ne résulte pas des dispositions du code général des impôts relatives, pour les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité professionnelle unique, à la détermination du taux annuel de la contribution foncière des entreprises, que celui-ci serait corrélé aux taux des autres taxes locales fixés au titre de cette même année. D'autre part, la remise en cause de ce taux est sans incidence sur la légalité et l'applicabilité de la délibération en ce qu'elle établit les taux annuels des autres taxes. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance et tirée de ce que le préfet ne pouvait déférer une disposition issue d'un acte indivisible doit être également écartée.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance :
7. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'État dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3ème alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales [...]. ". Cet alinéa dispose que : " Le représentant de l'État peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois. ". Les dispositions précitées ont été rendues applicables aux établissements publics de coopération intercommunale en vertu de l'article L. 5211-3 du code général des collectivités territoriales.
8. Aux termes de l'article 1379-0 bis du code général des impôts : " I. - Perçoivent la cotisation foncière des entreprises (...) : 2° Les communautés d'agglomération ". Aux termes de l'article 1609 nonies du même code : " I. - Les établissements publics de coopération intercommunale mentionnés au I de l'article 1379-0 bis sont substitués aux communes membres pour l'application des dispositions relatives à la cotisation foncière des entreprises et pour la perception du produit de cette taxe (...). " Aux termes 1636 B sexies du même code : " I. - 1. Sous réserve des dispositions des articles 1636 B septies et 1636 B decies les conseils municipaux et les instances délibérantes des organismes de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre votent chaque année les taux des taxes foncières, de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale et de la cotisation foncière des entreprises. Ils peuvent : / a) Soit faire varier dans une même proportion les taux des quatre taxes appliqués l'année précédente ; / b) Soit faire varier librement entre eux les taux des quatre taxes. Dans ce cas : / 1° Le taux de cotisation foncière des entreprises et le taux de taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale : / - ne peuvent, par rapport à l'année précédente, être augmentés dans une proportion supérieure à l'augmentation du taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties ou, si elle est moins élevée, à celle du taux moyen des taxes foncières, pondéré par l'importance relative des bases de ces deux taxes pour l'année d'imposition ; / - ou doivent être diminués, par rapport à l'année précédente, dans une proportion au moins égale, soit à la diminution du taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties ou à celle du taux moyen pondéré des taxes foncières, soit à la plus importante de ces diminutions lorsque ces deux taux sont en baisse (...) ". Et aux termes de son article 1636 B decies : " (...) II. - Les établissements publics de coopération intercommunale faisant application de l'article 1609 nonies C ou du I ou du II de l'article 1609 quinquies C votent le taux de la cotisation foncière des entreprises dans les limites définies au b du 1, au 2, au 3 et au 5 du I de l'article 1636 B sexies et à l'article 1636 B septies (...). IV. - Pour les établissements publics de coopération intercommunale visés au II, la différence constatée au titre d'une année entre le taux maximum de cotisation foncière des entreprises résultant des dispositions du deuxième alinéa du b du 1 du I de l'article 1636 B sexies et le taux de cotisation foncière des entreprises voté conformément à ces mêmes dispositions peut être, sous réserve des dispositions de l'article 1636 B septies, ajoutée, partiellement ou totalement, au taux de cotisation foncière des entreprises voté par l'établissement public de coopération intercommunale au titre de l'une des trois années suivantes (...). Les décisions relatives aux taux transmises aux services fiscaux dans les conditions prévues au I de l'article 1639 A doivent indiquer le montant à reporter conformément au premier alinéa ainsi que les modalités selon lesquelles le taux de l'année est majoré dans les conditions prévues audit alinéa ". Enfin, aux termes de l'article 1639 A du code : " I. Sous réserve des dispositions de l'article 1639 A bis, les collectivités locales et organismes compétents font connaître aux services fiscaux, avant le 15 avril de chaque année, les décisions relatives soit au taux, soit aux produits, selon le cas, des impositions directes perçues à leur profit (...) ".
9. En vertu des dispositions combinées du b) du 1 du I de l'article 1636 B sexies et du II de l'article 1636 B decies du code général des impôts, le taux de cotisation foncière des entreprises adopté chaque année par les organes délibérants des communautés d'agglomération à fiscalité professionnelle unique est lié aux taux moyens pondérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties ou des taxes foncières constatés l'année précédente sur le territoire de l'EPCI. Ces établissements ne sauraient, par suite, faire varier le taux des taxes foncières, de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, et de la cotisation foncière des entreprises, dans une même proportion.
10. Toutefois, par dérogation à la règle de lien entre les taux d'imposition ci-dessus énoncée et encadrant l'évolution du taux de cotisation foncière des entreprises, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité professionnelle unique peuvent augmenter leur taux de cotisation foncière des entreprises en utilisant le mécanisme de capitalisation des droits à augmentation, dit " mécanisme de réserve ", prévu par les dispositions du IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts. Ainsi qu'il résulte de ces mêmes dispositions, la mise en œuvre de ce mécanisme ne peut se présumer et doit donner lieu à une option expresse, laquelle résulte d'une décision adoptée par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunal dans les conditions fixées par le code général des collectivités territoriales.
11. D'une part, la CAPB ne conteste pas qu'elle n'est pas au nombre des organismes de coopération intercommunale disposant de la faculté de faire varier dans une même proportion les taux des quatre taxes appliqués l'année précédente sur le fondement du a) de l'article 1636 B sexies du code général des impôts. Or, il est constant que la délibération du 23 mars 2024 prévoit l'application d'un même taux d'augmentation de 5 % des quatre taxes locales. D'autre part, si la CABP prétend que le taux de 29,91 % ainsi retenu au titre de l'année 2024 pour la contribution foncière des entreprises par la délibération litigieuse correspondrait non pas à l'application des dispositions du a) de l'article 1636 B sexies du code général des impôts mais à la mise en œuvre, en application du IV de l'article 1636 B decies du code, de réserves d'augmentation constituées au cours des trois exercices antérieurs, dont elle aurait choisi de faire usage à hauteur dudit taux afin qu'il corresponde à une même proportion d'augmentation que celle retenue pour les trois autres taxes, par souci d'équité et de modération fiscale, cette affirmation n'est corroborée par aucun élément au dossier. Il n'est notamment démontré ni par les mentions du rapport d'orientation budgétaire, ni par les échanges entre l'établissement public et les services fiscaux, ni encore par les termes mêmes de la délibération contestée que ce choix de gestion et ses modalités de mise en œuvre auraient été portés à la connaissance tant des conseillers communautaires, dont le droit à l'information est garanti par les articles L. 2121-13 et L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales, que de l'administration fiscale, dans les conditions prévues par les dispositions précitées des articles 1636 B decies et 1639 A du code général des impôts. Il en résulte, ainsi que l'a estimé le premier juge, un doute sérieux quant à la légalité de la délibération du 23 mars 2024.
12. Par suite, la CAPB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 de l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a suspendu l'exécution de la délibération du 23 mars 2024 en tant qu'elle fixe à 29,91 % le taux de la contribution foncière des entreprises pour l'année 2024.
Sur la requête n° 24BX02445 :
13. La présente décision se prononce sur les conclusions de la requête n° 24BX02444 tendant à l'annulation de l'article 2 de l'ordonnance n° 2401863 du 22 août 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Pau. Par suite, la requête aux fins de sursis à l'exécution de ce même article de l'ordonnance est désormais dépourvue d'objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les frais d'instance :
14. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la CAPB sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
ORDONNE :
Article 1er : La requête n° 24BX02144 de la CAPB est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24NBX02145 de la CAPB.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la communauté d'agglomération du Pays basque et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Fait à Bordeaux, le 3 octobre 2024.
Le juge d'appel des référés,
B... A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N°s 24BX02144, 24BX02145