Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 février 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2301244 du 17 mars 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour et a annulé l'arrêté du préfet de la Gironde du 24 février 2023 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2301244 du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 février 2023 portant refus de délivrer un titre de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2023, M. C..., représenté par Me Blal-Zenasni, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 juin 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler la décision du 17 mars 2023 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'intervention de l'arrêt de la cour ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision en litige est entachée d'une incompétence de son signataire ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle dès lors qu'il justifie participer à l'éducation et à l'entretien de son enfant ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que son enfant vit en France et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire enregistré le 1er décembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 17 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 3 janvier 2024 à 12h00.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique :
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant tunisien, déclare être entré en France le 1er mai 2018. Par un arrêté du 16 octobre 2018, à l'encontre duquel il a présenté un recours rejeté par un jugement du tribunal administratif de Versailles du 18 octobre 2018, le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai. Par un nouvel arrêté du 29 novembre 2018, le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai. Par des arrêtés des 27 août et 22 octobre 2020, la préfète de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et l'a assigné à résidence. Le 27 octobre 2022, l'intéressé a sollicité un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 24 février 2023, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. C... relève appel du jugement du 16 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 février 2023 portant refus de lui délivrer un titre de séjour.
2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Il résulte de ces dispositions que pour obtenir un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, l'étranger qui se prévaut de cette qualité, doit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans.
3. M. C... est père d'un enfant français né le 28 juillet 2021 de son union avec une ressortissante française. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des nombreuses photographies produites et des attestations émises dans le cadre de sa demande de titre de séjour, qu'il a contribué de manière effective à l'entretien et l'éducation de son fils, dont il partageait le domicile, jusqu'à la séparation du couple en novembre 2022, l'épouse ayant dénoncé les violences qu'elle subissait et sollicité la protection du juge judiciaire. Par une ordonnance de protection du 27 décembre 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux a fixé les modalités d'exercice de l'autorité parentale en l'attribuant exclusivement à la mère, dans l'attente du jugement correctionnel relatif aux violences dénoncées, et a fixé un droit de visite du père sur l'enfant au point de rencontre en milieu médiatisé de l'association d'enquête et de médiation (AEM) 33, ainsi qu'une pension alimentaire due pour l'entretien et l'éducation de l'enfant d'un montant de 150 euros par mois. Si M. C... a été placé en détention provisoire et incarcéré, à compter du 1er février 2023, pour les violences commises sur son ex-conjointe, il établit avoir effectué début janvier un versement d'une somme de 150 euros à la mère de son enfant et avoir effectué les démarches auprès du point de rencontre afin de se conformer à l'ordonnance de protection, l'AEM 33 lui ayant proposé le 1er mars 2023 comme date de premier rendez-vous. Ainsi, à la date de la mesure d'éloignement contestée, M. C... établit participer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance, quand bien même il a été dans l'impossibilité d'avoir des relations suivies avec ce dernier depuis la séparation du couple, compte tenu de la procédure judiciaire le visant et de son incarcération. Dans ces conditions, M. C... est fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Par ailleurs, à la date de la décision attaquée, aucun jugement de condamnation de l'intéressé n'était intervenu pour des faits de violence sur sa compagne ou pour la commission d'autres infractions et il ressort des pièces du dossier que les faits qui lui étaient alors reprochés, qualifiés de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, étaient isolés. Ainsi, la présence de M. C... sur le territoire ne peut être regardée comme constituant une menace pour l'ordre public.
5. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 24 février 2023 portant refus de délivrer un titre de séjour.
6. Eu égard au motif retenu, l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé. Par suite, il y a lieu, sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle à la date de la nouvelle décision du préfet, d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer à M. C... le titre de séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2301244 du 16 juin 2023 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La décision du préfet de la Gironde du 24 février 2023 portant refus de délivrer un titre de séjour est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. C... le titre de séjour sollicité dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à M. C... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Sébastien Ellie, premier conseiller,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.
Le rapporteur,
Sébastien A...La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX02000