Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 12 juin 2023 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 2301728 du 13 juillet 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 août 2023, le 19 mars 2024 et le 25 mars 2024, Mme C..., représentée par Me Sanchez Rodriguez, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision et d'enjoindre au préfet de la Gironde d'enregistrer sa demande d'asile ;
3°) en toute hypothèse, d'annuler le jugement du 13 juillet 2023 :
4°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 12 juin 2023 ;
5°) d'enjoindre au préfet de la Gironde d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
6°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté méconnaît le premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que les articles 6 et 31 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors qu'il ne fait aucune mention de sa grossesse qui n'a pas été prise en considération ; elle a informé la préfecture de la naissance de son deuxième enfant qui n'a pas communiqué cette information aux autorités espagnoles ; la préfecture n'a pas davantage informé les autorités espagnoles de la scolarisation de son fils ainé ; les autorités espagnoles ne disposaient donc pas des informations nécessaires pour la prendre en charge avec ses enfants dans des conditions satisfaisantes, conformément aux articles 14 et 23 de la directive 2013/33/UE ;
- il y a lieu d'adresser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne pour déterminer, en procédure accélérée, si le droit de l'union européenne et plus particulièrement les articles 6 et 31 du règlement (UE) n° 604/2013 combinés à l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant constitue une garantie pour un demandeur d'asile accompagné de deux enfants mineurs et une obligation pour l'État dont l'intéressé peut se prévaloir devant les juridictions nationales dans le cadre d'un recours contre une décision de transfert ;
- cet arrêté est insuffisamment motivé en droit, faute de mentionner la convention internationale des droits de l'enfant et l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013, et en fait, à défaut d'indiquer que son fils ainé est scolarisé et que son propre état de santé nécessite une prise en charge médicale en raison d'une grossesse compliquée ; la décision n'expose pas non plus les raisons pour lesquelles elle n'a pas été regardée comme relevant des dérogations prévues par les articles 17-1 ou 17-2 du règlement (UE) n° 604/2013.
Par des mémoires en défense enregistrés le 15 janvier 2024 et le 6 mars 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- Mme C... a été placée en fuite et le délai de transfert a été prolongé de dix-huit mois à compter du 13 juillet 2023 ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés et il renvoie à ses écritures de première instance.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Kolia Gallier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante camerounaise née le 19 mai 1991, indique être entrée en France le 30 décembre 2021 et a présenté une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Gironde le 1er mars 2022. La consultation des données de l'unité centrale Eurodac lors de l'instruction de cette demande a révélé que ses empreintes avaient déjà été saisies le 17 octobre 2021 par les autorités espagnoles. Par un arrêté du 12 juin 2023, le préfet de la Gironde a décidé de la remise D... aux autorités espagnoles responsables de l'examen de sa demande d'asile. La requérante relève appel du jugement du 13 juillet 2023 par laquelle la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Mme C... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 octobre 2023, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du troisième alinéa de l'article L. 571-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".
4. La décision attaquée vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève, le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen du 26 juin 2013, le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle comporte par ailleurs un rappel détaillé et circonstancié de la situation D... qui fait état de la présence et de la date de naissance de ses deux enfants ainsi que l'exposé des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relevait de la responsabilité des autorités espagnoles et que la situation de l'intéressée ne relevait pas des dérogations prévues par les articles 17-1 et 17-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Dans ces conditions, l'arrêté litigieux comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Sont sans incidence sur le caractère suffisant de sa motivation les circonstances qu'il ne vise pas la convention internationale des droits de l'enfant ou en particulier l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qu'il ne mentionne pas que le fils ainé D... est scolarisé et qu'il ne fasse pas état de la nécessité d'une prise en charge médicale de l'intéressée en raison d'une grossesse compliquée, grossesse qui avait au demeurant été conduite à son terme à la date de l'arrêté.
5. Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". L'article 6 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dispose : " 1. L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour les Etats membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement (...) ". Aux termes de l'article 31 du même règlement : " 1. L'État membre procédant au transfert d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), communique à l'État membre responsable les données à caractère personnel concernant la personne à transférer qui sont adéquates, pertinentes et raisonnables, aux seules fins de s'assurer que les autorités qui sont compétentes conformément au droit national de l'État membre responsable sont en mesure d'apporter une assistance suffisante à cette personne, y compris les soins de santé urgents indispensables à la sauve garde de ses intérêts essentiels, et de garantir la continuité de la protection et des droits conférés par le présent règlement et par d'autres instruments juridiques pertinents en matière d'asile. Ces données sont communiquées à l'État membre responsable dans un délai raisonnable avant l'exécution d'un transfert, afin que ses autorités compétentes conformément au droit national disposent d'un délai suffisant pour prendre les mesures nécessaires / 2. L'État membre procédant au transfert transmet à l'État membre responsable les informations qu'il juge indispensables à la protection des droits de la personne à transférer et à la prise en compte de ses besoins particuliers immédiats, dans la mesure où l'autorité compétente conformément au droit national dispose de ces informations, et notamment : (...) / c) dans le cas des mineurs, des informations sur leur scolarité ; (...) ".
6. Si Mme C... soutient que le préfet a méconnu les dispositions précitées en n'informant pas les autorités espagnoles lors de la demande de prise en charge qui leur a été adressée de l'existence de son deuxième fils né le 20 avril 2022 et de la circonstance que son fils ainé né le 2 août 2019 était scolarisé en France, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté de transfert attaqué. Au demeurant, le préfet justifie de l'accord du 14 juin 2022 des autorités espagnoles pour prendre en charge le jeune A... né le 20 avril 2022 avec sa mère et il ne ressort des pièces du dossier aucune difficulté à la prise en charge D... et de ses enfants en Espagne pour l'examen de sa demande d'asile.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : La requête D... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,
Mme Edwige Michaud, première conseillère,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.
La rapporteure,
Kolia GallierLa présidente,
Christelle Brouard-Lucas
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX02237 2