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11/04/2024 | FRANCE | N°22BX01400

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 11 avril 2024, 22BX01400


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler le titre de perception émis le 2 juillet 2019 par l'agence comptable de l'université des Antilles en vue de recouvrer un trop-perçu de rémunération d'un montant de 20 333,93 euros ainsi que la décision implicite rejetant son recours présenté le 19 février 2020 à l'encontre de ce titre et de le décharger du paiement de la somme de 20 333,93 euros.



Par une ordonnance n° 21003

08 du 10 mars 2021, le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a transmis la requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler le titre de perception émis le 2 juillet 2019 par l'agence comptable de l'université des Antilles en vue de recouvrer un trop-perçu de rémunération d'un montant de 20 333,93 euros ainsi que la décision implicite rejetant son recours présenté le 19 février 2020 à l'encontre de ce titre et de le décharger du paiement de la somme de 20 333,93 euros.

Par une ordonnance n° 2100308 du 10 mars 2021, le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a transmis la requête de M. A... au tribunal administratif de la Martinique.

Par un jugement n° 2100126 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mai 2022, M. A..., représenté par Me Arvis, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Martinique du 17 mars 2022 ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 20 333,93 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'université des Antilles la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car il est entaché d'une méconnaissance des articles L.5 et R.611-7 du code de justice administrative ; en communiquant, quelques jours seulement avant l'audience, alors que la clôture de l'instruction avait été prononcée six mois plus tôt, un moyen d'ordre public équivoque et imprécis, le tribunal ne l'a pas mis à même de défendre utilement sa position ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit concernant la computation du délai de recours contentieux dès lors que :

- le tribunal aurait dû porter à sa connaissance l'existence de l'article R.719-51 du code de l'éducation qui le dispensait de former le recours préalable prévu par l'article 118 du décret du 7 novembre 2012 avant d'introduire son recours contentieux à l'encontre du titre de perception litigieux ;

- la mention des voies et délais de recours inscrite sur le titre de perception était insuffisante de sorte qu'elle n'était pas susceptible de rendre opposable à son égard les délais de recours de droit commun d'autant que le titre ne lui a pas été régulièrement notifié ; ainsi, seul un délai raisonnable de recours contentieux pouvait courir en application de la jurisprudence Czabaj, sous réserve de l'absence de circonstances particulières ;

- il a cru légitimement devoir se référer aux dispositions du titre II du décret du 7 novembre 2012 applicable aux fonctionnaires de l'Etat concernant les litiges concernant leur rémunération ;

- contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, l'inapplicabilité de l'article L. 112-3 aux relations entre l'administration et ses agents ne rendait pas opposable à son égard le délai de recours de deux mois contre la décision implicite de rejet de son recours administratif, dès lors que les voies et délais de recours n'avaient pas été correctement indiqués dans la décision initiale ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en faisant une application partielle de la jurisprudence Czabaj ; dès lors que le tribunal a fait application de la théorie de la connaissance acquise, il devait en tirer les conséquences pour admettre un délai de recours contentieux raisonnable d'un an ;

- la cour constatera que les moyens soulevés en première instance, dont il sollicite l'entier bénéfice en cause d'appel, justifient que le titre de perception contesté soit annulé et qu'il soit déchargé de l'obligation de payer la somme de 20 333,93 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2022, l'université des Antilles, représentée par Me Sylvestre, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Edwige Michaud, rapporteure,

- les conclusions de M. Romain Roussel-Cera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., professeur certifié de classe normale enseignant l'anglais, était affecté au sein de l'université des Antilles, sur le campus de Schœlcher à la Martinique. Par arrêté du 11 mars 2019, il a, sur sa demande, été placé en position de disponibilité à compter du 1er novembre 2018. Le 2 juillet 2019, le président de l'université des Antilles a émis à son encontre un titre de recettes afin d'obtenir le remboursement de trop-perçus de rémunération se rapportant à la période comprise entre le 15 septembre 2018 et le 31 mai 2019, pour un montant total de 20 333,93 euros. M. A... relève appel du jugement du 10 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ce titre de recettes et à fin de décharge de l'obligation de payer la somme de 20 333,93 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ".

3. Ces dispositions, qui ont pour objet d'assurer l'information des parties dans l'hypothèse qu'elles visent par le biais d'une information suffisamment précise, n'appellent toutefois pas de la part du président de la formation de jugement qu'il explicite les motifs, de fait ou de droit, qui sont susceptibles de conduire la formation de jugement à fonder sa décision sur un moyen relevé d'office.

4. Par un courrier du 7 février 2022, le tribunal a informé les parties que le jugement était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de " l'irrecevabilité de la requête en raison de sa tardiveté " et leur a laissé un délai de 15 jours pour présenter leurs éventuelles observations, tout en rappelant la date de l'audience du 24 février 2022. M. A... a présenté ses observations le 8 février 2022.

5. Contrairement à ce que soutient M. A..., le tribunal n'avait pas l'obligation d'expliciter dans son courrier du 7 février 2022 les motifs de fait et de droit pour lesquels il considérait que la requête était tardive. En outre, le tribunal qui a seulement entendu opposer le dépassement du délai de recours contentieux de droit commun n'avait pas à préciser dans son courrier du 7 février 2022 que les règles énoncées par les articles 117 à 119 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ne trouvaient pas à s'appliquer. La mention des voies et délais de recours sur le titre lui-même qui ne comporte aucune référence au décret du 7 novembre 2012 n'a pas fait naître d'ambiguïtés de nature à induire en erreur son destinataire. Enfin, l'appelant a pu discuter utilement dans ses observations en réponse au moyen d'ordre public l'application du régime dérogatoire de computation des délais instauré par l'ordonnance n° 2020-360 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période. Ainsi, l'information donnée par les premiers juges était suffisamment précise pour que M. A... soit à même de comprendre l'irrecevabilité envisagée par les premiers juges et de la discuter utilement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement à raison de l'imprécision du moyen soulevé d'office doit être écarté.

6. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. (...) ". Aux termes de l'article R.421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Il résulte des dispositions de l'article R.421-5 du code de justice administrative que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai n'est pas opposable.

7. La mention des voies et délais de recours inscrite sur le titre exécutoire que le requérant produit à l'appui de sa requête qui précise que " lorsqu'un recours relève de la compétence des tribunaux administratifs, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ", n'était pas insuffisante. Cette mention permettait donc de rendre opposable le délai de recours contentieux de droit commun de deux mois, prévu par les dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, pour contester ce titre exécutoire. Il résulte en outre de l'instruction qu'à la date de sa réclamation en date du 19 février 2020, intitulée " opposition à titre de perception " et adressée à l'université des Antilles et à la DRFIP de la Guadeloupe, M. A... était en possession du titre exécutoire litigieux qui figure en pièce jointe à cette réclamation. M. A... ne saurait donc se prévaloir d'une notification irrégulière de ce titre de recettes. Enfin, la circonstance que le tribunal ait fait référence, au point 5 de son jugement, à la " connaissance " de ce titre par le requérant sans faire application de la jurisprudence Czabaj n'impliquait pas que le juge de première instance calcule le délai de recours contentieux au regard du délai raisonnable d'un an. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que seul un délai de recours contentieux raisonnable d'un an pouvait lui être opposé.

8. Par ailleurs, la circonstance que M. A... a cru légitimement devoir se référer aux dispositions du titre II du décret du 7 novembre 2012, non applicable à l'université des Antilles, pour contester le titre exécutoire attaqué, est sans incidence sur la computation du délai de recours contentieux applicable à son litige.

9. Enfin, l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai (...) ". L'article L. 411-7 du même code dispose : " Ainsi qu'il est dit à l'article L. 231-4, le silence gardé pendant plus de deux mois sur un recours administratif par l'autorité compétente vaut décision de rejet. " L'article 7 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période dispose : " Sous réserve des obligations qui découlent d'un engagement international ou du droit de l'Union européenne, les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'un des organismes ou personnes mentionnés à l'article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er (...) ". Le I. de l'article 1er de la même ordonnance auquel il est ainsi renvoyé dispose : " I. ' Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus. ".

10. La réception, le 2 mars 2020, de la copie de la réclamation préalable de M. A... par l'université des Antilles doit être regardée comme valant formation d'un recours gracieux, lequel a interrompu le délai de recours contentieux en application de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration. Compte-tenu de la suspension des délais d'instruction des décisions en matière administrative pendant la période d'urgence sanitaire, entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus, décidée par les dispositions citées précédemment de l'ordonnance du 25 mars 2020, le délai de recours contentieux a été suspendu le 12 mars 2020, alors qu'il courait depuis dix jours, avant de reprendre, pour la durée restante, à compter du 24 juin 2020. Une décision implicite de rejet sur le recours gracieux est donc intervenue le 13 août 2020. A compter de cette date, le requérait disposait d'un délai franc de deux mois pour saisir le tribunal administratif, soit jusqu'au 14 octobre 2020. Il s'ensuit que la demande de première instance de M. A..., qui n'a été enregistrée au tribunal administratif de Clermont-Ferrand que le 15 février 2021, était tardive et, par suite, irrecevable.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université des Antilles, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme demandée par l'université des Antilles, au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'université des Antilles au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'université des Antilles.

Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.

La rapporteure,

Edwige MichaudLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01400


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01400
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : SYLVESTRE JOEL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;22bx01400 ?
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