Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune d'Agen à lui verser la somme de 271 410,50 euros en réparation de ses préjudices consécutifs à son accident de service du 3 octobre 2008, d'enjoindre à la commune de reconstituer ses droits à traitement et à pension, de réserver l'indemnisation de ses préjudices relatifs aux dépenses de santé futures et à la perte de gains professionnels actuels et futurs.
Par un jugement n° 2003729 du 16 juin 2022, le tribunal a condamné la commune d'Agen à verser à Mme A... la somme de 155 716 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une rente annuelle de 1 624 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er août 2022, la commune d'Agen, représentée par la SELARL Cabinet Ferrat, agissant par Me Ferrant, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2003729 du 16 juin 2022 ;
2°) de rejeter les demandes de première instance de Mme A... ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
- la décision de rejet de la demande préalable indemnitaire prise par la commune le10 mars 2020 était purement confirmative d'une première décision ayant implicitement rejeté la même demande présentée par Mme A... le 6 février 2012, qui n'a pas été contestée et qui est devenue définitive ; dès lors, la saisine du tribunal était tardive ;
Au fond :
- les demandes de Mme A... était prescrite en application de la loi du 31décembre 1968 sur la prescription quadriennale ; ainsi, l'état de santé de Mme A... était consolidé au 15 octobre 2009 comme l'a établi le rapport d'expertise déposé le 25 avril 2012 ; il s'ensuit que la prescription quadriennale était acquise le 31 décembre 2013 ; de même, si un autre rapport d'expertise a déclaré l'état de santé de Mme A... consolidé au 24 juin 2013, la prescription quadriennale était acquise au 31 décembre 2017 ; ainsi, la demande préalable présentée le 14 janvier 2020 par Mme A... était atteinte par la prescription ; elle n'a pas été interrompue par les demandes en référé présentées par l'intéressée, qui ne tendaient pas au paiement d'une somme d'argent ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la commune n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis de Mme A... en ce qui concerne son obligation d'information et de prévention quant aux risques engendrés par l'utilisation de produits pouvant nuire à la santé ;
- en revanche, les premiers juges ne pouvaient faire application d'un régime de responsabilité sans faute fondé sur l'imputabilité au service de son accident ; un tel régime ne s'applique pas lorsque l'agent a commis une faute ; Mme A... a commis une telle faute à l'origine de son accident de service dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle aurait revêtu les équipements de sécurité qui lui avaient été remis le jour de son accident ;
- les préjudices invoqués par Mme A..., à savoir le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le déficit fonctionnel permanent, les frais d'assistance par une tierce personne, et les frais d'assistance futurs, ne sont justifiés ni dans leur principe ni dans leur montant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2023, Mme D... A..., représentée par la SELARL Heuty, Lonné, Canlorbe, agissant par Me Lonné, conclut :
1°) au rejet de la requête de la commune d'Agen ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la condamnation de la commune d'Agen à lui verser la somme de 271 410,50 euros ;
3°) à ce que la Cour réserve le poste de préjudice relatif aux dépenses futures de santé ainsi que les postes relatifs aux pertes de gains professionnels actuels et futurs ;
4°) à ce qu'il soit mis à la charge de la commune d'Agen une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Par ordonnance du 17 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 20 juin 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public,
- et les observations de Me Guillout pour la commune d'Agen.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... A..., adjointe territoriale du patrimoine, a été affectée au musée municipal de la commune d'Agen le 1er février 2007. Dans le cadre du transfert d'une collection d'oiseaux naturalisés vers les réserves du musée, il lui a été demandé, le 3 octobre 2008, de vaporiser un traitement insecticide sur les oiseaux. Après avoir procédé aux pulvérisations, Mme A... a présenté, le jour même, une toux irritante et persistante. Cet accident, à la suite duquel Mme A... a été placée en congé de maladie, a été reconnu imputable au service après avis favorable de la commission de réforme du 18 décembre 2008. Mme A... a finalement été admise à la retraite pour invalidité résultant du service par une décision du 9 décembre 2011. Le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a, par ordonnance du 13 novembre 2018, désigné un expert chargé de décrire l'état de santé de Mme A... et de se prononcer sur ses préjudices causés par l'accident du 3 octobre 2018. Après le dépôt du rapport d'expertise le 26 mai 2019, Mme A... a, le 14 janvier 2020, saisi la commune d'Agen d'une demande préalable indemnitaire qui a été rejetée le 10 mars 2020. Mme A... a ensuite saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation de la commune d'Agen à l'indemniser des divers préjudices, actuels et futurs, résultant de l'accident de service du 3 octobre 2008. Par jugement du 16 juin 2022, le tribunal a condamné la commune d'Agen, sur le terrain de la responsabilité sans faute qu'il a soulevé d'office, à verser à Mme A... la somme de 155 716 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'une rente annuelle de 1 624 euros. La commune d'Agen relève appel de ce jugement, tandis que Mme A... demande à la Cour, par la voie de l'appel incident, de porter à 271 410,50 euros le montant de la réparation à laquelle elle estime avoir droit.
Sur l'appel principal de la commune d'Agen :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ".
3. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 6 février 2012, Mme A... a informé la commune d'Agen qu'elle avait chargé son conseil " d'obtenir la réparation intégrale de son préjudice " à la suite de l'accident du 3 octobre 2018 et qu'elle entendait " saisir la juridiction des référés du tribunal administratif de Bordeaux d'une demande d'expertise médicale, étape indispensable pour obtenir la liquidation de son préjudice ". Ce même courrier invitait également la commune à envisager l'organisation d'une expertise amiable à l'initiative de son assureur, à défaut de quoi il serait procédé à la saisine du juge " dans un délai de trois semaines ". Eu égard aux termes dans lesquels il était rédigé, ce courrier du 6 février 2012 informait simplement la commune d'Agen de l'intention de Mme A... de se soumettre à une expertise en vue du chiffrage ultérieur de son préjudice, et ne saurait en conséquence s'analyser en une demande préalable d'indemnisation susceptible d'avoir fait naître une décision implicite de rejet devenue définitive. Par suite, la commune d'Agen n'est pas fondée à soutenir que sa décision du 10 mars 2020, rejetant la demande préalable indemnitaire présentée par Mme A... le 14 janvier 2020, serait confirmative d'une précédente décision définitive. La fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande doit ainsi être écartée.
En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :
4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit (...) des communes, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la loi précitée : " La prescription est interrompue par : (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. (...) ".
5. S'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de prescription prévu par ces dispositions est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. Il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents.
6. Il résulte de l'instruction qu'à la demande de la SMACL, assureur de la commune d'Agen, Mme A... a été examinée par le Dr B... dont le rapport d'expertise du 24 mai 2012 a fixé au 15 octobre 2009 la date de consolidation des infirmités. Toutefois, dans son rapport du 26 mai 2019, le docteur E..., expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif, a relevé que les traitements reçus par Mme A... entre 2010 et 2013 ont été modifiés et intensifiés et que cette " évolution thérapeutique ne permettait absolument pas de consolider Madame A... le 15 octobre 2009 compte tenu de la dégradation de son état respiratoire nécessitant une majoration des thérapeutiques jusqu'en juin 2013 ". L'expert a ainsi estimé que l'état de santé de Mme A... devait être regardé comme consolidé au 24 juin 2013, date à laquelle cette dernière recevait un " traitement maximal " pour soigner sa pathologie respiratoire. Dans ces conditions, la date de consolidation de l'état de santé de Mme A... doit être fixée au 24 juin 2013, et non au 15 octobre 2009, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges. Il s'ensuit que le délai de prescription quadriennale de la créance invoquée par Mme A... à l'encontre de la commune d'Agen a commencé à courir le 1er janvier 2014 pour expirer, en principe, le 31 décembre 2017.
7. Ainsi qu'il a été dit au point 3, dans son courrier du 6 février 2012 Mme A... a informé la commune d'Agen qu'elle avait chargé son conseil d'obtenir la réparation de ses dommages et de sa décision de saisir le juge des référés du tribunal administratif d'une demande d'expertise. Cette saisine, intervenue dès le 2 novembre 2013, était relative à la créance invoquée par Mme A... à l'encontre de la commune et a eu pour conséquence d'interrompre le délai de la prescription quadriennale en application des dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968. Cette demande d'expertise a été rejetée, pour défaut d'utilité, par une ordonnance n° 1303972 du 6 mars 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, confirmée par une ordonnance n° 14BX01067 de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 18 septembre 2014. Toutefois, le 12 avril 2018, soit dans le nouveau délai de quatre ans qui a commencé à courir le 1er janvier 2015, Mme A... a saisi le juge des référés du tribunal administratif d'une nouvelle demande d'expertise. Par une ordonnance n° 1801477 du 13 novembre 2018, le juge des référés a fait droit à cette demande en relevant que si Mme A... avait déjà été examinée par plusieurs médecins, il ressortait du rapport d'expertise établi le 13 octobre 2016 par le docteur F..., expert près de la Cour d'appel de Pau, que la consolidation de son état de santé ne pouvait être fixée au 15 octobre 2009 et que " les contradictions relevées entre les différents rapports d'expertise, notamment en ce qui concerne la date à laquelle l'état de Mme A... ne pouvait plus être regardé comme imputable à l'accident et les préjudices directement lié à l'accident de service, soulignent que la demande d'expertise sollicitée conserve, dans cette mesure, son utilité ". L'expert désigné par le tribunal ayant remis son rapport le 26 mai 2019, et la prescription ayant de nouveau couru au 1er janvier 2020, la créance invoquée par Mme A... n'était pas prescrite le 14 janvier 2020, date de sa demande préalable indemnitaire adressée à la commune d'Agen. L'exception de prescription quadriennale doit, dès lors, être écartée.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la commune d'Agen :
8. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, du II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984, et les article 37, 40 et 42 du décret du 26 décembre 2003, relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle.
9. Ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique.
10. Ainsi qu'il a été dit, Mme A... a été chargée, le 3 octobre 2008, de vaporiser un traitement insecticide sur les oiseaux naturalisés du musée municipal avant leur transfert vers les réserves de l'établissement. Peu après cette intervention, elle présenté une toux sèche qui s'est aggravée dès le lendemain et a justifié son placement en arrêt-maladie du 6 octobre 2008 au 12 janvier 2009, puis à compter du 23 janvier 2009 pour une asthme extrinsèque. Selon le certificat médical initial du docteur C..., daté du 6 octobre 2008, Mme A... aurait eu " une réaction suite à l'exposition de produits potentiellement toxiques ", tandis qu'un médecin pneumologue consulté le 14 octobre 2008 a diagnostiqué chez elle un " syndrome obstructif réversible ". Quant au rapport d'expertise établi à la demande du juge des référés du tribunal administratif par le docteur E... le 26 mai 2019, il relève que Mme A..., qui n'a " aucun antécédent respiratoire ", a présenté des " symptômes aigus, immédiats dès le contact avec le produit incriminé " et " présente un tableau respiratoire induit par une exposition professionnelle lors de l'application d'un produit antimites sur une collection d'oiseaux, collection antérieurement traitée par de l'arsenic, de la mort-aux-rats et de la naphtaline ". Après avis favorable de la commission de réforme du 18 décembre 2008, Mme A... a bénéficié de la reconnaissance de l'imputabilité au service de son accident du 3 octobre 2008 avant d'être mise à la retraite pour invalidité imputable au service par décision du 9 décembre 2011. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu, par des motifs qui ne sont d'ailleurs pas contestés par l'appelante, que la responsabilité sans faute de la commune d'Agen était engagée à raison des préjudices subis par Mme A... après l'accident du 3 octobre 2008.
11. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports des expertises médicales, que Mme A... a reçu, avant l'intervention du 3 octobre 2008, une combinaison intégrale, un masque ainsi que des lunettes et gants de protection. Elle a procédé à la pulvérisation du produit insecticide sur les oiseaux naturalisés de 9 heures à 12 heures puis de 13 heures 30 à 18 heures, ce qui a nécessité l'usage de cinq bombes d'un aérosol mites et larves de marque Kapo, en étant accompagnée d'une collègue chargée pour sa part de ranger les oiseaux dans une armoire dédiée. Si la commune d'Agen soutient que Mme A... a commis une faute l'exonérant de toute responsabilité dès lors que les inhalations de produits qu'elle a subies doivent conduire à s'interroger sur le port effectif des équipements de sécurité remis, alors que l'autre agent présent dans la salle n'a montré aucun signe d'intoxication, ce seul élément ne permet pas d'établir la faute alléguée de la victime qui a procédé seule aux pulvérisations tout au long de la journée et a déclaré à l'expert désigné par le tribunal avoir " reçu les produits dans la figure " en raison du vent ayant pénétré dans la pièce par une fenêtre laissée ouverte. Dans ces circonstances, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il n'existait pas d'éléments suffisants pour retenir que Mme A... aurait commis une faute à l'origine de son accident et de nature à exonérer la commune d'Agen de sa responsabilité.
En ce qui concerne les préjudices :
S'agissant des préjudices patrimoniaux :
12. Il résulte du rapport d'expertise qu'en raison de sa pathologie respiratoire qui lui a laissé un déficit fonctionnel permanent de 58 %, Mme A... a besoin, depuis le 24 juin 2013, date de consolidation de son état de santé, de l'assistance d'une tierce personne pour le gros ménage et le port de charge à raison de deux heures par semaine, soit huit heures par mois. En retenant un coût horaire de 14 euros correspondant au coût horaire moyen du salaire minimum au cours de la période considérée, le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation du préjudice subi à ce titre par Mme A... en le fixant 14 616 euros pour la période allant du 24 juin 2013 à la date de mise à disposition du jugement attaqué.
13. Par ailleurs, s'agissant des préjudices futurs de la victime non couverts par des prestations de sécurité sociale, il appartient au juge de décider si leur réparation doit prendre la forme du versement d'un capital ou d'une rente selon que l'un ou l'autre de ces modes d'indemnisation assure à la victime la réparation la plus équitable. A ce titre, les premiers juges ont octroyé à Mme A... une rente annuelle, destinée à couvrir ses frais d'assistance d'une tierce personne à raison de deux heures par semaine, d'un montant de 1 624 euros, déduction faite des prestations éventuellement perçues par cette dernière à ce titre, avec revalorisation le 1er avril de chaque année par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Il ne résulte pas de l'instruction que, ce faisant, les premiers juges auraient procédé à une inexacte évaluation du préjudice subi par Mme A....
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :
14. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme A... a souffert d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25% pendant la période du 3 octobre 2008 au 23 janvier 2009 et de 50 % entre le 24 janvier 2009 et le 24 juin 2013. Les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation de ce préjudice en l'évaluant, sur une base de référence de 500 euros par mois en cas d'incapacité totale, à la somme de 13 900 euros.
15. En deuxième lieu, les souffrances endurées par Mme A... ont été évaluées à 4 sur une échelle de 7 par l'expert, en raison " des examens répétés, des lésions initiales, des traitements permanents indispensables et lourds, de l'impact sur le quotidien l'obligeant à s'adapter en permanence ". Les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 7 200 euros.
16. En troisième lieu, Mme A... est atteinte d'un déficit permanent partiel que l'expert a évalué à 58 % en raison, d'une part, de son état pulmonaire caractérisé par une asthénie permanente provoquant des dyspnées au moindre effort, et, d'autre part, de l'anxiété qui en résulte pour l'intéressée âgée de 51 ans au 24 juin 2013, date de consolidation de son état de santé. Les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 120 000 euros, laquelle inclut le préjudice d'agrément subi.
Sur l'appel incident de Mme A... :
En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune d'Agen :
17. Les dispositions de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984, et les article 37, 40 et 42 du décret du 26 décembre 2003, relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales, ne font pas obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité.
18. Il résulte de l'expertise judiciaire que les produits utilisés par Mme A... lors de l'intervention du 3 octobre 2008, à savoir des " aérosols antimites de marque Kapo ", comportaient l'information selon laquelle " l'exposition aux vapeurs de solvants contenus dans la préparation au-delà des limites d'exposition indiquées peut conduire à des effets néfastes pour la santé tels que : l'irritation des muqueuses et du système respiratoire... ". C'est précisément en considération du risque que présentent ces produits que la commune d'Agen a remis à Mme A..., avant l'intervention, une combinaison intégrale, un masque, des lunettes ainsi que des gants de protection, sans qu'aucun élément du dossier ne permette d'estimer que ces équipements auraient été insuffisants ou inadaptés. En outre, il résulte de l'instruction que le local dans lequel les pulvérisations ont été effectuées comportait une fenêtre ouverte au moment de l'opération, comme le reconnaît d'ailleurs Mme A..., ce qui était de nature à éviter la concentration du produit dans la pièce. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la commune aurait été tenue d'organiser à l'attention de Mme A..., préalablement à l'intervention du 3 octobre 2008, une formation particulière au maniement des produits insecticides utilisés.
19. Dans ces conditions, la commune d'Agen n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis de Mme A.... Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les demandes de Mme A... tendant à être indemnisée des pertes de gains professionnels actuels et futurs ainsi que de la perte de chance alléguée d'obtenir une promotion professionnelle.
En ce qui concerne la réévaluation des préjudices sollicitée par Mme A... :
20. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé à
155 716 euros le montant de l'indemnisation due à Mme A..., outre la rente annuelle de
1 624 euros au titre du coût de l'assistance d'une tierce personne.
21. Il résulte de tout ce qui précède que l'appel principal de la commune d'Agen ainsi que l'appel incident de Mme A... doivent être rejetés.
Sur les frais d'instance :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par la commune d'Agen tendant à ce que Mme A..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de la commune d'Agen une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : La requête de la commune d'Agen est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident présentées par Mme A... sont rejetées.
Article 3 : La commune d'Agen versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Agen, à Mme D... A... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 26 février 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Ghislaine Markarian, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
La présidente,
Ghislaine Markarian
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet de Lot-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX02162 2