Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2023 par lequel le préfet de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2300399 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 31 janvier 2023 en tant que le délai de départ volontaire est antérieur au 2 juin 2023 et a rejeté le surplus de la demande de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 septembre 2023, M. B... A..., représenté par Me Akakpovie, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges n° 2300399 du 25 mai 2023 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral en litige ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ; à défaut d'enjoindre au préfet de procéder à un nouvel examen de sa demande, dans les mêmes conditions de délai ;
4°) d'enjoindre au préfet de régulariser sa situation, dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, en attendant qu'un titre de séjour lui soit délivré ou que sa demande soit réexaminée ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il remplit les conditions tenant au suivi réel et sérieux d'une formation qualifiante ; il a bien été placé auprès du service de l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de 16 ans et de 18 ans ;
- le préfet a estimé qu'il ne pouvait prétendre à un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant alors qu'il n'a jamais demandé un tel titre ; les dispositions du code relatives à la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant n'imposent pas que l'étranger ait été titulaire d'un visa de long séjour ;
- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et le pays de destination :
- ces décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de Corrèze qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2023.
Par une ordonnance du 13 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 janvier 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 1er juin 2004, est entré en France le 30 mars 2022 selon ses déclarations. Par une ordonnance du 1er juin 2022, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Brive-la-Gaillarde a placé provisoirement M. A..., en raison de sa minorité, auprès du service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Corrèze. Le 7 décembre 2022, M. A... a déposé en préfecture de Corrèze une demande de titre de séjour en qualité de " salarié " ou de " travailleur temporaire " sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 31 janvier 2023, le préfet de la Corrèze a rejeté cette demande, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans délai de trente jours et fixé le pays de destination. M. A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler cet arrêté. Par un jugement rendu le 25 mai 2023, le tribunal a annulé l'arrêté du 31 janvier 2023 en tant que le délai de départ volontaire qu'il a fixé était antérieur au 2 juin 2023, terme fixé pour sa formation professionnelle en alternance, et a rejeté le surplus de la demande. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. Pour rejeter la demande de titre de séjour dont il était saisi, le préfet de la Corrèze a relevé que l'ordonnance du 1er juin 2022, prononçant le placement provisoire de M. A... à l'aide sociale à l'enfance du département de la Corrèze, a été annulée par un jugement de non-lieu en assistance éducative en raison de la majorité de l'intéressé survenue à cette même date du 1er juin 2022. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la note d'information du service de l'aide sociale à l'enfance du 24 octobre 2022, que M. A... est effectivement né le 1er juin 2004 et qu'il était ainsi majeur le jour de son placement auprès de l'aide sociale à l'enfance. Dans ces conditions, M. A... ne remplit pas la condition énoncée à l'article L. 435- 3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu de laquelle ne peut prétendre à l'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou de " travailleur temporaire " que l'étranger ayant été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans. De plus, il ressort des pièces du dossier qu'au 31 janvier 2023, date de la décision attaquée, M. A... ne suivait pas une formation depuis au moins six mois dès lors que sa scolarité au centre de formation des apprentis de Tulle avait débuté le 17 octobre 2022 seulement. Ainsi, le préfet de la Corrèze pouvait, pour ces seuls motifs, refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par M. A.... Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit ainsi être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ". Aux termes de l'article L. 412-3 du même code : " Par dérogation à l'article L. 412-1 l'autorité administrative peut, sans que soit exigée la production du visa de long séjour mentionné au même article, accorder les cartes de séjour suivantes : 1° La carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " prévue à l'article L. 422-1 ; (...). " Aux termes de l'article L. 422-1 du même code : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a pas demandé un titre de séjour portant la mention " étudiant " mais un titre sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comme il le rappelle d'ailleurs dans ses écritures. Ainsi, le motif de la décision attaquée par lequel le préfet a estimé que M. A... ne pouvait prétendre à un titre de séjour " étudiant " faute de posséder un visa de long séjour, présente un caractère surabondant. Par suite, l'erreur de droit que le préfet aurait commise en ayant exigé un visa de long séjour non requis par les dispositions précitées des articles L. 412-3 et L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
7. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Pour soutenir que l'arrêté en litige a méconnu les stipulations précitées, M. A... se prévaut de son inscription pour l'année 2022/2023 au centre de formation des apprentis de Tulle, qui a signé pour son compte avec une entreprise un contrat d'apprentissage le 3 janvier 2023, ainsi que des liens qu'il a noués avec le personnel de l'institut Don Bosco qui l'a recueilli. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en mars 2022 et justifiait ainsi d'une présence sur le territoire français de moins d'un an seulement à la date de la décision attaquée. Il est célibataire, sans charge de famille et conserve des attaches familiales dans son pays d'origine où réside sa mère. Dans ces conditions, la décision attaquée ne peut être regardée comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de renvoi :
9. Il résulte de ce qui précède que les décisions en litige n'ont pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elles ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en litige.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par M. A... tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 26 février 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Ghislaine Markarian, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Julien Dufour, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
La présidente,
Ghislaine Markarian
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX02451