La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2024 | FRANCE | N°22BX00703

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 02 avril 2024, 22BX00703


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



L'association Messanges Environnement a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 2 mai 2019 par lequel le maire de Messanges a accordé à Mme A... un permis de construire une maison individuelle d'une surface de 116 m² sur un terrain cadastré section AM n°886, situé au lieudit Granpé.



Par un jugement n° 1901476 du 15 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 2 mai 2019.

Procédure devant la cour

:



Par une requête et deux mémoires enregistrés le 24 février 2022, 1er juin 2022 et 30 nove...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Messanges Environnement a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 2 mai 2019 par lequel le maire de Messanges a accordé à Mme A... un permis de construire une maison individuelle d'une surface de 116 m² sur un terrain cadastré section AM n°886, situé au lieudit Granpé.

Par un jugement n° 1901476 du 15 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 2 mai 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés le 24 février 2022, 1er juin 2022 et 30 novembre 2023, Mme B... A..., représentée par Me Jean-Meire, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 décembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande de l'association Messanges Environnement ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la régularisation du permis de construire en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

4°) de mettre à la charge de l'association Messanges Environnement la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- la demande est irrecevable, dès lors que :

o la demande de première instance méconnait les dispositions des articles R. 412-2, R. 414-3 et R. 414-9 du code de justice administrative ;

o le président de l'association ne justifie pas de sa qualité pour représenter l'association en justice ;

o l'association ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté en cause au regard de son objet ;

- le terrain d'assiette du projet ne se situe pas dans une zone d'urbanisation diffuse, de sorte que l'arrêté ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- le projet peut être autorisé sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, applicable même en l'absence de schéma de cohérence territoriale identifiant les secteurs déjà urbanisés de la commune et d'un plan local d'urbanisme délimitant ces secteurs en raison des dispositions de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018.

Par deux mémoires enregistrés le 6 mai 2022 et le 22 août 2022, la commune de Messanges, représentée par la SARL Anceret - Faisant - Dupouy, conclut à l'annulation du jugement du 15 décembre 2021, au rejet de la demande de l'association Messanges Environnement, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la régularisation du permis de construire en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'association Messanges Environnement sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande est irrecevable, dès lors que :

o la demande de première instance méconnait les dispositions des articles R. 412-2 et R. 414-3 du code de justice administrative ;

o il n'est pas établi que l'association a déposé ses statuts en préfecture au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme ;

o le président de l'association ne justifie pas de sa qualité pour représenter l'association en justice ;

o l'association ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté en cause au regard de son objet ;

- le terrain d'assiette du projet ne se situe pas dans une zone d'urbanisation diffuse, de sorte que l'arrêté ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- le maire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en délivrant le permis de construire en cause.

Par un mémoire enregistré le 3 juin 2022, l'association Messanges Environnement, représentée par Me Ruffié, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge, d'une part, de la commune de Messanges, d'autre part, de Mme A..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.

Par une ordonnance du 1er décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 décembre 2023.

L'association a produit un nouveau mémoire le 11 janvier 2024, après la clôture de l'instruction, et qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sébastien Ellie ;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de Me Ruffié, représentant l'association Messanges Environnement.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 2 mai 2019, le maire de Messanges a accordé à Mme A... un permis de construire une maison individuelle de 116 m² sur un terrain cadastré section AM n° 886. Mme A... demande à la cour d'annuler le jugement du 15 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau, saisi par l'association Messanges Environnement, a annulé l'arrêté du 2 mai 2019.

Sur l'intervention de la commune de Messanges :

2. La commune de Messanges, qui était partie au litige de première instance a qualité pour faire appel du jugement du 15 décembre 2021, ce qu'elle a d'ailleurs fait par une requête distincte. Son intervention dans la présente instance n'est, par suite, pas recevable.

Sur la régularité du jugement :

3. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Pau a expressément motivé le motif d'annulation retenu, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme invoquée par l'association Messanges Environnement. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a indiqué avec une précision suffisante les raisons pour lesquelles le terrain d'assiette du projet devait être regardé comme appartenant à une zone d'habitation diffuse. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur la recevabilité de la demande :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. Sauf lorsque leur nombre, leur volume ou leurs caractéristiques y font obstacle, ces pièces sont accompagnées d'une copie. Ces obligations sont prescrites aux parties sous peine de voir leurs pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet ". L'inventaire détaillé mentionné par cet article doit s'entendre comme une présentation exhaustive des pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'association Messanges Environnement, qui a introduit sa demande de première instance par la voie de l'application Telerecours citoyens sans ministère d'avocat, a produit sa requête accompagnée d'un bordereau énumérant précisément les 13 pièces produites, lesquelles étaient annexées à la requête. Par suite, l'association a respecté les obligations résultant des dispositions précitées de l'article R. 412-2 du code de l'urbanisme.

6. Si Mme A... soutient que l'association n'a pas respecté les dispositions de l'article R. 414-3 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction en vigueur à la date d'introduction de la requête, selon lesquelles les pièces doivent être répertoriées par un signet lorsqu'elles sont transmises dans un fichier unique ou doivent être intitulées conformément à l'inventaire produit si elles sont transmises chacune dans un fichier dédié, ces dispositions relèvent de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre IV du code de justice administrative et sont applicables uniquement aux personnes publiques, aux avocats et aux organismes de droit privé chargés de la gestion permanente d'un service public. Ainsi, l'association Messanges Environnement n'était pas assujettie à l'obligation imposée par ces dispositions.

7. Mme A... soutient pour la première fois en appel que l'association Messanges Environnement a méconnu les dispositions de l'article R. 414-9 du code de justice administrative applicables aux personnes de droit privé autres que celles chargées de la gestion permanente d'un service public, en vigueur à la date d'introduction de sa demande devant le tribunal administratif de Pau, selon lesquelles : " Chacune des pièces transmises par le requérant doit l'être par un fichier distinct à peine d'irrecevabilité de la requête. Toutes les pièces doivent porter un intitulé décrivant leur contenu de manière suffisamment explicite sous peine, après invitation à régulariser non suivie d'effet, d'être écartées des débats. / Les mêmes obligations sont applicables aux autres mémoires du requérant, sous peine pour celui-ci, après invitation à régulariser non suivie d'effet, de voir ses écritures écartées des débats ".

8. Mme A... ne peut utilement soulever en cause d'appel l'irrecevabilité de la demande de première instance en raison d'un manquement aux règles de présentation des pièces transmises par voie électronique dès lors que le tribunal administratif, après avoir envoyé, le 24 septembre 2021, une invitation à régulariser la demande sur ce point, a retiré le 27 septembre 2021 cette invitation adressée par erreur. Il n'appartient pas à la cour administrative d'appel d'inviter l'association requérante à régulariser sa requête introductive de première instance sur ce point, une telle régularisation ne présentant en l'espèce aucune utilité pour la résolution du litige en appel.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. ". L'article R. 600-4 du code de l'urbanisme impose aux associations d'accompagner le dépôt de leur requête par une copie des statuts et d'un récépissé attestant de la déclaration de l'association en préfecture, à peine d'irrecevabilité.

10. Il ressort des pièces du dossier que l'association Messanges Environnement, constituée le 25 juillet 2010, a communiqué ses statuts ainsi que le récépissé de déclaration de l'association en préfecture du 21 septembre 2010 et une copie de l'annonce de la création de l'association au Journal officiel Associations, paru le 2 octobre 2010. Elle a ainsi respecté les dispositions des articles L. 600-1-1 et R. 600-4 précités du code de l'urbanisme.

11. En troisième lieu, l'association a produit la délibération de son conseil d'administration du 12 octobre 2018 autorisant son président à ester en justice " contre toute action ou décision portant atteinte à l'objet social de l'association ", ainsi que le compte-rendu de ce conseil d'administration faisant état de cette décision. Elle produit également une délibération du conseil d'administration du 13 juin 2019 par laquelle elle décide d'introduire un recours contentieux contre le permis de construire en cause " et mandate son président pour agir auprès du tribunal administratif de Pau ". Par suite, et alors même qu'il existerait des discordances entre le registre des comptes-rendus du conseil d'administration et les mentions portées sur la délibération du 12 octobre 2018, le président de l'association Messanges Environnement disposait de la qualité pour représenter l'association dans le cadre du recours introduit devant le tribunal administratif de Poitiers.

12. En dernier lieu, l'intérêt pour agir d'une association contre un acte administratif est subordonné à une double exigence d'adéquation entre son objet et l'acte attaqué, tant du point de vue de la nature des intérêts qu'elle défend que de son ressort géographique. En l'absence de précisions sur le champ d'intervention d'une association dans les stipulations de ses statuts définissant son objet, il appartient au juge administratif d'apprécier son intérêt à agir contre la décision qu'elle attaque en prenant en compte les indications fournies sur ce point par les autres stipulations des statuts, notamment par le titre de l'association et les conditions d'adhésion, éclairées, le cas échéant, par d'autres pièces du dossier qui lui sont soumises.

13. Aux termes de l'article 3 de ses statuts, l'association Messanges Environnement a pour objet : " (...) de mener toute action de préservation ou promotion (sur tout le territoire communal) de l'environnement (..) ; " ces actions portent sur : les espaces naturels, leurs paysages, leur faune et leur flore ; - le type d'habitat, son architecture et son esthétique en harmonie avec son environnement (...) ". Le champ géographique de l'association est limité au seul territoire communal de Messanges et elle s'est donnée notamment pour objet la préservation des espaces naturels et des paysages. Elle se prévaut ainsi d'un intérêt suffisant lui donnant qualité pour agir contre un permis de construire délivré sur le territoire de la commune.

Sur la légalité de l'arrêté du 2 mai 2019 :

14. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme : " Le schéma de cohérence territoriale précise, en tenant compte des paysages, de l'environnement, des particularités locales et de la capacité d'accueil du territoire, les modalités d'application des dispositions du présent chapitre. Il détermine les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l'article L. 121-8, et en définit la localisation ". Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ". Le III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique prévoit que : " Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'État, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi ". Le V du même article précise que les mots " en continuité avec les agglomérations et villages existants " - qui remplacent les mots : " soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement " s'appliquent " sans préjudice des autorisations d'urbanisme délivrées avant la publication de la présente loi ". Cette modification de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne s'applique pas " aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées avant le 31 décembre 2021 ni aux révisions, mises en compatibilité ou modifications de documents d'urbanisme approuvées avant cette date ". La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ayant été publiée au Journal officiel de la République française du 24 novembre 2018 et la demande de permis de construire ayant été déposée le 26 février 2019, les dispositions du V précédemment citées sont applicables en l'espèce.

15. D'une part, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce, que l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, dans les communes littorales, soit en continuité avec les agglomérations et les villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Constituent des agglomérations ou des villages où l'extension de l'urbanisation est possible, au sens et pour l'application de ces dispositions, les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions.

16. D'autre part, le deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, ouvre la possibilité, dans les autres secteurs urbanisés qui sont identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, à seule fin de permettre l'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et l'implantation de services publics, de densifier l'urbanisation, à l'exclusion de toute extension du périmètre bâti et sous réserve que ce dernier ne soit pas significativement modifié. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignés de ces agglomérations et villages. Il ressort des dispositions de ce deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme que les secteurs déjà urbanisés qu'elles mentionnent se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. Par ailleurs, le III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique autorise, par anticipation, jusqu'au 31 décembre 2021 et sous réserve de l'accord de l'Etat, les constructions qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti dans les secteurs déjà urbanisés non encore identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme.

17. Il ressort des pièces du dossier, notamment des vues aériennes du secteur et des photographies du terrain d'assiette du projet, que ce dernier est situé dans le quartier Caliot, au sud-est du bourg de Messanges. Si ce quartier comporte plus d'une centaine de constructions, celles-ci sont réparties sur l'ensemble du secteur, fortement boisé. Trois ilots bâtis peuvent être plus nettement identifiés à l'ouest, au nord et à l'est, mais le terrain en cause ne se situe dans aucun de ces ilots. Si quelques constructions jouxtent le terrain à l'ouest et au sud, et s'il est desservi par les réseaux, l'urbanisation reste peu structurée, discontinue et peu dense. Ce terrain s'inscrit ainsi dans une zone d'habitat diffus et le projet en cause ne saurait constituer une extension de l'urbanisation en continuité avec les agglomérations et villages existants, au sens du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Il ne s'inscrit pas davantage dans un secteur déjà urbanisé de la commune, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dès lors que l'urbanisation n'est pas suffisamment dense au droit du terrain et présente un caractère discontinu, fortement marqué par des espaces vierges de toute construction et boisés. Par suite, le maire de la commune ne pouvait pas délivrer le permis de construire sollicité par Mme A... sans méconnaitre les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Pau.

Sur les conclusions à fin de sursis à statuer :

18. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. (...) Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

19. Mme A... fait valoir que le projet pourrait être régularisé dès lors que le schéma de cohérence territoriale Maremne Adour Côte Sud, modifié par une délibération du 28 septembre 2023, identifie le quartier de Caliot comme secteur déjà urbanisé au sens des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Toutefois, alors même que le schéma de cohérence territoriale identifie trois ilots bâtis dans le quartier de Caliot, les secteurs déjà urbanisés au sein d'une commune doivent être précisément délimités par le plan local d'urbanisme, ainsi qu'il ressort des termes mêmes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Une telle délimitation précise est d'autant plus nécessaire lorsque, comme en l'espèce, des zones d'habitat diffus séparent les espaces suffisamment urbanisés. Si le plan local d'urbanisme intercommunal est en cours de révision, la procédure en est au stade de la concertation préalable et la délimitation précise des secteurs déjà urbanisés de la commune de Messanges n'a pas encore été effectuée. Dans ces conditions, le vice résultant de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme n'est pas susceptible d'être régularisé dès lors que les dispositions en vigueur à la date du présent arrêt ne permettent pas une telle mesure de régularisation.

20. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 15 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 2 mai 2019, ni à ce qu'il soit sursis à statuer sur les conclusions en annulation du permis de construire afin de permettre la régularisation du projet.

Sur les frais liés au litige :

21. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros à verser à l'association Messanges Environnement sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par Mme A... sur ce fondement à l'encontre de l'association Messanges Environnement qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il ne peut, par ailleurs, être fait droit aux conclusions que présente la commune de Messanges en application de ces dispositions dès lors qu'elle n'a pas la qualité de partie. Pour le même motif, il ne peut être fait droit aux conclusions de l'association Messanges Environnement dirigées contre la commune.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la commune de Messanges n'est pas admise.

Article 2 : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 3 : Mme A... versera à l'association Messanges Environnement la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de l'association Messanges Environnement et les conclusions de la commune de Messanges tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à l'association Messanges Environnement et à la commune de Messanges.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024 où siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.

Le rapporteur,

Sébastien Ellie

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet des Landes, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22BX00703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00703
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Sébastien ELLIE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : JEAN MEIRE;JEAN MEIRE;DUPOUY ET ANCERET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;22bx00703 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award