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28/05/2024 | FRANCE | N°21BX01360

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 28 mai 2024, 21BX01360


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Nature Environnement 17, l'association SOS Rivières et Environnement et l'association Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2018 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a délivré au syndicat mixte des réserves de substitution de la Charente-Maritime (SYRES 17) l'autorisation unique de création, de réhabilitation et d'exploitation de vingt-deux réserves de substitutio

n sur le bassin de la Boutonne.



Par un jugement n° 1900250 du 4 février 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Nature Environnement 17, l'association SOS Rivières et Environnement et l'association Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2018 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a délivré au syndicat mixte des réserves de substitution de la Charente-Maritime (SYRES 17) l'autorisation unique de création, de réhabilitation et d'exploitation de vingt-deux réserves de substitution sur le bassin de la Boutonne.

Par un jugement n° 1900250 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 26 septembre 2018.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête n°21BX01360 et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er avril 2021 et 21 juin 2023, le syndicat mixte des réserves de substitution de la Charente-Maritime (SYRES 17), représenté par Me Marc, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900250 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande des associations Nature Environnement 17, SOS Rivières et Environnement et Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) d'annulation de l'arrêté du 26 septembre 2018 ;

3°) à titre subsidiaire, de mettre en œuvre les dispositions des 1° et 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;

4°) de mettre à la charge de ces associations la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de les condamner aux entiers dépens.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne comporte pas la signature des magistrats en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'étude d'impact n'est pas insuffisante qu'il s'agisse de la réserve R19 et de son impact sur l'outarde canepetière, de la séquence éviter, réduire, compenser (ERC) ou de l'impact réel du projet sur son environnement, ou, enfin, des tests de rabattement de nappe ; ce premier motif d'annulation doit être invalidé ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le projet ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement ; ce second motif d'annulation doit être invalidé ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le préfet n'a pas entaché la décision contestée d'une erreur manifeste d'appréciation en ne fixant pas de seuil de coupure pour 17 des réserves projetées ; ce troisième motif d'annulation doit être invalidé ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le projet n'avait pas à faire l'objet d'une demande préalable de dérogation espèces protégées en application des dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 avril et 21 juillet 2023, les associations Nature Environnement 17, SOS Rivières et Environnement et Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), représentées par Me Le Briero, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat et du SYRES 17 la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 24 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 8 septembre 2023.

II. Par une requête n° 21BX01416 et un mémoire complémentaire enregistrés les 2 avril et 30 juin 2021, le ministre de la transition écologique demande à la cour d'annuler le jugement n° 1900250 du 4 février 2021 du tribunal administratif de Poitiers et de rejeter la demande des associations Nature Environnement 17, SOS Rivières et Environnement et Ligue pour la protection des oiseaux (LPO).

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges n'ont pas suffisamment détaillé les raisons pour lesquelles ils ont considéré que l'absence de seuils de coupure pour 17 des réserves de substitution était de nature à entacher l'arrêté contesté d'une erreur manifeste d'appréciation ; le jugement est ainsi entaché d'un défaut de motivation ;

- les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur décision s'agissant de la méconnaissance des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement dès lors qu'ils n'ont pas précisé de quelles espèces il s'agissait ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

- l'étude d'impact était suffisante s'agissant de la réserve R19 et de son impact sur l'outarde canepetière ;

- l'étude d'impact a bien respecté la méthodologie ERC ;

- l'étude d'impact était suffisante s'agissant des tests de rabattement de nappe ;

- l'arrêté contesté ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement dès lors qu'une évaluation Natura 2000 n'était pas nécessaire ;

- le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne fixant pas de seuils de coupure pour 17 des réserves projetées ; des seuils de coupure ont été fixés pour 3 réserves ; pour les autres, le préfet pourra prescrire, si besoin, des mesures complémentaires, dont la mise en œuvre de seuils de coupure, si cela s'avérait nécessaire ;

- l'arrêté contesté ne méconnaît pas les dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement dès lors qu'il ne devait pas être précédé d'une demande de dérogation espèces protégées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 avril et 21 juillet 2023, les associations Nature Environnement 17, SOS Rivières et Environnement et Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), représentées par Me Le Briero, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat et du SYRES 17 la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2023.

Pour faire suite à une demande de la cour de production d'éléments en vue de compléter l'instruction, présentée sur le fondement des dispositions de l'article R. 613-1- du code de justice administrative, des pièces complémentaires ont été enregistrées pour le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires le 14 février 2024.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau ;

- l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 relative à l'expérimentation d'autorisation unique pour les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- le décret n°2014-751 du 1er juillet 2014 d'application de l'ordonnance n°2014-619 du 12 juin 2014 ;

- l'arrêté du 27 août 1999 portant application du décret n° 96-102 du 2 février 1996 et fixant les prescriptions générales applicables aux opérations de vidange de plans d'eau soumises à déclaration en application des articles L. 214-1 et L. 214-3 du code de l'environnement et relevant des rubriques 3.2.4.0 (2°) de la nomenclature annexée au décret n° 93-743 du 29 mars 1993 modifié ;

- l'arrêté du 11 septembre 2003 portant application du décret n° 96-102 du 2 février 1996 et fixant les prescriptions générales applicables aux prélèvements soumis à autorisation en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement et relevant de la rubrique 1.1.2.0, 1.2.1.0, 1.2.2.0 ou 1.3.1.0 de la nomenclature annexée au décret n° 93-743 du 29 mars 1993 modifié ;

- l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin,

- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public,

- et les observations de M. B... D..., directeur du SYRES 17, de Me Marc, représentant l'association Nature Environnement 17, l'association SOS Rivières et Environnement et la LPO, de M. Patrick Picaud, vice-président de l'association Nature Environnement 17 et de Mme A... C..., juriste de l'association Nature Environnement 17.

Une note en délibéré a été enregistrée dans chaque dossier le 16 mai 2024, présentées pour l'association Nature Environnement 17, l'association SOS Rivières et Environnement et la LPO par Me Le Briero.

Une note en délibéré a été enregistrée dans l'instance 21BX01360 le 21 mai 2024, présentée pour le syndicat mixte des réserves de substitution de la Charente-Maritime (SYRES 17) par Me Marc.

Considérant ce qui suit :

1. Le 21 décembre 2016, le syndicat mixte des réserves de substitution de la Charente-Maritime (SYRES 17) a déposé une demande d'autorisation unique pour la construction et l'exploitation de 23 réserves de substitution et la réfection d'une réserve existante sur les bassins versants moyen et aval de la Boutonne, sur le territoire de dix-sept communes, pour une capacité de stockage maximale d'environ 6 millions de m3. Par arrêté du 26 septembre 2018, le préfet de la Charente-Maritime lui a délivré l'autorisation sollicitée dans la limite de 21 réserves créées et la réhabilitation de celle existante, pour un volume total de stockage de 5,08 millions de m3. Par un jugement du 4 février 2021, le tribunal de Poitiers a, sur la demande des associations Nature Environnement 17, SOS Rivières et Environnement et Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), annulé l'arrêté du 26 septembre 2018. Par les présentes requêtes, le SYRES 17 et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demandent l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande des associations.

2. Les présentes requêtes sont relatives au même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par le même arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

4. Il ressort de la minute du jugement attaqué qu'elle a été signée par le rapporteur, le président et le greffier, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative cité au point précédent. La circonstance que l'ampliation des jugements qui a été notifiée aux parties ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ces jugements.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

6. D'une part, le ministre soutient que les premiers juges n'ont pas suffisamment précisé en quoi l'absence de seuils de coupure était de nature à entacher l'arrêté contesté d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la sensibilité du milieu. Toutefois, il résulte des termes du jugement, et notamment de son point 12, que le tribunal a détaillé l'ensemble des raisons pour lesquelles il a considéré que le milieu naturel impacté par les prélèvements en eau était particulièrement sensible et qu'il déduisait ainsi, qu'en ne fixant pas de seuils de coupure pour 17 des 21 réserves projetées, le préfet avait commis une erreur manifeste d'appréciation. Dans ces conditions, les premiers juges ont suffisamment motivé les raisons pour lesquelles ils retenaient ce motif d'annulation. D'autre part, il résulte du point 16 du jugement attaqué que les premiers juges ont également suffisamment motivé les raisons pour lesquelles ils ont retenu le motif d'annulation tiré de la méconnaissance des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement en l'absence de dérogation aux espèces protégées, quand bien même ils n'ont pas détaillé les espèces concernées en dehors du renvoi à leurs développements relatifs à l'insuffisance de l'étude d'impact et donc, implicitement mais nécessairement, à l'atteinte aux outardes canepetières. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement sur ces points doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact :

7. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige : " I. Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II.-En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, (...)8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : -éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; -compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ainsi que d'une présentation des principales modalités de suivi de ces mesures et du suivi de leurs effets sur les éléments mentionnés au 5° ; 9° Le cas échéant, les modalités de suivi des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées ;(...) V. Pour les projets soumis à une étude d'incidences en application des dispositions du chapitre IV du titre Ier du livre IV, le formulaire d'examen au cas par cas tient lieu d'évaluation des incidences Natura 2000 lorsqu'il permet d'établir l'absence d'incidence sur tout site Natura 2000. S'il apparaît après examen au cas par cas que le projet est susceptible d'avoir des incidences significatives sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ou si le projet est soumis à évaluation des incidences systématique en application des dispositions précitées, le maître d'ouvrage fournit les éléments exigés par l'article R. 414-23. L'étude d'impact tient lieu d'évaluation des incidences Natura 2000 si elle contient les éléments exigés par l'article R. 414-23 ".

8. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

S'agissant des branches de moyen retenues pour l'annulation :

Quant à la réserve R19 et son impact sur l'outarde canepetière :

9. Pour annuler l'autorisation contestée, les premiers juges ont retenu que l'étude d'impact était insuffisante s'agissant de la réserve R19 et de son impact sur l'outarde canepetière. Il résulte toutefois de l'instruction que cette étude comporte un examen détaillé de l'état initial de l'environnement, basé sur 8 campagnes de prospections réalisées entre 2009 et 2014, ainsi que de l'impact du projet sur les espèces et habitats Natura 2000. Elle est complétée par des sous-dossiers, consacrés chacun à une réserve. Il résulte du sous-dossier consacré à la R19 que cette dernière n'est incluse dans aucun site Natura 2000 et n'inclut aucun habitat d'intérêt communautaire et qu'elle n'intercepte ainsi pas la zone de protection spéciale (ZPS) " Vallée de Néré à Bresdon ", site Natura 2000, situé à environ 6 km à l'est, d'importance nationale en raison des effectifs d'outardes canepetières, abritant, entre autres, 10 % des mâles chanteurs de cette espèce particulièrement protégée, ni le projet d'extension de ce site. L'étude d'impact conclut ainsi à l'absence d'impact négatif à court et long terme sur les sites Natura 2000 de la R19 et à l'absence, en conséquence, de mise en œuvre de mesures réductrices s'agissant de cette réserve. Si lors de l'examen de la demande, les services instructeurs ont sollicité des compléments s'agissant notamment de l'évaluation des incidences Natura 2000, en raison notamment du projet d'extension du site Natura 2000, il résulte de l'instruction que cette demande concernait plus spécifiquement l'état initial de l'environnement de 6 réserves de substitution dans laquelle la R19 n'est pas comprise (R2, R4, R14, R16, R20 et R25), la R19 étant seulement évoquée, à la marge, dans le cadre des précisions à apporter s'agissant des mesures de réduction et d'accompagnement pour les réserves " R14, R20, R25 voire R19 ". Dans son complément de novembre 2017, le pétitionnaire spécifie l'impact sur les sites Natura 2000, et en particulier sur l'outarde canepetière, des 6 réserves indiquées ci-dessus et n'évoque la R19 que dans le cadre des mesures de réduction d'impact proposées, consistant à circonscrire l'arrachage des haies en période hivernale pour éviter la période de reproduction des espèces protégées. Dans son avis du 4 décembre 2017, la direction départementale des territoires et de la mer donne un avis favorable sous réserve de la mise en œuvre de mesures d'accompagnement s'agissant de la R14 concernée par des enjeux fort sur l'outarde canepetière et de la soumission préalable du projet à une demande de dérogation d'espèces protégées s'agissant des R20 et R25. Elle n'évoque pas la R19, pour laquelle la complétude des études, notamment s'agissant de l'état initial de la faune et de l'impact de l'installation sur cette faune, n'est ainsi pas remise en cause. De manière identique, l'autorité environnementale relève dans son avis du 29 décembre 2017 la complétude de l'étude d'impact et indique, qu'hormis pour les R20 et R25, la réduction des impacts des réserves sur l'avifaune de plaine, et plus spécifiquement l'outarde canepetière, apparaît suffisante. Si les associations défenderesses soutiennent que ces données sont erronées et insuffisantes, elles s'appuient sur les relevés et rapports émis par l'une d'entre elles, la LPO, dont il résulte qu'il existerait davantage de rassemblements postnuptiaux d'outardes canepetières dans le secteur de la R19 (7 en 2013 et 2014) contre un recensé (en 2014) par l'étude d'impact et que cette réserve se situerait au cœur des " leks " (places de chant de mâles) d'outardes. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'aucun des rassemblements postnuptiaux recensés par la LPO ne se situent à proximité immédiate de la réserve et que, s'agissant des zones de leks, la R19 est exclue et distante de plus de 2,5 km du projet d'extension de la ZPS " Vallée de Néré à Bresdon ". Si les R20 et R25 touchaient quant à elles des zones de leks identifiées, le porteur de projet les a finalement abandonnées compte tenu des trop forts enjeux avifaunistiques qu'elles présentaient. Par suite, et alors que, comme les associations l'indiquent dans leurs écritures, ces données sont transmises annuellement à l'animateur du site Natura 2000, il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, que l'étude d'impact serait insuffisante s'agissant de la réserve R19 et plus spécifiquement s'agissant de son impact sur l'outarde canepetière.

Quant à la séquence éviter-réduire-compenser :

10. Comme second motif d'annulation, les premiers juges ont retenu que l'étude d'impact n'avait pas suivi la méthodologie nécessaire à la détermination des impacts et des meures éviter-réduire-compenser (ERC) devant les atténuer. Or, il résulte de l'instruction que cette étude consacre un chapitre dédié, 6. 7, expliquant la méthodologie retenue pour évaluer les effets du projet sur l'environnement consistant dans l'analyse de l'état initial, puis la détermination des effets potentiels de la création des réserves sur cet environnement, autrement dit les enjeux, permettant ainsi de dégager des mesures d'évitement, puis de réduction et enfin de compensation pour conclure aux impacts des réserves sur leur environnement, après application de ces mesures. Contrairement à qu'a retenu le tribunal, cette méthodologie ressort bien des tableaux insérés en page 29 et suivantes de l'étude d'impact, quand bien même le terme " Impact " est employé pour désigner en réalité les " enjeux ". Ainsi il ne résulte d'aucun élément de l'instruction, et notamment pas de l'avis de l'autorité environnementale qui a relevé la qualité de l'étude d'impact, que le pétitionnaire n'aurait pas respecté la méthodologie ERC et que l'étude d'impact serait insuffisante ou erronée s'agissant des mesures ERC.

Quant aux tests de rabattement de nappe :

11. Il résulte de l'instruction que la période de remplissage des réserves est définie du 1er novembre au 28 février. L'étude d'impact comporte une simulation des effets des substitutions des prélèvements d'eau pour l'irrigation été/hiver sur le débit de la Boutonne qui démontre des effets négatifs réduits sur le débit de la Boutonne en hiver pour des effets positifs significatifs en été. Les associations défenderesses remettent en cause la pertinence et la fiabilité de ces simulations obtenues par modélisation dès lors que, selon elles, les sites retenus ne seraient pas représentatifs (les prélèvements hivernaux sur les affluents n'auraient pas été étudiés et les débits simulés ne permettraient pas une véritable analyse) tout comme les essais menés au printemps, alors que les prélèvements auront lieu l'hiver. Il résulte toutefois de l'étude d'impact que l'évaluation de l'impact des prélèvements pour le remplissage des réserves de substitution a été étudiée selon deux modèles, l'un global, issu d'une étude d'impact hydrogéologique réalisée par le bureau d'étude " Burgéap " en 2006, complété d'une analyse plus fine réalisée par la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne en 2011 qui a permis de modéliser, par le biais de tests de pompages également réalisés sur les affluents de la Boutonne, le comportement hydrologique et hydrogéologique de la Boutonne ainsi que de ses affluents. Cette étude, de presque 200 pages, est annexée à l'étude d'impact et détaille de manière précise les sites testés et les périodes de tests s'étendant du mois de mars à mai 2009. Il en résulte que les essais ont été fait sur 10 sites, correspondants à 10 points de forage existants (pour 62 points de forage utilisés) dont aucun élément de l'instruction ne permet de douter de leur représentativité, et se sont déroulés en " situation de vidange de la ressource au printemps 2009 après la recharge de l'automne 2008 et de l'hiver 2009 ". Les débits retenus ont été rapportés aux conditions météorologiques constatées lors des essais, données qui ont été prises en compte dans l'interprétation des résultats. En outre, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction, contrairement à ce que soutiennent les associations, que ces tests, malgré leur période de réalisation printanière, ne se soient pas effectivement déroulés dans des situations d'hydraulicité représentatives de débits quinquennaux secs de la période hivernale ou de débits médians de la période automnale, comme l'affirme ladite étude. Il en est de même de la fiabilité de la modélisation retenue, qui a pris en compte le comportement hydrologique moyen du bassin sur les 40 dernières années, et des calculs appliqués, qui résultent nécessairement d'une analyse prospective, dont la pertinence n'a d'ailleurs pas été remise en cause par l'autorité environnementale. Si ces études datent de 2006 et 2011, pour des essais effectués en 2009, et si les modalités de gestion des points de prélèvements ont été déterminés par le pétitionnaire sur un modèle de calcul basé sur l'examen des ressources en eau passées (depuis 1969) et non futures, il résulte de l'étude d'impact que le pétitionnaire a prévu la mise en œuvre d'un protocole de suivi du fonctionnement hydrologique aux fins " d'améliorer la connaissance et de reconsidérer la gestion " dès la première année avec un bilan au bout d'un, deux, trois, cinq et dix ans, permettant ainsi d'adapter le projet aux évolutions climatiques et à leurs effets sur la ressource en eau. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que l'étude d'impact serait insuffisante ou erronée s'agissant des tests de rabattement de nappe.

S'agissant des branches de moyen non retenues pour l'annulation :

12. En premier lieu, dans les circonstances détaillées au point 9, il ne résulte pas de l'instruction que l'incidence du projet sur la population d'outarde canepetière de la ZPS " Vallée de Néré à Bresdon " ait été ignorée par le porteur de projet s'agissant de la R19 ou minimisée s'agissant des autres réserves situées à proximité, alors que ces dernières ont fait l'objet d'une étude complémentaire du pétitionnaire en novembre 2017 portant notamment sur ce point. En outre, dans les circonstances détaillées au point 10, il résulte de l'instruction que le pétitionnaire a bien, dans son étude d'impact, défini les enjeux de son projet en termes d'impact sur l'environnement (notamment au regard des espèces protégées, des zones de protection Natura 2000, ou de la ressource en eau) puis déterminé des mesures d'évitement et de réduction, et enfin de compensation, quand bien même il a utilisé le vocable " mesures d'accompagnement " pour désigner ces dernières. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction et notamment de l'étude d'impact, que le pétitionnaire aurait, pour conclure à l'absence de nécessité de dérogation à l'interdiction des atteintes aux espèces protégées ou à l'absence d'impact du projet sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation des sites Natura 2000 concernés, pris en compte les mesures de compensation et ainsi méconnu la séquence " ERC ", quand bien même l'étude confond parfois les vocables.

13. En deuxième lieu, les associations défenderesses soutiennent que l'étude d'impact serait insuffisante et inexacte s'agissant des consommations antérieures des agriculteurs ou exploitations directement raccordés aux ouvrages dès lors qu'elle se réfère à des données anciennes (total des prélèvements pour l'ensemble des exploitations ou agriculteurs raccordés entre 2000 et 2014) et qu'elle intègre les volumes consommés par les agriculteurs et exploitations devant être raccordés aux R20, R25 et R3, toutes trois abandonnées. Il résulte de l'instruction que le dossier de demande a été déposé par le SYRES 17 en décembre 2016 et que l'étude d'impact ne pouvait donc se référer qu'à des données antérieures à cette date. Ladite étude indique, à plusieurs reprises, que le projet global prévoyait initialement un stockage de 5,8 millions de mètres cubes d'eau répartis sur les 24 réserves à créer plus une existante, afin de subvenir aux besoins en eau pour l'irrigation des parcelles de 67 exploitants (sur 119 adhérents à l'association syndicale autorisée (ASA) Boutonne), mais qu'en raison de problèmes de foncier sur une commune, la réserve R3 a été retirée du programme initial de travaux. Elle précise que le projet consiste donc, au moment de dépôt de la demande, en la création de 23 réserves de substitution et la réhabilitation d'une réserve autorisée existante pour une capacité de stockage de 6,029 Mm3 et un volume utile de 5,589 Mm3. Elle détaille les caractéristiques de l'ensemble des réserves projetées, et notamment les capacités de stockage, et comporte un paragraphe dédié à la justification de la détermination des volumes stockés. Il en résulte que ces volumes ont été établis à partir des historiques de consommation (historique des volumes prélevés par l'ensemble des exploitants adhérents de l'ASA Boutonne), réalisés par l'agence de l'eau Adour-Garonne sur la période 2000-2014 à partir des données de la redevance " prélèvements pour l'irrigation " sur tous les compteurs identifiés comme correspondant à une unité de prélèvement (UP) dans la liste des adhérents à l'ASA, et après avoir distingué les UP raccordées aux réserves et celles non raccordées. Le volume annuel maximum prélevé par les adhérents raccordés aux réserves (en 2001) a été retenu puis un abattement de 10% a été appliqué au titre des efforts d'économies d'eau (condition de financement public édictée par l'instruction ministérielle du 4 juin 2015) pour obtenir un volume total éligible de 5,85 Mm3 Quand bien même ce total comprend les 3 réserves finalement retirées du projet, il résulte de ce qui précède que le retrait de la R3 était clairement indiqué dans l'étude d'impact, tandis que le courrier du SYRES 17 de janvier 2018 informant du retrait des réserves R20 et R25 du projet était joint au dossier soumis à enquête publique, l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 3 janvier 2018 prescrivant l'ouverture de l'enquête publique ayant d'ailleurs été modifié sur ce point le 8 février 2018. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que cet élément ait eu pour effet de nuire à l'information complète de la population quant au volume de stockage retenu par le pétitionnaire ou qu'il ait été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative qui a d'ailleurs pris en compte la suppression de ces 3 réserves pour autoriser un volume utile de stockage moindre s'élevant à 5,084 Mm3. Enfin, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction, contrairement à ce que soutiennent les associations, que l'analyse des impacts de l'autorisation qui se base sur les volumes autorisés et non les volumes consommés, conduirait à maximiser les économies d'eau effectués et les bénéfices attendus du projet.

14. En dernier lieu, dans les circonstances détaillées au point 11, les associations défenderesses ne sont pas fondées à soutenir que l'étude d'impact serait incomplète quant à l'analyse des prélèvements sur la ressource en eau et les milieux humides, analyse qui résulte de la combinaison de plusieurs approches et de tests effectués sur 10 points de forage dont il ne résulte pas de l'instruction, comme il a été déjà dit, qu'ils ne seraient pas suffisamment représentatifs.

En ce qui concerne le motif d'annulation tiré de la méconnaissance de l'article L. 414-4 du code de l'environnement et de l'insuffisance de l'évaluation Natura 2000 :

15. Aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : (...) 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; (...) III. - Sous réserve du IV bis, les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent : 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'Etat ; 2° Soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l'autorité administrative compétente. (...) IV bis. ' Tout document de planification, programme ou projet ainsi que manifestation ou intervention susceptible d'affecter de manière significative un site Natura 2000 et qui ne figure pas sur les listes mentionnées aux III et IV fait l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 sur décision motivée de l'autorité administrative. (...) VI. - L'autorité chargée d'autoriser, d'approuver ou de recevoir la déclaration s'oppose à tout document de planification, programme, projet, manifestation ou intervention si l'évaluation des incidences requise en application des III, IV et IV bis n'a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s'il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000. (...) ". Il résulte du V de l'article R. 122-5 du code de l'environnement cité au point 7 que si le projet est susceptible d'avoir des incidences significatives sur un ou plusieurs sites Natura 2000, l'étude d'impact tient lieu d'évaluation des incidences Natura 2000 si elle contient les éléments exigés par l'article R. 414-23. Aux termes de ce dernier article : " Le dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 est établi, (...) s'il s'agit d'un programme, d'un projet ou d'une intervention, par le maître d'ouvrage ou le pétitionnaire, (...) Cette évaluation est proportionnée à l'importance du document ou de l'opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence. I. Le dossier comprend dans tous les cas : 1° Une présentation simplifiée (...) du projet (...) accompagnée d'une carte permettant de localiser l'espace terrestre ou marin sur lequel il peut avoir des effets et les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés par ces effets ; lorsque des travaux, ouvrages ou aménagements sont à réaliser dans le périmètre d'un site Natura 2000, un plan de situation détaillé est fourni ; 2° Un exposé sommaire des raisons pour lesquelles (...) le projet (...) est ou non susceptible d'avoir une incidence sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ; dans l'affirmative, cet exposé précise la liste des sites Natura 2000 susceptibles d'être affectés, compte tenu de la nature et de l'importance du (...) projet, (...) de sa localisation dans un site Natura 2000 ou de la distance qui le sépare du ou des sites Natura 2000, de la topographie, de l'hydrographie, du fonctionnement des écosystèmes, des caractéristiques du ou des sites Natura 2000 et de leurs objectifs de conservation. II. Dans l'hypothèse où un ou plusieurs sites Natura 2000 sont susceptibles d'être affectés, le dossier comprend également une analyse des effets temporaires ou permanents, directs ou indirects, que (...) le projet, (...) peut avoir, individuellement ou en raison de ses effets cumulés avec d'autres documents de planification, ou d'autres programmes, projets, manifestations ou interventions dont est responsable l'autorité chargée d'approuver le document de planification, le maître d'ouvrage, le pétitionnaire ou l'organisateur, sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites. III. S'il résulte de l'analyse mentionnée au II que le (...) projet, (...) peut avoir des effets significatifs dommageables, pendant ou après sa réalisation ou pendant la durée de la validité du document de planification, sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites, le dossier comprend un exposé des mesures qui seront prises pour supprimer ou réduire ces effets dommageables. IV. Lorsque, malgré les mesures prévues au III, des effets significatifs dommageables subsistent sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites, le dossier d'évaluation expose, en outre : 1° La description des solutions alternatives envisageables, les raisons pour lesquelles il n'existe pas d'autre solution que celle retenue et les éléments qui permettent de justifier l'approbation du document de planification, ou la réalisation du programme, du projet, de la manifestation ou de l'intervention, dans les conditions prévues aux VII et VIII de l'article L. 414-4 ; 2° La description des mesures envisagées pour compenser les effets dommageables que les mesures prévues au III ci-dessus ne peuvent supprimer. Les mesures compensatoires permettent une compensation efficace et proportionnée au regard de l'atteinte portée aux objectifs de conservation du ou des sites Natura 2000 concernés et du maintien de la cohérence globale du réseau Natura 2000. Ces mesures compensatoires sont mises en place selon un calendrier permettant d'assurer une continuité dans les capacités du réseau Natura 2000 à assurer la conservation des habitats naturels et des espèces. Lorsque ces mesures compensatoires sont fractionnées dans le temps et dans l'espace, elles résultent d'une approche d'ensemble, permettant d'assurer cette continuité (...) ".

16. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'étude d'impact tient lieu d'évaluation des incidences Natura 2000 en application des dispositions précitées de l'article R. 122-5 du code de l'environnement. Elle comporte un paragraphe 6.2.3 consacré à la présentation du réseau Natura 2000 situé dans la zone d'étude, aux pages 129 et suivantes, dans lequel elle détaille la localisation du projet par rapport aux sites Natura 2000 et un point 6.4.2.3, en pages 277 et suivantes, consacré aux impacts du projet sur ces sites, ainsi que les mesures correctives prises, en phase de chantier comme en phase d'exploitation. Elle détaille la localisation de chacun des sites Natura 2000 concernés par le projet et la localisation des réserves par rapport à ces sites. Elle comporte également le détail de la proposition d'extension du périmètre du site Natura 2000 " Plaine de Néré à Bresdon " et une carte des sites de rassemblements postnuptiaux d'outardes canepetières et d'œdicnèmes criards. Le sous-dossier consacré à l'étude de la réserve R19 indique dans son paragraphe dédié à la description de l'état initial de l'environnement que cette réserve n'est concernée par aucun zonage d'inventaire ou règlementaire et précise la présence, à 6 km à l'est du site, de la ZPS " Plaine de Néré à Bresdon " " noyau de peuplement le plus dense connu en Charente-Maritime " pour l'outarde canepetière. Elle indique dans la partie dédiée à l'impact de cette réserve en phase d'exploitation qu'elle ne constituera pas un obstacle au déplacement des espèces et notamment de l'avifaune, " le fonctionnement de la réserve " ne remettant pas " en cause l'accomplissement du cycle biologique des espèces d'oiseaux protégés observées sur et à proximité du site ". Dans les circonstances détaillées au point 9, il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutiennent les associations et à ce qu'ont retenu les premiers juges, que cette étude serait insuffisante ou erronée s'agissant de l'impact de la R19 sur le site Natura 2000 " Plaine de Néré à Bresdon " et plus spécifiquement sur l'outarde canepetière, quand bien même il résulte des études produites par la LPO que le secteur serait fréquenté par cette espèce. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont retenu ce moyen pour fonder l'annulation de l'arrêté en litige.

En ce qui concerne le motif d'annulation tiré de la méconnaissance des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement en l'absence de demande préalable de dérogation à l'interdiction des atteintes aux espèces protégées :

17. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits: / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / d) A des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ; / e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié de certains spécimens (...) ". Aux termes de l'article R. 411-6 du même code : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois par l'autorité administrative sur une demande de dérogation vaut décision de rejet. / Toutefois, lorsque la dérogation est sollicitée pour un projet entrant dans le champ d'application de l'article L. 181-1, l'autorisation environnementale prévue par cet article tient lieu de la dérogation définie par le 4° de l'article L. 411-2. La demande est alors instruite et délivrée dans les conditions prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour l'autorisation environnementale et les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées : " La demande de dérogation (...) comprend : (...) La description, en fonction de la nature de l'opération projetée : (...) s'il y a lieu, des mesures d'atténuation ou de compensation mises en œuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées (..) ". Aux termes de l'article 4 de cet arrêté, la décision précise, en cas d'octroi d'une dérogation, " la motivation de celle-ci et, en tant que de besoin, en fonction de la nature de l'opération projetée, les conditions de celles-ci, notamment : (...) nombre et sexe des spécimens sur lesquels porte la dérogation " et " s'il y a lieu, mesures de réduction ou de compensation mises en œuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées ainsi qu'un délai pour la transmission à l'autorité décisionnaire du bilan de leur mise en œuvre ". Les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009 des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement fixent, respectivement, la liste des mammifères terrestres et des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection.

18. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

19. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

20. D'une part, les associations soutiennent que certaines réserves nécessitent l'arrachage de longs linéaires de haies (R4, R9 et R22), abritant de nombreuses espèces d'oiseaux protégés, et notamment le bruant jaune et le pipit des arbres. Elles produisent au soutien de leur allégation une étude générale de la LPO datée de 2022 sur la phénologie de reproduction de l'avifaune des haies. D'autre part, elles font valoir, dans les circonstances détaillées au point 9, que le projet, et plus spécifiquement la réserve R19, est susceptible de porter atteinte à l'outarde canepetière très présente dans le secteur. Il résulte de l'étude d'impact que la construction des réserves autorisées entrainera l'arrachage d'un linéaire total de haies de 700 mètres tandis que l'emprise nécessaire aux tranchées est de l'ordre de 5 mètres pour les traversées de haies, pour un total de 130 mètres de haies concernées pour la totalité des réserves projetées, alors que les haies sont identifiées comme des réservoirs pour la biodiversité et pour certaines espèces protégées. Toutefois, il résulte de la même étude que le pétitionnaire a prévu des mesures d'évitement et de réduction consistant notamment dans le conditionnement du démarrage des travaux à la visite de terrain préalable d'un écologue (en cas d'observation d'une espèce protégée, la réalisation des travaux est reportée en dehors de la période de présence de l'espèce) ou encore dans la mise en place de calendriers de travaux adaptés s'agissant de l'arrachage des haies et la pose des canalisations (les travaux seront réalisés en période hivernale, entre " octobre et février ", pour éviter la période de reproduction des espèces protégées (oiseaux, reptiles) contactées sur les sites, permettant ainsi " d'éviter la destruction des individus les moins mobiles (œufs, juvéniles et adultes au nid) et donc les plus sujets à la mortalité lors d'intervention sur leurs habitats ". Comme le soutiennent à juste titre les associations, en application des principes rappelés au point 19, les mesures de compensation prévues par le pétitionnaire, consistant dans la replantation du double de linéaire arraché ou la réalisation d'aménagements spécifiques en faveur de l'avifaune de plaine, ne doivent pas être, à ce stade, prises en compte. Toutefois, dans les circonstances qui précèdent et celles déjà détaillées au point 9, compte tenu des enjeux identifiés et des mesures d'évitement et de réduction retenues par le pétitionnaire, dont l'autorité environnementale a souligné la complétude, il ne résulte pas de l'instruction que le projet en litige présente un risque suffisamment caractérisé de destruction d'individus ou d'habitats sensibles s'agissant de l'avifaune et plus particulièrement de l'outarde canepetière. C'est donc à tort que les premiers juges ont retenu que l'arrêté attaqué serait entaché d'illégalité dès lors qu'il ne comportait pas la dérogation prévue par l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 211-1 du code de l'environnement :

21. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I. Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; (...); 2° La protection des eaux (...) 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; 4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau (...) ; 5° bis La promotion d'une politique active de stockage de l'eau pour un usage partagé de l'eau permettant de garantir l'irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l'étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales ; 6° La promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau (...) 7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques. II. - La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux (...) ; 3° De l'agriculture, (...) ".

S'agissant de la branche de moyen retenue pour l'annulation tirée de l'illégalité des prescriptions de remplissage au regard de l'article L. 211-1 du code de l'environnement et de l'erreur d'appréciation s'agissant des seuils de coupure de 17 réserves :

22. Il résulte de l'instruction que le préfet a assorti l'autorisation litigieuse de prescriptions particulières relatives notamment aux conditions de remplissage des réserves. Il résulte ainsi de l'article 7 de l'arrêté attaqué que la période de remplissage est fixée du 1er novembre au 28 (29) février. L'article 7.2, relatif aux indicateurs de remplissage, définit quatre conditions de remplissage cumulatives, dénommées C1, C2, C3 et C4, pour autoriser le remplissage. La condition C1 est une condition de débit minimal sur l'axe Boutonne, la condition C2, une condition de hauteur puis de débit sur les affluents de la Boutonne concernés par les projets, les conditions C3 sont des conditions locales d'écoulement situées au plus près des forages de remplissage et enfin la condition C4 est une condition piézométrique. Ce même article précise que " les conditions C1 et C4 s'appliquent à tous les forages de remplissage " tandis que " l'article 7.4 identifie les indicateurs de remplissage C2 et C3 affectés à chaque forage de prélèvement pour le remplissage ". L'article 7.4 de l'arrêté indique ainsi que " l'ensemble des ouvrages de prélèvement est conditionné au respect des seuils des conditions C1 et C4 (...) au-delà (...) des conditions de type C2 et C3 (...) s'appliquent en fonction des ouvrages de prélèvements ". S'agissant de la condition C1, qui s'applique donc à l'ensemble des forages de remplissage, l'article 7.3.1 indique que " pour chaque indicateur (Saint-Jean d'Angély et Moulin de Châtres) deux seuils sont définis en débit, un seuil de coupure, interdisant les prélèvements et un seuil de remplissage. L'arrêt total des prélèvements intervient dès que le seuil de coupure est atteint ". S'agissant de la condition C4, l'article 7.3.4 de l'arrêté précise " qu'il est défini, pour chaque mois, un seuil de coupure en hauteur piézométrique " et que " l'arrêt total des prélèvements intervient dès que le seuil de coupure est atteint ". Dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le préfet n'avait pas fixé de seuils de coupure pour dix-sept réserves de substitution, alors même que les conditions C1 et C4 s'appliquaient bien, ab initio, à l'ensemble des indicateurs de remplissage. Si l'article 7.3.3 de l'arrêté, relatif à la condition C3, indique qu'en application des conditions C.3.2 et C.3.3 l'arrêt total des prélèvements concernés intervient, pour les indicateurs de type C3, d'une part dès le constat de l'absence d'écoulement (C.3.2) et d'autre part, dès le constat de l'absence d'eau (C.3.3) ce n'est que lorsque les conditions C1, C2 et C4 sont préalablement réunies. Par suite, le motif d'annulation retenu par les premiers juges et tiré de ce que le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation dans la conciliation des exigences listées par l'article L. 211-1 du code de l'environnement, du fait d'avoir nécessairement porté atteinte à la faune piscicole et conchylicole en l'absence de fixation de seuils de coupure pour 17 réserves, est erroné. En outre, il ne résulte pas de l'instruction, que comme le soutiennent en appel les associations défenderesses, ces seuils prescrits par l'arrêté attaqué soient " en tout état de cause " " nécessairement contraires à l'article L. 211-1 du code l'environnement ", dès lors qu'ils conditionnent les prélèvements autorisés à un suivi quasi quotidien (tous les deux jours pour les conditions C3.2 et C3.3) complet et gradué (C1 et C4 complétées de C2 et C3) de l'état des cours d'eau concernés.

S'agissant de la branche du moyen non retenue pour l'annulation tirée de la méconnaissance du principe d'une gestion équilibrée et durables de l'eau tel qu'il résulte de l'article L. 211-1 du code de l'environnement :

23. Il résulte de l'instruction que la Charente-Maritime est classée dans sa quasi-totalité en zone de répartition des eaux (ZRE), marquant un déséquilibre entre la ressource en eau disponible et les prélèvements effectués, ces derniers étant supérieurs à ce que peut fournir le milieu à l'étiage. Le bassin de la Boutonne est fréquemment soumis à des assecs. L'état quantitatif et chimique des masses d'eau souterraines libres y est considéré comme mauvais et l'état écologique des masses d'eau superficielles comme moyen à mauvais. Les associations défenderesses soutiennent que le projet méconnaît le principe d'une gestion équilibrée et durable de l'eau, tel qu'il résulte de l'article L. 211-1 du code de l'environnement dès lors que les réserves seraient surdimensionnées (leur volume de stockage résultant d'un calcul se basant sur les volumes autorisés et non pas réellement consommées) et qu'in fine, le projet permettra en réalité d'augmenter les capacités d'irrigation sur le bassin par rapport à ce qui a été réellement prélevé depuis 15 ans. Toutefois, il résulte de l'instruction que le projet litigieux s'inscrit dans le cadre du projet de territoire de gestion de l'eau (PTGE) Boutonne de 2016 actualisé le 28 février 2022, qu'il fait partie intégrante du dispositif de sécurisation et de maintien de l'activité agricole dans le bassin, et qu'il n'est autorisé que dans le cadre d'un objectif bien précis d'atteinte du volume prélevable (volume à atteindre en vue d'un retour à l'équilibre quantitatif de la ressource en eau) fixé par la règle n°1 du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) de la Boutonne et dont la date d'échéance était initialement fixée à 2021. Il résulte notamment du SAGE Boutonne que pour atteindre cet objectif, les réserves doivent se substituer aux prélèvements estivaux pour environ deux tiers des prélèvements actuellement autorisés, le volume consommé étant d'environ 70% du volume autorisé, une fois les réserves créées, le volume prélevable sera atteint et le retour à un équilibre quantitatif sera assuré. Il résulte ainsi de la comparaison des volumes autorisés et consommées en période estivale sur le bassin de la Boutonne entre 2006 et 2018, que si les volumes autorisés dépassent les volumes réellement consommés, ce volume prélevable en période estivale, fixé à 3,8 Mm3, est largement inférieur aux volumes réellement consommés dont la moyenne s'élève, sur ces années, à près de 9 Mm3. Compte tenu notamment de la non réalisation des réserves, la commission locale de l'eau (CLE) du SAGE Boutonne a donné un avis favorable, le 22 juin 2022, au report de l'échéance des volumes prélevables à l'année 2027, qui a donné lieu à la révision du document validée par la CLE le 17 juillet 2023 et approuvée par arrêté préfectoral le 4 août 2023. Dans ces conditions, et alors qu'il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que les prélèvements en période de hautes eaux induits par la création et l'exploitation des réserves, qui permettent par ailleurs d'optimiser le stockage des pluies hivernales et de diminuer les prélèvements dans le milieu naturel, empêcheraient le retour à un bon état quantitatif et qualitatif des cours d'eau, tel que fixé par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Adour-Garonne 2022-2027 et le SAGE Boutonne révisé, le moyen tiré de ce que le projet litigieux méconnaitrait le principe d'une gestion équilibrée et durable de l'eau doit être écarté.

24. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'ensemble des motifs examinés précédemment pour annuler l'arrêté du 26 septembre 2018.

25. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association Nature Environnement 17, l'association SOS Rivières et Environnement et la LPO devant le tribunal administratif de Poitiers.

Sur les autres moyens soulevés par les associations au soutien de leur demande d'annulation de l'arrêté du 26 septembre 2018 :

En ce qui concerne la compétence du SYRES 17 pour solliciter l'autorisation litigieuse :

26. D'une part, aux termes de l'article L. 211-3 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige : " I. - En complément des règles générales mentionnées à l'article L. 211-2, des prescriptions nationales ou particulières à certaines parties du territoire sont fixées par décret en Conseil d'Etat afin d'assurer la protection des principes mentionnés à l'article L. 211-1. II. - Ces décrets déterminent en particulier les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut : (...) 6° Délimiter des périmètres à l'intérieur desquels les autorisations de prélèvement d'eau pour l'irrigation sont délivrées à un organisme unique pour le compte de l'ensemble des préleveurs irrigants. Dans les zones de répartition des eaux, l'autorité administrative peut constituer d'office cet organisme. L'organisme unique peut faire participer les préleveurs irrigants dans son périmètre et, le cas échéant, d'autres contributeurs volontaires aux dépenses liées à cette mission. Les critères et les modalités générales de mise en œuvre de cette participation sont fixés par décret en Conseil d'Etat ; (...) ". Aux termes de l'article R. 211-112 du même code : " L'organisme unique de gestion collective prévu au 6° du II de l'article L. 211-3 est chargé, dans le périmètre pour lequel il est désigné, de : 1° Déposer la demande d'autorisation unique pluriannuelle de tous les prélèvements d'eau pour l'irrigation, qui lui est délivrée conformément à la procédure prévue par les articles R. 214-31-1 à R. 214-31-3 ; 2° Arrêter chaque année un plan de répartition entre les préleveurs irrigants du volume d'eau dont le prélèvement est autorisé ainsi que les règles pour adapter cette répartition en cas de limitation ou de suspension provisoires des usages de l'eau en application des articles R. 211-66 à R. 211-70 ; le plan est présenté au préfet pour homologation selon les modalités prévues par l'article R. 214-31-3 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 211-114 du code de l'environnement : " L'organisme unique de gestion collective se substitue de plein droit aux pétitionnaires ayant présenté une demande d'autorisation de prélèvement d'eau pour l'irrigation en cours d'instruction à la date de sa désignation. Jusqu'à la délivrance de l'autorisation unique pluriannuelle prévue à l'article R. 214-31-2, les demandes individuelles d'autorisation de prélèvements pour l'irrigation sont présentées par l'organisme unique pour le compte du préleveur et sont instruites selon les modalités prévues par l'article R. 214-24. Dans le périmètre institué en application de l'article R. 211-113, toute demande de prélèvement d'eau pour l'irrigation présentée par une personne autre que l'organisme unique est rejetée de plein droit. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement : " I.-Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. Les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, les moyens de surveillance, les modalités des contrôles techniques et les moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par des actes complémentaires pris postérieurement. (...) ". Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 12 juin 2014 susvisée : " I. - Les projets mentionnés à l'article 1er sont autorisés par arrêté préfectoral, dénommé " autorisation unique " dans la présente ordonnance. II. - Cette autorisation unique vaut : 1° Autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, y compris pour l'autorisation de prélèvement d'eau pour l'irrigation délivrée à un organisme unique en application du 6° du II de l'article L. 211-3 du même code ; (...) ".

27. Il résulte de l'instruction et notamment de l'article 2 de l'arrêté contesté que l'objet de l'autorisation unique en litige porte sur la création et l'exploitation de 21 réserves de substitution et la réhabilitation d'une réserve existante pour l'irrigation agricole. Elle tient lieu d'autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, de non opposition au titre du VI de l'article L. 414-4 du code de l'environnement (Natura 2000) et d'autorisation relative à un projet soumis à étude d'impact au titre de l'article L. 122-1 du code de l'environnement (évaluation environnementale). Contrairement à ce que soutiennent les associations défenderesses, l'autorisation litigieuse n'a pas pour objet d'autoriser les prélèvements d'eau dans les conditions posées par les articles R. 211-112, R.211-113 et R. 211-114 précités. Il résulte ainsi de l'instruction que la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine a été désignée en qualité d'organisme unique de gestion collective de l'eau pour l'irrigation agricole (OUGC) sur les sous-bassins de la Boutonne, de la Charente aval, de l'Antenne Rouzille, de la Seugne, de la Seudre, des fleuves côtiers de Gironde, de l'Arnoult/Bruant et de la Geres-Devise et que par arrêté du 10 août 2017, le préfet de la Charente-Maritime et le préfet des Deux-Sèvres lui ont accordé une autorisation au titre de la loi sur l'eau, dans les conditions posées par les articles précités, valable jusqu'au 31 décembre 2027, autorisation qui a fait l'objet d'un contentieux distinct. Par suite, le moyen tiré de ce que le SYRES 17 n'avait pas qualité pour déposer la demande d'autorisation en litige dès lors que seul l'OUGC pouvait déposer une telle demande en application de l'article R. 211-114 du code de l'environnement, doit être écarté.

En ce qui concerne les avis des personnes publiques associées :

28. Aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 12 juin 2014 susvisée : " I. - L'autorisation unique est instruite et délivrée dans les conditions prévues à la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l'environnement, sous réserve des dispositions de la présente ordonnance. (...) ". Aux termes de l'article 15 de cette ordonnance : " Les modalités d'application des titres Ier et II de la présente ordonnance sont fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article 8 du décret du 1er juillet 2014 d'application de l'ordonnance du 12 juin 2014 : " I. Dès l'accusé de réception du dossier et avant la saisine du président du tribunal administratif en vue de la désignation du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête prévue au 1° de l'article 7 et à l'article 13 du présent décret, le préfet sollicite l'avis des services concernés par la demande d'autorisation. II. Le préfet communique pour avis un exemplaire de la demande d'autorisation aux services et personnes publiques mentionnés à l'article R. 214-10 du code de l'environnement, à l'exception de la commission locale de l'eau. (...) V.-A défaut de réponse dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la demande du préfet, l'avis des services mentionnés du I au IV est réputé favorable. (...) VI. Par dérogation à l'article R. 123-8 du code de l'environnement, les avis rendus par les services mentionnés au présent article ne sont pas joints au dossier soumis à enquête publique. ". Aux termes de l'article R. 214-10 du code de l'environnement : " Le dossier est également communiqué pour avis : (...) 2° A la personne publique gestionnaire du domaine public s'il y a lieu ; (...) 6° Au directeur général de chacune des agences régionales de santé concernées. (...) ".

29. Il résulte de l'instruction qu'en application des dispositions précitées de l'article 8 du décret du 1er juillet 2014, applicables à la demande en litige, le préfet a sollicité l'avis du conseil départemental, en sa qualité de gestionnaire du domaine public, par courrier du 22 décembre 2016. En l'absence de réponse de ce dernier dans un délai de 45 jours, l'avis est réputé favorable. Par courrier du même jour, le préfet a sollicité l'avis de l'agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine qui a rendu un avis favorable au projet, le 13 janvier 2017. Conformément aux dispositions précitées de l'article 8 du décret du 1er juillet 2014, ces avis n'ont pas été joints à l'enquête publique. Contrairement à ce que soutiennent les associations, il ne résulte, en tout état de cause, d'aucun élément de l'instruction que l'absence de communication au public de ces avis, et notamment de celui de l'ARS, aurait nui à l'information dudit public. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie dès lors que ces deux avis n'auraient pas été joints au dossier d'enquête publique doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompatibilité du projet au SDAGE Adour-Garonne et au PAGD du SAGE Boutonne :

30. Aux termes de l'article L. 212-1 du code de l'environnement relatif aux schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) : " (...) III. - Chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques est doté d'un ou de plusieurs schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (...) / IV. - Les objectifs de qualité et de quantité des eaux que fixent les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux correspondent : 1° Pour les eaux de surface (...) à un bon état écologique et chimique ; 2° Pour les masses d'eau de surface artificielles ou fortement modifiées par les activités humaines, à un bon potentiel écologique et à un bon état chimique ; (...) 3° Pour les masses d'eau souterraines, à un bon état chimique et à un équilibre entre les prélèvements et la capacité de renouvellement de chacune d'entre elles ; 4° A la prévention de la détérioration de la qualité des eaux ; (...) / VII. - Des modifications dans les caractéristiques physiques des eaux ou l'exercice de nouvelles activités humaines peuvent justifier, dans des conditions définies par le décret prévu au XIII, des dérogations motivées au respect des objectifs mentionnés aux 1° à 4° du IV et au VI. (...) IX. - Le schéma directeur détermine les aménagements et les dispositions nécessaires, comprenant la mise en place de la trame bleue figurant dans les schémas régionaux de cohérence écologique (...) les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (...) pour prévenir la détérioration et assurer la protection et l'amélioration de l'état des eaux et milieux aquatiques, pour atteindre et respecter les objectifs de qualité et de quantité des eaux (...) / X. - Le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux détermine les eaux maritimes intérieures et territoriales et les sous-bassins ou groupements de sous-bassins pour lesquels un schéma d'aménagement et de gestion des eaux défini à l'article L. 212-3 est nécessaire pour respecter les orientations fondamentales et les objectifs fixés en application du présent article (...) / XI. - Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. (...) ". Aux termes de l'article L. 212-3 du code de l'environnement, relatif aux schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) : " Le schéma d'aménagement et de gestion des eaux institué pour un sous-bassin, pour un groupement de sous-bassins correspondant à une unité hydrographique cohérente ou pour un système aquifère fixe les objectifs généraux et les dispositions permettant de satisfaire aux principes énoncés aux articles L. 211-1 et L. 430-1. Le schéma d'aménagement et de gestion des eaux doit être compatible avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux prévu à l'article L. 212-1 ou rendu compatible avec lui (...) ". Aux termes de l'article L. 212-5-2 du même code : " Lorsque le schéma a été approuvé et publié, le règlement et ses documents cartographiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de toute installation, ouvrage, travaux ou activité mentionnés à l'article L. 214-2. / Les décisions applicables dans le périmètre défini par le schéma prises dans le domaine de l'eau par les autorités administratives doivent être compatibles ou rendues compatibles avec le plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau dans les conditions et les délais qu'il précise. ".

31. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 212-1 du code de l'environnement que le SDAGE, d'une part, fixe, pour chaque bassin ou groupement de bassins, les objectifs de qualité et de quantité des eaux ainsi que les orientations permettant d'assurer une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, et d'autre part, détermine à cette fin les aménagements et les dispositions nécessaires. En outre, lorsque cela apparaît nécessaire pour respecter ses orientations et ses objectifs, le SDAGE peut être complété, pour un périmètre géographique donné, par un SAGE qui doit lui être compatible et qui comporte, en vertu de l'article L. 212-5-1, d'une part, un plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques, et d'autre part, un règlement pouvant édicter les obligations définies au II de cet article. En vertu du XI de l'article L. 212-1 et de l'article L. 212-5-2 du code de l'environnement, les décisions administratives prises dans le domaine de l'eau, dont celles prises au titre de la police de l'eau en application des articles L. 214-1 et suivants du même code, sont soumises à une simple obligation de compatibilité avec le SDAGE et avec le plan d'aménagement et de gestion durable (PAGD) du SAGE. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire pertinent pour apprécier les effets du projet sur la gestion des eaux, si l'autorisation ne contrarie pas les objectifs et les orientations fixés par le schéma, en tenant compte de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation de l'autorisation au regard chaque orientation ou objectif particulier.

32. Il résulte de l'instruction que le SDAGE 2022-2027 du bassin Adour-Garonne a été adopté le 10 mars 2022. Ainsi, et dès lors que l'autorisation en litige est soumise à un contentieux de pleine juridiction, sa légalité doit être appréciée par rapport à ce document et non au document antérieurement en vigueur. Dans ces conditions, le moyen des associations tiré de l'incompatibilité du projet avec le SDAGE Adour-Garonne 2016-2021 et en particulier sa disposition C18, doit être écarté comme étant inopérant. Toutefois, les associations peuvent être entendues comme visant le SDAGE Adour-Garonne 2022-2027 et en particulier les dispositions équivalentes reprises par son point C22. Il en est de même pour le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec les objectifs généraux en matière de gestion quantitative de l'eau fixés par le PAGD du SAGE de la Boutonne approuvé en 2016, les dispositions reprises par le SAGE dans sa version révisée en juin 2022, seul document applicable au litige, étant équivalentes à celles invoquées par les associations en première instance.

33. Le SDAGE Adour-Garonne 2022-2027 fixe une orientation C22 dénommée " Créer de nouvelles réserves d'eau " ainsi définie : " Pour résoudre la situation des bassins en déséquilibre, en complément d'actions indispensables d'économie d'eau et des autres types d'actions prévus en C15 et C16, de nouvelles réserves en eau d'intérêt collectif ou multi-usages sont créées, dans le cadre de démarches de gestion de l'eau concertées avec les acteurs de l'eau (en privilégiant les PTGE et les SAGE, etc). (...) Elles devront être compatibles avec le maintien ou l'atteinte du bon état des eaux et des zones humides ou relever d'un projet bénéficiant d'une dérogation aux objectifs de qualité du SDAGE (Cf. article L. 212-1-VII du code de l'environnement). ". En outre, le PAGD du SAGE de la Boutonne dans sa version révisée le 22 juin 2022 et approuvée par arrêté préfectoral du 4 août 2023 fixe, dans le cadre de son enjeu n°3 relatif à la gestion quantitative de l'eau, en objectifs généraux : l'atteinte ou le maintien " du bon état quantitatif des masses d'eau souterraines ", le maintien " des débits propices au bon fonctionnement des milieux et au maintien de la vie aquatique tout au long de l'année " " le tout en veillant à concilier les usages de l'eau ".

34. Compte tenu des circonstances détaillées au point 23, le moyen tiré de ce que le projet litigieux serait incompatible avec le SDAGE Adour-Garonne 2022-2027 et le PAGD du SAGE Boutonne doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité des prescriptions relatives aux conditions de remplissage des réserves au regard de l'article L. 214-18 du code de l'environnement, de l'arrêté du 27 août 1999 et de l'arrêté du 11 septembre 2003 :

35. En premier lieu, aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 11 septembre 2003 susvisé : " Sont visés par le présent arrêté les prélèvements soumis à autorisation au titre des rubriques suivantes : 1.1.2.0 relative aux prélèvements permanents ou temporaires issus d'un forage, puits, ouvrage souterrain, dans les eaux souterraines, par pompage, par drainage, par dérivation ou tout autre procédé ; 1.2.1.0 et 1.2.2.0 relatives aux prélèvements permanents ou temporaires issus d'une installation ou d'un ouvrage dans un cours d'eau, dans sa nappe d'accompagnement ou dans un plan d'eau ou canal alimenté par ce cours d'eau ou cette nappe ; 1.3.1.0 relative aux prélèvements d'eau dans une zone où des mesures permanentes de répartition quantitative instituées, notamment au titre de l'article L. 211-3 (2°) du code de l'environnement, ont prévu l'abaissement des seuils. ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " La ou les valeurs du débit instantané et du volume annuel maximum prélevables et les périodes de prélèvement sont déterminées en tenant compte des intérêts mentionnés à l'article L. 211-2 du code de l'environnement. Elles doivent en particulier : - permettre de prévenir toute surexploitation significative ou dégradation de la ressource déjà affectée à la production d'eau destinée à la consommation humaine ou à d'autres usages régulièrement exploités ; (...) - pour les prélèvements dans les eaux de surface : permettre le maintien en permanence de la vie, la circulation, la reproduction des espèces piscicoles qui peuplent le cours d'eau et ne pas porter atteinte aux milieux aquatiques et zones humides en relation avec le cours d'eau concerné par le prélèvement ; - pour les prélèvements dans les eaux souterraines : ne pas entraîner un rabattement significatif de la nappe où s'effectue le prélèvement pouvant provoquer une remontée du biseau salé, une migration de polluants, un déséquilibre des cours d'eau, milieux aquatiques et zones humides alimentés par cette nappe. (...) ".

36. Au titre des modalités de remplissage, et donc de prélèvements, le préfet a prescrit, dans le cadre de l'autorisation des 22 réserves en litige, quatre conditions cumulatives, détaillées au point 22. Les associations défenderesses soutiennent que ces prescriptions, et notamment les prescriptions C3.2 et C3.3, sont contraires à l'article 5 de l'arrêté du 11 septembre 2003 précité dès lors que des seuils de coupure déterminés par l'absence d'écoulement d'eau ou par l'absence d'eau empêchent nécessairement le maintien de la vie des espèces piscicoles et le bon état des cours d'eau. Toutefois, dans les circonstances exposées au point 22, il ne résulte pas de l'instruction que ces prescriptions liées à la hauteur minimale du cours d'eau au plus près de certains points de forage, qui ne s'appliquent que quand les conditions C1 et C4 sont réunies, soient, en elles-mêmes, contraires à ces dispositions. En sus de ce qui a été déjà dit, il résulte de l'article 7.3.3 de l'arrêté contesté que les indicateurs spécifiques (3 indicateurs C3.1) dédiés à ces prescriptions sont mesurés à partir d'une station enregistrant les données de hauteur " au pas de temps 1 heure " et que ces données sont télétransmises et disponibles quotidiennement sur une plateforme dédiée, tandis que l'état de ces indicateurs est renseigné par le pétitionnaire et mis à disposition en temps réel sur cette même plateforme. En outre, il résulte de l'article 10 de l'arrêté contesté que l'ensemble du dispositif est soumis à un suivi environnemental par le service chargé de la police de l'eau selon des modalités précises et circonstanciées, comprenant notamment une analyse de corrélation nappe et rivière. Dans ces conditions, et alors que contrairement à ce que soutiennent les associations, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que la fiabilité des données transmises par le pétitionnaire serait nécessairement sujette à caution, le moyen tiré de ce que ces prescriptions seraient contraires à l'article 5 de l'arrêté du 11 septembre 2023 doit être écarté.

37. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 août 1999 susvisé : " Le remplissage du plan d'eau à partir d'eaux d'un cours d'eau devra avoir lieu en dehors de la période allant du 15 juin au 30 septembre. Il sera progressif de façon à maintenir à l'aval du plan d'eau un débit minimal permettant la vie, la circulation et la reproduction des poissons conformément à l'article L. 432-5 du code de l'environnement. ".

38. Dans les circonstances détaillées ci-dessus, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction, contrairement à ce que soutiennent les associations défenderesses, qu'un débit minimal ne soit pas maintenu en aval des cours d'eau dans le cadre du remplissage des réserves concernées par les prescriptions C3.2 et C3.3. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaitrait les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 août 1999 doit être écarté.

39. Enfin, aux termes de l'article L. 214-18 du code de l'environnement : " I. Tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite. (...)". Les associations ne peuvent utilement soutenir que le projet serait contraire aux dispositions de l'article L. 214-18 du code de l'environnement qui concerne les ouvrages à construire dans le lit d'un cours d'eau, alors qu'il résulte de l'arrêté en litige, et notamment de son annexe I, que les seuls forages concernés par l'arrêté sont des forages soumis à déclaration dans la rubrique 1.1.1.0 de la nomenclature " eau ", réalisés non dans le lit d'un cours d'eau mais dans les eaux souterraines, et soumis non à une règle de débit réservé mais à des obligations propres à assurer la protection du cours d'eau lorsqu'ils concernent une nappe d'accompagnement.

40. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat mixte des réserves de substitution de la Charente-Maritime (SYRES 17) et le ministre de la transition écologique et de la cohésion du territoire sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 26 septembre 2018.

41. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge des associations Nature Environnement 17, SOS Rivières et Environnement et LPO le versement au SYRES 17 d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais d'instance qu'il a exposés.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 février 2021 est annulé.

Article 2 : La demande d'annulation de l'arrêté du 26 septembre 2018 présentée par les associations Nature Environnement 17, SOS Rivières et Environnement et Ligue pour la protection des oiseaux devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.

Article 3 : Les associations Nature Environnement 17, SOS Rivières et Environnement et Ligue pour la protection des oiseaux verseront solidairement la somme de 1 500 euros au SYRES 17 au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux associations Nature Environnement 17, SOS Rivières et Environnement et Ligue pour la protection des oiseaux, au syndicat mixte des réserves de substitution de la Charente-Maritime (SYRES 17) et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

La rapporteure,

Héloïse Pruche-Maurin

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX01360, 21BX01416


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01360
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : MARC;LE BRIERO;MARC

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;21bx01360 ?
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