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07/05/2024 | FRANCE | N°22BX01432

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 07 mai 2024, 22BX01432


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... F... D... a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin d'annuler la délibération du 13 septembre 2018 par laquelle le conseil exécutif de Saint-Martin a délivré à Mme C... un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé 19 impasse des Manguiers Belle-Plaine Quartier d'Orléans.



Par un jugement nos 2000097 et 2100115 du 25 mars 2022, le tribunal administratif de Saint-Martin a annulé la délibération du 13 septembre 201

8 par laquelle le conseil exécutif de Saint-Martin a délivré à Mme C... le permis sollicité.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... D... a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin d'annuler la délibération du 13 septembre 2018 par laquelle le conseil exécutif de Saint-Martin a délivré à Mme C... un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé 19 impasse des Manguiers Belle-Plaine Quartier d'Orléans.

Par un jugement nos 2000097 et 2100115 du 25 mars 2022, le tribunal administratif de Saint-Martin a annulé la délibération du 13 septembre 2018 par laquelle le conseil exécutif de Saint-Martin a délivré à Mme C... le permis sollicité.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mai 2022, Mme E... C..., représentée par Me Durimel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Martin en tant qu'il fait droit à la demande de M. D... ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal ;

3°) de condamner M. D... à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

4°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- M. D... n'avait ni intérêt ni qualité pour demander l'annulation du permis de construire qui lui a été délivré ; il ne pouvait agir que conjointement avec les deux autres mandataires des parcelles BC12 et BC14 comprenant le lot litigieux ;

- elle n'a commis aucune fraude ; elle a obtenu des propriétaires du terrain concerné l'autorisation de construire une maison en bois puis, verbalement, une maison " en dur " et n'a pas dissimulé la nature de son projet à l'administration ;

- le recours abusif formé par M. D... lui a causé un préjudice moral qui sera indemnisé à hauteur de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 mars 2023, M. D... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable faute de contenir l'exposé de faits conformément à l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les conclusions présentées par Mme C... tendant à sa condamnation à lui verser une indemnité au titre de l'article 61-10 du code de Saint-Martin sont irrecevables faute d'avoir été présentées par mémoire distinct et infondées à défaut de justifier que sa demande excède ses intérêts légitimes et qu'elle cause à Mme C... un préjudice excessif ;

- les autres moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme de la collectivité de Saint-Martin ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kolia Gallier,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 juillet 2018, Mme C... a sollicité du président de la collectivité de Saint-Martin qu'il lui délivre un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé 19 impasse des Manguiers Belle-Plaine Quartier d'Orléans. Ce permis lui a été délivré par un arrêté du 14 septembre 2018 dont l'exécution a été suspendue, à la demande de M. D..., par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin du 14 décembre 2020. Par une délibération du 19 mai 2021, le conseil exécutif de Saint-Martin a abrogé ce permis. M. D... a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin l'annulation du permis de construire délivré à Mme C... qui a, quant à elle, demandé l'annulation de la délibération abrogeant son permis. Par un jugement du 25 mars 2022, le tribunal administratif de Saint Martin a annulé la délibération du 13 septembre 2018 par laquelle le conseil exécutif de Saint-Martin a délivré à Mme C... le permis de construire qu'elle avait sollicité ainsi que la délibération du 19 mai 2021 abrogeant ce permis. Mme C... relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il annule le permis de construire lui ayant été délivré le 13 septembre 2018.

Sur la recevabilité de la demande :

2. Aux termes de l'article 61-3 du code de l'urbanisme de la collectivité de Saint-Martin : " Une personne autre que l'Etat ou la collectivité territoriale ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

3. Il résulte des dispositions précitées qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Il ressort des pièces du dossier que tant le dossier de demande de permis de construire présenté par Mme C... à la collectivité de Saint-Martin que la décision du 14 septembre 2018 faisant droit à cette demande mentionnent comme terrain d'assiette du projet la parcelle BC 12, dont il est constant que M. D... est propriétaire. Si Mme C... soutient que le projet doit en réalité être réalisé sur la parcelle contiguë BC 14, elle ne produit aucun élément permettant de l'établir. Dans ces conditions, M. D... justifiait d'une qualité et d'un intérêt suffisant pour demander l'annulation du permis de construire délivré à Mme C... dont la fin de non-recevoir doit être écartée.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

5. Aux termes de l'article 43-3 du code de l'urbanisme de la collectivité de Saint-Martin : " Les demandes de certificat d'urbanisme, de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées au siège de la collectivité territoriale : / 1° soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux ; / 2° soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; / 3° soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique (...) ". L'article 46-15 du même code dispose : " La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article 43-3 pour déposer une demande de permis ".

6. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 43-3 cité ci-dessus. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 43-3 du code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Il résulte de ce qui précède que les tiers ne sauraient utilement invoquer, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vu de l'attestation requise, la circonstance que l'administration n'en aurait pas vérifié l'exactitude. Toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une telle demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 43-3 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a conclu en 1994 avec M. et Mme B... un contrat de location indiquant qu'il porte sur un terrain nu d'une superficie de 334 m2 situé sur une parcelle cadastrée " BC 14 lot n°8 ". Ce contrat, conclu pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction, stipulait que " le terrain est loué nu, il ne pourra faire l'objet d'aucune construction en dur. La location est consentie exclusivement à usage d'habitation, à charge pour le preneur d'y faire édifier des locaux en bois pouvant être retirés à l'expiration du présent bail ". Par un courrier daté du 10 février 2012 et une relance du 25 novembre 2013 produits au dossier et dont Mme C... ne conteste pas avoir été destinataire, M. D... a signifié à Mme C... que son contrat de location ne serait pas renouvelé et prendrait fin le 30 juin 2012, un congé de trois mois lui étant donné pour quitter les lieux. En dépit de ces courriers, Mme C..., qui ne disposait plus d'aucun droit ni titre pour occuper le terrain en cause, a déposé auprès de la collectivité de Saint-Martin une demande de permis, mentionnant comme terrain d'assiette du projet la parcelle BC 12, pour reconstruire " en dur " la maison d'habitation en bois qu'elle avait auparavant faite édifier et qui a été entièrement détruite par l'ouragan Irma survenu en 2017. À plusieurs reprises dans ce dossier de demande déposé le 20 juillet 2018, l'intéressée se présente comme étant la propriétaire du terrain concerné par sa demande de permis. Ce faisant, Mme C... ne peut qu'être regardée comme ayant eu l'intention de tromper l'administration sur sa qualité pour présenter sa demande de permis de construire et elle n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'existence d'une fraude.

Sur la demande présentée au titre de l'article 61-10 du code de l'urbanisme de la collectivité de Saint Martin :

8. Aux termes de l'article 61-10 du code de l'urbanisme de la collectivité de Saint-Martin : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, d'aménager ou de démolir est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. "

9. Il résulte de ce qui précède que le recours introduit par M. D... devant le tribunal administratif de Saint-Martin n'excède pas la défense de ses intérêts légitimes. La demande présentée par Mme C... sur le fondement des dispositions précitées ne peut, par suite, qu'être rejetée.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Martin a annulé la délibération du 13 septembre 2018 lui délivrant un permis de construire et rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation.

Sur les frais liés au litige :

11. Mme C... ne justifiant avoir exposé aucun dépens, sa demande tendant à ce que ceux-ci soient mis à la charge de M. D... ne peut qu'être rejetée.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme C... au titre des frais exposés pour les besoins du litige. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la requérante une somme de 1 500 euros à verser à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Mme C... versera à M. D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... D..., Mme E... C... et à la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,

Mme Edwige Michaud, première conseillère,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

La rapporteure,

Kolia GallierLa présidente,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX01432 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01432
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROUARD-LUCAS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS DURIMEL & BANGOU

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;22bx01432 ?
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