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21/03/2024 | FRANCE | N°22BX01346

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 21 mars 2024, 22BX01346


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 22 mai 2019 par laquelle le recteur de l'académie de La Réunion s'est opposé à sa promotion au grade de psychologue hors-classe, ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux.



Par un jugement n°1901500 du 15 février 2022, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :


> Par une requête enregistrée le 12 mai 2022, M. A... B..., représenté par Me Antelme, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 22 mai 2019 par laquelle le recteur de l'académie de La Réunion s'est opposé à sa promotion au grade de psychologue hors-classe, ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux.

Par un jugement n°1901500 du 15 février 2022, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai 2022, M. A... B..., représenté par Me Antelme, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 15 février 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 22 mai 2019 ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de La Réunion, à titre principal, de le promouvoir au grade de psychologue hors-classe dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard et à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de promotion au grade de la hors-classe dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 510 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L.9 du code de justice administrative ; le jugement ne contient que des résumés excessivement succincts et très partiels voire inexacts, des moyens et conclusions exposés dans sa demande de première instance et il a omis de viser le moyen relevé d'office par le tribunal le 25 novembre 2021 ainsi que les observations en réponse à ce moyen relevé d'office ;

- les décisions des 22 mai 2019 et la décision implicite rejetant son recours gracieux sont insuffisamment motivées ;

- la décision attaquée révèle un détournement de procédure ou à tout le moins un vice de procédure dès lors qu'elle a en réalité eu pour objet de le sanctionner pour une façon de servir estimée insatisfaisante sur une période relativement récente ;

- l'entretien d'évaluation a été tenu par l'inspectrice de l'éducation nationale et non par sa supérieure hiérarchique, en méconnaissance du décret du 28 juillet 2010 et de la circulaire du 23 avril 2012 ; cela révèle également un détournement de procédure ou à tout le moins un vice de procédure ;

- le recteur n'a pas consulté la commission administrative paritaire dans les formes et délais requis par la note de service ministérielle n° 2019-028 du 18 mars 2019 ;

- la décision du 22 mai 2019 n'a pas été précédée de la communication à son attention du rapport circonstancié, ce qui l'a empêché de s'expliquer, en violation du principe général du droit du contradictoire ;

- le rapport n'a pas été transmis à la commission administrative paritaire puisqu'il a été rédigé quelques jours après la réunion de celle-ci ;

- le " rapport motivé " joint à la décision du 22 mai 2019 comporte de graves erreurs et omissions ;

- les décisions attaquées prises sur le fondement de griefs concernant une période récente sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation et sa manière de servir sur l'ensemble de sa carrière ;

- les décisions attaquées constituent une sanction disciplinaire déguisée à son égard et par voie de conséquence, un détournement de procédure assimilable à un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 juin 2022, la rectrice de la région académique de La Réunion conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- M. B... se borne à invoquer devant la cour les mêmes moyens que ceux qu'il a soulevés devant le tribunal administratif de la Réunion et n'apporte aucun élément nouveau en appel susceptible de remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué ;

- elle se réfère aux observations présentées dans le mémoire en défense de l'administration devant les juges de première instance.

Par ordonnance du 12 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n°2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat ;

- le décret n°2017-120 du 1er février 2017 portant dispositions statutaires relatives aux psychologues de l'éducation nationale ;

- la note de service n° 2019-028 du 18 mars 2019 du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Edwige Michaud, rapporteure,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., psychologue de l'éducation nationale, est affecté au centre d'information et d'orientation (CIO) de Sainte Clotilde (La Réunion). Par une décision du 22 mai 2019, le recteur de l'académie de La Réunion s'est opposé à la promotion au grade de psychologue hors classe de l'intéressé. Le recours gracieux formé par M. B... à l'encontre de cette décision a été implicitement rejeté. M. B... relève appel du jugement du 15 février 2022 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 mai 2019 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ". Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une partie se borne à produire des observations sur des moyens relevés d'office, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant l'audience publique et de les viser dans sa décision, sans être tenu de les analyser.

3. Le mémoire produit par M. B... le 26 novembre 2021 devant le tribunal administratif de La Réunion répondait au courrier du 25 novembre 2021 par lequel le président de la 2ème chambre du tribunal avait informé les parties de ce que la décision du tribunal était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office. Par suite, le tribunal devait viser et analyser ce mémoire. Or, le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 15 février 2022 ne vise pas ce mémoire. Dès lors, M. B... est fondé à soutenir que l'absence de visa de ce mémoire dans le jugement l'entache d'irrégularité. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à sa régularité, le jugement attaqué doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Aux termes de l'article 27 du décret n° 2017-120 du 1er février 2017 portant dispositions statutaires relatives aux psychologues de l'éducation nationale : " Les psychologues de l'éducation nationale peuvent être promus au grade de psychologues de l'éducation nationale hors-classe lorsqu'ils comptent, au 31 août de l'année au titre de laquelle le tableau d'avancement est établi, au moins deux ans d'ancienneté dans le 9e échelon de la classe normale. Pour les psychologues de l'éducation nationale mentionnés à l'article 16 du présent décret, le tableau d'avancement est arrêté chaque année par le recteur d'académie selon des orientations définies par le ministre chargé de l'éducation nationale. (...) Le recteur d'académie classe les personnels mentionnés à l'article 16 ci-dessus. (...) ".

6. Aux termes du point 1 " orientations générales " de la note de service du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse du 18 mars 2019 relative à l'accès au grade de la hors-classe des professeurs certifiés, des professeurs de lycée professionnel, des professeurs d'éducation physique et sportive, des psychologues de l'éducation nationale et des conseillers principaux d'éducation adressée aux rectrices et aux recteurs d'académie: " (...) Pour chacun de ces corps, vous arrêterez, dans la limite du contingent alloué, le tableau d'avancement après avis de la commission administrative paritaire académique compétente. (...) " Aux termes du point 4 de cette note : " À titre exceptionnel, une opposition à promotion à la hors-classe pourra être formulée par le recteur à l'encontre de tout agent promouvable après consultation du chef d'établissement et des corps d'inspection. Elle ne vaudra que pour la présente campagne. L'opposition à promotion fera l'objet d'un rapport motivé qui sera communiqué à l'agent. En cas de maintien d'une opposition formulée l'année précédente, ce rapport devra être actualisé. Vous recueillerez l'avis de la CAPA sur cette opposition lors de l'examen de vos propositions. ".

7. Il résulte de ces dispositions que l'avancement des psychologues de l'éducation nationale de classe normale au grade de psychologue hors classe a lieu au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement établi par le recteur après avis de la commission administrative paritaire et qu'une opposition à promotion, valable pour l'année d'établissement du tableau, peut être décidée par le recteur.

8. En premier lieu, aux termes de l'article L.211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) ; 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ".

9. La décision portant opposition à promotion équivaut à un refus d'inscription au tableau d'avancement et n'est pas au nombre des décisions individuelles refusant aux intéressés un avantage auquel ils ont droit. Le moyen tiré de l'absence de motivation des décisions attaquées est, par suite, inopérant et ne peut qu'être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 15 du décret n° 2017-120 du 1er février 2017 portant dispositions statutaires relatives aux psychologues de l'éducation nationale : " Les dispositions du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat ne sont pas applicables aux psychologues de l'éducation nationale. ". Par suite, le moyen tiré de ce que le premier rendez-vous de carrière de M. B... a été organisé en 2019 avec l'inspecteur d'académie de l'éducation nationale et non avec son supérieur hiérarchique direct, en méconnaissance du décret du 28 juillet 2010 et de la circulaire du 23 avril 2012 relative aux modalités d'application de ce décret, doit être écarté comme inopérant.

11. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de la commission administrative paritaire académique des psychologues de l'éducation nationale du 3 mai 2019 que le recteur a informé les représentants de cette commission de son souhait de s'opposer à l'avancement de M. B... et a recueilli, à cette occasion, leur avis, conformément aux dispositions de la note de service du 18 mars 2019 citées au point 6. Par ailleurs, ces dispositions ne prévoient pas que le rapport motivé sur la situation de l'agent, qui a été remis à M. B... en même temps que la décision attaquée, soit communiqué à la commission administrative paritaire avant sa réunion ni que ce rapport soit remis à l'agent, avant cette réunion. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission administrative paritaire ne peuvent qu'être écartés.

12. En quatrième lieu, il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de contrôler l'appréciation faite par l'administration quant au choix des agents inscrits au tableau d'avancement, dès lors que cette appréciation n'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts et n'est pas entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation. Il ressort du rapport joint à la décision du 22 mai 2019, et notamment de plusieurs témoignages concordants et circonstanciés de personnels de direction et de psychologues de l'éducation nationale qui ont travaillé avec M. B... que son manque d'implication professionnelle a été relevé à plusieurs reprises à partir de 2016. Si M. B... conteste les éléments énoncés dans ce rapport en invoquant une contradiction entre les appréciations positives portées sur sa manière de servir à l'occasion de ses évaluations annuelles et les critiques contenues dans le rapport, l'administration produit des pièces, notamment des courriels mentionnant les absences de M. B... et un rapport d'incident relatif à une altercation avec une collègue, qui confirment les réserves émises sur son engagement professionnel. Par suite, les moyens tirés de l'inexactitude matérielle des faits et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision du 22 mai 2019 doivent être écartés.

13. En dernier lieu, dans les circonstances décrites au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en s'opposant à l'inscription de M. B... au tableau d'avancement au grade de psychologue au titre de l'année 2018 le recteur de l'académie de la Réunion ait en réalité entendu prendre à son encontre une sanction. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision d'opposition à promotion serait, d'une part, intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière faute d'avoir été précédée de la communication du dossier, et, d'autre part, entachée d'un détournement de pouvoir doivent être écartés.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions contestées. Ses conclusions à fin d'injonction, de même que ses conclusions fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 15 février 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de La Réunion est rejetée, ainsi que le surplus des conclusions de sa requête.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au recteur de l'académie de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.

La rapporteure,

Edwige MichaudLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01346


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01346
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : SCP CANALE GAUTHIER ANTELME

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;22bx01346 ?
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