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11/06/2024 | FRANCE | N°22BX02465

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 11 juin 2024, 22BX02465


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, et des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2000574 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire compl

mentaire, enregistrés les 13 septembre 2022 et 3 avril 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Montoulieu, demandent à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2000574 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 septembre 2022 et 3 avril 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Montoulieu, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 12 juillet 2022 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils remplissent l'ensemble des conditions posées par le I de l'article 81 A du code général des impôts pour pouvoir prétendre à l'exonération d'impôt sur les revenus perçus par M. A... en 2014 et 2015 en rémunération de son activité exercée à l'étranger ;

- l'administration a d'ailleurs admis cette exonération pour l'année 2011, or la situation de M. A... n'a aucunement été modifiée entre son embauche en 2008 et son licenciement en 2016 ; il s'agit donc d'une prise de position formelle de l'administration dont ils entendent se prévaloir sur le fondement des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- l'administration a fait une lecture erronée de son contrat de travail et a reviré de position de manière injustifiée.

Par des mémoires enregistrés le 10 mars et 21 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin ;

- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Suite à un contrôle sur pièces portant sur l'année 2014 et un examen de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2015 et 2016, l'administration fiscale a adressé, les 20 novembre 2017 et 13 décembre 2018, à M. et Mme A..., deux propositions de rectification les informant qu'elle comptait remettre en cause le régime d'exonération sous lequel M. A... avait placé ses salaires perçus à l'étranger au titre des années 2014 et 2015, rectifiant l'imposition due à hauteur de 67 335 euros pour l'année 2014 et de 55 494 euros pour l'année 2015. Ces impôts supplémentaires ont été recouvrés les 30 septembre 2018 et 30 juin 2019. M. et Mme A... ont présenté une réclamation préalable rejetée par l'administration le 17 janvier 2020. Par la présente requête, ils relèvent appel du jugement du 12 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, et des pénalités correspondantes.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. D'une part, aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus (...) ". L'article 4 B du même code dispose que : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (...) ".

3. D'autre part, aux termes du I de l'article 81 A du code général des impôts : " I. - Les personnes domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui exercent une activité salariée et sont envoyées par un employeur dans un Etat autre que la France et que celui du lieu d'établissement de cet employeur peuvent bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu à raison des salaires perçus en rémunération de l'activité exercée dans l'Etat où elles sont envoyées. / L'employeur doit être établi en France ou dans un autre Etat membre de l'Union européenne, ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ".

4. Pour l'application de ces dispositions, la circonstance qu'une personne ayant son domicile fiscal en France soit formellement liée par un contrat de travail avec une société établie, tout à la fois, hors de France, d'un autre Etat membre de l'Union européenne et d'un autre Etat membre de l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative ne suffit pas, à elle seule, à exclure que cette personne puisse se trouver dans une relation de subordination à l'égard d'un employeur établi en France, dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat membre de l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative. Dans une telle hypothèse, il appartient au juge de l'impôt, saisi d'une argumentation en ce sens, de rechercher si, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce et des justifications produites par le salarié, celui-ci peut être regardé comme ayant été envoyé, pour l'exercice de son activité salariée, par un employeur établi en France, au sein d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat membre de l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative, dans un Etat autre que la France et que celui du lieu d'établissement de cet employeur et, par suite, comme relevant du champ d'application de l'exonération prévue au I de l'article 81 A du code général des impôts.

5. Il résulte de l'instruction que M. A... bénéficiait, au moment des années d'imposition en litige, d'un contrat de travail conclu en 2008 avec la société Atlantic Marine Services (Cyprus), groupe limited-Dubaï branch. Il est constant que cette société est établie à Dubaï où elle a son siège social et où elle est immatriculée. Il est également constant que cette société est une filiale de la société Atlantic Marines Services (Cyprus) Group Limited, établie à Nicosie (Chypre), elle-même intégrée au sein d'un grand groupe pétrolier disposant de plusieurs succursales dans différents pays. S'il est acquis que M. A... était, pour les années en litige, fiscalement domicilié en France et qu'il exerçait une activité salariée en Irak, ce dernier soutient également avoir été employé par la société mère établie à Chypre, et remplir ainsi l'ensemble des conditions pour pouvoir bénéficier de l'exonération fiscale prévue par les dispositions précitées de l'article 81 A du code général des impôts. Il résulte toutefois de l'instruction qu'en sus de son contrat de travail, ses bulletins de salaire étaient établis par la société établie à Dubaï, tout comme sa lettre de licenciement du 21 octobre 2015. Ce dernier avait d'ailleurs fourni à l'administration une attestation d'employeur datée de mars 2016 à l'entête de la filiale de Dubaï. Si les requérants produisent une nouvelle attestation établie par la société mère immatriculée à Chypre le 23 novembre 2017 indiquant, en langue anglaise, qu'elle a employé M. B... A... en tant que gestionnaire de plate-forme entre le 22 novembre 2008 et le 16 octobre 2015, cette pièce ne suffit pas à la faire regarder, eu égard à ce qui a été dit précédemment et à l'autonomie accordée à sa branche établie à Dubaï, comme l'employeur de M. A... au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 81 A du code général des impôts. Il en est de même du courrier de l'organisme assurant la couverture sociale du requérant qui indique simplement que la société mère, implantée à Chypre, a adhéré à cet organisme pour le compte de l'ensemble de ses employés, y compris ceux dépendant de ses filiales, circonstance qui ne suffit pas à remettre en cause le lien direct unissant M. A... et la société Atlantic Marine Services (Cyprus), groupe limited-Dubaï branch. Enfin, comme l'a retenu à juste titre le tribunal, aucun des autres éléments invoqués par les requérants, relatifs notamment à la devise dans laquelle les salaires sont réglés, à la nature des primes versées en 2015 et au remboursement de frais d'un stage réalisé à l'école française de forage, pour le compte la société Atlantic Onshore Service Service BV, société de droit néerlandais faisant partie du même groupe, ne permettent de justifier d'un lien salarial entre le requérant et la société mère. Dans ces conditions, M. A..., qui était employé par une société établie à Dubaï, ne peut être regardé comme ayant été envoyé, pour l'exercice de son activité salariée, par un employeur établi en France, au sein d'un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et, par suite, comme relevant du champ d'application de l'exonération prévue au I de l'article 81 A du code général des impôts.

Sur l'interprétation de la loi fiscale :

6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa version alors en vigueur : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. (...) ".

7. Les requérants se prévalent de ce que dans le cadre de leur déclaration de revenus pour l'année 2011, l'administration fiscale n'a pas remis en cause le régime d'exonération des salaires perçus par M. A... pour son activité exercée en Irak sous lequel il s'était placé, quand bien même elle avait été destinataire, suite à une demande de renseignements de sa part, de la copie du contrat de travail de 2008. Toutefois, la déclaration d'un contribuable non suivie d'une remise en cause par l'administration n'est pas une décision prise par l'administration au sens de l'article L. 80 B. Ainsi, et alors que la note manuscrite non datée et non signée d'une agente des finances publiques dont ils se prévalent, n'est pas de nature à remettre en cause un tel principe, le moyen tiré de ce que l'administration aurait pris une position formelle dont ils pourraient se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, et des pénalités correspondantes. Par suite, leurs conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

La rapporteure,

Héloïse Pruche-MaurinLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02465


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02465
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : MONTOULIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;22bx02465 ?
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