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21/03/2024 | FRANCE | N°23BX02495

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 21 mars 2024, 23BX02495


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 14 juin 2022 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2300093 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

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Par une requête enregistrée le 25 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Bouillault, demande à la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 14 juin 2022 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2300093 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Bouillault, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 juin 2022 du préfet de la Vienne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal a omis d'examiner le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 9 de l'accord franco-gabonais ;

- le refus de séjour est entaché d'un défaut de motivation et d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- le préfet a retenu à tort qu'il n'était titulaire que d'un DEUG ;

- cette décision méconnaît l'article 9 de l'accord franco-gabonais et est entachée d'une erreur d'appréciation quant au caractère réel et sérieux de ses études ;

- cette décision méconnaît également l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'éloignement est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- cette décision méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît également l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 30 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 janvier 2024.

Un mémoire présenté pour le préfet de la Vienne a été enregistré le 27 février 2024.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-gabonais du 2 décembre 1992 relatif à la circulation et au séjour des personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Kolia Gallier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant gabonais né 19 septembre 1994, indique être entré en France le 12 août 2013 sous couvert d'un visa long séjour. La préfecture de police de Paris lui a délivré un titre de séjour portant la mention " étudiant " valable du 29 septembre 2014 au 3 août 2015. Le 29 novembre 2021, M. A... a sollicité auprès des services de la préfecture de la Vienne la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et " étudiant ". Par un arrêté du 14 juin 2022, le préfet de la Vienne a refusé de faire droit à ces demandes, a fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 9 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. (...) /Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

3. Le jugement attaqué ne comporte, ni dans ses visas, ni dans ses motifs, l'analyse du moyen présenté par le requérant dans son mémoire en réplique au soutien de ses conclusions à fin d'annulation du refus de titre qui lui a été opposé, tiré de la méconnaissance de l'article 9 de l'accord franco-gabonais. L'intéressé ayant présenté devant les premiers juges des moyens tirés de l'illégalité des décisions d'éloignement et fixant le pays de destination en raison de l'illégalité du refus de séjour, l'ensemble du jugement est entaché d'irrégularité. Par suite, M. A... est fondé à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Poitiers.

Sur la légalité de l'arrêté du 14 juin 2022 :

5. Le préfet de la Vienne a donné délégation à la signataire de l'arrêté litigieux, Mme Pascale Pin, secrétaire générale de la préfecture, par un arrêté du 7 mars 2022 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour pour signer tous actes, arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Vienne, notamment l'ensemble des décisions prises sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué doit donc être écarté.

En ce qui concerne le refus de séjour :

6. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les textes dont il fait application, notamment l'accord franco-gabonais du 2 décembre 1992 relatif à la circulation et au séjour des personnes, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions utiles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et expose les circonstances de fait propres à la situation personnelle de M. A... sur lesquelles le préfet de la Vienne s'est fondé pour refuser le titre de séjour sollicité. Dans ces conditions, la décision de refus de séjour contestée, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments invoqués par l'intéressé, est suffisamment motivée.

7. En deuxième lieu, si M. A..., qui justifie avoir validé une licence de droit, économie, gestion à l'université de Poitiers au mois de juin 2022, soutient que le préfet a retenu à tort qu'il n'avait obtenu qu'un diplôme d'études universitaires générales, il ne justifie par aucune pièce avoir informé le préfet de ces éléments nouveaux avant la décision attaquée qui date du 14 juin 2022. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A....

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 9 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 : " Les ressortissants de chacune des Parties contractantes désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants (...) ". Aux termes de l'article 12 de la même convention : " Les dispositions de la présente convention ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux Parties contractantes sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention ".

9. Pour l'application des stipulations de l'article 9 de l'accord franco-gabonais, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de délivrance d'une carte de séjour en qualité d'étudiant, d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études effectivement poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France quelques semaines avant ses 19 ans, s'est d'abord inscrit en première année de licence sciences et techniques des activités physiques et sportives, première année qu'il a redoublée durant l'année universitaire 2014-2015. Après une année d'interruption de ses études, il s'est réorienté en première année de licence administration économique et sociale, première année qu'il a redoublée. Admis en deuxième année de licence pour l'année universitaire 2018-2019, il n'a validé cette deuxième année qu'après un nouveau redoublement, de même que la troisième année de licence qu'il justifie avoir obtenu quelques jours avant l'édiction de la décision litigieuse, au mois de juin 2022. Ainsi, au terme d'une période de neuf années, le requérant ne justifie que de l'obtention d'une licence et il ne se prévaut d'aucun élément susceptible d'expliquer la lenteur de sa progression. Dans ces conditions, le préfet de la Vienne n'a pas commis d'erreur d'appréciation en retenant l'absence de caractère réel et sérieux de ses études.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. M. A..., vivant sur le territoire national depuis 2013, justifie de la présence en France de son frère et de deux cousines, dont une à laquelle il rend régulièrement visite et qui le prend financièrement en charge. Il justifie également être bien intégré et participer à plusieurs activités associatives. Toutefois, ces seuls éléments, alors qu'il est constant que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille en France et que son père vit au Gabon, ne sont pas de nature à fixer sur le territoire national le centre de ses intérêts privés et familiaux. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel la décision de refus de séjour a été édictée et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

En ce qui concerne la décision d'éloignement :

13. Aucun des moyens dirigés contre la décision de refus de séjour n'ayant été accueilli, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.

14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12 ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. A... et méconnaitrait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

15. Aucun des moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français n'ayant été accueilli, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.

16. Contrairement à ce que soutient le requérant, la décision fixant le pays de destination expose de façon suffisamment précise les considérations de droit et de fait sur lesquels elle se fonde. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit par suite être écarté.

17. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants (...) ".

18. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées, qui n'est assorti d'aucune précision, ne peut qu'être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vienne du 14 juin 2022. Par suite, l'ensemble de ses conclusions doit être rejeté.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 9 mai 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Poitiers et le surplus de ses conclusions d'appel est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.

La rapporteure,

Kolia GallierLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX02495 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02495
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : BOUILLAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;23bx02495 ?
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