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07/05/2024 | FRANCE | N°22BX01172

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 07 mai 2024, 22BX01172


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le maire de Saint-Jean-de-Luz a rejeté sa demande de permis de construire en vue de l'édification d'une maison à usage d'habitation sur une parcelle cadastrée section AS n° 184 située 874 chemin de Chantaco à Saint-Jean-de-Luz.

Par un jugement n° 1901709 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Pau a donné acte à M.A... du désistement de sa demande.

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Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires complémentaires enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le maire de Saint-Jean-de-Luz a rejeté sa demande de permis de construire en vue de l'édification d'une maison à usage d'habitation sur une parcelle cadastrée section AS n° 184 située 874 chemin de Chantaco à Saint-Jean-de-Luz.

Par un jugement n° 1901709 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Pau a donné acte à M.A... du désistement de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 25 avril 2022, 19 mai, et 29 juin 2023, M. B... A..., représenté par Me Cambot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901709 du 1er mars 2022 du tribunal administratif de Pau ;

2°) à titre principal de prononcer un non-lieu à statuer ;

3°) à titre subsidiaire d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 de refus de permis de construire ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Jean-de-Luz la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal administratif a considéré à tort que ses conclusions aux fins de non-lieu à statuer pouvaient être considérées comme un désistement ; la requête n'était pas devenue sans objet dès lors qu'il avait présenté des conclusions subsidiaires tenant à l'annulation de l'arrêté du 5 juin 2019 ; les premiers juges devaient soit prononcer un non-lieu à statuer après avoir constaté qu'un permis tacite était né en cours d'instance, soit se prononcer sur la légalité du refus de permis de construire ;

- le tribunal a omis, à tort, de prononcer un non-lieu à statuer sur la requête ; en effet, le silence gardé par le préfet pendant plus d'un mois après sa décision du 23 septembre 2019 a fait naître, en application de l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme, un permis de construire tacite, intervenu, en cours d'instance, le 23 octobre 2019, ou au plus tard le 23 décembre 2019 ; dès lors le litige a perdu toute utilité ;

Sur l'exception de non- lieu à statuer :

- il résulte de ce qui précède qu'il y a non-lieu à statuer sur la requête ;

Sur la légalité de l'arrêté du 5 juin 2019 :

- le maire ne s'est pas opposé, à proximité immédiate du terrain, à une déclaration préalable de division foncière en vue de construire et a accordé un permis de construire sur une parcelle située non loin du projet ; le terrain est d'ailleurs situé en zone constructible, UDb, du plan local d'urbanisme (PLU) applicable à la date de l'arrêté attaqué ;

- le quartier de Chantaco constitue une agglomération au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ; il est couvert par une aire de mise en valeur du patrimoine et de l'architecture (AVAP) créée en 2011, devenue site patrimonial remarquable (SPR), dont le règlement assure la constructibilité du quartier dans le respect d'une urbanisation aérée mais suffisamment dense pour être qualifiée d'agglomération au sens de la loi littoral ;

- le terrain d'assiette du projet est situé en continuité de cette agglomération, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges ;

- dans l'hypothèse où la qualification d'agglomération ne serait pas retenue, le secteur répond en tout état de cause à la qualification de secteur déjà urbanisé (SDU) ; le projet devait être autorisé au regard des dispositions transitoires prévues par le III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018, qui sont applicables au litige.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 avril, 2 juin et 5 septembre 2023, la commune de Saint-Jean-de-Luz, représentée par Me Dunyach, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 22 septembre 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public,

- les observations de Me Coto, représentant M. A... et de Me Abadie de Maupeou, représentant la commune de Saint-Jean-de-Luz.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... a déposé, pour le compte de l'indivision A..., le 8 avril 2019, une demande de permis de construire portant sur la construction d'une maison individuelle sur la parcelle cadastrée section AS n° 184 située 874 chemin de Chantaco à Saint-Jean-de-Luz. Par un arrêté du 5 juin 2019, le maire de Saint-Jean-de-Luz a refusé d'accorder l'autorisation sollicitée. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 1er mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Pau lui a donné acte d'un désistement de sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, les conclusions de non-lieu à statuer présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Pau, ne peuvent être regardées comme tendant au désistement pur et simple de sa demande, dès lors que de telles conclusions étaient assorties de conclusions subsidiaires tendant à l'annulation de l'arrêté de refus de permis de construire du 5 juin 2019.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 632-1 du code du patrimoine : " Dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des parties extérieures des immeubles bâtis, y compris du second œuvre, ou des immeubles non bâtis. / Sont également soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des éléments d'architecture et de décoration, immeubles par nature ou effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure, au sens des articles 524 et 525 du code civil, lorsque ces éléments, situés à l'extérieur ou à l'intérieur d'un immeuble, sont protégés par le plan de sauvegarde et de mise en valeur. Pendant la phase de mise à l'étude du plan de sauvegarde et de mise en valeur, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des parties intérieures du bâti. / L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du site patrimonial remarquable. ". Aux termes de l'article L. 632-2 du même code : " I. - L'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est, sous réserve de l'article L. 632-2-1, subordonnée à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. A ce titre, ce dernier s'assure du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, à l'architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. Il s'assure, le cas échéant, du respect des règles du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine. (...) / Le permis de construire, (...) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du présent code si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, dans les conditions prévues au premier alinéa du présent I. / (...) III. - Un recours peut être exercé par le demandeur à l'occasion du refus d'autorisation de travaux. Il est alors adressé à l'autorité administrative, qui statue. (...) En cas de silence, l'autorité administrative est réputée avoir confirmé la décision de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation. ". Aux termes de l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur un refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. / Le délai à l'issue duquel le préfet de région est réputé avoir confirmé la décision de l'autorité compétente en cas de recours du demandeur est de deux mois. / Si le préfet de région infirme le refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme statue à nouveau dans le délai d'un mois suivant la réception de la décision du préfet de région. ".

4. Il résulte des dispositions qui viennent d'être citées que le pétitionnaire doit, avant de former un recours pour excès de pouvoir contre un refus de permis de construire portant sur un immeuble situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable et faisant suite à un avis négatif de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région d'une contestation de cet avis. L'avis émis par le préfet, qu'il soit exprès ou tacite, se substitue à celui de l'architecte des Bâtiments de France qui se trouve dessaisi. Lorsque le préfet infirme l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France, l'autorité compétente doit statuer à nouveau sur la demande de permis de construire dans un délai d'un mois à compter de la réception du nouvel avis, cette nouvelle décision se substituant alors au refus de permis de construire précédemment opposé. Le silence de cette autorité dans le délai imparti fait naître un permis de construire tacite.

5. Il ressort des pièces du dossier que par courrier du 23 juillet 2019, M. A... a saisi le préfet de région d'un recours contre l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France (ABF) du 3 juin 2019 sur lequel s'est fondé le maire de Saint-Jean-de-Luz pour refuser le permis de construire sollicité, la construction projetée étant située dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable. Par courrier du 12 août 2019, le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine a accusé réception de ce recours administratif et a informé le demandeur que la date limite d'instruction de son recours était fixée au 26 septembre 2019. Par courrier du 23 septembre 2019, dont copie était adressée au maire de Saint-Jean-de-Luz, cette même autorité a indiqué au pétitionnaire que, pour faire suite à son recours, son dossier avait été réexaminé par l'architecte des Bâtiments de France et que ce dernier avait rendu un nouvel avis favorable, assorti de prescriptions le 20 septembre 2019. Il indiquait qu'il n'y avait dès lors plus lieu d'instruire son recours formé le 23 juillet 2019 et que " le nouvel avis de l'architecte des Bâtiments de France devra faire l'objet d'une nouvelle notification du maire, tenant compte de ce nouvel avis ". Ce faisant, le préfet qui s'est approprié le sens de ce nouvel avis qui n'a été rendu que dans le cadre de l'examen du recours administratif préalable obligatoire intenté par M. A... à l'encontre de l'avis défavorable de l'ABF du 3 juin 2019, lequel était ainsi dessaisi, doit être regardé comme ayant infirmé le refus initial d'accord de l'architecte des Bâtiments de France du 3 juin 2019, au sens et pour l'application du 4ème alinéa de l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme. Ainsi, et dès lors que le maire de Saint-Jean-de-Luz n'a pas statué à nouveau dans le délai d'un mois suivant la réception de cette décision du préfet de région, M. A..., qui n'avait pas à confirmer sa demande, est fondé à soutenir que ce silence a fait naître un permis de construire tacite. Par suite, la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juin 2019 de refus de permis de construire est devenue sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas relevé qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur la demande présentée par M. A... et lui ont donné acte de son désistement pur et simple. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier sur ces points. Par suite, le jugement en date du 1er mars 2022 doit être annulé.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Pau.

8. Dans les conditions exposées aux points 3, 4 et 5 du présent arrêt, il n'y a plus lieu de statuer sur cette demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Saint-Jean-de-Luz au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Jean-de-Luz une somme de 1 500 euros à verser à M. A... au même titre.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1901709 du 1er mars 2022 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juin 2019.

Article 3 : La commune de Saint-Jean-de-Luz versera une somme de 1 500 euros à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Saint-Jean-de-Luz tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Saint-Jean-de-Luz.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

La rapporteure,

Héloïse C...La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01172
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;22bx01172 ?
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